Chapitre 4 :
Ils entrèrent promptement, nullement déconcertés par les regards à la fois ravis et indécis. Il était souvent mal vu qu'une autre femme soit au bras d'un fiancé, mais heureusement cela ne choqua personne – si ce n'est que lady Eleanor et Daphney elle même.
Catalina ignora les regards assassins de sa sœur, se concentrant plutôt sur ses pieds qu'elle fixait obstinément. Ce n'était pas convenable, mais elle en avait cure. Les regards, en plus de ceux de sa mère et de son aînée, étaient braqués sur elle, tantôt charmés, tantôt scandalisés, et cette sensation l'oppressait. L'embarras s'empara d'elle furieusement et son coeur se mit à battre plus fort que jamais.
Heureusement ce supplice s'arrêta lorsque Darnley se dénoua d'elle à grande vitesse, prenant conscience de la gêne occasionnée. La lady eut un pincement au cœur à ce geste car malgré la détresse qu'elle avait pu exprimer, elle aurait préféré qu'il reste. Rien que pour être soutenue. C'était plutôt aux deux femmes de stopper leur fusillade, après tout qu'avait-elle fait de mal ?
Un soupir las s'échappa de ses lèvres en voyant la mine triomphante de Daphney. Elle avait l'impression qu'elles se concurrençaient pour un homme – ce qui n'était pas. Catalina ne voulait pas se mettre sa sœur à dos. C'était vrai, elle n'avait pas toujours entretenue des relations pacifiques avec celle-ci, mais rien n'empêchait l'affection qu'elle éprouvait. Elles restaient sœurs.
Aucunes rancœurs marqua son visage en apercevant Darnley baiser la main de sa fiancée. Elle resta stoïque, fidèle à son expression coutumière. Son intransigeance reprenait toujours le dessus et ça malgré tout. Daphné n'était pas son adversaire, et elle ne
comptait pas se battre pour son fiancé.
– C'est mon frère que tu regardes ? demanda une voix espiègle derrière elle.
Troublée dans son mutisme, Catalina s'empourpra, gênée d'avoir été percée à jour. La lady se retourna, faisant face à la jeune Abigail coquettement vêtue qui esquissa un doux sourire guilleret.
– Oui, effectivement.
– Il a toujours eu le don d'attirer l'œil, c'est un homme très charismatique.
La lady se racla la gorge, soudainement appauvrit en salive. Ses yeux remontèrent vers l'homme en question, admirant le magnétisme de ses pupilles ainsi que son esquisse bouche pulpeuse. Ils descendirent ensuite vers sa carrure, imaginant l'ensemble musculeux sous ses vêtements, et une bouffée de chaleur intense lui caressa la peau, comme jamais auparavant n'en avait-elle eut. C'était impressionnant de remarquer comme il était irrésistible. Il dégageait une aura de séducteur que nulle femme n'aurait pu soutenir ainsi qu'une odeur masculine sucrée, contrastant avec sa corpulence de fauve.
– Je me demande d'ailleurs pourquoi ce mariage si subite. déclara subitement Abigail, plus à elle qu'à la lady.
Ses paroles la titillèrent, la stoppant dans son observation.
– Tu ne sais donc pas pourquoi il se marie ? questionna Catalina en esquissant une mine perplexe.
– Non, père n'a rien voulu me dire. Quant à Darnley, il feignait l'indifférence lorsque j'essayais de savoir.
Catalina fronça les sourcils. Elle était troublée de l'ignorance de la jeune fille, elle qui pensait que même la jeune sœur du lord aurait été au courant. Elle s'était donc trompée. Visiblement, un mystère planait bien autour de ce futur mariage, et Catalina espérait bien le percer.
– Chers invités, je propose que nous nous attablions, annonça gaiement le lord de Donegall.
La petite assemblée se dirigea donc au coeur de la pièce, s'attroupant vers la table centrale, propre et élégante. Une fois disposée autour de la fameuse tablée, ce fut le lord de Wellington qui eut la courtoisie de tirer la chaise de Catalina, la forçant à sourire poliment. Elle avait toujours tenu à rester aimable malgré certaines circonstances, et ceux depuis toute petite.
La lady était placée entre Leigh et Abigail de Wellington, et cette configuration ne l'avait nullement dérangée. Seul le fait que Darnley ne soit devant elle la perturba quelque peu, puisqu'il la regardait sans cesse.
Cette soirée s'annonçait longue..
•~•
Depuis ce début de repas, les discussions tournaient autour des deux jeunes fiancés au grand damn de Catalina qui paraissait irritée de la situation. En effet elle ne supportait plus sa mère qui vantait ouvertement les prouesses artistiques de son aînée, l'exposant comme un trophée. C'était pathétique à voir et à entendre.
Elle enchaîna son sixième verre de vin d'une traite, nullement déconcertée par la liqueur brute et capiteuse fondant en bouche. Normalement, elle n'y aurait jamais trempée les lèvres. Mais il fallait bien qu'elle comble son ennuie et son agacement par quelque chose, et ce soir serait avec de l'alcool. Vin rouge ou blanc, piquant ou gouleyant, peu lui apportait l'apparence et la bouteille. Seule la quantité importait. Plus les verres s'enchaînaient moins elle entendait ; pour son plus grand plaisir. C'était bien une première ; elle qui n'avait jamais connue plus lassante discussion !
Pourtant, elle n'était pas seule. Darnley, qui avait paru bien aimable en début de soirée, paraissait à présent quelque peu gêné. Elle n'aurait su dire si c'était les gloussements ridicules de Daphney, ou l'attitude favorable de lady Eleanor pour son aînée mais dans tout les cas, elle ne supportait ni l'un ni l'autre et compatissait presque pour lui.
Et ce fut presque la délivrance pour Catalina – ainsi que le jeune lord – lorsque le plat d'honneur arriva, coupant court aux allégations incessantes de sa mère qui agaçait suffisamment l'assemblée.
Les deux lords de famille reprirent alors leurs discussions politiques, beaucoup plus appréciables au goût de la jeune lady ainsi qu'aux convives, essayant sans doute d'oublier les dires de la maîtresse de maison. Elle ne faisait qu'écouter et cela lui convenait. Et puis l'ivresse commençait déjà à lui monter au cerveau, il valait mieux donc pour elle de se taire.
Pour peu elle en profita pour déguster sa daurade mijotée, accompagnée des questions d'Abigail a son égard.
– Quel âge avez-vous, lady Catalina ? questionna-t-elle.
La lady fut surprise de percevoir la certaine curiosité de la jeune demoiselle, qui ne devait pas être plus âgée de quatorze printemps.
– J'ai dix-neuf ans, et toi donc ? Tu peux me tutoyer si tu veux.
– J'ai treize années, répondit-elle souriante, mais dis-moi, aimes-tu donc la littérature ?
L'intérêt que portait Abigail pour elle était bien mignon, songea la lady de Donegall.
– Oh oui, je lis Shakespeare et j'apprécie particulièrement Jane Austen. Connais-tu donc ?
La lady se surprit à solliciter leur échange. Elle adorait les romans, c'était un sujet qui la passionnait - d'où sa fameuse question.
– C'est mon auteur préférée ! J'adore ses romans, et son style d'écriture est très agréable. Je ne connais pas meilleur auteure ! s'exclama Abigail, exaltée.
Les deux jeunes ladys débattirent toute la soirée sous le regard inquisiteur de Darnley, qui ne pouvait s'empêcher d'écouter – et de regarder Catalina à la fois. Enfin, avait-elle pu combler son ennuie, et se faire une amie.
•~•
Pour clore le dîner en beauté, les convives avaient été invités dans le salon principal afin de papoter encore un peu. Seule Abigail alla se coucher plus tôt, dût à son jeune âge. C'était même à contre cœur qu'elle avait laissé Catalina.
Par ailleurs, celle-ci n'avait pas tenue à rester, prétextant d'aller balader les chiens – même si c'était le rôle de James, le majordome. En vérité, elle voulait juste s'éloigner un peu de cette ambiance étrange qui englobait à présent le manoir. Un mélange de mensonge et de non-dit qui la répugnait.
À la place elle préféra admirer le clair de lune, brillant tel une pierre précieuse dans la pénombre nocturne. Il éclairait que légèrement les jardins de la demeure dont l'étendue était si vaste que nul n'aurait pu distinguer l'horizon.
Une douce brise caressa la nuque de Catalina qui marchait au rythme des deux beagles aux robes tricolores, maintenus en laisse. Les pas des chiens résonnaient dans les allées de gravillons zigzaguant le manoir, suivis de ceux de la jeune lady, dans une harmonie parfaite et dans un silence relaxant.
Cela ne dura que trop peu pour Catalina qui fut soudainement rejoint par une grande silhouette aux avancées tonitruantes.
– Lady Catalina ? appela une voix délectable, qu'elle reconnue instantanément.
– Oui, milord ? répondît-elle en se retournant face à Darnley.
Les lumières des bougies, placés en bordure de chemins, illuminaient parfaitement le visage du lord. Et elle s'empourpra quelque peu en observant ses yeux, fascinée par leur beauté.
Darnley se rapprocha doucement.
– Puis-je ? quémanda-t-il en désignant les lanières retenant les beagles.
– Allez-y.
– Merci, milady.
La lady lui donna les laisses en main tout en le regardant dans les yeux. Ils reprirent alors leur balade, avant tout guidée par les canidés colorés.
– Comment s'appellent-ils ?
– Celui de gauche s'appelle Lord, et celle de droite s'appelle Lady, articula-t-elle d'une petite voix blanche.
Elle n'aimait pas être dérangée durant ses balades, et encore moins par des questions. Néanmoins elle s'abstint de toutes remarques.
Darnley sourit alors à l'entente des noms des deux chiens ce qui, à l'inverse, n'amusait que peu Catalina.
– Qu'est ce qui vous fait rire ? interrogea la jeune femme, perplexe.
– Vos chiens portent des titres comme si ils étaient de petits aristocrates, voilà tout.
Cela n'avait guère plus de sens pour la jeune lady qui ne préféra poursuivre.
– Comment trouvez-vous ma sœur, milord ? Est-elle donc à votre goût ?
Il eut une légère hésitation que Catalina remarqua.
– Pour tout avouer.. je la trouve charmante et fortement jolie.
Catalina fit un sourire forcé, étant légèrement dérangée par ses paroles. Mais après tout.. Daphney était sa fiancée, pourquoi l'aurait-il dénigrée ?
– Ma sœur est quelqu'un de très évasif vous savez. Elle s'éparpille bien souvent dans ses idées et confond parfois rêve et réalité. Mais elle reste tout de même une femme lucide, lorsqu'il le faut.
Darnley hocha calmement la tête en l'écoutant. Il parut presque envoûté par la voix de la jeune lady.
– Je comprends. Milady, vous me paraissez être quelqu'un de très intelligent.
Il fit une petite pause, cherchant ses mots tandis que le vent, plus puissant, balayait leurs cheveux.
– Vous n'avez pas l'air comme les autres, vous êtes.. vous êtes différente, Catalina.
Son cœur battait la chamade. Savoir qu'il essayait de la comprendre lui parut insensé et très touchant à la fois. Il donnait à présent l'image d'un homme compréhensif et perspicace, ce qu'elle n'aurait jamais doutée.
Arrivés devant l'entrée principale, Catalina stoppa court à leur balade puis se tourna vers le jeune homme. Il la regarda à son tour, sans piper mot, voulant prolonger leur échange visuel à la lueur des bougies.
Après deux longues minutes, leur instant fut coupé par la voix grondante de lady Eleanor, appelant désespérément Catalina depuis l'intérieure de la demeure.
– Bonne nuit douce Catalina, susurra le jeune lord en baisant tendrement la main de sa future belle-sœur, ce fut un réel plaisir de partager quelques instants avec vous.
– Bonne nuit, milord, murmura-t-elle d'une voix distante, plaisir partagé.
La jeune femme s'en alla vivement, telle une mystérieuse étrangère, sous l'œil admiratif de Darnley.
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Je m'excuse encore de l'attente de ce chapitre mais j'espère que le contenu vous plaira. J'essaye au mieux d'écrire vite même si je vous avoue que je suis pas mal occupé en ce moment et qu'il faut beaucoup de concentrations pour écrire ! Petite diva, je fais ! ><
Merci à vous de suivre mon histoire, et de commenter aussi gentiment, ça fait chaud au cœur ! :P
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