Partie 14

Maman. Je n'ai jamais su ce qu'il s'était passé de ton côté, pourquoi tu avais changé, pourquoi je n'existais quasiment plus à vos yeux. Il y a tant de questions sans réponses et malheureusement, je vais devoir accepter qu'il n'y en ait jamais. Aussi bien que je me rappelle, j'ai dû avoir une enfance classique : des parents aimants, des grands-parents, des cousins, des balades aux parcs, ... Puis du jour au lendemain, tout avait disparu. C'est traumatisant pour un enfant des changements aussi brusques, d'avoir à apprendre à être autonome, à être parfaite pour ses géniteurs et de savoir que ça ne sera jamais assez suffisant. Quoi que je fasse, ce n'était pas suffisant. Tu sais, maman, je ne te déteste pas, je t'ai même aimée un jour. Ce soir, j'ai mal parce que je réalise que je ne te verrais plus jamais. Que tout ce que j'accomplirai, que les gens que j'aimerai, tu ne le sauras pas, tu ne les rencontreras jamais, car même si nous n'avions plus une belle relation, l'espoir qu'un jour les choses pourraient s'arranger était présent. C'est bête à vrai dire, je suis partie sans penser aux conséquences de mes actes, je suis égoïste. Je suis sûr que c'est de ma faute si tu es morte. Chaque matin, je me réveille avec la boule au ventre et le cœur qui bat trop fortement dans ma poitrine. Je suis désolée, si désolée d'avoir été une piètre fille. J'espère que tu me pardonneras, que tu es mieux auprès des étoiles.

Emily referme le carnet d'un geste plutôt violent puis se met à tourner en rond dans sa chambre. La nuit, les pensées les plus noires viennent parcourir son esprit, elle ressent le besoin d'extérioriser sa douleur, mais elle ne sait comment faire. Neige monte sur son lit et miaule. La blonde plonge son regard embué dans celui de son chat, cet être innocent qui pourtant n'a pas eu un bon début de vie, tout comme elle, alors elle se rapproche de lui et l'enlace en laissant son âme s'effondrer. Elle se déteste de ne pas avoir pu sauver sa mère, de l'avoir laissé vulnérable face à un homme qu'elle savait violent. Ce sont toujours les innocents qui souffrent à la place des coupables, le monde est injuste et l'adolescente l'apprend. Elle ne parle à personne de ce qu'elle ressent. Elle est dans le pétrin et personne ne peut l'aider, car nul ne sait ce qu'elle traverse. L'animal approche son museau du visage d'Emily pour se frotter à elle, comme pour lui montrer qu'il est là pour elle, peu importe les circonstances. Elle se sent un peu mieux même si son cœur reste lourd. Elle porte ensuite ses écouteurs à ses oreilles, ça peut paraître stupide, mais à ses yeux, la musique trouve toujours les mots à poser sur ses sentiments.

J'attends la vague de la mer de mes larmes
J'attends la vague pour l'instant j'ai le vague à l'âme
Il manigance dans mon dos, prépare des plans en cachette
Un jour tout se paye, rien ne s'achète
Partout je vois de la haine, les relations humaines m'écœurent
J'ai peur des gens que j'aime car je leur ai confié mon cœur
Tout le monde m'entend pourtant personne ne m'écoute

Emily ferme les yeux et laisse ses larmes couler doucement, les unes après les autres. Elle ne fait pas de bruit, ne souhaitant pas inquiéter ses parents adoptifs. Son cœur bat de plus en plus vite dans sa poitrine, elle essaie de contrôler sa respiration afin de se calmer, mais c'est un échec. Elle se sent démunie, coupable, elle se déteste à un point où elle aurait préféré que ce soit elle qui parte plutôt que sa mère. Pourquoi elle ? Qu'est-ce qu'elle a bien pu faire au monde pour que les événements négatifs s'enchaînent aussi rapidement dans sa vie ? Elle avait l'impression que le positif revenait, que l'espoir aussi, c'est toujours quand on croit avoir fait quelques pas en avant que la chute se fait plus douloureuse. Soudainement, son téléphone vibre, c'est Aileen. Emily inspire un grand coup avant d'oser décrocher.

— Hey, tout va bien ? Il est tard, murmure-t-elle d'une petite voix.

— Je... J'avais comme un pressentiment, je voulais m'assurer que ça allait chez toi, répond Aileen d'un ton inquiet.

Emily essuie les traces d'humidité sous ses yeux comme si sa petite amie était dans la pièce.

—Je vais bien, ne t'en fais pas.

— Tu es sûr ? Tu as une petite voix, remarque-t-elle.

— C'est fou comme même à distance, tu portes de l'attention au moindre détail, c'est ce qui fait ton charme, tu sais, sourit la blonde dans le noir.

—Les détails, c'est ce qui fait toute la différence, tu sais. Du coup, je t'écoute, qu'est-ce qui ne va pas ?

— Mhm, hésite-t-elle, la même chose que d'habitude. Je remets tout en question, je pense trop, je me sens coupable, j'ai l'impression que je ne mérite pas ce qu'il y a de bons dans ma vie.

— Malheureusement, dans la vie, on ne peut pas contrôler les actions des gens, si demain, une voiture venait à m'écraser, il est probable que tu te sentes coupable alors que tu ne le serais absolument pas. Tu ne peux pas empêcher certaines choses de se produire, c'est la vie qui est comme ça, avec ses hauts et ses bas. C'est normal de se sentir dépassé face à ça, tu es humaine, tu as des émotions et ça, c'est plutôt rassurant. Tout le monde mérite le bonheur malgré tout. Pourquoi tu es si dure avec toi-même ?

— Je ne sais pas, c'est juste que durant ma jeunesse, on m'a répété tellement de fois que ce je faisais n'était jamais assez, que je n'étais pas assez bien. À l'école, c'était pareil, je n'ai jamais vraiment réussi à m'intégrer dans un groupe, j'ai tellement été mise à l'écart que j'ai fini par croire que le problème devait forcément venir de moi.

— Ne laisse jamais les autres te faire croire que ta valeur n'est égale à rien. Apprends à faire de toi une priorité, car personne ne sera à tes côtés aussi longtemps que toi-même. Tu dépenses tellement d'énergie à tourner dans un cercle vicieux et c'est ce qui te maintient dans la négativité. Tu es merveilleuse Emily, tu as juste à regarder Anaïs qui est en train de faire les démarches pour pouvoir t'adopter. Cette famille d'accueil peut tellement t'apporter, observe la lumière autour de toi, elle ne brillerait sûrement pas autant si tu n'étais pas là.

— Merci Aileen, je t'aime si fort, répond-elle touchée.

— Je t'aime aussi Emily, prends soin de toi et passe une bonne nuit.

— Bonne nuit, énonce-t-elle en laissant ses lèvres s'étirer. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top