62. Aïka

 Je pose la dernière assiette sur l'égouttoir et jette l'éponge dans l'évier.

– Aïka, ne laisse pas l'éponge traîner, met la sur le porte-éponge.
– Oui maman. C'était qui, au téléphone? Je demande alors qu'elle s'assoit à la table du salon.
– Ton père.
– Sa détox se passe bien?

Elle me fait un petit sourire triste avant de soupirer. Qu'est-ce que ça veut dire? Je fronce les sourcils mais n'ai pas le temps de lui demander. La porte s'ouvre en fracas et un "C'EEESSSST NOOOUUUUUS!!!!!!" résonne dans le couloir de l'entrée. J'éclate de rire. Sa bonne humeur est contagieuse, même en l'entendant juste.

– OHA!!! Crie-t-elle en nous voyant.
– Alors ce voyage?
– Génial! Répond-elle à ma mère en me donnant le pack de bière et le dessert.
– Je parie que tu as bu comme un trou. Je ris. Ryu!! Viens m'aider!
– J'arrive!
– Tu as totalement raison! Assume la fausse blonde. Ceci dit, j'ai trouvé mon maître.
– C'est possible?
– Tais-toi petite soeur indigne!
– Personnellement, ça ne m'étonne pas. Renchérit Ryu. Le vieil entraîneur à l'air d'être un fêtard.
– Ton coach n'a pas su tenir la cadence!
– Vraiment? Je m'étonne. Il a pourtant l'air d'avoir de l'expérience.
– Ne le juge pas sur l'apparence. Souris Ryu en me tirant la chaise. Il a l'air d'une racaille mais c'est une bonne personne.
– On pourrait dire la même chose de toi. Je commente alors qu'il prend place à côté de moi.
– Vous ne me ramenez pas une bière? S'étonne la jeune adulte.
– Saeko, nous n'avons même pas encore commencé le repas. La reprend ma mère.
– Pardon.
– Que font vos parents? Demande ma mère après l'avoir couvert d'un sourire doux.
– Ils profitent que nous soyons ici pour s'accorder une dernière soirée en amoureux.
– Prêt à jouer les grand-frère? Je taquine Ryu en lui donnant un petit coup de coude.
– Et toi alors! Rit-il. Ne crois pas que tu y échapperas si j'y passe!
– Évidemment, mais je suis certaine d'être une meilleure grande sœur que toi.
– Bien sûr que non! C'est moi le meilleur!
– Je n'en serais pas aussi sûr a ta place! Je suis bien plus posée et réfléchis que toi.
– Peut être mais j'ai un moral plus fort que le tien et je sais me battre.
– Moi aussi!
– Bien sûr que non!
– Espèce de misogyne!
– Aïka, la dernière fois j'ai dû intervenir.
– Pardon? Intervient ma mère.
– C'était il y a trois ans! Je m'agace, ignorant complètement ma mère. J'ai appris depuis.
– Un petit combat?
– Quand tu veux!
– Non mais ça va pas? S'exclame Saeko.
– T'inquiète pas, la rassure Ryu, j'irais pas fort.
– Ha! Je m'exprime théâtralement. J'espère pour toi que tu n'as pas volley demain.
– J'ai volley mais je ferais avec t'inquiète.
– Ne viens pas pleurer après.
– Aika! S'écrie ma mère alors que nous sortons dans le jardin.

Nous sommes pieds nus dans l'herbe. Je me mets en position, les poings levés devant mon visage.

– Tu es ridicule.
– Toujours se protéger le visage.

Il hausse les épaules avant de se jeter sur moi. Je me déplace au minimum pour l'éviter et tends la jambe. Emporté par son élan, il s'écrase par terre.

– Je te laisse une deuxième chance.

Il se relève et me considère avec circonspection. Il attend que j'attaque mais j'ai appris à mes dépends qu'attaquer quelqu'un de plus costaud et plus grand que moi n'est pas une bonne idée. Il perd rapidement patience et me balance son poing. Je l'évite d'une torsion de l'épaule, l'attrape et lui tord le bras pour le faire tomber par terre. Le visage contre le sol, le bras tendu vers l'arrière, mon genoux entre les omoplates, il ne peut plus bouger. Il passe un bras sous lui et je m'assis en tailleurs sur son dos. Il continue mais je sens son corps trembler d'effort. Je lâche son bras et il se met à faire des pompes, sans me déloger. Saeko et moi éclatons de rire. Je me rends compte en me calmant que la sonnerie d'une des maisons voisines retentit en boucle depuis un moment. J'allais hurler pour que ça s'arrête mais le silence retombe au moment où j'ouvre la bouche. Le téléphone de Ryu sonne et nous nous tournons tous vers le salon. Saeko se dirige vers la table mais la sonnerie s'éteint avant qu'elle l'atteigne. Elle aimerait regarder qui c'est mais il est verrouillé, avec un code.

– Ryu? Appelle une voix de l'autre côté de la palissade.

Je la reconnaîtrais entre mille. Je descends du dos de mon meilleur ami. Nous habitons l'un en face de l'autre. Il me sourit et me prend par les épaules en hurlant qu'il arrive. Nous retournons à l'intérieur et mettons nos chaussures rapidement. J'ai toujours des socquettes, dans le cas où je devrais sortir rapidement. Depuis que nous côtoyons Aï et Maï, ma mère et moi prenons tellement de précautions que même Kita s'est plaint de ne pas pouvoir entrer pour nous avertir s'il se passe quelque chose. Cette affirmation a grandement rassuré ma mère parce que, avouons le, Kita est hyper doué dans son métier. Je ferme la porte derrière nous. Ryu a déjà traversé l'allée principale et je dois trottiner pour me mettre à sa hauteur. Il ouvre le portillons et tape dans le poing du jeune homme devant lui. Ce dernier ne me regarde même pas.

J'en suis blessé, et je me rembrunit. Ryu fronce les sourcils. Il se décale pour me parler et je sursaute quand je vois le visage de l'invité s'élargir pour afficher une expression de surprise que je n'ai pas l'habitude de voir aussi... Exprimée? Bon dieu mais il fait tout dans la démesure ce mec. Je souris en songeant qu'en beauté aussi, il a été gâté.

– Enchanté! Dit il avec son sourire, plus lumineux que le soleil.

Malgré ça, ses mots me mortifient. Nous nous connaissons.

– T'es sérieux? Demande Ryu.
– Quoi? Demande son ami en voyant le regard furieux qu'il lui lance.
– En fait! Je m'exclame (un peu trop fort) en me mettant devant Ryu pour l'empêcher d'aller taper sur le petit brun. Nous nous connaissons déjà. Je suis Honokaya Aïka. Tu te rappelles?
– Je suis désolé, je suis confus.
– Pas de problème. J'ai un visage banal, tu n'es pas le premier à m'oublier.

Un frisson me parcourt. Je sais Ryu, je sais. Le petit libéro vient lui parler du prochain camp d'entraînement avant de dériver sur les filles. Ryu est toujours derrière moi. J'entends ses phalanges craquer tellement il force dessus. Par pitié, qu'il arrête. C'est jamais bon signe quand il fait ça. Pour une fois, je ne sais pas contre qui il est en colère. Contre Nishinoya parce qu'il a prouver qu'il me snobbait complètement? Ou contre moi parce qu'il déteste que je me dénigre !? Il ne dit rien et nous écoutons l'énergique sportif parler.

– Yu! S'exclame Saeko en s'incrustant. Qu'est-ce que tu fais là?
– Saeko-nee-san! Je venais voir Ryu.
– Tu veux rester manger? Propose ma mère, et j'entends la mâchoire de Ryu craquer.

J'ai envie de pleurer. La fureur de mon presque-frère en deviendrai physique si c'était possible. Pour l'amour du ciel, faites qu'il se calme pendant le repas. Nishinoya arrive à se dépêtrer des deux femmes et nous rentrons manger. Ryu vérifie que Nishinoya a disparu avant de se retourner vers moi et de me décocher une droite. Je l'évite de justesse mais me retrouve bloqué contre le portail.

– Tu crois que ça me fait plaisir? Je demande en baissant la voix.
– Alors pourquoi?
– Ryu, la dernière fois que j'ai vu des yeux s'allumer comme ça en parlant de quelqu'un, c'était Aï parlant d'Oikawa. Et elle est complètement mordue.
– Et tu sais dans quel état elle a fini?
– Comment tu le sais?
– J'ai entendu Suga en parler avec Sasaki et Daichi. Elle n'avait vraiment pas l'air bien.
– Aï est sa meilleure amie, et l'une des seules qui ne l'a pas approcher pour son argent. Elle en a été énormément affectée. Enfin je ne vois pas le rapport avec moi. Je n'en suis pas à ce point là.
– Tu baves sur lui depuis le collège.
– Et alors? Ne t'énerves pas pour ça. C'est uniquement de ma faute s'il est tombé amoureux d'une autre et crois moi que, vu la façon dont il en parle, il ne se détournera pas de si tôt.
– Tu avais ta chance. Soupire-t-il en s'écartant pour me laisser passer.
– Non, Ryu. Tu le sais. Il... Il ne serait pas sorti avec une fille sans en être amoureux. Il n'arrive même pas à se rappeler mon visage alors que nous nous voyons au moins trois fois par semaine. Je n'avais aucune chance.
– Tu me fais de la peine.
– Tu peux parler! Tu cours après Shimizu depuis la seconde alors qu'elle te met rateaux sur rateaux.
– La seconde, pas le collège.
– Je ne me suis pas déclarer, moi.
– J'ai eu le cran de le faire, moi!
– On voit le résultat. Je rigole en entrant et lui tenant la porte.
– Un jour, elle sera amoureuse de moi. Dit il avant de fermer la porte.
– C'est beau autant d'optimisme. Je ris franchement. Qu'est-ce que tu fais?

Il regarde dehors. Quand je m'approche, il se retourne vers moi en souriant et finit son geste.

– Il y avait un chat.

Il ment mal.

– Bon, vous venez manger? S'impatiente Saeko. J'ai faim et ça refroidit.
– Elle a raison. Renchérit ma mère. Venez manger Tic et Tac.
– Nous ne sommes pas des écureuils. Je me hérisse en les rejoignant.
– Ryu en a la tête. Commente Saeko.

Nous éclatons de rire. Nous nous asseyons à nos places initiales et je sers tout le monde. Du coin de l'œil, je vois une forme étrange dans le jardin. Je tourne la tête il n'y a rien. Ryu lève un sourcil mais je lui souris et reprends la conversation. Les deux jeunes gens qui font maintenant partie de la famille décident de rester dormir. Saeko aime beaucoup notre canapé et le monopolise pendant que je sors le matelas pour Ryu, que je mets dans ma chambre. Nous parlons jusque tard dans la nuit. Ça me fait du bien de discuter avec lui. Nous nous connaissons par coeur. Il est le frère que je n'ai jamais eu et je ne les échangerais, lui et Saeko, pour rien au monde.

A suivre... 

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