54. ...

– "Tu es sûr de toi?"
"J'ai un mauvais pressentiment, je te dis. Je vais voir si elle va vraiment bien, je te tiens au courant."
– "Je viens, tu m'inquiètes. J'ai prevenu Kuroo. Il vient aussi."
– "D'accord, on se retrouve devant l'appartement."

Akaashi verrouilla son téléphone et termina de mettre ses chaussures. Derrière lui, sa mère lui faisait promettre d'être prudent et de la tenir au courant. Il sortit et trottina pour se rendre à l'arrêt de bus le plus proche. Il lui fallait dix minutes pour rejoindre l'appartement. Au troisième arrêt, Bokuto et Kuroo montèrent à leur tour. Le capitaine de Nekoma avait laissé les filles joués aux jeux vidéos avec Kenma. Akaashi leur laissa le téléphone pour qu'ils puissent lire la conversation qu'il avait eu plus tôt avec Aï. Si le chat n'était pas convaincu, le hiboux en revanche était clairement inquiet. Il se jeta presque du bus quand celui-ci ouvrit ses portes. L'arrêt était à deux cent mètres de leur destination. Ils les firent en trottinant. Les nuages gris foncés rendaient le jour sombre. Le porte était fermé à clé. Akaashi leva un sourcil. Est-ce que ça voulait dire que la jeune fille n'était pas là? Il ouvrit la porte. Un silence parfait régnait, tout était éteint. Ils entrèrent et enlevèrent leurs chaussures. Ils appelèrent mais ne reçurent aucune réponse. Kuroo plissa le nez en arrivant dans la cuisine.

– C'est quoi cette odeur?
– Quelle odeur?
– Il y a une vieille odeur. Un peu comme...
– Vous entendez? Le coupa Bokuto. Quelque chose coule.
– Où ça? S'affola soudainement Kuroo, faisant sursauter les deux autres.

Le comportement de Kuroo contribua à la panique de Bokuto, qui se précipita vers la salle de bain. Il colla son oreille à la porte. Il entendait nettement l'eau couler. Il appela à nouveau mais ne reçut toujours pas de réponse. Avait-elle ses écouteurs? Étaient-ils partis en oubliant de fermer l'eau? Aucun des deux n'avait pris de bain, ça n'avait pas de sens.

– Du sang!
– Quoi du sang?
– Cette odeur, c'est une odeur de sang!

Le blanc tenta d'ouvrir la porte mais elle était verrouillé. Il força avant de reculer pour la défoncer. Akaashi intervint pour l'arrêter. Il attrapa la vis de la clé et la tourna facilement. Il bascula avec la porte. Le sol étant rose pâle, il ne voyait pas la couleur de l'eau, mais l'odeur de sang était bien plus présente ici. Bokuto ouvrit le rideaux d'un coup sec et plongea ses bras dans l'eau pour en sortir Aï. Ses lèvres avaient décolorées pour atteindre la pâleur de sa peau. Le t-shirt gris et le jean bleu du jeune homme se teintèrent de la couleur maudite. Kuroo était au téléphone avec l'ambulance quand Akaashi annonça qu'il sentait son poul battre. Le brun se leva ensuite pour la couvrir d'une grande serviette. Bokuto la souleva comme une princesse et eut un déséquilibre. En la sortant de l'eau, la pression l'avait fait paraître beaucoup plus lourde qu'elle ne l'était réellement. Ils sortirent en entendant l'alarme si connue. Les ambulanciers n'avaient pas sorti le brancard que le volleyeur posait son amie dessus. Aucun des garçons ne fut autorisé à monter dans le véhicule.

Le trio resta un instant immobile. Les épaules de Bokuto s'affaissèrent brutalement et il se mit à pleurer en silence. Kuroo lui frotta le dos pendant qu'Akaashi attrapait son téléphone. Il appela d'abord ses parents, puis Kenma. Il se demanda ensuite comment il allait annoncer ça à Audrey et Ilyas. Parfaitement conscients que les visites n'étaient plus autorisées depuis belle lurette, ils retournèrent dans l'appartement. Ils s'occupèrent chacun comme ils pouvaient. Le plus jeune se mit en tête de ranger les vêtements contenues dans la valise. Les capitaines allèrent vider la baignoire, dont un essayant de passer outre ses larmes. Larmes qu'il ne pouvait empêcher de couler. Quand chacun d'eux eut fini, Kuroo choisit de retourner chez lui et ses amis allèrent se poser sur le canapé. Dans ce silence étrange qui s'installa, Akaashi s'endormit. Bokuto se savait incapable de l'imité. Quand est-ce que tout avait dégénéré? Depuis combien de temps y songeait-elle? Quand il l'avait quitté, elle était tellement heureuse de partir en vacances qu'elle n'arrêtait pas de rire. Même quand il avait pris toute l'eau chaude, elle ne s'était pas énervée.

Elle les avait appelé le 19 au soir pour saluer toutes les équipes du groupe. Elle était d'une excellente humeur. Elle avait même réussi à se réconcilier avec Yaku. Elle était devenue hystérique. Elle avait tellement parlé qu'il lui avait fallu mettre ses écouteurs pour continuer à l'écouter après le couvre-feu. Akaashi leur avait tiré les oreilles. Ils avaient ri et l'attaquant avait promis d'être frais et dispo le lendemain. Il n'avait pas manqué à sa parole. La tireuse leur avait promis des souvenirs de vacances. Elle comptait garder la surprise pour les leurs mais avait laissé échapper qu'elle avait prévu un petit ventilateur portable pour Kenma et un t-shirt pour Kuroo. Elle n'avait pas voulu lui dire le motif. Il avait tellement hâte qu'elle rentre, pour lui parler de la technique fatale qu'il avait appris à Hinata. Pour faire une soirée Mario Kart avec elle. Elle avait promis de lui mettre la pâtée et lui avait juré de ne pas se laisser faire. Comment est-ce que la jeune fille souriante et pleine de vie qui lui faisait tourner la tête depuis trois ans avait-elle pu ne serait-ce que songer à mettre fin à ses jours?

Qui avait osé la briser de la sorte? Était-ce l'addition de plusieurs éléments? Est-ce qu'il aurait pu l'empêcher? Il se redressa. Etait-ce à cause de son frère? Ses relations avec lui étaient mauvaises mais elle était persuadée que ces vacances à la mer leur permettraient d'enterrer la hache de guerre. Elle semblait y être arrivée. Qu'est-ce qui avait mal tourné? Qui était fautif? Cet Oikawa entrait-il en ligne de compte, lui qui faisait fondre Aï? Bokuto sentit son coeur se serrer et sa colère grandir. Trois ans qu'il la regardait baver devant lui ou sauter sur son téléphone les rares fois où il lui envoyait un message. Il l'avait même aidé à lui trouver un cadeau. Quand Oikawa était sorti avec une fille, malgré ses paroles rassurantes, elle s'était effondrée. C'est lui qui l'avait ramassé à la petite cuillère. Sa peine de cœur était passée. Elle n'en avait pas perdu l'appétit ou le goût de tirer, mais elle avait arrêté de sourire et de rire. Le gris avait toujours fait en sorte que ça ne recommence pas. Comment avait-il pu être aveugle à son malheur? Bien sûr, il voyait bien que la relation avec son frère la peinait et la tracassait, mais c'était bien la seule chose pour laquelle il ne pouvait rien y faire.

L'aube avait envahi la pièce avant qu'il ne sorte de ses pensées. Akaashi se réveilla au moment où il prit conscience que le jour se levait. Ils ne prirent pas la peine de se changer, trop pressé d'aller voir si Aï s'en était sorti. Ils durent attendre dans la salle d'attente. L'heure des visites n'était pas encore venue et le médecin souhaitait d'abord parler à la patiente avant d'autoriser les visites. Audrey et Ilyas arrivèrent moins de cinq minutes après. La blonde semblait sur le point de faire un malaise et son frère tremblait. Yaku, le reste de l'équipe de Fukurodani et leurs managers les suivaient de près. Kuroo et Kenma étaient occupé avec leurs invitées. Dans le groupe Fukurodani, tout le monde connaissait Aï Iwaizumi. Même Shinzen et Ubugawa. Il était rare qu'ils fassent un camp d'entraînement sans qu'elle ne les appelle. Ils l'aimaient, ou pas, mais ils avaient tous un avis sur elle. Si les visiteurs ne furent pas plus nombreux, les téléphones n'arrêtèrent pas de sonner. Ils avaient un groupe avec les équipes du groupe Fukurodani. Visiblement, son hospitalisation avait suscité un débat. Akaashi s'était contenté de leur dire qu'elle partait en ambulance, sans préciser la raison. Elle avait aussi rencontré l'équipe de Nohebi. Elle avait fait une drôle d'impression en clouant à la fois les becs de Suguru et Kuroo. Au contraire de sa rencontre avec les jumeaux Miya, elle n'était pas vraiment devenue amie avec l'équipe verte. Elle avait été énormément influencée par l'opposition et la haine entre Nekoma et Nohebi. Miya Atsumu l'avait particulièrement énervé lors de leur rencontre. Il avait affirmé que le tir à l'arc n'était pas un vrai sport. Aï était entrée dans une rage folle. Osamu, l'autre jumeau, avait argumenté qu'elle, au moins, était championne dans sa discipline. Avant d'ajouter qu'il était loin de pouvoir juger quelle discipline pouvait être appelée "sport", ou non. Bokuto avait remarqué qu'aucun ne montrait la moindre once de peur devant l'aura terrifiante qui avait entouré Aï. En les côtoyant un peu plus souvent, ils se sont tous rendu compte que les jumeaux étaient insensibles à ce pouvoir mystérieux qu'avait Aï de déclencher les instincts de survie des personnes victimes de sa colère. Autant ce fait l'amusait beaucoup chez Osamu, avec qui elle avait beaucoup sympathisé. Autant elle aurait préféré que son frère ne prenne pas trop la confiance.

Le médecin arriva enfin. Il demanda qui était qui. Après avoir mis au clair les relations de chacun avec la patiente, il demanda à parler à Bokuto et Akaashi en privé. Le brun eut un vertige quand l'homme face à lui annonça qu'elle avait échappé de peu à la mort. Ils étaient arrivés à temps. Dix minutes et ils ne la sauvaient pas. Elle avait perdu énormément de sang et était sous aide respiratoire. Les blessures étaient profondes. Il annonça qu'elle risquait d'être dans le coma quelques jours, le temps que son corps reprenne des forces. Si cela durait plus longtemps, c'est que le choc psychologique la menant à cette extrémité était trop puissant pour que le cerveau estime qu'elle devait reprendre connaissance. Dans ce cas, seul le temps décidera de son rétablissement. Il n'autorisa pas tout le monde à aller la voir. Seulement les personnes à l'avoir trouvé. Les autres devaient rester dans la salle d'attente. Les parents d'Akaashi arrivèrent à ce moment-là. N'étant pas les tuteurs légaux, ils ne purent pas la voir.

Le passeur n'avait jamais vu Bokuto aussi calme. L'ailier se contenta de s'approcher d'elle et de lui prendre la main. Un frisson le parcourut et il la reposa. Il réarrangea ensuite les couvertures pour qu'elle soit couverte jusqu'aux épaules. Akaashi n'osait pas intervenir, comme si une force l'empêchait d'interrompre un moment intime. Le brun se permit de prendre une photo. C'était une maigre consolation pour ceux qui ne pouvaient pas la voir, mais c'était mieux que rien. Bokuto se mit à arranger le fauteuil, la chaise, les plantes en marmonnant qu'Aï ne se sentira jamais bien dans une chambre qui n'était pas harmonisée. Quand il eut fini, ils sortirent. Les volleyeurs, accompagnés d'Ilyas, restèrent silencieux sur le chemin qui les menait au lycée. L'élève de Nekoma les abandonnat à peine sortit de l'hôpital, puisqu'ils partaient dans le sens inverse. L'ambiance ne fut jamais aussi morose, sans compter qu'il faudrait encore expliquer au professeur de tir à l'arc pourquoi la championne n'était pas présente. Akaashi soupira, sentant venir la pire journée de sa vie.

A suivre...

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