Chapitre 11
Le bâtiment de santé mentale pour enfants faisait face à Sakura. La structure construite par Yamato était recouverte d'un doux vert forêt, courtoisie de Naruto. Il fallait bien que ses années de vandalisme servent à quelque chose après tout. Le garçon s'y était attelé dès que Yamato eut fini, trois semaines après leur retour de leur mission à Suna. Une émotion de fierté grimpa en Sakura à la vue de tous les efforts qui avaient été mis dans son projet. Une boule remplit sa gorge. Ces murs protégeraient bientôt des enfants que la vie n'avait pas choyés. Une larme roula sur la joue de la médecin. Elle aurait simplement aimé que sa sœur puisse en bénéficier.
Quelques volontaires se présentèrent à elle lorsqu'elle proposa une formation pour aider dans l'institution. Le nouveau département avait cruellement besoin de main d'œuvre. Sakura ne demandait pas que les intéressés possèdent quelconque formation médicale, car elle s'occuperait de la partie physique. Elle avait besoin de personnes qui seraient prêtes à écouter à journée longue les cris d'un enfant brisé, les pleurs d'un bébé traumatisé et les insultes d'un adolescent en ayant trop vécu.
La voix de Sakura s'éleva, nommant toutes les difficultés que ce travail amènerait. La moitié du groupe quitta, terrifiée par l'hardiesse d'un esprit brisé. Elle s'y attendait et comprenait. Elle avait elle-même peur des fragments qui constituaient son esprit. Toutefois, une déception l'emplit quand même. Le sentiment se fit rapidement chasser par la surprise. Au milieu des visages inconnus, une bouche tordue dans une mimique de lassitude tenait une cigarette. Il hocha la tête dans sa direction. Sakura se sentait mitigée à le voir ainsi s'impliquer dans son projet. Puis, elle se rappela tous ces enfants souffrant, ne désirant que des mains chaleureuses pour les mettre au lit. Il n'était qu'un volontaire voulant montrer son désaccord avec la société actuelle. Honnêtement, elle lui était reconnaissante qu'il ne se cache pas les yeux comme plusieurs avaient fait. Elle n'était juste pas sûre qu'elle pouvait passer outre le blâme qu'elle lui avait si longtemps fait porter. Pas encore. Elle guérirait au rythme de ces enfants qu'elle secourait et peut-être que son cœur pourrait ravaler sa rancœur à son égard. Sakura lui adressa un petit sourire reconnaissant, ravalant les larmes lui montant aux yeux en voyant tout le chemin de guérison lui restant à parcourir.
Shikamaru vit les perles émeraudes briller. Il inspira une bouffée, savourant la fumée longeant sa trachée. Peut-être que venir avait été une erreur, peut-être qu'il avait dépassé les bornes de leur relation fragile. Il oubliait souvent qu'ils étaient âme-soeurs et que ce statut le diabolisait aux yeux de l'adolescente. Pourtant, lorsque les lèvres fines de la médecin se soulevèrent en remerciement, tous ses questionnements s'évaporèrent. S'il suscitait un tel sourire de sa part, le Nara avait fait le bon choix.
Ce soir-là, quand Genma, Hayate et Yugao la sortirent dans un bar, elle ne mit pas de fond de teint sur ses cuisses, laissant ses vergetures s'exposer au clair de lune. Ce pouvait sembler futile, ridicule même, mais pour Sakura, c'était des années d'insécurité exposées aux yeux curieux de tous. Surtout, c'était un pas tremblant de plus sur le chemin de la guérison.
Yugao remarqua l'apparition soudaine des vergetures blanches. Elle ne posa pas de question. Elle devinait que Sakura avait ses raisons personnelles.
-La robe te va vraiment bien, commenta l'ANBU.
L'adolescente lui retourna un sourire brillant de mille-feux tandis que Genma ouvrait la bouche pour faire observer que c'était la même que la dernière fois. La main de Yugao sur sa bouche l'en empêcha et Dieu merci, car Sakura l'aurait massacré.
Sakura sirotait un gin tonic en écoutant Genma se plaindre de s'être attiré les mauvaises grâces de la Godaime. Il avait enchaîné le gardiennage de genins dont les senseis étaient coincés à l'hôpital pour le plus grand plaisir de ses anciens coéquipiers.
-D'ailleurs, Kakashi m'a dit que tu avais enduré ses deux adorables genins lors d'une mission, dit le ninja au senbon.
Sakura avala une gorgée pour se donner le courage d'affronter les réactions de ses amis face aux détails de la mission.
-Ouais et je suis bien contente de ne pas avoir à les endurer tous les jours. Je ne sais pas comment Kakashi fait.
-Je plains ses genins, perso, ajouta Hayate.
Sakura ricana.
-Une rumeur circulait aussi comme quoi la sœur du Kazekage avait été gravement blessée.
Une autre gorgée.
-Ouais, répondit la concernée.
-Tu sembles vachement évasive. Quelque chose à nous cacher, Pinky ?
Le sourire que Genma lui adressa n'avait rien de rassurant.
-Nooon, à part le fait que je sois peut-être morte pour ressusciter Temari.
Le silence les entoura suite à cette bombe avant que l'air ne soit saturé d'insultes envers sa folie. Sakura essaya de s'éclipser furtivement. Yugao vit son manège et l'attrapa par le col.
-Où crois-tu aller, jeune fille ?!
-Je dois me lever tôt demain. Je dois préparer les chambres pour les enfants. À plus !
L'adolescente disparut dans un tourbillon de pétales de cerise. Un grognement de désespoir franchit les lèvres de l'ANBU.
Les draps claquaient sur les matelas. Les crissements des meubles déplacés meublaient le silence. Les pas tapaient le sol en bois. Sakura avait passé la matinée à étudier les fiches de santé des enfants qu'elle accueillerait bientôt. Une angoisse lui prenait l'estomac. Elle était terrifiée de tout rater, de décevoir ceux qui avaient cru en elle. La médecin se força à prendre une inspiration. Elle ferait de son mieux, ce serait toujours mieux que ce que les parents de ses enfants faisaient.
Cinq gamins se tenaient dans l'embrasure de la porte. Quatre filles et un garçon. La dénutrition se voyait dans leur corps fragile. Sakura pouvait presque voir sa version passée dans leur maigreur. Elle refoula les souvenirs qui menaçaient de l'engloutir et leur offrit un sourire. La kunoichi n'avait que cinq ans de plus que la plus vieille des enfants. Pourtant, on aurait dit qu'une décennie les séparait tant elle était chétive. Son cœur se serra pour eux. Ils ne méritaient pas que leurs yeux soient aussi vides de vie. Elle espéra qu'elle puisse les tirer de ce puits où ils sombraient.
La nuit tombait. Les cartes s'empilaient. Les sourcils se fronçaient. Sakura joua un trois bleu au grand désarroi de la fillette de six ans, Harui. Celle-ci accusa la médecin de vouloir juste la faire perdre. Sakura lui tira la langue en réponse.
-Je le savais ! Tu ne fais...
-Joue au lieu de geindre, la conseilla la plus vieille, Kana.
Elles n'étaient que toutes les trois, attablées autour d'une partie d'Uno. Les trois autres étaient déjà partis se coucher en raison de leur jeune âge.
-Je pense quand même...
Le reste devint un marmonnement auquel Sakura ne prêta pas attention.
-Est-ce que je pourrai me peser demain, Sakura-san ?
Le ton de Kana était sérieux. La médecin secoua doucement la tête.
-Pourquoi ?!
-Parce que je vous pèse le jeudi.
Les joues de Kana se remplirent d'air. Les prunelles brûlantes se plantèrent dans celles calmes de la médecin. Voyant qu'elle n'obtiendrait pas ce qu'elle voulait, la pré-adolescente se leva en jetant ses cartes sur la table. La chaise racla le sol avant de tomber à la renverse. Une porte claqua au loin peu de temps après. La gorge de Sakura se serra parce qu'elle savait ce que c'était. Elle savait que Kana pleurerait jusqu'à s'endormir, hantée par l'idée de prendre du poids et de ne pas le savoir. La jonin ne laissa rien transparaître, ramassant les cartes comme si elle n'avait pas de difficulté à remplir ses poumons d'air.
La veilleuse projetait sa lumière bleue sur le plafond blanc crème. Les étoiles bleues projetées par la veilleuse décoraient la chambre. Harui les regardait, fascinée.
-Bonne nuit, Harui.
La voix de Sakura ramena la fillette au présent.
-Tu vas rester jusqu'à ce que je m'endorme ?
La médecin acquiesça en se laissant glisser au mur. Elle offrit un sourire à l'enfant avant de fermer ses yeux. La journée avait été éprouvante pour tous. Sakura avait hâte de rejoindre son lit et de se fondre dans les bras de Morphée.
Une trentaine de minutes plus tard, les ronflements de la gamine remplissaient la pièce et Sakura se levait pour rentrer chez elle.
Les jours passèrent, chacun amenant avec lui des cris ou des pleurs. Pourtant, quand les enfants lui souriaient, le monde s'effaçait pour qu'elle puisse chérir ces mimiques si pures. Dans ces moments, elle ne regrettait pas toutes les larmes qu'elle pleurait face à la difficulté des souvenirs que les gamins lui apportaient.
La pluie glissait entre les lettres gravées sur la tombe. Sakura avait l'impression qu'une éternité s'était écoulée depuis que le petit corps de sa sœur avait été enfoui sous toute cette terre. Toutefois, elle savait que seulement six mois avaient passé depuis que le cœur de Keiko avait cessé de battre sous ses doigts. Six longs mois au cours desquels elle n'avait pas visité sa sœur une seule fois. Peut-être par manque de temps ou parce qu'elle ne se sentait pas digne de revenir, pas quand elle avait remis sa promesse tant de fois en jeu. Les larmes qu'elle avait retenues ces deux dernières semaines serpentèrent sur son visage déformé dans une grimace de souffrance. La boue tachait les fesses de son pantalon. Le froid rougissait la pointe de son nez. Elle se sentait misérable de se présenter ainsi face à cette sœur à laquelle elle avait promis d'être brave. Les larmes redoublèrent. Elle n'avait que menti. Elle n'était pas sûre qu'elle soit un jour assez courageuse pour finir d'entreprendre sa guérison. Elle s'affala, front contre sol et pria pour que Keiko puisse, un jour, la pardonner.
La pluie s'infiltra dans ses vêtements. Le vent secoua ses os. Ses larmes se mêlèrent aux gouttes de pluie. Elle avait envie de crier son mal-être. La douleur la rongeait, la dévorait tellement à ce moment précis qu'elle était sur le bord de s'étouffer. C'était si injuste qu'elle soit pliée de douleur alors que d'autres vivaient sans avoir une once d'idée ce que c'était d'avoir à prier le soir pour ne plus jamais avoir à se réveiller. Ce n'était pas le soir et elle ne pria pas, mais elle espéra que la noirceur l'avale à tout jamais.
Une main se posa sur son épaule. Ses prunelles s'ouvrirent lentement pour rencontrer des yeux bruns concernés l'observant. La morsure du froid la faisait grelotter doucement. Elle devina que ses lèvres devaient probablement être bleues. Sakura essaya tant bien que mal de se mettre debout, mais ses jambes ankylosées refusèrent de coopérer. Shikamaru lui tendit la main. Elle l'ignora dans un premier temps avant de finalement l'accepter. Ses doigts glacés s'agrippèrent à la chair chaude. Si le contact froid le dérangea, le garçon n'en dit rien. Il l'observa quelques instants.
-Tu as pleuré.
Un petit rire échappa à Sakura, car c'était si impromptu.
-Pas un génie, pour rien.
Il leva les yeux au ciel en s'allumant une cigarette, les nuages ayant cessé de déverser leurs pleurs.
-Comment se sont passées tes deux premières semaines ?
Sakura songea à la réponse qu'elle devait lui donner. Elle opta pour la vérité. Elle opta pour faire un autre pas sur le chemin de la guérison parce que son coeur battait toujours et que, visiblement, Dieu ne l'aiderait pas à le faire cesser de battre, parce qu'elle n'était pas assez brave pour affronter la déception que Keiko aurait à son égard quand le sang ne circulerait plus dans ses veines.
-Elles ont été dures. Toi ?
Il inspira du tabac.
-Intéressantes.
Il sembla hésitant, peu sûr de s'il devait prononcer ce qu'il avait en tête. Sakura haussa les épaules. Elle était trop épuisée pour se soucier qu'il heurte ses sentiments.
-Après avoir vu les enfants, j'ai réalisé que l'impact était plus grand que ce que j'avais imaginé. Je me demandais juste comment ceux qui avaient survécu avaient fait pour s'en sortir.
Oh.
-On ne s'en sort pas.
Le silence les encombra. Sakura se tourna vers le garçon. Un air calme couvrait ses traits. L'adolescente laissa les prochains mots lui échapper, mais elle ne put pas s'en vouloir, car ils tourbillonnaient depuis si longtemps dans son esprit que ce faisait du bien d'enfin les laisser sortir.
-Des fois, j'aurais aimé qu'on me sauve, plutôt qu'on me laisse seule à tenter d'arrêter mon hémorragie avec des pansements.
Shikamaru la vit disparaître dans un shunshin avec un bonne nuit, mais son cerveau l'enregistra à peine. Son esprit était concentré sur la confession qu'elle venait d'admettre. Il était absorbé par la simple phrase qu'elle venait de prononcer. Son ton n'avait rien laissé paraître, mais ses mots avaient été empreints d'une douleur si vieille qu'il douta qu'il ait débuté l'académie quand elle avait commencé. Il ne comprenait pas pourquoi elle lui livrait ces aveux et il ne comprenait pas pourquoi ces mots l'attristaient autant, mais il était déterminé à panser cette reine qui teintait le plateau de son sang. Il espérait juste qu'elle le laisserait faire plutôt que de laisser le sang s'accumuler aux chevilles de son roi.
***Plus long, youhou ! Je me suis rendue compte que j'écrivais mieux sans stress, donc j'essaierai de me mettre moins de pression pour le rythme de publication. J'espère que vous comprendrez même si mon rythme est chiant. Merci encore d'avoir lu !***
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