Chapitre 4
Blanche ne comprenait pas pourquoi elle s'obstinait tant à suivre cette voix... Si c'était un psychopathe ? Non, elle ne pensait pas qu'un homme ou une femme se serait glissé dans le lycée ou dans son esprit. Elle sentait des frissons sur tout son corps. Sa main, posée sur son téléphone sur le mode : lampe torche, tremblait comme une feuille. Elle ne portait qu'un simple pull. Cela ne l'empêchait pas d'avoir froid avec ce vent glacial.
Ça y était. Elle avait dépassé les trente minutes et les trois allées que Catalina lui avait indiquées. Enfin elle parvenait à déboucher sur une longue rue déserte. Les dalles en pierres indiquaient qu'elles devaient dater du XVIIIe siècle. Ceci ne la rassurait pas du tout. Pourquoi j'agis toujours sans réfléchir ? se réprimanda-t-elle intérieurement. Mais après tout ce chemin, elle s'engouffra dans l'allée sans savoir quand elle serait arrivée.
Jamais elle n'avait senti autant de frissons parcourir son corps... Et c'était bien elle, qui ne croyait pas aux phénomènes surnaturels. A présent, elle ne savait pas comment réagir face à tous ces événements. Après quelques minutes encore de marche, elle se trouva face à cet arbre que son amie lui avait indiqué plus tôt. Elle leva son téléphone pour bien voir si cela correspondait à la description faite par Catalina : la fameuse main où seulement des doigts dépassaient du sol surplombés d'un arbre recouvert de mousse. C'était bien lui.
Elle dépassa cette œuvre d'art de quelques mètres et déboucha sur un immense portail en fer noir. On pouvait y lire : Parc des Tuileries. Elle poussa un soupir de soulagement. Elle y était enfin. Blanche constata que l'entrée n'était pas fermée à double tour. La jeune fille poussa légèrement le portail d'où un bruit aigu de ferraille retentit. Elle s'y aventura et fut émerveillé par la grandeur de ce parc. Il était vrai que c'était la nuit mais son téléphone l'éclairait assez pour qu'elle puisse voir la beauté de cet endroit. Devant elle, se dressait une vaste allée dont sur chaque côté était disposé de longues haies de buissons parfaitement égalisées. Elle continua à s'engouffrer dans cette allée sans vraiment savoir à qui ou quoi s'attendre.
Tristan suivait sa sœur depuis une bonne heure. Il ne savait pas qui elle allait rejoindre mais cela n'annonçait rien de bon. Il avait contourné trois allées et après être arrivé à bonne distance de sa jumelle, il battit quelque peu en retraite de peur qu'elle ne le remarque. Enfin il avait pu déboucher devant cet arbre d'où était posé juste en dessous des doigts... Tristan n'était pas un fan de l'art. Quand il vit cette œuvre, son visage se changea en une expression ébahie.
- Mais qui a bien pu inventer un truc pareil ? demanda-t-il.
Bien sûr que personne ne lui aurait répondu. Il continua son chemin jusqu'à voir sa sœur pousser ce portail de fer noir. Lui avait omis de prendre son téléphone ou de quoi s'éclairer et ne pouvait se repérer qu'à la lumière de sa sœur qu'il voyait faiblir de loin au fur et à mesure. Tristan n'avait pas peur du noir en soi mais il préférerait ne pas rester dans l'obscurité avec une créature qui rode le soir. Tout ce qu'il avait remarqué, était cette grande fontaine près de la haie ouest. Il pouvait entendre, l'eau s'écouler très clairement, pour venir tomber dans la fontaine. Était-ce encore cette espèce de don qui faisait surface ? Il suivit la lumière des yeux qui avançait le long d'une allée. Il espérait au fond de lui que rien ne se passerait...
Blanche se concentra pour essayer d'entendre cette voix mystérieuse. Elle était entrée dans une serre qui se trouvait à la fin de l'allée. Plusieurs plantes étaient mises en exposition. Elle sentait l'odeur des engrais montés à ses narines, sans apercevoir aucune personne humaine ou inhumaine.
- Comment est-ce que je peux entendre ou même parler à une voix ? s'énerva-t-elle en donnant un coup de pied brutal dans un pot en plastique qui se tenait là.
Soudain un courant d'air passa. Pourtant elle avait pris soin de refermer la porte de la serre derrière elle. L'air se fit de plus en plus froid et effrayant. Ses yeux se posaient partout pour dégoter d'où venait cette brise. Rien ne semblait ouvert ici...
- Blanche... soufflait une voix frissonnante.
C'était elle ! C'était la voix ! Mais Blanche ne voyait personne autour d'elle. Ses yeux se fermèrent sans qu'elle sache pourquoi. Quand elle les rouvrit, elle n'était plus dans le parc. Elle se trouvait dans... Elle leva les yeux au ciel. Les nuages jouaient à cache-cache avec la demi-lune. Blanche distingua plusieurs blocs de pierres qui formaient des arrondis disposés les uns à côté des autres. La jeune fille avança prudemment en prenant soin de scruter chaque recoin. Ses yeux se posèrent à sa gauche sur une maison faite de pierres. Elle arrivait à lire une inscription qui se trouvait au dessus des deux pilonnes "Funus Capella" en latin et juste en dessous la traduction française "Chapelle funéraire". Elle réalisa enfin où elle se trouvait. Un cimetière ! Comment pouvait-elle être arrivée dans cet endroit ? Elle ne comprenait pas... Tout ceci était le summum ! Un épais brouillard vint l'envelopper de frissons.
- Il y a quelqu'un ? articula Blanche en prenant le plus d'assurance possible.
Elle devait à tout prix se ressaisir ! Rien n'allait lui arriver. Elle l'espérait tout du moins...
- Blanche... souffla encore une fois cette voix.
La voix était bel et bien dans ce cimetière avec elle.
- Pourquoi...je ne vous vois pas ? interrogea-t-elle en regardant le ciel.
- Tu n'as pas besoin de me voir chère Blanche. Je suis dans ta tête.
La voix susurrait ces mots. Le sang de la jeune fille se glaça pendant un moment.
- Comment c'est possible ? riposta Blanche en fermant les yeux. Je ne comprends rien ! Je dois rêver !
- Non, tu ne rêves pas. Tu es bien éveillée. railla la voix. Je veux bien commencer à t'expliquer les choses étranges qui se passent ici.
Blanche n'attendait que cela ! Des explications. Un long silence intervint avant que la voix ne reprenne la parole.
- Tu es spéciale. Toi et ton frère l'êtes depuis votre naissance. Comment te le dire sans te brusquer ? C'est tout à fait normal que tu puisses m'entendre. Ton esprit a développé un don.
- Comment ça ? Expliquez-vous ! s'impatienta Blanche.
Sa peur avait pris place à de la frustration, pour ne pas être brusquée ? Elle fut servie. Comment pouvait-elle être spéciale ? Elle n'était rien du tout. Rien qu'une simple fille venant de débarquer avec son frère dans une ville la plus étrange qui soit ! Elle devenait folle ! Elle n'arrivait pas à trouver meilleure explication.
- Vous comprendrez tout à vos dix-sept ans. Seigneur, dix-sept années passées dans le plus grand secret...quelle tristesse...Je doute que votre mère avait une bonne raison. Elle doit être fatiguée, la pauvre...
- Ma mère ! s'exclama-t-elle en massant ses tempes. Je n'arrive pas à vous suivre.
- Une dernière chose : ton frère doit se faire beaucoup de soucis pour toi en ce moment même. Garde l'œil ouvert Blanche... Méfie-toi de ceux qui te sont proches...
La voix s'éloignait en même temps que le brouillard. Blanche comprit que cette voix mystère venait de s'en aller.
- Tout ça c'est dans ma tête, réfléchit-elle.
Elle ferma les yeux. Elle désirait juste revenir dans ce parc.
Tristan continuait à avancer. Il ne voyait vraiment plus rien. Il avait perdu la lumière de sa sœur.
- Génial ! pesta-t-il.
Il tata en marchant des pots ou des arbres pour se repérer. Il lança un regard vers le ciel dégagé. La lune se montrait. Tristan put être éclairé par sa lumière. Il remercia en silence le ciel d'avoir eu pitié de lui. Il put distinguer un banc non loin de lui. Il alla s'asseoir sur ce dernier. Il se mit à réfléchir quelques minutes sur cette espèce de don qu'il avait. Il n'en comprenait pas l'origine. Il se poussa pourtant à se concentrer sur sa jumelle pour qu'il puisse lire ou du moins essayer de lire à travers ses pensées. L'image de sa sœur lui venait en mémoire. Il ferma les yeux et mit sa tête dans ses mains. Il sentit une brise d'air à en glacer le sang venir parcourir sa colonne vertébrale. Tristan pensa reconnaître ce vent de frayeur.
- Non... pas encore... râla-t-il en gardant les yeux clos.
Son ton mélangeait lassitude et peur. Il préféra laisser sa vision revenir. Il resta assis, pétrifié sur le banc en fer froid. Il lorgna les alentours mais rien ne demeurait donner signe de vie. Son sang ne fit qu'un tour quand il entendit un son effroyable. Des cris à s'en fondre les tympans ! Des hurlements assourdissants ! Tristan ne savait point si c'était bel et bien la créature des autres nuits qui venait accompagnée de bonnes camarades ou si cela pouvait correspondre à autre chose... Dans les deux cas, il était terrifié. J'espère que Blanche n'est plus dans les parages, songea-t-il.
Il se préparait mentalement à se retrouver face à plusieurs sortes de créatures. Mais rien ne se passait... Il entendit une dernière fois les hurlements stridents qui s'en allèrent laissant cet air malfaisant derrière eux. Tristan inspira lentement pour reprendre ses esprits. Cette nouvelle vie devenait folle et excitante. Il pouvait entendre les pensées de son cerveau qui lui lançaient des panneaux d'alerte écrits : PRENDS TES JAMBES A TON COU ! Et d'autres qui lui disaient de rester et d'en apprendre plus sur toutes ces histoires.
- Je ferai mieux de chercher Blanche en attendant, marmonna-t-il.
Blanche rouvrit les yeux. Elle respira de bonheur en voyant qu'elle se trouvait de nouveau dans le parc. Elle ne se sentit jamais aussi heureuse de se retrouver dans ce parc.
- Quelle soirée... railla-t-elle.
Elle entreprit une petite marche lente pour se remettre de ses émotions. Les paroles de cette personne, dont elle ne connaissait toujours pas l'identité, l'inquiétait. Pour quelqu'un qui voulait prendre un nouveau départ c'était loupé. La voix lui avait dit qu'elle et son frère étaient spéciaux ? Cela n'avait aucun sens mais cette voix avait parlé de sa mère. Elle devait savoir des informations importantes pour qu'elle lui en parle. Son comportement, face à la mort de cette personne il y a quelques jours, devait y être pour quelque chose.
Elle arriva à hauteur de la fontaine puis se figea. Ses pieds ne voulaient plus décollés du sol. Son regard se perdait à travers des yeux rouges sang perçants. Blanche connaissait à présent bien ce regard de braise. La créature de tous ces soirs se tenait devant elle, les bras ballants. La même cape noire lui recouvrait le corps, cette même sorte de bouche en forme de spirale. Blanche retenait trop de nerfs. Quand la bête ouvrit sa supposée bouche, Blanche cria ne sachant que faire d'autre.
- AAAHHHH !
Le prénom de son frère ne voulait pas sortir de sa gorge. Elle pensa très fort à ce qu'il apparaisse par magie. S'il te plaît, viens m'aider...
Il allait se mettre en route. Il se raidit d'un coup sec quand il perçut le son d'une voix familière dans le parc. Il reconnut la voix de sa frangine qui criait. Elle devait avoir des ennuis. Tristan pensa instamment aux hurlements d'à l'instant. Ni une ni deux, il courut jusqu'à se rapprocher le plus près possible de Blanche. Il savait au son de sa voix qu'elle se trouvait près de la fontaine. Il pouvait entendre parfaitement l'eau s'effondrer.
- Encore une nouvelle capacité ! Cool ! s'exclama-t-il en courant plus vite qu'il ne se serait cru capable. Ou une dose d'adrénaline s'emparait de lui...
Il arrêta sa folle course pour se positionner derrière un des grands arbres que gageaient ce parc. Il put distinguer une ombre, plus noire que la nuit, de profil et vit sa sœur qui restait plantée devant elle comme un pot de fleur. Il essaya de capter son attention mais elle ne semblait pas vouloir quitter cette chose des yeux. La seule chose à laquelle pensait Tristan était, que cette créature attaque sa sœur. Il ne pouvait plus réfléchir. Son cerveau vacillait allant des pensées de sa sœur à ses propres pensées. Ce don, qui se développait en lui, pouvait avoir des inconvénients dans ce genre de situation.
- S'il te plaît, viens m'aider...
Tristan examina le visage de sa sœur. Aucun son ne semblait émaner de sa bouche mais pourtant il venait d'entendre clairement sa voix qui lui implorait de l'aider. Est-ce que Blanche aurait-elle développé un don pareil au mien ? se dit-il. Pour lui, c'était la possibilité la plus probable...Ou il devenait fou... Il ne savait pas s'il pouvait communiquer avec une autre personne par télépathie ou autre. Mais il se concentra, tant bien que mal, sur les pensées de sa sœur.
- Blanche je suis là. Je vais essayer de t'aider.
Voyant la grimace que faisait Blanche il en déduisit qu'elle ne comprenait rien à ce qu'il se passait et qu'elle l'avait entendu. La créature ne bougeait pas d'un pouce comme si elle attendait quelque chose.
- Où es-tu ? demanda Blanche à haute voix au bord de la crise de panique.
- Je suis derrière un arbre tourne la tête à gauche.
- Comment veux-tu que j'ose tourner la tête avec cette chose postée devant moi ! Et comment ça se fait qu'on puisse parler...de cette façon ?! Je ne comprends rien ! J'en ai marre !
- Hé ! un truc à la fois frangine. Pour le moment on devrait se débarrasser de cette chose.
Tristan remarqua que les yeux de sa sœur déviaient dans sa direction. Il leva la main mais elle n'en fit rien comme si elle le cherchait.
- T'es où bordel ? Je ne te vois pas ! s'inquiéta-t-elle.
- Mais je suis là sous tes yeux ! T'as les yeux sur moi !
Le jeune homme se redressa de tout son buste pour que sa sœur puisse mieux le discerner mais rien. Comment pouvait-elle ne pas le voir ? Elle n'était pas aveugle ! Il cogna de son point le tronc de l'arbre et fut stupéfait de voir ce qu'il voyait. Il ne distinguait plus sa main ! Ni son bras ! Ni la manche de son pull ! Il s'examina des pieds à la tête.
- C'est quoi ce délire ? s'écria-t-il à haute voix.
Il se mit instinctivement une main sur la bouche. Il venait de se faire repérer par la créature. Effectivement la bête tourna lentement la tête en direction de la cachette de Tristan. Le jeune homme ne savait plus où se mettre, il ne bougeait plus d'un pouce. Mais la chose détourna le regard quelques secondes après pour se reporter sur Blanche. Tristan souffla de soulagement. Une question lui tarauda l'esprit : elle ne l'avait pas vu ou elle l'avait ignoré ? Il devait perdre la boule, cela ne pouvait être que cela. Il s'examina de nouveau. Le jeune homme ne se voyait clairement plus. Serai-je... ?
- Blanche ! Je crois que je suis invisible !
- Ce n'est pas le moment de jouer imbécile ! s'exclama sa sœur.
- Je te le jure ! je te vois mais toi tu ne peux pas me voir et je ne me vois pas moi-même.
Tristan n'entendit pas la réponse de sa sœur car un jet de lumière blanche vint l'aveugler. Une énorme lumière d'un blanc éclatant. Il se sentit soudain faible, ses paupières étaient lourdes. Il sombra dans un sommeil profond sans même se rappeler qu'il avait envie de s'endormir quelques secondes plus tôt...
Blanche sentit une lumière lui brûler les yeux. Elle mit une de ses mains pour s'en protéger, son souhait serait que cette créature de la nuit ne soit plus là quand elle enlèverait sa main. La jeune fille compta mentalement jusqu'à trois avant d'enlever sa main et d'ouvrir ses yeux. Elle ne distingua que la nuit sombre. Il ne faisait plus aussi froid : la créature avait disparu. Blanche chercha son frère du regard mais il demeurait introuvable. Invisible...non mais je rêve ? Une colère soudaine monta en elle. Sans chercher à comprendre quoi que se soit ou à chercher son frère, elle commença à marcher le long d'une des allées du parc. Elle atteignit le portail, quand elle vit une silhouette la fixait depuis la rue d'à côté. Elle crut reconnaître la silhouette de l'autre soir, serait-ce elle encore qui l'ait sauvée de cette créature ? Elle voulut aller voir cette personne pour la remercie en quelque sorte. Elle fit un pas vers la silhouette,commença à traverser la route, elle se sentit soudain prise par un élan de sommeil intense. Blanche fermait les yeux petit à petit, elle eut le temps d'apercevoir la silhouette une dernière fois puis elle s'évanouit dans la noirceur de la nuit.
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