Chapitre 7 :

   Le soleil était haut dans le ciel en cette fin d'après midi, surplombant la terre d'une aura chaleureuse et bienveillante. Ses rayons s'étendaient sur l'intégralité de la demeure des de Donegall, ainsi que sur ses hectares de terrains, pour le plus grand plaisir des occupants.

   Catalina, juchée à califourchon - en pantalon de coton - sur son étalon à la robe ébène, cavalait à un rythme lent, bercée par le vent printanier, dans les allées sinueuses des jardins. En ce début de juin, l'air été encore frisquet malgré les quelques degrés gagnés depuis le début de saison – ce qui n'empêchait pas la lady d'apprécier sa balade à cheval. Les yeux fermés, elle concentrait toute son attention sur l'environnement autour d'elle. La jeune femme profita du calme et des gazouillements des merles, qui charmèrent ses oreilles. Le doux bruit des pas de sa jument – piétinant le chemin de gravier – se mêla aussi aux chants des oiseaux. Elle perçut les effluves florales, tel que le jasmin, flotter à ses narines dans une danse sensorielle très délicate, ce qui eut le don de l'apaiser. Il n'y avait rien de plus doux, que le parfum de la tranquillité.

   Elle fut tout de même interrompue, quelques minutes plus tard, par les bruissements frénétiques d'un autre cheval, qu'elle discernait loin derrière elle. Ses tympans bourdonnèrent de plus belle, lorsque les enjambées se firent plus rapides et proches. En détournant sa tête vers l'arrière, elle aperçut au loin Abigail, galopant vivement en sa direction.

– Quelle rapidité, reconnue Catalina, lorsque la jeune adolescente ne fut qu'à quelques mètres d'elle.

   Abigail remonta l'allée, avant de se placer au flanc droit de la plus grande. Une expression narquoise naquit sur son visage, tandis qu'elle essayait de surélever sa silhouette de sa monture. Son étalon, à la robe chocolat, paraissait bien petit par rapport au Shire, typiquement britannique, de la lady.

– Merci bien, s'exclama la jeune lady tout en redressant son buste, il faut dire que j'ai débuté l'équitation à l'âge de sept ans, il m'était donc facile de te rattraper !

– Il est vrai que ton Clydesdale est rapide. Pour cause, il vient d'Ecosse. C'est un fougueux. Pourtant, il ne dépassera jamais ma belle Lady-Shadow ! D'ailleurs.. toi non plus. railla sardoniquement Catalina.

– Faisons la course alors, je suis sûre que Jumper te dépassera haut la main... enfin haut la patte ! rétorqua malicieusement la plus jeune.

– Très bien. La première arrivée au manoir, aura gagné.

   Les deux compétitrices se retournèrent calmement, faisant face à la modeste étendue de graviers bordées d'arbres.

– Prête ? interrogea, taquine, Catalina.

– Prête !

– 3... 2.... 1.... PARTEZ !

   Les deux montures s'élancèrent à grande vitesse, fendant l'air de leurs silhouettes imposantes. Leurs foulées étaient souples, leurs allures, énergiques, et leurs ascensions effrénées. Abigail prit quelque peu de l'avance, se positionnant en tête de course, grâce à la plus fine carrure de Jumper. Celle-ci, adroitement placée sur son étalon, le talonnait avec dextérité et force, à la plus grande surprise de Catalina. À quelques mètres derrière, peinait légèrement la lady, qui n'arrivait pas à remonter à hauteur de son adversaire. Pour cause, celui-ci sillonnait tel un serpent le chemin, ne laissant pas la possibilité à la jeune femme de le rejoindre. Flûte.

   La voie s'étendait encore sur trois bon kilomètres, et les deux opposantes atteindraient la demeure d'ici peu. Il fallait trouver une solution, et vite. Catalina réfléchit, cherchant aux alentours une issue. Les grands chênes longeaient le sentier de trop prêt, ce qui ne jouait pas en sa faveur pour dépasser sa rivale. Elle réessaya une nouvelle tentative d'insertion, qui échoua lamentablement lorsque Abigail se positionna une fois de plus devant la jeune femme, bloquant ses élans.
Tant pis. Si Catalina ne pouvait passer par le sentier principale, alors elle emprunterait la forêt.

Tirant avec autorité sur les rênes, elle guida son cheval à l'extérieur de l'avenue de gravillons, le forçant à traverser le sous-bois. Malgré les buissons et arbustes sur son passage, la lady arrivait à contrôler sa jument dans les chemins de terre. Il galopait vite, sans jamais s'arrêter, et esquivait les obstacles avec aisance.

Couchée à demi sur sa monture, Catalina s'accrochait fermement à celle-ci, les pieds bien ancrés dans ses étriers, par peur de tomber. Ses accélérations se faisaient brutales, et le terrain plus dangereux, ce qui devenait périlleux. Lady-Shadow serpentait, zigzaguait et slalomait les différents barrages naturels qui encombrait son chemin, sous les ordres calculés de Catalina qui analysait les proximités. Le paysage de verdures s'allongeait si loin, que la lady peinait à reconnaître les lieux, qu'elle avait, pourtant, déjà parcouru avec son frère. Elle se souvenait encore de ses longues journées risquées, à découvrir les terres enfouies de leurs parcs, de ces parties de cache-cache, de leurs goûters sous les branches..

Ses yeux planèrent au gré des buissons et des troncs massifs, avant qu'ils ne se posent sur une gravure encastrée dans une souche.

E + C

Ébahie, le temps s'arrêta sous ses yeux. Erlann gravait, d'un galet plat, ces quelques lettres, qui eut à présent le pouvoir de l'émouvoir. Cela remontait pourtant à si longtemps, mais elle le voyait là. Sous des halos de lumière, le jeune homme brillait, telle une apparition spectrale. Comme si ce n'était pas réaliste ; et qu'elle rêvait simplement. Sa vision la troubla.

Une branche malheureuse lui griffa la joue, la réveillant par ailleurs. Une multitude d'autre vinrent écorcher ses habits tandis que sa monture traversait un chemin imprudent, composé de rameaux et feuillages éparpillés. La jeune femme concentra à nouveau son attention devant elle, s'assurant d'aucun danger, et d'oublier ce maudit souvenir. Elle se devait d'être forte et assurée, et de ne pas ressasser le passé, car il lui était inconcevable de repenser encore à lui. La lady redressa son buste, pointant son regard vers l'horizon, et appuya bien sur ses pieds, témoignant de son aplomb. Ses cheveux bruns volèrent au rythme du souffle nordique, accueillant quelques feuilles à la volée. Sa main gantée retenait son manteau, tandis que de l'autre elle guidait sa jument d'une main de fer.

Sa balade lui paraissait soudainement plus agréable. Catalina anticipait chaque adversité, feignant la facilité, et s'approchait plus encore des plaines d'herbe totales. Les arbres se dégageaient peu à peu, et elle perçue enfin le manoir. La jeune femme incita Lady-Shadow d'accélérer, n'ayant plus que cinq-cent mètres à parcourir, ce qu'elle fit avec automatisme. Là, la lady cru voler lorsque son cheval bondit, surplombant un tronçon barrant sa route. Cette sensation lui parut intense et amusante à la fois, comme si elle retrouvait son âme d'enfant.

La demeure se dressa devant elle, ainsi que les parterres de fleurs alignés, et les nombreuses allées caillouteuses reliées autour des terrains jardinés. La voix principale se tenait à sa gauche, à cinq mètres environ et rejoindrait toutes les autres sur une distance de douze mètres. À cette vitesse là, Catalina rejoindrait bientôt la résidence, et en prime la victoire ! Pourtant, à quelques enjambées derrière elle, cavalait Abigail, qui comptait bien récupérer la victoire. Son étalon, fièrement redressé, s'avançait à grands pas vers la jeune femme.

   Les deux chevaux s'entraînèrent entre les jardins de fleurs, non sans avoir piétiner quelques plantes, suivant toujours le chemin de cailloux. Ils s'approchèrent dangereusement de la résidence, maintenant au même niveau. À présent côte à côte, les deux amies se jugèrent d'un regard complice et concurrentiel à la fois. Et peu à peu, Abigail reprit la tête de la course, se positionnant juste devant Catalina. Celle-ci ne chercha pas à dépasser son opposante et décida de ralentir la cadence, sachant d'avance que la jeune adolescente gagnerait. Elle observa la jeune lady décélérer devant les marches d'entrée du manoir en poussant des cris triomphant, tandis qu'elle même trottinait à petite foulée.

– J'ai gagné ! brailla Abigail, en levant les bras en signe de victoire.

Catalina esquissa un mince sourire. Elle repensait à cette promenade endiablée dans la forêt, qui lui avait valut beaucoup de force et de concentration. Et même si elle avait perdu, la jeune femme était parvenue à longer tout les sentiers risqués et reprendre la tête. Elle se sentait satisfaite de ses efforts. Sa jument, quant à elle, hennit en signe d'injustice tout en frappant le sol de ses sabots meurtris.

– Allons, allons, ma douce.. murmura doucement Catalina en caressant sa crinière blanchâtre, tu t'es très bien débrouillée aussi. Et à mes yeux, c'est toi la meilleure.

Lady-Shadow renâcla superbement, conquise.

Milady ?

La jeune femme se figea en reconnaissant cette voix. Ses yeux parcoururent les alentours et s'abaissèrent vers Darnley, tendant une main serviable vers la lady. Son beau regard vert-de-gris s'imprégnait du visage légèrement rougit de Catalina, empourprée par l'effort, tandis qu'elle même scrutait le gentleman.

   Calmement la jeune femme délaissa ses jambes - une à la fois - de son fidèle destrier, au dessus de la selle,  tout en s'appropriant la délicate main du bel homme. Elle se hissa agilement, avant de reposer les pieds à terre, soutenue par Darnley.

Reste stoïque ; il ne t'atteindra pas !

– Merci bien, milord.

Il la détailla de haut en bas avant de remarquer le pantalon que portait la jeune femme, laissant percevoir la finesse de ses longues jambes minces. Ses yeux ne purent s'empêcher de les lorgner, éprit d'une soudaine bouffée de chaleur.

– Je vous en prie, répondit-il sans même lui lâcher les doigts, votre balade était agréable ?

– Il se peut qu'elle le fut, avant que je ne traverse le bois. répondit-elle brièvement tout en rougissant à la vue de leurs mains enlacées.

Que m'arrive-t-il ? Je ne contrôle plus mes réactions !

   Il ria doucement. La jeune femme n'aurait su dire si il se moquait ou s'esclaffait véritablement, mais la vue de son sourire restait très appréciable.

– Je l'avais bien remarqué, commença-t-il, vous avez des feuilles partout dans les cheveux.

   Embarrassée, elle passa ses mains dans les cheveux, essayant vainement de retirer les ramures. Il les lui reprit brusquement, lui intimant d'arrêter.

– Laissez-moi faire.

   Ses doigts s'insinuèrent dans sa chevelure chocolatée, attrapant à l'affilé les quelques feuilles. Elle trouva son geste très charitable, même si leur proximité la gênait. Catalina pouvait sentir le souffle chaud de l'homme contre ses lèvres ourlées, qu'elle humectait silencieusement. Ses yeux inspectèrent chaque détails du visage de Darnley, qui lui paru parfait.

   Il se décala enfin tout en gardant une main dans ses capillaires bruns, les caressant avec grande précaution. Ses doigts effleurèrent la joue gauche de la jeune femme, admirant une fine griffure rosée sur la longueur.

– Votre visage.. est griffé. Vous êtes-vous fait mal ?

– Non du tout.. ne vous en faites pas, milord.

   Il paraissait légèrement inquiet au grand étonnement de la lady. Elle passa sa main au niveau de sa joue, examinant le sang provenant de la blessure.

– Je vais aller nettoyer ça, ne vous inquiétez pas.

   Il lui offrit un faible sourire, qui lui réchauffa tout de même le cœur. Son inquiétude lui semblait attendrissante.

– Votre cheval est d'une grande beauté, s'exclama-t-il, est-ce une jument ?

– Exactement. Lady-Shadow, elle même.

– Je peux ? désigna-t-il a l'intention de l'étalon.

– Allez-y.

   Avec tendresse, il caressa l'encolure du cheval, pour poursuivre jusqu'à son front et ses nasaux. Elle se laissa faire docilement, appréciant les faveurs de l'homme.

– Elle est très belle.

– Avez-vous donc un cheval, Darnley ? Permettez-moi de vous appeler ainsi.

– Oui, il est en ce moment même dans vos écuries. C'est un Frison, prénommé Hurricane. Voudriez-vous le voir ?

– Cela aurait été avec plaisir..

– Catalina ! hurla Abigail, tout en courant à son encontre.

   La jeune fille s'arrêta à ses côtés, avant de scruter son frère.

– J'ai réussit à battre Catalina à la course ! Ne suis-je donc pas la plus forte ?

– Si, si Abi', ricana son grand frère de bon cœur.

– Bien, excuse-nous mais nous avons à faire. D'autant plus que je crois que Daphney t'attends là-bas.

   Tous se retournèrent vers Daphney, stoïquement postée devant la demeure à les étudier, tandis que les deux ladys s'empressèrent de rejoindre les écuries. Catalina entraîna aussi sa jument, qu'elle tira grâce aux rennes. En se tournant une dernière fois, son regard sonda celui de Darnley, qui paraissait déçu de son éloignement.

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