Chapitre 12
Harui tenait comme elle pouvait sa boîte en carton dans ses mains. Un mois s'était écoulé depuis que Sakura l'avait accueillie et elle ne pouvait plus rester dans l'aile d'urgence pédopsychiatrique. Cette dernière représentait une petite partie du bâtiment, le reste de la bâtisse servant d'orphelinat en quelque sorte. Konoha ne possédait pas d'orphelinat officiel, laissant les orphelins errer dans les rues. Un infime amont des fonds publics leur revenaient, mais ce ne suffisait qu'à leur mettre quelque chose sous la dent. La situation était désolante et frustrante. Les ninjas et civils ne se mélangeaient pas, mais les shinobis auraient dû agir. Des enfants mouraient, bordel.
Des étoiles brillaient dans les yeux bruns d'Harui tandis qu'elle tenait la veilleuse bleue que Sakura lui avait donnée. Son sourire illuminait la pièce. Pour un instant, une jalousie vicieuse grimpa dans la gorge de la médecin. Elle enviait ces yeux innocents. Elle aurait voulu avoir encore cette pureté à cet âge. Elle aurait aimé que quelqu'un la sauve. Personne n'était venu. Sakura s'était sauvée elle-même recollant les morceaux de son esprit en entaillant ses mains sur les têts. Et maintenant, elle sauverait ces enfants avec ces mains scarifiées, peu importe combien de fois son esprit exploserait en mille morceaux.
Sakura serra la main d'Harui tandis qu'elles s'approchèrent des nouveaux enfants. L'académie ombrageait la peur sur le visage de la petite fille. De tout l'institut, comprenant maintenant quinze enfants, elle avait été la seule à vouloir et à pouvoir s'engager dans l'académie ninja. Quelques chuchotements se firent entendre quand les enfants aperçurent Sakura. Cette dernière les ignora pour se concentrer sur ces yeux bruns terrifiés. Une larme menaçait de s'en échapper. Elle s'écoula alors que la cloche sonna. Sakura lui offrit un sourire en la poussant vers Iruka, l'homme attendant ses nouveaux élèves. Elle savait qu'Harui s'adapterait facilement.
Le vent soufflait dans les cheveux de Sakura. Ses pas frappaient fermement les pavés de la route. Ses mains trituraient nerveusement la poche de son pantalon. Elle savait qu'Harui s'en sortirait. Cela n'empêchait pas l'angoisse de lui serrer la gorge.
Ce sentiment s'évanouit dès qu'elle entendit son nom être crié. Une froideur professionnelle remplaça tout ce qu'elle avait pu arborer précédemment à la vue de Shikamaru livide sur le dos de Chouji. Les yeux bruns fixaient le vide, semblant voir des choses que personne d'autre ne pouvait voir. La sueur s'accumulait sur son front et ses avant-bras comme une fine rosée. Les prunelles vertes analysèrent quelques instants l'état de leur camarade avant que Sakura ne s'élance vers l'Akimichi.
Le chakra vert parcourait chaque cellule dans une tentative d'identifier les constituants de la toxine circulant dans le système de l'adolescent. Une infirmière perçait la chair de la main de Shikamaru cherchant à anesthésier la douleur qui emplissait le corps du Nara. Le bruit du tape médical se déroulant résonna au milieu du chaos de l'urgence. Sakura avait beau chercher, le poison lui était inconnu.
-Un bol d'eau distillée, ordonna calmement la médecin à quiconque l'entendrait.
Du coin de l'œil, la jounin vit une infirmière partir en quête de la ressource.
-Aiko, maintiens ses épaules. Ino, ses jambes.
Le bruit des ciseaux tranchant le chandail de Shikamaru suivit ses paroles.
-Sakura-san, la salle d'opération 8 est libre, cria quelqu'un.
Les voix se mélangeaient. Ce importait peu qui parlait à Sakura, la vie de son patient était plus importante et elle savait qu'elle pouvait lui glisser entre les doigts durant le lapse de temps du transfert. Le cœur de Shikamaru battait à un rythme irrégulier, menaçant de plonger dans des abysses inatteignables. Le bol d'eau entra dans sa vision périphérique et le choix de Sakura fut fait. Elle ne laisserait pas ces iris bruns ne jamais revoir les nuages. La médecin s'installa à califourchon sur l'os pelvien de l'adolescent, ignorant les regards outrés. Aurait-ce été un inconnu, peut-être qu'elle ne le se serait pas permis, mais c'était Shikamaru. Shikamaru qui l'avait trouvée dans une flaque de vomi et de verre, en boule détrempée, elle doutait vraiment qu'il se soucie d'une méthode aussi informelle.
Les yeux de Sakura étaient fermés. Ses sens étaient concentrés seulement sur l'eau entrant et sortant du corps du jounin, ignorant tous les murs blancs qu'ils passaient. Un infirmier tenant un bol courait au niveau de la médecin, attendant de récupérer l'eau usée. À chaque déversement, l'eau menaçait de déborder du contenant. C'était loin d'être optimum. C'était même scandalisant, mais c'était ce qu'il fallait pour sauver le garçon.
Une demi-heure passa. Les bols s'empilèrent. Le chakra diminua. La fatigue augmenta. Sa détermination augmenta.
L'eau s'éclaircit. Un souffle s'échappa. Des yeux bruns s'ouvrirent brièvement. Un sourire passa.
Et, une machine hurla. Un corps convulsa. Un sourire se figea.
La panique grimpa lentement, mais sûrement chez Sakura. Son chakra caressait un cœur affaibli, renonçant à son travail. Une infirmière pressait vainement sur le torse. La médecin cria pour de l'épinéphrine. La substance heurta le chakra médical, les deux sollicitant de pair l'organe. Pendant un instant, il ne se passa rien. Pourtant, une seconde plus tard, le bruit de succion reprit faiblement. Un soupir franchit presque les lèvres de Sakura. Il resta coincé lorsqu'une désagréable caresse titilla son chakra. Un rire ironique lui échappa presque. Bien sûr que les cigarettes signeraient sa fin et non un vulgaire poison.
Sakura s'épuisa à reconstruire comme elle pouvait les parois du foie abîmé de Shikamaru. Elle savait que ce n'était qu'une solution temporaire. Bientôt, les cellules générées par son chakra se décolleraient et il serait encore en insuffisance hépatique. Il lui fallait une transplantation de vitesse s'il voulait avoir une chance de survivre. Si seulement le tabac n'avait pas affecté son foie, il ne se serait pas retrouvé dans cette situation, mais il avait fait son choix. Elle ne pouvait qu'espérer que la morgue contienne un foie compatible.
Sakura retira ses gants sous les regards désabusés de son équipe. Les transplantations étaient rares dans le monde shinobi. Tu n'avais pas le temps sur un champ de bataille de faire ce genre de procédure, résultant en un système peu développé de ce côté. Le nombre de donneurs aussi était infime. Les corps des shinobis n'étaient pas récupérés en dehors des villages. La majorité du temps, nécessiter une transplantation signait un arrêt de mort. Ils le savaient, elle le savait, mais elle n'abandonnerait pas avant d'avoir fait un tour à la morgue.
-Je vais être à la morgue, envoyez les échantillons du poison à Shizune, ordonna-t-elle en quittant la pièce.
Les portes claquèrent.
Des visages graves l'attendaient dans la salle d'attente. Une fatigue pesa sur ses épaules dès qu'elle vit Yoshino, Ino et Chouji. Elle aurait aimé pouvoir leur dire que Shikamaru s'en sortirait. La réalité était que même si elle trouvait un foie compatible, il faudrait que son corps l'accepte et sorte du coma artificiel dans lequel elle le mettrait. Ce fut ce qu'elle leur expliqua. Ino pleura. Chouji la réconforta en cachant ses propres larmes dans sa chevelure blonde. Seule Yoshino garda ses yeux secs. Sakura vit le regard lointain de la matriarche et elle sut que seulement le choc de la nouvelle maintenait ses joues dépourvues de larmes.
-Vous devriez pouvoir le voir dans quelques heures. Une infirmière viendra vous voir, dit-elle faiblement.
La Nara hocha la tête, perdue dans ses pensées. Sakura s'excusa en marchant vers la pièce froide de l'hôpital. Des yeux bleus suivirent sa forme fatiguée.
Une femme faisait dos à Sakura. Le bruit de la porte se refermant attira l'attention de la médic-nin.
-Hey, Hana.
L'Inuzuka lui jeta un coup d'œil avant de retourner à la pesée d'une rate.
-Sakura, quel honneur, se moqua légèrement l'Inuzuka.
Elles se connaissaient par Yugao et par leur travail, bien qu'elles ne se croisent pas souvent.
-Tu aurais un AB+ ?
La médecin fit tourner son siège pour observer Sakura.
-Tu as besoin de quoi ? demanda la brunette en farfouillant dans ses dossiers, ayant retiré ses gants au préalable.
-Un foie pour le garçon Nara.
Sakura vit Hana secouer la tête.
-Kiba est de sa cohorte. Il va être dévasté.
Le bruit d'Hana cherchant dans ses feuilles emplit la pièce, le duo n'échangeant plus un mot.
-Je n'ai rien, désolée.
La jounin passa une main sur son visage de dépit.
-Je te préviendrai si j'ai quelqu'un.
Il serait probablement trop tard, elles le savaient, mais elles ne le dirent pas.
-Merci, Hana.
Une fois que les portes se furent refermées derrière Sakura, un long soupir échappa à Hana. Elle ne pouvait pas imaginer comment elle se sentirait si son petit frère était à la place de Shikamaru.
Même quand du sang tachait sa joue, que ses cheveux sentaient la mort et que sa veste blanche frappaient ses cuisses, Harui sourit de toutes ses dents en voyant qu'elle avait tenu sa promesse et malgré sa journée de merde, Sakura lui rendit parce qu'elle ne teinterait pas cette innocence avec ses ongles incrustés de chair sanguinolente.
Lorsque le duo traversa la cour remplie de parents et de leurs enfants, Sakura ne cessa jamais de sourire à Harui, ignorant comment les yeux des adultes se remplirent de pitié.
Elle venait de sortir de l'institut quand Inoichi l'approcha.
-J'ai trouvé un donneur.
Sakura souleva un sourcil. Il n'ajouta rien, empoignant seulement son bras.
Ibiki les devançait, les orientant dans le dédale de couloirs des prisons souterraines de Konoha. Des cris hantaient leur parcours. Sakura savait ce qu'Inoichi voulait faire. Elle n'était juste pas sûre d'être prête à le faire, elle.
Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle lisait le dossier médical de l'homme. C'était le candidat idéal, Inoichi s'en étant probablement déjà assuré avant de l'amener. Un goût de bile remonta dans sa bouche. Elle était une kunoichi. Elle avait tué, torturé.. Son compas moral était une multitude de nuances de gris. Pourtant, observant ces cheveux blancs bleutés, elle ne put s'empêcher de penser que c'était si pervers. Toutefois, au fond, elle savait qu'elle le ferait parce qu'elle était une ninja de Konoha et entre la vie d'un traître et d'un loyal shinobi, elle devait choisir la vie de ce dernier. La partie d'elle médecin hurlait à l'abomination parce qu'une vie était une vie et qui était-elle pour déterminer laquelle valait plus ? Mais Sakura Haruno était avant tout une ninja. Alors, elle ravala la bile lui montant dans la gorge et offrit un hochement de tête à Inoichi.
Sakura appuya sur ses carotides, il ne pouvait rien faire. Ibiki et Inoichi l'immobilisait. Pendant un instant, la jounin eut pitié du chuunin. Il n'était plus un humain, il n'était que de la bonne chair pour un autre.
Ils ne passèrent pas par Hana. Seulement Ibiki, Inoichi, Tsunade et elle devaient rester au courant. Moins de personnes étaient au courant de la pourriture rongeant Konoha, mieux le village se tenait. Sakura ouvrit elle-même le corps encore chaud. Le foie pesa lourd dans sa main comme sa conscience. Du sang tacha ses gants et sa veste. De la bile remonta dans sa bouche.
Ibiki brûla le corps. Les yeux verts semblèrent fixer Sakura, remplis d'un jugement éternel.
Le scalpel trancha dans la peau de Shikamaru. La médecin ne put pas ne pas passer à côté du parallèle ironique de la situation. Un rictus désabusé couvrit ses lèvres. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour un verre.
Son chakra referma doucement la plaie tandis qu'elle donnait des instructions à son équipe. Elle voulait fuir loin, si loin que même Tobirama n'aurait pas pu sentir son chakra.
Le soulagement qui traversa les visages d'Ino, Chouji, Yoshino et Shikaku lui donna envie de vomir. De l'acide emplit sa bouche. Sa langue luttait pour sortir les mots. Ses cordes vocales étaient comme du papier de verre. Elle voulait juste fuir jusqu'à ce que la faucheuse vienne la chercher.
L'eau coulait sur son corps, tentant vainement de laver l'odeur de mort de son corps. Pourtant, à chaque inspiration, la senteur putride envahissait ses narines. Elle n'était pas sûre qu'un jour, elle puisse se débarrasser de l'odeur.
Ses mains étaient teintées d'un sang qui ne partait pas, malgré son frottement. La peau rouge piquait sous le jet d'eau. Ce ne l'arrêta pas. Elle continua jusqu'à ce qu'elle frissonna sous l'eau froide.
Son pyjama embaumait la mort et le sang. Ses rêves puaient la mort et le sang. Shikamaru sentait la mort et le sang.
***Je n'ai pas du tout corrigé, je vais le faire demain. Je suis trop fatiguée pour le faire maintenant. J'espère que vous avez apprécié. Merci encore d'avoir lu !***
***C'est la version corrigée.***
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