Chapitre 10 ( Partie 2 ) :

Lorsqu'ils entrèrent, ils furent étonnement surpris de l'étroitesse du lieu, en plus des multiples œillades indiscrètes rivées sur eux.

La taverne s'étendait en un lointain corridor, qu'ils peinèrent à discerner ; les bougies n'éclairant que superficiellement depuis leurs socles muraux. Des tapisseries sombres, défraîchis, glissaient sur les murs, telles des lambeaux. Le sol, recouvert d'une moquette brune, était maculée de taches diverses et d'empreintes de pas. Une odeur âcre, un mélange indescriptible d'effluves d'hommes et de fumée rodait en un brouillard léger, insipide.

Dans cet espace aussi confiné grouillait une troupe agitée de clients, pour la moitié bien éméchée. Un silence déstabilisant planait, malgré quelques râles rauques et des rires graves en écho.

Catalina tenait la main d'Abigail, tandis que Daphney s'était accrochée au bras de son fiancé. La petite assemblée se déplaça longuement, empreint d'une certaine nervosité face aux regards inquisiteurs des ivres passants. Seul Darnley se montra plutôt convaincu de sa trouvaille, malgré que ses compagnes eussent l'air plutôt douteuse à ce sujet.

Une brochette d'ouvriers aux corpulences massives, attablés et abreuvés, les lorgna d'un œil mauvais, tout en pouffant grossièrement, ce que les jeunes aristocrates s'empressèrent d'ignorer. Cette ambiance repoussante qui planait au dessus d'eux, comme un poids, ne faisait que se multiplier en se sachant ainsi étudiés, et critiqués. Catalina, tout particulièrement.

Le jeune lord s'empressa de quérir le tavernier, un charmant jeune homme dépassant d'à peine la vingtaine, pour briser cette angoisse première qui secouait les ladies.

— Mon brave, pourrions-nous déjeuner ici ? s'enquit le lord, de sa voix naturellement posée.

Des habitués, assis au comptoir, émirent des rires sarcastiques en les regardant ce qui déconcerta Catalina et Abigail.

— Oui Monseigneur, vous êtes la bienvenue en mon humble demeure, ricocha le tavernier, d'une voix emplit d'audace et de franchise qui plu à Darnley. Appelez-moi Fingal, votre serviteur. Que puis-je donc vous offrir, à vous et à ces ladies ?

Darnley afficha un grand sourire, conquit. L'homme qui se tenait devant lui avait cette pointe d'assurance qui le rendait si particulier. D'apparence neutre, blond, svelte, avec de grands yeux d'un vert incandescent, il respirait la bravoure et la dévolution. Son accent écossais renforçait son charme d'autant plus, de même que sa juvénilité.

— Milady, prendrez-vous quelque chose ? demanda Darnley en se détournant vers Daphney, narquois.

   Celle-ci, ayant l'air encore vexée, eut le feu aux joues face à sa remarque des plus claires. Elle se sentit alors honteuse d'avoir ainsi réagit à l'extérieur, sa méfiance et son ego ayant pris le dessus. Malgré toutes les piques que Darnley lui envoyaient, sa fierté prenait toujours le dessus.

Et peut-être son amour aussi..

– Qu'avez-vous donc à proposer ?

— De bonnes choses milady, de très bonnes choses ! Nous avons une soupe d'oignons et de courgettes en entrée, très exquise ! Et pour les repas, notre incontournable chicken pie, ou du haggis, spécialité écossaise. Je peux vous proposez aussi des viandes, de la volaille rôti où du gibier et quelques plats en sauce comme notre...

   La petite troupe opta pour la fameuse soupe d'oignons, et la belle pièce de bœuf mijotée accompagnée de légumes et d'une purée agrémentée d'ail en plat d'honneur.

— Ajoutez moi une bière avec ça, mousseuse de préférence, compléta le lord de Wellington, de sa voix naturellement posée.

— Tout de suite, monseigneur ! formula Fingal, tout en commençant à remplir une chope.

   Ils allèrent ensuite s'asseoir à une table un peu plus loin du comptoir, sans plus remarquer les regards indiscrets des clients. Catalina et Daphney furent placées sur la banquette en face des de Wellington, et attendirent leurs plats avec envie. Aussi rapidement, ils furent servis et apprécièrent la cuisine locale. Ce fut gras et rustique mais très gourmand. Même Daphney mangea de bon cœur, très appréciative.

   À la fin du repas, repus, ils ressortirent de la taverne après avoir gracié le jeune tavernier d'un généreux pourboire. Ils entreprirent une petite balade digestive dans la capitale, sillonnant les rues désertes de ce dimanche avec allégresse.

   Le ciel était redevenu gris, et ses nuages environnant couvraient le beau soleil de midi d'un drap brumeux. Un vent doux mais présent fit frissonner Catalina qui se rabattit sous son châle léger, tout en poursuivant sa promenade en compagnie d'Abigail. Ils traversèrent quelques rues, bordées de boutiques closes et surmontées d'habitations colorées, où quelques rares fiacres passaient, rendant celles-ci un peu plus vivantes. Malgré le marché organisé sur la place publique, le dimanche n'accueillait pas de compagnie dans ses quartiers habités. Et les échos lointains de la foule renforçait cette impression de silence assourdissant qui berçait la ville.

   Catalina resta en retrait face aux discussions distancées que Daphney entretenait en compagnie de son fiancé, trop occupée à contempler l'horizon d'eau et de voile qui flottaient maintenant à ses yeux.

En traversant les dernières ruelles séparant la mer de Worthing, ils distinguèrent enfin la rive et l'infini bleuté longeant le fameux port de Littlehampton, où s'amassaient divers voiliers et marchands. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas vu le rivage d'aussi prêt, et ce paysage maritime mêlé à cette agitation humaine l'envoûtait de nouveau. Ces sons, le chant des mouettes notamment, et cette odeur de sel qui flottait sur les ponts : cela faisait naître en elle des souvenirs éteints, et à des époques reculées.

Ils observèrent les matelots décharger des sacs et divers caissons, tandis que leurs supérieurs s'égosillaient en formulant ce qu'on aurait pu décrire comme des ordres. Ce mouvement perpétuel devait être un quotidien épuisant, se dit Catalina.

Les grandes voilent volaient au gré de la brise, se faisant plus rudes au fil des minutes. Le littoral était bordé d'un vent amer, qui fit relever les jupons de ses Dames, sauvagement.

La petite troupe longea la côte montante, où défilaient différents navires dont ils entretenaient les descriptions visuellement. Chacun était unique : long comme fin, grand
comme petit, luxueux comme pauvre.

– Es-tu déjà montée à bord ? questionna Catalina à Abigail, tandis que l'heureuse enfant comptait les mouettes perchées sur les ponts.

– Non, j'ai toujours voyagé en carrosse depuis ma tendre enfance ! Et toi ?

– Jamais. Père ne m'emmène jamais en voyage.

   Une mèche de son chignon vola à son visage, et ses bras menus resserrèrent son gilet autour de ses épaules. Elle regarda à nouveau l'horizon, emprunt d'une certaine contradiction.

   Depuis toute petite, Catalina n'avait que très peu voyagé. Son père se déplaçait toujours seul, ou à quelques rares occasions emmenait-il son défunt fils, Erlann, dont il peaufinait l'éducation et le savoir. Ses déplacements étaient souvent politiques ou affaires, et jamais n'avait-il songé à emmener ses filles loin de la campagne éloignée où elles vivaient depuis toujours.

C'était ainsi que la lady voyait les choses. Elle se sentait déjà émérite d'avoir eut droit à un enseignement aussi vaste que culturellement important, qui était déjà plus qu'un avantage pour une lady. Et malgré la volonté de son père de les garder étroitement liées, elle se savait assez chanceuse pour repousser ses envies d'ailleurs.

Oui, Catalina aurait aimé voyagé. C'était de loin ce qui aurait pu guérir son mal-être grandissant, et cette perspective inlassable du manoir. Peut-être un jour partirait-elle, avec Abigail, sur une chaloupe, et vogueraient-elles ensemble vers le Sud, pour découvrir les terres nordiques de la France.

La lady sourit de son absurde idée.

   Ils marchèrent longuement, là où le port ne s'étendait plus, et s'arrêtèrent vers une crique isolée où un accès direct était possible d'emprunt. La perspective de cette plage reculée à eux tous seuls les enchanta, tandis que le doux frottement du sable humide caressait leurs pieds nus, découverts de leurs étroits souliers.

   Darnley déposa sa veste sur le sable, là où Daphney put y déposer son fessier. Sa galanterie épata Catalina, qui eut plus que froid en voyant le lord se dévêtir, et seulement couvert d'une chemise.

— Viens Cat', la première dans l'eau a gagné ! Abigail se rua vers la mer à toute allure, bien décidée à gagner.

   Catalina suivit la jeune lady, d'un pas beaucoup plus serein, les mains sur ses jupons relevés. Le vent fouettait ses accoutrements sans répit. Même en ce début de juin.

   Arrivée devant la mer, elle apprécia le doux contact de l'eau sur ses pieds. Elle était bercée par le chant des vagues et le crépitement du sable, qui glissait sous ses talons fragiles. La lady observa Abigail, ou ses mi-mollets baignaient déjà dans l'eau, malgré sa robe.

— Tu vas être frigorifiée en sortant, l'eau n'est pas très chaude.

— Je profite simplement, cela fait des années que je n'y suis pas allée ! enchaîna Abigail.

   Catalina lui envoya quelques gouttelettes, amusée de voir sa si jeune amie aussi réceptive. Celle-ci ne tarda pas à surenchérir, avec plus de ferveur. Et s'ensuivit quelques échanges immatures d'éclaboussures et de rires.

— Arrête ça, veux-tu ! Nous sommes toutes mouillées.

— C'est toi qui a commencé !

   Catalina ne put contrôler un rire excessif, amusée par la tête atypique et énervée que faisait Abigail, trempée de la tête aux pieds.
La jeune lady se joignit à son hilarité.

   Les deux ladys ressortirent de l'eau, frigorifiées, et retrouvèrent Darnley et Daphney sur la plage, entrain de marcher sur le sable. En gentleman, Darnley vint quérir sa petite sœur et déposer tendrement son veston sur les épaules de Catalina. Ce geste délicat la toucha particulièrement, et les frottements légers qu'il émettait contre son corps pour la réchauffer, l'empourpra.

— Rentrons Miladies, vous allez tomber malades sinon, annonça Darnley, je n'aimerais pas vous savoir dans un tel état.

   Et ces mots fient fondre le cœur de Catalina.

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Bonjour, je m'excuse sincèrement pour le retard. Je vais écrire plus vite, je le promets.
Ce chapitre est très simple, un moment de répit avant tout ce qui va s'enchaîner ensuite. <3 <3

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