Chapitre 19

Le soleil était bas dans le ciel quand Sakura se réveilla. Le sang pulsait dans sa tête. Le son se réverbérait fortement contre son crâne. Sa langue était collée à son palais. L'acide envahissait sa bouche assoiffée. Des points noirs dansaient devant ses yeux. Ses doigts tremblants se posèrent sur sa tempe l'élançant. La lumière verte s'échappant de sa main attira l'attention de Shikamaru. La fille sentit les yeux bruns sur elle. La médecin se leva ignorant la douleur traversant sa cuisse.

-Je sais où on peut aller.

Le garçon ne la questionna pas et hocha la tête.

Les murs de briques étaient implacables, inchangés malgré les années. Aucune lumière ne brillait dans cette maison austère, dans cette maison où tout avait commencé.

Les doigts de Sakura fouillaient dans la terre. Quelques amoncellements granuleux se logeaient entre ses phalanges. Les souvenirs remontaient lentement. Combien de fois avait-elle enfoui sa main dans ce pot de fleur pour échapper à la colère de ses parents ? Sa main s'heurta à une pièce dure. La clé familière radia sous les dernières lueurs. Une boule envahit sa gorge sèche tandis que le métal tourna dans la serrure.

Les pas du duo résonnait sur le parquet. Les murs étaient couverts de cadres d'une enfant aux cheveux roses. La première fois que Shikamaru l'entraperçut, il crut que c'était Sakura. Pourtant, les yeux bruns réfutèrent cette impression. Il ne s'attarda que quelques instants sur ce visage maigre enfantin avant de suivre sa coéquipière.

Lorsqu'il franchit le seuil de la cuisine, Sakura s'affairait à débarrer un cadenas. La roulette cliquetait doucement. Il ne posa pas de question sur le pourquoi et le comment. Shikamaru savait déjà.

L'eau coulait agréablement dans sa gorge. Elle détestait revenir dans cette demeure gardienne de toutes ses souffrances. Les souvenirs défilaient devant ses yeux. Ses cris passés remplissaient le silence. Son ventre était noué. Les fantômes du passé l'hantaient. Les paroles strictes, cruelles de ses parents murmurées à ses oreilles la faisaient délirer. Sakura saisit une canne de pois chiches. La paume de son père heurtait la table. Elle entendait sa propre voix pleurer des excuses. L'ouvre-boîte tourna. Une claque résonnait. Sa joue brûlait. Le couvercle de métal se souleva. Des larmes tachaient cette pomme croquée. Les légumineuses heurtèrent l'assiette. Des yeux verts fixaient le vide. Des yeux bruns la fixèrent.

La céramique tremblait entre les mains de Sakura. La chaise racla le sol. Shikamaru se leva pour la ramener sur terre.

Les yeux vacants l'ignorèrent. Son coeur se serra. Pendant un instant, il vit cette enfant aux os saillants ne demandant qu'un sauveur. Pendant un instant, il put presque entendre les pleurs implorants d'une fillette terrorisée.

Le plat se stabilisa entre ses mains. Sakura lui adressa un sourire qui n'atteindrait jamais ses yeux. Il lui sourit en prenant l'assiette.

-Quel repas de chef, se moqua-t-il.

-Il y a toujours de la soupe aux champignons faible en gras, si votre Majesté préfère. Sachez toutefois que celle-ci est peu ragoûtante se comparant en tout point avec les rations de survie.

Un léger rictus ponctua la phrase. Un bas rire échappa au garçon.

-Les pois chiches suffiront à mon palais fin ce soir.

Les respirations régulières de Shikamaru rythmaient les minutes passantes. L'image de sa sœur envahissait toutes ses pensées. Sakura voulait courir vers cette chambre qui l'appelait. Sa cuisse maintenant guérie tremblait. Ils étaient en pleine guerre. Elle ne pouvait pas laisser son collègue assoupi sans surveillance. Cependant, il suffit d'un murmure de la voix imaginée de cette fillette pour que la médecin se retrouva debout au pied de l'escalier.

Les trois minuscules années de vie de Keiko s'étalaient devant les prunelles de Sakura. Une boule s'empara de sa trachée. Des sourires innocents douloureux étaient étampés dans toute la pièce. Des peluches reposaient sur le lit n'espérant que qu'un enfant vienne les mettre au lit. Une larme perla. Une brosse à cheveux poussiéreuse patientait sur la commode. Les tiroirs de cette dernière attendaient assoiffés du toucher de leur propriétaire. Une poupée faisait le pied de grue au bas du lit. Un livre était ouvert. Le temps s'était arrêté dans cette chambre. Un soir, cette pièce avait vu partir Keiko pour ne plus jamais revoir ces cheveux roses et ce sourire. Les larmes coulaient librement sur le visage de Sakura. Un sanglot se coinça dans sa gorge. La fille s'effondra sur le lit immaculé. Le matelas se plia sous le poids de sa tristesse. Elle pleura, une main sur sa bouche pour étouffer les pleurs déchirant son être.

Les yeux brumeux de Shikamaru s'ouvrirent. L'inquiétude ragea dans ses veines quand il nota l'absence de Sakura.

Shikamaru franchit ce sanctuaire figé dans le temps. Son cœur cessa de battre la chamade à la vue de la médecin endormie. Il observa avec mélancolie ces joues teintées de sel.

Elle ne mentionna jamais sa sieste improvisée. Il n'en parla pas. Elle ne retourna jamais dans cette chambre.

La nuit passa. Les bruits de métal contre métal et les cris se turent. Dès que le soleil fut haut dans le ciel, ils se décidèrent à rejoindre le point de rendez-vous prédéterminé.

Ils traversèrent les rues parsemées de corps explosés. Les bâtiments avaient pris une teinte rouge écoeurante. Un parfum de décomposition flottait. Leurs pas crissaient sur les toits. Ils avançaient dans ce village qui s'était transformé en fosse à ciel ouvert.

La porte du bâtiment claqua derrière le duo. Quelques têtes se relevèrent. Une blonde aux yeux bleus se leva précipitamment vers Shikamaru. Elle se recula d'un mouvement soudain dès que son nez fin se redressa en dégoût.

-Je suis contente de te voir, Shika, mais tu sens dégueulasse.

-Est-ce que Chouji va bien ?

Ino hocha la tête en pointant un coin où plusieurs adolescents se tenaient. Sakura n'écoutait que d'une oreille, pas que ce ne la concerna de toute façon. Ses yeux cherchaient avec désespoir les visages de Genma, de Yugao et d'Hayate.

-Est-ce que tu aurais entendu parler de Genma, de Yugao ou d'Hayate ? demanda la médecin à la Yamanaka.

Cette dernière secoua la tête avec un air contrit.

-Ok, murmura Sakura.

L'inquiétude bouillait à feu doux dans son ventre, mais elle savait que ce n'était pas le bon moment pour laisser son esprit tergiverser vers ces possibilités effrayantes.

-Tu peux nous joindre si tu veux, lui proposa Shikamaru.

Elle secoua sa caboche. Des brûlures, des coupures affluaient sur les corps des ninjas les entourant. Déjà, les regards plein d'espoir se tournaient vers sa personne.

Sakura avait traité la plupart des ninjas lorsque la malchance descendit de son piédestal pour s'abattre sur elle.

Des yeux anxieux l'observaient. La sueur dégoulinait sur ce front pâle. Il lui suffit de quelques secondes pour trouver ce qui clochait. Un sacre s'échappa de sa bouche.

-Quel groupe sanguin, ton ami ?

-AB+.

-Va me chercher le Nara, ordonna-t-elle à l'ami de son patient actuel.

Les prunelles brunes apeurées de son actuel patient suivirent la forme disparaissante. La peur se transforma en terreur quand les mains de Sakura se posèrent sur ses carotides.

-Ça va aller, la médecin lui promit-elle.

Le corps devint flasque. La fille compta quelques secondes avant de libérer les vaisseaux s'arc-boutant sous son toucher. Un anesthésiant parcourut les veines de l'homme inconscient. Des pas derrière elle détournèrent son attention de l'ensemble de transfusion.

-Sakura ?

-Assieds-toi.

La fille attacha ses cheveux tout en se détournant du corps pâle.

-Je peux prendre de ton sang ? Il fait une hémorragie interne, dit-elle en pointant l'homme au sol.

Shikamaru acquiesça.

-Relations sexuelles depuis ta transplantation ? Ou un contact d'une plaie avec le sang d'autrui ?

Il rougit en donnant une réponse négative. Elle ne perdit pas de temps à plus papoter. Le garçon eut à peine le temps de sentir le contact du tampon d'alcool sur sa peau qu'une aiguille transperçait sa peau.

Son scalpel de chakra tranchait à travers la peau molle du ventre. Le sang suintait se mélangeant à la fine transpiration décorant la chair. Les tissus cédaient sous la lame du bistouri vert. Sa main stérilisée plongeait dans cet amas spongieux réparant les vaisseaux sanguins ayant cédé sous la pression d'un coup. Elle ignorait que les ninjas autour la regardaient retenant leur souffle, effrayés que la faucille de la faucheuse s'abatte si un seul torse se soulevait.

La lumière verte s'éteignit. Ils lâchèrent leur respiration. Un corps fut pris de convulsions. Une lame imaginaire tomba.

Le pied du corps convulsant heurta le sac se remplissant lentement. Le sang se déversa se perdant dans la mare sanguine du mort.

Ses mains ensanglantées reposèrent à ses côtés. Ses paupières tombèrent en défaite. Sakura voulait dormir jusqu'à oublier cette fatigue émotionnelle qui l'habitait tous les jours. Elle voulait dormir jusqu'à oublier qui elle était. Elle n'en fit rien. Elle ouvrit les yeux, se nettoya et soigna ceux qui en avaient encore besoin.

Elle ignora les murmures et les yeux fuyants. Elle ignora la pitié de tous. Elle ignora ces prunelles horrifiées imprimées sur ses rétines.

Son crâne acccota contre le mur. Ses cheveux roses s'écrasèrent. Ses épaules se courbèrent. Un corps s'évacha à côté du sien. Une odeur de tabac chatouilla ses narines. Son corps la pesait. Ce même vieux sentiment usé de fatigue la bordait. Une douleur douce la rongeait. Son torse se comprimait tentant de libérer cette émotion obstruant sa cage thoracique. Son cœur était dévoré de larmes pulsant avec difficulté. Un soupir fatigué franchit ses lèvres. Des lèvres sur lesquelles une multitude de cris silencieux s'étaient échoués. Elle ferma les yeux en laissant tomber sa tête sur l'épaule du garçon. Sakura brûlait vive. Cette souffrance sourde la consumait à petit feu.

La tête de Sakura s'écrasa sur son chandail. Le garçon ne dit rien. Il attendit que les mots puissent se faufiler hors de la bouche de la fille. Il attendit que la lumière revienne à ces yeux perdus dans leur mer de désespoir.

Plusieurs heures s'écoulèrent avant que les syllabes ne s'échappent finalement de ces lèvres geôlières de secrets douloureux. Deux syllabes qui arrachèrent un rire sec à Shikamaru.

Les pions s'affrontaient. Ils frôlaient les carreaux menaçant sournoisement l'ennemi. Un des soldats proclama détenir la victoire. Les tuiles ennemies tombèrent à genoux devant les paroles de ce soldat attendant le coup de grâce de cette dame aux prunelles profondes. Au loin, le roi glissa sur le sang de ses propres troupes. Il rampa dans cette boue sanguinolente tentant d'atteindre cette dame hypnotisante. Elle lui adressa un sourire mélancolique. Il s'agenouilla sous le regard de cette dame triste. Il s'agenouilla en dessous de ses mains imprimées de violence. Il s'agenouilla aux genoux sanglants de cette dame ayant conquis tout ce qu'il possédait. 

***Je ne connais pas grand-chose au monde médical. Ne prenez pas ce que j'écris pour de l'information valable. Je me base sur mes cours de sciences d'il y a deux ans. ^^'

Merci encore d'avoir lu et bonne journée !***

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top