Partie 43

Emily avance à tâtons, désorientée, ses pas résonnant sur le sol nu. Son environnement familier a disparu. Les meubles ont été engloutis par une obscurité oppressante, et les murs, autrefois colorés, sont devenus d'un gris terne. La seule source de lumière est un soleil pâle filtrant à travers les fenêtres, projetant des ombres allongées et inquiétantes. Chaque pas qu'elle fait dans ce couloir interminable renforce un sentiment de mal-être profond, une angoisse qui s'accroît à mesure que le temps semble s'étirer.

Finalement, une porte se dresse devant elle. Elle semble titanesque, comme si Emily n'était qu'une fourmi face à un géant. Tremblante, elle lève la main et pousse la porte du bout des doigts. Le grincement qui en résulte est aussi perçant qu'un cri, et un courant d'air froid, surgissant de nulle part, lui glace la peau, faisant hérisser chaque poil sur ses bras. La pièce de l'autre côté est vide, sans issue apparente, comme si l'âme même de la maison s'était évanouie, laissant derrière elle un vide glacial.

Alors qu'elle se tient là, figée, elle croit entendre, au loin, la voix de sa mère. Faible, presque lointaine, elle semble l'appeler. Emily se met à courir, ses pieds frappant le sol avec désespoir, mais les murs autour d'elle se resserrent, se rapprochent, comme s'ils cherchaient à l'étouffer. Les murs se tordent et se plient, leur surface dure s'écorchant contre sa peau, la blessant à chaque contact. Plus elle court, plus la voix de sa mère s'éloigne, remplacée par des rires sinistres qui résonnent dans l'obscurité.

Elle veut crier, mais aucun son ne sort de sa bouche. Sa gorge est nouée, étranglée par la terreur. Soudain, sa course s'arrête brusquement lorsqu'elle se heurte à un obstacle invisible. Elle lève les yeux, et son cœur s'arrête. Devant elle se dresse son père, immense et imposant, son ombre semblant engloutir tout l'espace autour d'eux. Son sourire est froid, menaçant, et ses yeux, vides de toute émotion, la fixent avec une intensité glaciale. Paralysée par la peur, Emily n'ose plus bouger, son souffle saccadé. Les mains de son père se tendent lentement vers elle, cherchant à l'attraper, à la plonger dans les ténèbres d'où elle ne pourrait jamais s'échapper.

Emily se réveille en sursaut, le cœur battant la chamade tel un tambour frappé à pleine puissance. La transition entre le cauchemar et la réalité est brutale, son esprit est encore embrouillé, incapable de distinguer les contours flous de sa chambre de ceux, oppressants de son rêve. Elle se redresse brusquement, la respiration haletante, chaque inspiration semblant êtreune épreuve en soi. La sueur perle sur son front et glisse le long de son cou et ses draps, trempés par une nuit agitée, collent à sa peau comme une étreinte humide et désagréable.

Les volets sont fermés, plongeant sa chambre dans une obscurité complète où dansent les ombres. Chaque creux et chaque repli des draps se transforment en une menace potentielle dans cette obscurité oppressante. Emily reste immobile, le corps tendu, le souffle court, paralysée par une peur viscérale. Elle craint que ces ombres ne s'animent, qu'elles ne se jettent sur elle pour emporter tout ce qu'elle tente désespérément de protéger, tout ce qui est encore réel et tangible dans sa vie.

Un coup frappé à la porte résonne dans la pièce, brisant le silence lourd et oppressant. Le bruit retentit comme un écho sinistre, amplifiant la tension dans l'air. Emily sursaute violemment, ses membres encore engourdis par la panique nocturne. Son cœur rate un battement, le souvenir du cauchemar se mêle à la réalité et elle s'attend à voir surgir le monstre de son père, prêt à la tirer hors de sa chambre afin de prolonger la souffrances de cet esprit qu'il a déjà brisé.

Lorsque la porte s'ouvre lentement avec un grincement apaisant, Emily se prépare à affronter ce qu'elle craint le plus. Mais au lieu de l'obscurité qui se matérialise dans ses pires rêves, elle voit la silhouette familière de Thomas se détacher dans l'encadrement de la porte, baignée dans la lueur tamisée du couloir.

Un souffle de soulagement incontrôlable échappe à Emily alors qu'elle reconnaît les traits apaisants de Thomas. Ses épaules se détendent, les tensions accumulées se dissipant comme une brume. Les ombres menaçantes semblent se retirer, et l'obscurité autour d'elle paraît moins oppressante. Le cœur d'Emily ralentit, chaque battement devenant plus régulier, plus calme.

— Ça va, ma puce ? Je ne t'ai pas réveillé au moins ? demande-t-il avec sa voix naturellement douce, teintée de préoccupation.

Emily cligne des yeux, essayant de chasser les derniers vestiges de son cauchemar. Sa voix tremble légèrement alors qu'elle répond, cherchant à se rassurer autant que son interlocuteur.

— Non non, ne t'inquiète pas, j'étais déjà réveillée.

Thomas s'approche d'un pas lent mais mesuré, scrutant le visage d'Emily avec une attention bienveillante. Il s'assoit au bord du lit, tendant une main réconfortante vers elle.

— Tu es sûre ? Tu as l'air un peu pâle, se tourmente Thomas, son regard empreint de sollicitude.

Emily hoche la tête, forçant un petit sourire, tentant de masquer ses craintes derrière une façade de normalité.

— Promis, juste un cauchemar.

Thomas lui rend un sourire encourageant, son expression trahissant une inquiétude persistante mêlée d'une compassion profonde.

— Bon, à ce sujet, on voulait discuter avec toi avec Anaïs. On t'attend dans le salon.

— D'accord, j'arrive dans quelques minutes, répond Emily, encore un peu tremblante.

Thomas lui adresse un dernier sourire rassurant avant de quitter la chambre. Le bruit discret de la porte qui se referme laisse Emily seule un instant, le calme de la pièce contrastant fortement avec l'agitation intérieure qu'elle ressent encore.

En se levant, Emily remarque la douce lumière du matin filtrant à travers les rideaux. Elle prend quelques instants pour se passer de l'eau froide sur le visage, espérant que cela l'aidera à se sentir plus fraîche et prête à affronter la journée.

Une fois prête, elle se dirige vers le salon, ses pas légers malgré la lourdeur des émotions encore présentes. En entrant dans la pièce, elle trouve Thomas et Anaïs assis sur le canapé.

— Coucou ma chérie, bien dormi ? Je t'ai préparé ton chocolat, annonce Anaïs d'une voix douce, presque maternelle.

Elle lui tend la tasse fumante, surmontée d'un petit nuage de minis chamallows fondants qui flottent à la surface. L'arôme sucré et réconfortant du chocolat chaud emplit la pièce, offrant une étreinte chaleureuse qui contraste avec le froid de la nuit précédente.

Emily accepte la tasse avec un sourire timide, touchée par ce geste de réconfort. Elle prend une petite gorgée, savourant la douceur qui contraste avec l'amertume de ses pensées.

— Euh, pas trop mal, ment Emily, cherchant à masquer l'impact persistant de son cauchemar. Merci beaucoup Anaïs, c'est vraiment gentil de ta part !

Anaïs observe Emily attentivement, son visage se faisant plus sérieux. Elle se penche légèrement en avant, comme pour accentuer l'importance de ce qu'elle s'apprête à dire.

— Thomas m'a raconté ce qu'il s'est passé la dernière fois. Au vu de tes réactions et de tes comportements, on ne pouvait pas rester comme ça les bras croisés à espérer que tu puisses aller mieux toute seule, explique Anaïs avec une compassion sincère. La psychologue de l'hôpital n'étant pas très disponible, nous avons décidé de t'en trouver une autre. Elle nous a été conseillée par une association de maltraitance infantile, elle a donc l'habitude de ce genre de cas.

Emily, tout en écoutant Anaïs, se laisse envahir par un mélange de soulagement et d'appréhension. Le fait de savoir que quelqu'un de qualifié sera là pour l'aider est une lueur d'espoir dans sa tempête émotionnelle, mais l'idée de devoir ouvrir son cœur à une nouvelle personne lui semble encore intimidante.

— Elle commencera son travail avec toi dès la semaine prochaine, tu pourras la voir aussi souvent que tu en auras besoin. Que ce soit une ou deux fois par semaine ou seulement une fois par mois, nous sommes prêts à faire tous les sacrifices du monde si c'est pour que tu puisses être heureuse après. Ton bien-être est notre priorité et nous serons à tes côtés à chaque étape du chemin, poursuit-elle.

Les mots d'Anaïs résonnent avec une sincérité rassurante, apportant une lueur de réconfort à Emily. Elle prend une profonde inspiration, se sentant à la fois reconnaissante et anxieuse face à ce nouveau chapitre de sa guérison.

— Il sera également important de discuter avec elle pour déterminer si elle pense que des médicaments pourraient t'aider temporairement. Je sais que tu n'en as jamais pris auparavant, mais parfois, ils peuvent offrir un soulagement nécessaire pour te stabiliser pendant que tu travailles sur tes émotions. Si elle pense que c'est le cas, nous organiserons un rendez-vous avec un généraliste. Comme tu le sais peut-être, un psychologue ne peut pas prescrire de médicaments, mais un médecin pourra évaluer si c'est une option appropriée pour toi. Nous voulons nous assurer que tu reçoives tout le soutien possible pour traverser cette période difficile. Qu'en penses-tu ?

Emily prend un moment pour réfléchir, ses doigts serrant la tasse de chocolat chaud contre elle. Elle sent la chaleur réconfortante des mini chamallows fondant lentement, mais cela ne fait qu'accentuer le tourbillon d'incertitude dans son esprit. Les mots d'Anaïs résonnent en elle, mêlés à ses propres craintes. Elle est tiraillée entre le besoin pressant d'une solution qui pourrait alléger sa souffrance et la peur de se replonger dans un passé douloureux qu'elle essaie d'oublier.

— Je ne sais pas à vrai dire, murmure-t-elle, sa voix trahissant l'hésitation qui l'habite. J'ai un peu peur de tout recommencer, de devoir raconter à nouveau tout ce qu'il s'est passé, de revivre les émotions qui m'ont sans cesse tourmentée. Mais je sais que c'est nécessaire, important.

Elle prend une grande inspiration, essayant de rassembler son courage. Les craintes sont palpables dans ses yeux, mais un petit éclat de détermination brille aussi. Elle sait qu'affronter ses démons est le seul chemin vers la guérison, même si chaque pas semble lourd et difficile à franchir.

Emily regarde le chocolat chaud, ses pensées tourbillonnantes comme les bulles de crème qui flottent à la surface. Anaïs et Thomas lui offrent un sourire chaleureux, leurs yeux plein de compréhension et d'encouragement. Elle prend une profonde inspiration, son cœur battant encore à tout rompre, mais sa décision de commencer à affronter ses démons se solidifiant.

— Je vais le faire, finit-elle par dire avec une détermination tremblante. Je sais que ce ne sera pas facile, mais je suis prête à essayer.

Anaïs lui prend doucement la main, serrant avec une tendresse pleine de promesses. Thomas hoche la tête, son regard empli de fierté et d'espoir.

— Nous serons là à chaque étape, murmure Anaïs. Rien ne pourra nous séparer de toi.

Leurs paroles résonnent comme une mélodie réconfortante dans l'esprit d'Emily. Alors qu'elle finit sa tasse de chocolat chaud, elle sent une légère chaleur envahir son cœur, un sentiment de réconfort émergeant de l'obscurité de ses peurs.

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