Partie 47

Retrouver ses amis et ses proches a fait un bien fou à Emily. C'était comme une bouffée d'air frais qui venait balayer les sombres pensées qui l'assaillaient. Voir tous ces visages familiers, ces sourires sincères, lui ont rappelé une vérité qu'elle a trop souvent oubliée dans ses moments de doute et de solitude : elle n'est pas seule. Même quand tout a semblé peser trop lourd, le monde lui a offert plus qu'elle n'aurait pu espérer un an auparavant. L'aube d'un nouvel espoir se dessine peu à peu à l'horizon, fragile mais présente.

Cet espoir apaise doucement ses plus grandes craintes, comme si les ténèbres qui l'entourent commençaient à se dissiper. Pourtant, une ombre persiste : l'angoisse du procès de son père. Il se rapproche de plus en plus, ce n'est plus une vague perspective éloignée mais une réalité qui se compte maintenant en jours, une dizaine à peine. Chaque battement de cœur semble marquer ce compte à rebours.

Emily se prépare du mieux qu'elle peut, passant de longues heures avec son avocat. Ils s'entraînent à répondre aux questions qu'on pourrait lui poser, à témoigner sans trop perdre de temps, tout en veillant à ne rien oublier d'essentiel. Elle cherche un équilibre précaire entre la vérité et la protection de son propre cœur. Malgré toute cette préparation, le doute continue de s'infiltrer, la laissant parfois démunie.

Mais Solenn est là, avec son soutien indéfectible. Grâce à elle, Emily parvient peu à peu à se défaire du poids de la culpabilité. À chaque séance, sa psy lui rappelle qu'elle n'était qu'une enfant, qu'elle n'a aucune responsabilité dans ce qui s'est passé. Rien n'est de sa faute. Cette vérité, répétée comme un mantra, commence à s'ancrer en elle, apportant un soulagement qu'elle n'aurait jamais cru possible.

Les cauchemars deviennent moins fréquents, moins intenses. Les ombres qui la hantaient reculent lentement, laissant place à un horizon plus lumineux. Ce n'est pas encore la fin du chemin, mais elle se sent plus forte, mieux armée pour affronter le procès qui approche. Et avec cette nouvelle force, l'aube d'un nouvel espoir grandit en elle, prête à éclore.

— Emily, il y a quelqu'un pour toi, l'appelle Thomas depuis l'entrée.

— J'arrive, répond-elle, assez fort pour qu'il l'entende à travers toute la maison.

Emily dévale les escaliers à toute vitesse, son chignon à moitié défait s'échappe un peu plus à chaque marche.

— Coucou Emily ! lance joyeusement Aileen, puis Mathis qui était caché derrière elle, tentant de lui faire peur.

— Mais... ça va pas de débarquer à l'improviste comme ça ?! Faut prévenir ! Je suis pas du tout prête là, je ressemble à rien.

— Bah, T'inquiètes. Si ça peut te rassurer, tu ressembles presque toujours à rien, rétorque Mathis en lui lançant un clin d'œil moqueur.

— Eh oh ! Je te permets pas toi ! Tiens, prends ça ! dit-elle en lui assénant une petite tape derrière la tête, suivie d'un rire.

— Aïe ! Tu m'as fait trop mal, je vais jamais m'en remettre, gémit-il en se frottant la tête exagérément.

— Vous avez fini vos gamineries ? On dirait deux gosses à la récrée, sérieusement, intervient Aileen, l'air faussement agacé.

Emily et Mathis échangent un regard complice avant de se tourner vers la rousse avec une moue d'enfant triste.

— Bon, je suis venue avec Mathis pour te changer les idées, mais visiblement même sans moi, il a l'air de bien s'en sortir, reprend Aileen, un sourire en coin.

— Eh ouais, tu crois quoi ? C'est pas parce que t'es sa meuf ou j'sais pas quoi que je connais pas ma bestie, se vante Mathis, croisant les bras comme s'il venait de gagner un trophée.

— C'est quoi cette manière de parler ? Ça se voit vraiment que t'es encore au collège, tu es tellement immature, lance Aileen avec un air faussement supérieur, le menton légèrement relevé.

— Olala, et après ça vient parler de nous deux... Tu fais pas mieux que nous, Aileen, se moque gentiment Emily en haussant les sourcils.

— Eh ! T'es pas censée me défendre, toi ? Tu préfères ton pote à moi maintenant ? s'offusque Aileen, feignant l'indignation.

Emily rit en secouant la tête, ses cheveux déjà échappés de son chignon finissant de se libérer. Elle fait mine de réfléchir avant de répondre d'un ton espiègle :

— Hum... peut-être bien. Il est plutôt drôle, et en plus, il sait pas se coiffer non plus, ça crée des liens !

Mathis, fier de cette remarque, sourit triomphalement et balance :

— T'as vu ça ? On est un duo de choc !

Aileen lève les yeux au ciel avant de soupirer bruyamment :

— Super, je me retrouve en face d'un duo de chiffonniers capillaires... Je savais que j'aurais dû venir seule.

Emily et Mathis échangent un high-five, fiers de leur complicité, avant qu'Emily ne tire la langue à Aileen.

— Vous êtes incorrigibles, je vous jure... murmure Aileen, amusée malgré elle.

— Bon, je sais pas ce que tu avais prévu de base... visiblement pas grand-chose vu ton style vestimentaire et tes cheveux en pétard. Nous, on te propose : moment détente avec bronzage dans le jardin, bataille d'eau, racontage des derniers potins de l'été et, pour finir en beauté, soirée film avec pop-corn, chocolat et bonbons, ça te semble ok ?

Aileen lance la proposition avec un sourire espiègle, tandis que Mathis approuve d'un signe de tête exagéré. Emily, un peu surprise, esquisse un sourire.

— Pas mal, pas mal. J'accepte si vous me laissez cinq minutes pour réarranger tout ça, explique-t-elle en montrant d'un geste ses vêtements froissés et ses cheveux en bataille.

Un an auparavant, Emily aurait peut-être hésité. Elle se serait sûrement sentie trop maladroite, trop peu parfaite pour ce genre de moments. Mais aujourd'hui, un an après tant de luttes intérieures, de jours sombres et de nuits agitées, elle a appris à être un peu plus douce avec elle-même. Elle ne se cache plus derrière des excuses ou des masques pour éviter le regard des autres. C'est encore un chemin semé d'embûches, mais elle avance, chaque jour un peu plus.

Aileen et Mathis lui répondent par un sourire complice, sans jugement, juste une bienveillance chaleureuse. Emily les observe une seconde de plus avant de filer vers les escaliers, montant les marches deux par deux, légère, presque comme une libération.

Elle entre dans sa chambre et se dirige immédiatement vers sa commode. Ses doigts glissent sur les tissus accrochés, et elle attrape son short préféré. Ce short, ce n'est pas juste un vêtement confortable, c'est un symbole, celui de sa confiance retrouvée, de son corps qu'elle accepte un peu plus à chaque instant. Elle l'enfile, accompagné d'un débardeur simple, mais élégant. Un petit sourire apparaît sur ses lèvres lorsqu'elle se regarde dans le miroir.

— Ça, c'est mieux, murmure-t-elle pour elle-même.

Elle attrape sa brosse et coiffe ses longs cheveux blonds. Plus jeune, elle détestait leur texture, leur manière de s'emmêler, mais maintenant, elle les voit autrement. Ils font partie d'elle, de cette Emily qui s'est reconstruite, jour après jour, rendez-vous après rendez-vous chez Solenn. Elle passe sa main dans ses mèches, ajustant les derniers détails. Pas besoin d'être parfaite, juste d'être elle-même.

En redescendant, elle ressent une sensation de calme intérieur qu'elle n'avait pas connue depuis longtemps. Elle aperçoit Aileen et Mathis en train de discuter en bas, la fille qu'elle aime, et son meilleur ami, les deux piliers qui l'ont accompagnée dans les moments les plus difficiles. Elle s'arrête une seconde, les regardant avec gratitude, avant de se joindre à eux.

— Voilà, je suis prête ! annonce-t-elle, plus légère, plus sereine.

Aileen lui sourit, et dans ce simple échange de regards, Emily sent son cœur battre un peu plus fort. Il y a quelques mois encore, elle aurait douté d'elle-même, de sa place ici, de son droit à être aimée. Elle a encore des peurs, des angoisses qui refont surface parfois, mais aujourd'hui, elle sait qu'elle n'est plus seule. Elle a appris à accepter ses imperfections, à avancer avec elles, et surtout à s'entourer des bonnes personnes. Ce moment, même simple, est une victoire.

— T'as presque l'air belle, en tout cas ! lance Mathis, un clin d'œil moqueur à l'appui.

Emily éclate de rire.

— Et toi, t'as l'air toujours aussi nul en compliments, réplique-t-elle en le taquinant.

Aileen secoue la tête, amusée, tandis qu'Emily s'approche d'elle. Elle se sent enfin prête à profiter du moment, à rire et à partager, sans se soucier du reste.

Les trois adolescents se dirigent vers le jardin, où les plantes et fleurs commencent à éclore timidement, témoignage des soins qu'Emily et sa nouvelle famille leur ont prodigués. Aileen, surprise par cette transformation, ne tarde pas à la complimenter.

— C'est vraiment joli ici, je ne me souvenais pas que c'était aussi bien entretenu, dit-elle, admirative.

— C'est du boulot, mais j'y ai pris goût, répond Emily avec un sourire timide, son cœur gonflé d'une fierté silencieuse.

Ils s'installent ensuite dans l'herbe, les rayons du soleil caressant doucement leur peau. Le premier mois des vacances défile dans leurs conversations : quelques départs, des petits récits anodins, des anecdotes amusantes. Emily, elle, reste en retrait, préférant écouter. Elle évite les détails sur son propre été, encore trop marquée par la douleur qui l'a habitée durant ces dernières semaines.

La chaleur se faisant sentir, Mathis, avec un sourire malicieux, se lève pour aller chercher un verre d'eau. Faisant mine de le boire, il change brusquement de plan pour vider son contenu sur la tête d'Emily. Aileen éclate de rire, incapable de se contenir face à la surprise sur le visage de sa meilleure amie.

— Mathis ! s'exclame Emily en sursautant, à moitié amusée, à moitié consternée.

Ce geste marque le début de la bataille d'eau promise. Les éclats de rire s'envolent dans l'air, mêlés aux cris de surprise et aux éclaboussures. Depuis la maison, Anaïs et Thomas les regardent à travers les fenêtres, le cœur léger de voir leur fille si animée, si vivante à travers la simplicité de ces moments. Les éclats de rire font écho à des jours meilleurs, et pour Emily, ils effacent doucement les ombres du passé.

Une heure plus tard, trempés mais souriants, les adolescents rentrent dans la maison. Ils ont, en partie, séché au soleil tout en discutant des potins concernant leurs amis, et des rumeurs du collège et du lycée. L'atmosphère est légère, empreinte de cette insouciance qui leur avait parfois échappé ces derniers mois.

Après un bon repas convivial en famille, ils s'installent dans le canapé, prêts à regarder Le Chat Potté. Les rires du film se mêlent à ceux des jeunes, tandis que les mains plongent tour à tour dans les bols de pop-corn et de bonbons qu'Emily n'avait pas osé toucher depuis le début des vacances. C'est un petit défi qu'elle relève doucement, entourée de l'amour de ses proches.

À la fin de la soirée, blottie contre Aileen, elle discute encore quelques instants avec ses amis, ses paupières devenant de plus en plus lourdes. Puis, lentement, elle s'endort dans les bras de sa bien-aimée, le visage serein. Pour la première fois depuis longtemps, ses rêves ne sont pas teintés de douleur, mais d'une douce tranquillité.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top