Chapitre 2

L'air d'été nocturne collait à la peau de Sakura alors qu'elle rentrait dans l'hôpital pour son quart. À peine, avait-elle changé de paire de gants qu'un fil noir apparut dans sa vision périphérique. Une certaine panique grimpa en elle alors qu'elle fixa son regard sur le tissu flottant. Ce sentiment l'étouffant presque lorsque le filament ne disparut pas, contrairement à la dernière fois. Cependant, elle ne put pas s'épancher sur cette émotion, l'infirmière au poste des urgences criant quelques indications à la médecin. Remisant cette distraction, Sakura se concentra sur le cas qui se présentait à elle. Un visage qu'elle avait vu, il y a de cela une semaine, lui rendait un regard souffrant. Ignorant ces prunelles qui criaient pour une dose d'anti-douleurs, la médecin chercha la blessure qui causait cette douleur. Ses yeux inspectèrent son ventre où sa main gauche reposait. Là, imbibé de sang, un annulaire entouré d'un fil noir appuyait tant bien que mal sur l'entaille lui déchirant l'estomac. Instinctivement, les prunelles verdâtres se fermèrent tandis que la gorge de la femme se resserra. Des larmes de rage menaçaient de se former dans ses yeux, mais le gémissement plaintif de l'adolescent la ramena au moment présent. Expirant lentement et doucement, Sakura débuta le processus de réparation des cellules endommagées. Tout le long des soins, elle ne put s'empêcher de rire jaune mentalement en pensant à cette destinée qu'elle avait toujours rejetée qui, du jour au lendemain, pointait le bout de son nez dans sa vie.

La lueur verte qui éclairait le ventre du garçon depuis une trentaine de minutes finit par diminuer d'intensité. Elle n'avait plus qu'à vérifier son état général et Sakura pourrait fuir loin de cet individu qu'elle aurait préféré ne jamais rencontrer. Fixant videment ces paupières qui dissimulaient deux prunelles brunes, Sakura laissa son chakra inspecter les organes autour de l'estomac pour s'assurer qu'aucun dommage n'y avait été fait. Lorsqu'elle n'en trouva aucun, la médecin s'éloigna de la silhouette endormie du garçon pour écrire quelques notes dans un dossier qu'elle déposerait au pied du lit. Ses fins doigts écrivaient vite commandés par un cerveau qui lui donnait l'ordre de s'enfuir de tous les problèmes que cet adolescent représentait. Contrastant durement avec une autre partie d'elle, vicieuse, qui lui murmurait de juste couper ce fil au doigt de Shikamaru comme elle l'avait déjà fait. C'était si simple. Juste un rapprochement de son pouce et de son index et les deux lames trancheraient ce destin imposé. Mordant sa lèvre, Sakura secoua la tête, une frustration envers elle-même grandissant dans son ventre. Elle avait déjà imposé le fait de n'avoir jamais d'âme sœur au garçon et elle voulait maintenant le déposséder de ce filament ? Pourquoi ? Simplement pour se débarrasser du filament inutile ? De qui se moquait-elle ? Si ses doigts tremblaient avec tentation, ce n'était que pour satisfaire ce besoin de ne jamais avoir à, encore, revoir ce tissu qui avait été la cause de ses tourments plus jeune. Son regard se leva sur ce fil emplissant l'espace près du plafond à cause de sa longueur. Elle détestait ce truc d'âme sœur parce qu'elle avait l'impression de n'avoir aucun choix concernant son futur. Pourtant, elle avait envisagé imposer sa propre vision à Shikamaru une deuxième fois. Soupirant, la médecin se remit au travail, non sans accorder un dernier coup d'œil à la forme assoupie de ce Nara lui étant destiné.

Les pas de Sakura résonnaient au rythme de sa nervosité. Elle venait de sortir de la chambre de son avant-dernier patient, l'obligeant à finir sa ronde avec Shikamaru. Ce n'était pas la première fois qu'elle devait affronter un patient qui la mettait mal à l'aise, mais auparavant, ce n'avait été que des personnes lui envoyant des commentaires déplacés. Sauf que Tsunade lui avait donné une formation pour gérer ce genre de cas. Cette fois-ci, la médecin n'avait aucune préparation. De plus, elle était, celle, dans le tort. Toutefois, Sakura pouvait toujours appliquer le conseil, plutôt considéré comme une règle, ultime du milieu médical: garder son sang-froid. Murmurant bassement ce mantra, elle inspira et cogna sur le léger panneau avant d'entrer dans la pièce. Les yeux du garçon se posèrent immédiatement sur sa silhouette. La médecin ignora son regard pour ne fixer que les notes en parlant d'une voix claire à l'adolescent.

-Je vais vérifier que tout guérit bien. Si c'est le cas, je pourrai te laisser partir.

Elle le vit du coin de l'œil hocher de la tête. Délaissant les quelques feuilles sur le bord de la fenêtre, Sakura s'approcha silencieusement du lit. Elle ne sentit aucun regard la suivre, le Nara préférant profiter du temps de repos lui étant fourni. Ses mains brillèrent légèrement au-dessus du ventre du ninja, cherchant quelconque anomalie. Son chakra eut beau inspecter chaque cellule, aucune ne trahissait un problème. Cette nouvelle la rassura, autant parce que cela signifiait que le garçon était en bonne santé, mais également parce que ce résultat voulait dire qu'elle pouvait le renvoyer chez lui et ne pas le revoir lors de son prochain chiffre.

-Tu es suspendu de mission pendant les deux prochaines semaines et tu dois éviter les entraînements trop physiques, mais tu peux partir.

Sakura avait déjà réparé la plupart des dégâts faits. Cependant, elle ne s'occupait pas de la cicatrisation, car elle voulait économiser son chakra et laisser le corps faire son travail. Lui adressant un faible sourire, elle commença à signer la décharge. Captant dans sa vision périphérique le torse nu de Shikamaru, la médecin s'arrêta de compléter les papiers de décharge pour aller chercher un T-Shirt. Elle avait oublié que le sien avait fini aux poubelles. Revenant avec la pièce de tissu, l'adolescente le déposa à côté de la forme assise du garçon. Un endroit où elle plaça, ensuite, le formulaire complété signalant sa sortie. Il n'huma que pour verbaliser sa compréhension, parler prenait trop d'énergie. Une fatigue que la kunoichi ressentait lui gruger les os aussi. On l'avait appelée en avance, transformant son quart de huit en un de douze heures. Ainsi, après avoir salué le ninja, elle s'empressa d'annoncer son départ à l'infirmière en chef.


Deux autres figures du passé revinrent brutalement dans sa vie une semaine plus tard. Encore une fois, la nuit était tombée sur Konoha et encore une fois, les paroles fortes de l'infirmière en chef retentirent, n'attirant que l'attention de Sakura et quelques infirmières. Sakura était la seule médecin de garde ce soir, à cause d'un événement civil auquel presque tous les urgentologues avaient été. Une occasion qui ne l'intéressait pas, encore moins lorsqu'elle savait qu'elle pouvait y croiser ses géniteurs. Pourtant, la vie semblait se moquer d'elle, car les deux personnes qu'elle avait voulu éviter se tenaient au côté d'une civière transportant une enfant. Des cheveux roses ornaient ce visage émaciée et squelettique. Le coeur de Sakura manqua un battement. Un sentiment de terreur la figea un instant à la perspective que ses géniteurs aient fait une autre victime, mais la voix de l'infirmière l'interpellant la ramena sur terre. La vie de la gamine en premier, le tabassage après.

Ses mains pressaient et pressaient ce torse menu. Les côtes qu'elle avait cassées à cause du massage cardiaque pointaient. Elle pouvait entendre le moniteur hurler tandis qu'elle continuait sans espoir d'appuyer. Sakura jeta un regard à l'horloge en levant une main envers une nouvelle infirmière qui était sur le point d'injecter de l'adrénaline. Il était trop tard. Trop de temps avait passé pour ramener la fillette. La médecin retira sa main de la poitrine de l'enfant qu'elle suspectait être sa sœur. Une sœur qu'elle aurait perdu par la malnutrition, son organisme étant allé chercher ses protéines dans le muscle de son cœur la menant à ce stade: morte. Prenant le dossier de la fillette, elle lut ce qui confirma ses doutes. Une colère l'envahit. Cependant, elle la réfréna le temps d'écrire l'état de Keiko, la fillette. Sa main tremblait de fureur tandis que les lettres fatidiques s'inscrivaient sur le papier. Affichant une façade neutre, la médecin rejoignit les parents de la victime. Ils semblèrent se rendre compte de qui elle était pour la première fois, car leurs yeux se fendirent. Elle les ignora, s'arrêtant devant eux comme s'ils étaient n'importe qui.

-Votre fille, Keiko Haruno, est morte à la suite d'un arrêt cardiaque certainement causé par un état de malnutrition sévère. Cependant, elle ne semblait souffrir d'aucune maladie pouvant causer un tel état. Son dossier sera, donc, examiné afin de déterminer si elle souffrait d'abus.

C'était ce qu'elle aurait dû faire, juste porter plainte et laisser Ibiki s'en charger. Toutefois, Sakura n'était pas dupe. Le système shinobi était trop saturé pour se préoccuper d'un cas qui était considéré comme normal dans la société civile. Rien ne changerait qu'ils décident de se battre pour ces filles ayant perdu leur vie face à des critères inatteignables ou non. Si elle voulait vraiment une justice pour toutes ces larmes taries, ces vies arrachées, Sakura devrait appliquer le concept de justice des ninjas.

«Tu ne peux te faire justice que par toi-même.»

Parce qu'il n'y avait personne, lorsque tu serais couvert du sang de tes ennemis, qui te jugerait. C'était leur métier. Détruire, ravager ceux qui osaient se mettre sur leur chemin. Ils avaient été formés pour ne laisser que des coquilles vides de ceux qui attisaient leur fureur. Simplement, cette fois, ce n'étaient pas des ninjas. C'étaient des civils qui lui avaient donné une petite soeur pour retirer la vie de celle-ci en une fraction de seconde, des adultes qui lui avaient donné des années de cauchemar et des géniteurs qui lui avaient donné une enfance torturée. Des abus qu'ils avaient ignorés, savourant d'yeux remplis d'étoiles la finesse de son corps d'enfant, allant jusqu'à rechercher cette même perfection dans une deuxième enfant. Ils avaient gâché une vie et teinté l'autre sans remords et c'était sans remords que Sakura les fixa d'un regard calculateur en stérilisant les deux abuseurs. Il n'avait suffi que d'une main posée sur une épaule pour que plus jamais ces monstres ne sacrifient un enfant pour leurs propres aspirations, que d'un peu trop de chakra pour que leur cœur manquent trois battements et que sa mise en garde soit comprise. Ses yeux verts étaient cloués aux deux visages de ces abuseurs, exprimant ce mantra que ses lèvres ne prononçaient pas.

«Lorsque la justice est incomprise, alors la vengeance apparaît.»

Si elle devait en venir à ce stade, elle le ferait, car elle avait, longtemps, fini de faire dans la délicatesse.


***Merci d'avoir lu !***

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