Chapitre 2
En entrant dans le palais, nous longeons un long et interminable couloir pour le moins impressionnant. Le sol est en pavé blanc, de longues et puissantes colonnes sur le côté gauche contre une rangée de rosiers et petits arbustes sur le côté droit. Le plafond, alliant équitablement entre perfection et asymétrie, a été sculpté avec minutie pour donner sur la salle de bal, la dernière porte. Quand nous pénétrons, nous nous figeons tous les quatre devant l'incroyable beauté et immensité de la pièce, faisant à vue d'œil dix fois notre rez-de-chaussée. Six magnifiques lustres plongeants éclairent la salle, couverts d'or et de diamant, tout comme les gravures qui ornent les murs et le plafond. On ne pouvait espérer un lieu plus féérique pour un bal royal.
La salle est pleine à craquer. A première vue, le Roi Stephan a réussi à rassembler une très grande partie de ses fidèles sujets, dont la plupart sont aussi détendus et heureux que ce matin. Les anciens s'attroupent autour des banquets afin de discuter tranquillement tout en se désaltérant, tandis que les plus jeunes préfèrent occuper la piste de danse. Parfaitement à l'aise, ils ne s'attardent pas sur ce qui se passe alentour mais sont focalisés sur leur partenaire, enchainant leur chorégraphie à la perfection. Les femmes tournent avec légèreté et élégance, les hommes restent droits et imposants, l'image que les couples dégagent ne sont que grâce, douceur et envoutement.
Je les regarde avec insistance, essayant de comprendre comment quelques pas par-ci par-là peuvent créer un effet aussi époustouflant. Ils ont tellement l'air d'être dans leur élément qu'un frisson me parcoure dans tout le corps en m'imaginant à leur place, car il faut être honnête : Je ne sais pas danser. Pire que ça, je suis maladroite rien qu'en marchant. Les danseurs posent un pas avec agilité et assurance tandis que moi, c'est avec indélicatesse et imprudence.
— Prête pour te donner en spectacle avec le plus grand danseur de la cité ?
La main de Driss dans mon dos et sa voix près de mon oreille me font sursauter. J'étais tellement obnubilée par la piste de danse que j'en avais oublié ma famille à mes côtés, si ce n'est pas toute la salle entière.
— Tu veux que je sois honnête ? Je lui demande mollement.
Mon frère me fixe quelques secondes avant de fermer les yeux et soupirer.
— Ne me dis pas que tu ne sais pas danser.
Se connaitre parfaitement est peut-être une bonne chose, mais dans des moments comme celui-ci où j'aurais préféré contourner la réponse, il met le doigt tout de suite sur le problème.
— Je suis désolée.
Je ne sais pas quoi lui dire d'autre. J'aurais pu apprendre à danser avec mon père, j'aurais même dû, mais le fait est que je me suis enfermée dans une bulle avec mes livres, préférant oublier le malheur de son absence plutôt que d'affronter le quotidien monotone et ennuyeux de la vie à Arcate. Je préférais me plonger dans les histoires fictives, passer par tout une palette d'émotions et imaginer une autre vie que la mienne. Beaucoup aiment la vie à Arcate, la sérénité, la prospérité, tout ce qui est empreint au bonheur, sauf que mon seul bonheur à moi, c'était mon frère. Tant qu'il n'était pas revenu, je n'avais pas envie de partager toute sorte d'euphorie avec qui que ce soit. Alors comment aurais-je pu demander à mon père de m'apprendre à danser ?
Captant mon malaise, heureusement, ce dernier vient à ma rescousse en posant une main sur mon épaule.
— C'est ma faute, dit-il aussi calmement que possible. J'étais beaucoup occupé avec nos terres.
— Le vieux Radéon lui a vendu deux autres hectares, ajoute ma mère. Il n'a plus une minute de repos.
Après sa blessure, mon père s'est reconverti dans l'agriculture. Une passion qu'il nourrissait depuis son enfance, mais qui suscite néanmoins beaucoup de temps, d'efforts et de sacrifices. Etant tout seul pour s'occuper des champs, il y passe le plus clair de son temps, au détriment de sa famille.
— Maintenant que je suis de retour, on va pouvoir mettre certaines choses à jour ! Déclare Driss en écartant les bras avant de pointer mon père du doigt. Quand je ne travaillerai pas, je t'aiderai dans les champs, comme autrefois. Comme ça, ça te laissera un peu de temps pour apprendre les choses es-sen-tiel-les à mademoiselle Je-me-casse-la-figure-tous-les-deux-mètres.
Je donne un coup dans son épaule pendant que monsieur rigole de bon cœur, puis, il me prend la main et me fait tournoyer tellement vite que je manque de tomber.
— Et au prochain bal, j'espère que je pourrai te faire tourner sans être obligé de porter mes jambières... mais... Aleyna, où est ton bracelet ?
Ce n'est que maintenant que je comprends pourquoi Driss regarde avec insistance mon poignet, et je fais de même.
— Oh non, ce n'est pas vrai !
Mon cœur manque de s'arrêter lorsque je comprends que le cadeau de mon frère n'y est plus.
— Ne me dis pas que tu l'as déjà perdu ! Merde, ça fait quoi, une demi-journée que tu l'as ?
— Je... je suis désolée... je...
Je regarde autour de moi, complètement affolée. Je l'avais en partant de la maison, et je me rappelle l'avoir trituré durant le trajet.
— Je t'ai pourtant demandé de faire attention ! Me lance Driss en regardant le sol.
— Il est forcément dans le palais, j'en suis sûre. Ne vous inquiétez pas, j'en ai pour un instant.
Je ne fais pas attention au regard incendiaire de mon frère et lui tourne le dos pour rebrousser chemin, les yeux rivés sur le sol. Si tout le monde à son quota de malchance dans la vie, pour ma part, ce quota est une sorte de boulet accroché avec véhémence à mon pied depuis ma naissance.
Je regarde partout. Chaque centimètre, chaque détail suspect, mais rien. Mes yeux balayent le sol de la salle, puis celui du couloir, mais aucune trace de mon bracelet, et plus j'approche de la sortie du palais, plus j'angoisse. Quand nous avions parlé, devant les marches, je me souviens l'avoir ressenti autour de mon poignet. S'il n'est pas dans les vingt derniers mètres, alors je peux le considérer comme perdu définitivement, et également me préparer à recevoir les foudres de mon frère. Foudres méritées amplement dans le cas présent.
— C'est pas vrai, c'est pas vrai, c'est pas vrai...
Je me maudis. Je n'arrive pas à faire autrement. Je m'en veux d'être empotée, malchanceuse et incapable de garder quoi que ce soit à mes côtés. J'ai les larmes qui montent, mon cœur qui se serre, je suis comme le bracelet, totalement perdue.
Mais, soudain, je me heurte le front contre quelqu'un.
— Aïe ! Mais vous ne pouviez pas faire...
Les mots restent bloqués dans ma gorge lorsque je relève la tête et croise le regard de l'homme en face de moi. Ses yeux d'un bleu lagon me submergent, m'ôtant les mots de la bouche.
— Attention ?
Sa voix me transperce dans tout le corps. Un mélange suave mais également puissant, un équilibre envoûtant mais légèrement désarmant, au point de ne plus sentir mes jambes.
— Doucement.
Son bras passe autour de ma taille et me serre pour me maintenir contre lui. Si l'homme est fait de chair et d'os, alors l'être contre moi n'est pas humain. Son corps est aussi dur que de l'acier, comme sculpté dans la roche. Magnifique. Cet homme est tout bonnement un Dieu grec.
Je le fixe en silence, captant chaque millimètre, chaque parcelle de son visage comme s'il s'agissait d'une œuvre d'art. Le temps semble s'être arrêté, tout comme mon regard sur ses lèvres pleines et sujettes à les combler des miennes.
Il me faut une force surhumaine pour détourner mon regard de ce fruit défendu et me focaliser de nouveau sur ses yeux, maintenant interrogateurs et... légèrement amusés.
Prise en grand délit, je m'écarte rapidement et tente de retrouver une allure convenable.
— Tout à fait, attention, dis-je en me râclant la gorge. Vous ne pouviez pas faire attention avant de me heurter avec indélicatesse ?
— Je vous demande pardon ?
— Le couloir n'est-il pas assez large pour passer à côté ?
En entendant ma voix, dure et sèche, son visage change d'expression et ses yeux, hypnotiques il y a deux secondes, deviennent en un instant glacials.
— Moi ? Vous me demandez à moi, de faire attention, alors que c'est vous qui aviez le nez sur les pavés ?
— Comme vous venez de le dire, je ne regardais pas devant moi...
— Exactement !
— Alors que vous, oui ! De ce fait, c'était à vous de vous écarter. Trois mètres à ma droite, trois mètres à ma gauche. Ce n'était pas assez pour vous ?
Généralement, je ne suis pas de nature violente, mais avec l'homme arrogant et accusateur devant moi, je n'arrive pas à garder mon sang-froid. Ma colère gronde au fond de moi et ne désire que sortir pour lui clouer le bec.
— Si vous aviez été un peu plus observatrice, vous auriez remarqué l'angle juste derrière moi qui m'empêchait d'apercevoir votre toute petite taille se faufiler dans le couloir comme une souris. Au fait, vous ne devriez pas être couchée à cette heure, jeune fille ?
— Comment ?
Si sa beauté m'avait enlevée les mots de ma bouche, cette fois c'est une rage sans nom qui garde tout une série de jurons à son égard. Là, tout de suite, j'ai juste envie d'avoir la lance de mon frère pour la lui planter en plein cœur.
Sauf que je préfère la finesse et lui sourire avant de rentrer dans son jeu.
— Si moi, je suis trop jeune pour ce genre de festivité, que devrais-je dire de vous qui devriez déjà avoir avalé votre potage et entamé votre lecture du soir ?
Lui qui souriait fièrement et n'hésitait pas à me couper la parole, il reste bouche bée. Victorieuse, je préfère le laisser planté là et le contourne sans un regard. Avec ce moment intense, j'en ai oublié mon principal objectif, et en voyant la nuit noire, mes espoirs s'envolent.
— Mais que faites-vous le nez sur le sol depuis tout à l'heure ?
Je ferme les yeux et soupire. Je pensais qu'en l'abandonnant, il aurait poursuivi sa route, mais non. Pire encore, il est en haut des marches.
— Vous n'avez pas des choses plus intéressantes à faire ? Dis-je sans même prendre la peine de le regarder.
— Vous voulez dire, plus intéressante qu'une femme penchée devant un homme en laissant apercevoir son décolleté ?
Je me redresse subitement en plaquant ma main sur ma poitrine. La honte monte aussi vite que le feu à mes joues, tandis que lui croise les bras en s'adossant contre l'une des colonnes de l'entrée du palais.
— Tiens donc, je ne suis plus une fillette maintenant ? Je demande en haussant un sourcil.
Après la colère, place à la l'ironie, auquel je prends plaisir à le désarmer. Sauf que j'étais loin de me douter que j'étais face à un adversaire coriace.
— C'était avant de voir vos arguments qui pourraient mettre tout homme d'accord, rétorque-t-il, toute trace d'amusement disparue.
Sa répartie, mélangée avec cette voix terriblement envoûtante, est ce qui me fait perdre toute confiance. En un instant, je redeviens cette fille incertaine, et alors que cela m'était égal pendant des années, ce soir, je déteste ce trait de personnalité.
— Je... je suis désolée, dis-je, toujours ma main collée sur moi. Je n'ai pas fait attention... veuillez m'excuser, mais je suis occupée.
— Et puis-je connaitre la raison de cette position quelque peu... inconfortable pour vous et agréable pour moi ?
Je lève la tête, sûrement écarlate, et le détaille longuement. Outre son air supérieur et son caractère irritable, cet homme est à tomber. Contrairement aux personnes présentent ce soir, il est le seul à ne pas porter de costume. Habillé simplement d'une chemise blanche qui épouse à merveille sa musculature et d'un pantalon léger clair, il est l'exemple type de l'homme qui n'a pas besoin de se mettre sur son trente et un pour être attirant. Quand il penche la tête sur le côté, quelques mèches blondes s'échappent de son catogan et tombent sur ses yeux clairs.
Il est indéniablement un contraste énigmatique à lui tout seul : un véritable piège à femme d'un seul regard, mais un emmerdeur de première dès qu'il ouvre la bouche.
— Vous allez vous rincer l'œil encore longtemps où répondre enfin à ma question ?
— Un bijou ! Je m'écrie, encore plus honteuse. Je cherche un bijou.
Il ne perd pas son sourire. Au contraire, il s'étire avec ma déclaration, comme si me voir aussi désespérée était son petit divertissement de la soirée.
— Oh, vous parlez de ceci ?
Il plonge l'une de ses mains dans sa poche pour en retirer un bracelet. L'air triomphant, il le laisse pendre le long de ses doigts.
Je regarde attentivement puis écarquille les yeux quand je reconnais les petites émeraudes.
— Oui, c'est mon bracelet !
Je monte rapidement les marches en me sentant plus légère. Le poids énorme qui comprimait ma poitrine s'envole instantanément quand je retrouve le cadeau de Driss. Maintenant que tout est rentré dans l'ordre, je vais pouvoir rejoindre ma famille et enfin profiter du bal.
Quand j'arrive à sa hauteur, je tends la main vers sa paume ouverte quand tout à coup, il la referme et la met derrière son dos.
— Qu'est-ce que vous faites ?
Je reste stupéfaite pendant que lui me sourit avant de répondre.
— Vous ne croyez tout de même pas que j'allais vous le donner aussi facilement.
J'ouvre la bouche pour répliquer, mais aucun son ne sort. Cet homme vient de me prendre par surprise, et je me sens encore plus idiote en le voyant me sourire comme pour me narguer.
Bon sang, il se joue de moi !
— Rendez-le-moi ! C'est mon bracelet et vous n'avez pas le droit de me le prendre.
La colère qui s'était envolée commence à revenir, mais une colère plus profonde, plus noire, plus amère. Je tente de le contourner, de lui enlever sa main, mais il se tourne pour rester face à moi. Je me sens décontenancée, impuissante et totalement humiliée.
— Rendez-le-moi tout de suite !
Ma voix est sèche et implacable, mais au lieu de le faire réagir comme je l'espérais, il penche sa tête vers moi, un rictus sur le coin de ses lèvres.
— Si vous le voulez, alors essayez de me le prendre.
Le ton ironique de sa voix est ce qui me fait monter mes larmes. Des larmes de rage et de honte. J'en ai plus qu'assez de cette comédie et souhaite plus que tout retrouver ma famille, mais ce n'est pas l'avis de l'exécrable individu qui sourit comme un idiot.
Je ne suis pas mauvaise, je crois même n'avoir jamais crié sur qui que ce soit, mais tout ça, c'était avant. Non seulement je hurle, mais je frappe, pousse et injure un inconnu. En fait, je me déchaine contre lui. Il veut que je reprenne mon bracelet, sauf qu'il connait sa force et calcule bien la mienne, comparable à celle d'une mouche.
— Ren...dez...le...moi !
— Très bien.
Je m'arrête subitement en le fixant, à bout de souffle. Mes mains me font mal, mes nerfs sont à vif, mon corps tremble. Il me fixe quelques instants, puis tend sa main vers moi.
— Ouvrez-là et il est à vous.
Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer, jouer à son jeu en sachant que j'ai perdu d'avance ou partir en abandonnant le bracelet. Je pense également à le mordre tellement je ne sais plus.
— Alors, jolie demoiselle, vous attendez un miracle ?
Je lève mes yeux larmoyants vers lui, et en voyant son sourire s'évanouir, je crois qu'il a compris.
— Toutes mes félicitations, vous venez de gagner un bracelet.
Je le contourne et marche rapidement vers la salle sans un regard en arrière. Tant pis pour le bracelet, tant pis pour Driss. Je suis certaine qu'il comprendra ma décision, peut-être même qu'il ira personnellement lui ouvrir son foutue poing avant de lui plaquer le sien dans sa mâchoire. Si c'est le cas, alors je ferais en sorte d'être en première ligne pour apprécier le spectacle.
— Attendez !
De lourds pas se font entendre, mais j'accélère les miens. Je ne suis qu'à quelques mètres de la salle. Une fois à l'intérieur, je pourrais me fondre dans la masse, retrouver mon frère et me faire oublier de ce type.
Sauf que les pas se font plus rapides, et juste devant la porte, une main autour de mon bras me retourne vivement.
— Lâchez-moi !
Je m'enlève vivement de son étreinte et fixe un point sur son torse. Je ne veux pas avoir à affronter ses yeux. Soit ils me déstabilisent, soit ils me montrent ouvertement l'empotée que je suis. Dans les deux cas, je me fais passer pour une idiote.
Sauf que sa main glisse sous mon menton et me relève la tête pour que je puisse capter son regard. Etrangement, il ne semble plus du tout amusé par la situation.
— Pourquoi avoir réagi de la sorte ? Me demande-t-il doucement.
— Parce que je ne suis pas d'humeur à jouer avec un imbécile arrogant et prétentieux qui se croit mieux que tout le monde !
Il déglutit péniblement en entendant mes mots cinglants, comme s'il pouvait ressentir une quelconque émotion dans son cœur de pierre.
— C'est comme ça que vous me voyez ?
— Vous me comparez à une gamine, vous me lorgnez comme si j'étais une prostituée qui vous faisait des avances, n'hésitez pas à montrer votre supériorité physique et m'humiliez ouvertement sans vous demander si je vais être blessée par vos remarques, alors oui, c'est comme ça que je vous vois.
— Sauf que vous ne vous êtes pas demandé si tout ceci n'était pas uniquement dans le but de vous séduire ?
Peut-être s'attend-il à me voir fondre, et peut-être que j'aurais succombé, mais au lieu de papillonner des yeux, j'éclate de rire. Un rire faux et ironique qui ne lui échappe pas, à en juger son agacement.
— Séduire ? Parce que vos remarques désobligeantes étaient une technique de séduction ? Ne me dites pas que quelqu'un a déjà mordu à l'hameçon.
Il fait un pas vers moi, chassant presque tout espace entre nous, afin de me surplomber de toute sa hauteur. Il veut me montrer sa puissance, son charme et son assurance tout en me déstabilisant avec son parfum frais et enivrant.
— Non seulement mes... remarques désobligeantes ont déjà portées leurs fruits, mais de plus, rares sont celles qui se sont montrées réticentes.
— Alors vos prétendantes s'intéressent plus à l'enveloppe qu'au contenu, et honnêtement, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse, alors veuillez m'excuser, mais Driss m'attend.
Il fait un pas en arrière, le visage blême, tout en me détaillant ouvertement. Pour ma part, je lui souris faussement, fière de lui avoir encore cloué le bec, puis je lui tourne une nouvelle fois les talons.
— Votre nom !
Je m'arrête, ferme les yeux et souffle bruyamment avant de me retourner pour lui dire ses quatre vérités.
— Vous avez déjà mon bracelet, dis-je en désignant sa main, alors ne croyez pas que vous aurez autre chose ce soir.
— Votre bracelet ?
— Mon bracelet, dans votre main. Vous vous sentez bien ?
Moi qui ne rêvais que de lui casser les bras avant de lui arracher la tête, j'ai soudainement l'envie de lui chasser son air inquiet. Il regarde sa main, l'ouvre pour inspecter son contenu, puis se rapproche de moi à toute vitesse.
— Oh... euh... je suis désolé. Comme vous avez réussi à me faire rire en moins de deux secondes - ce qui est un exploit, je voulais donc faire durer un peu le jeu, même si cela était de mauvais goût, je vous l'accorde.
Je ne réponds rien et fixe ses mains tremblantes attacher mon bracelet autour de mon poignet. Je regarde plus attentivement ses doigts, longs et fins, abîmés et parsemés de cicatrices qui s'étendent jusqu'à la limite de sa chemise. Tout à coup, je me rends compte de la chance d'avoir retrouvé Driss. Je sais ce qu'est une guerre. La douleur et la peur sont deux sentiments que j'ai longuement côtoyés, et même si j'étais consciente que je pouvais le perdre en un claquement de doigt, voir ces marques indélébiles me montrent que j'ai une chance inouïe de l'avoir retrouvé. J'ai vécu la guerre sans l'avoir réellement vue. Pour moi, elle n'est qu'une image irréaliste dans ma tête, mais avec ces traces sur la peau de cet homme, cette image devient réelle et me déchire le cœur.
— Désolé, je n'ai pas les mains les plus douces d'Arcate, murmure-t-il en se livrant un duel avec le fermoir.
Certes, les traces de lutte se font ressentir lorsqu'il passe ses doigts sur ma peau, mais la douceur et la précaution de ses gestes contrastent avec la rugosité de son épiderme. Un contraste déroutant que je savoure malgré l'antipathie que je ressens pour lui depuis qu'il m'a percuté.
— Vous n'avez pas à vous excuser d'avoir défendu votre pays.
Nous relevons la tête en même temps et nous nous fixons sans un mot. Ses yeux bleus, aussi froids que de la glace il n'y a pas si longtemps, m'enveloppent maintenant d'une chaleur bienfaisante. Je ne sais pas comment il peut avoir un pouvoir aussi attractif d'un simple regard, mais je suis sûre d'une chose : cet homme est dangereux.
— Généralement, je ne prête attention à rien, souffle-t-il, sa main toujours autour de mon poignet. Ce bijou aurait très bien pu passer inaperçu, sauf que j'ai été attiré par les émeraudes. Ces petites pierres qui embellissent n'importe quel objet par leur couleur rare et magnifique. J'ai été captivé par votre bracelet et pensais que rien ne pouvait être plus envoûtant, mais c'était avant de retrouver cette même couleur dans vos yeux.
Je n'arrive plus à respirer alors qu'il continue de me fixer avec une insistance on ne peut plus déstabilisante. Je n'arrive même pas à trouver quelque chose à lui répondre. Je fonds complètement et j'en perds toute notion.
— Et ce vert émeraude dans vos yeux rend désormais votre bracelet bien terne.
Je me liquéfie sur place, je suis pantelante, totalement amorphe.
Ses paroles m'ont littéralement achevées.
Il attend quelque chose de ma part. Un mot, un sourire, un geste, mais je ne sais même plus comment bouger. Je ne me rends compte que maintenant que mon corps réagit à ses caresses sur mon poignet et frissonne de délice.
Rectification : cet homme n'est pas dangereux, il est bien pire.
— Vous qui parliez de technique de séduction, je comprends désormais les femmes qui succombent à vos paroles.
— Sauf que je n'ai jamais dit cela à qui que ce soit à part vous.
Il contemple mes yeux, puis mon nez, pour enfin descendre sur ma bouche. Un mince sourire s'étend sur ses lèvres lorsqu'il s'aperçoit que les miennes sont entrouvertes.
— Donnez-moi votre nom.
Je referme la bouche et fronce les sourcils.
— Je vous ai rendu votre bracelet. Maintenant, je veux votre nom.
Seulement maintenant, je comprends que tout ceci n'était que stratagème pour avoir ce qu'il voulait, et j'ai l'impression de redescendre sur terre dans une chute vertigineuse où le choc est brutal. Très brutal.
— Bien joué. Vous avez failli m'avoir.
Il allait protester, mais je ne lui en laisse pas le temps. Je m'approche de son oreille et le sens tressaillir quand mon souffle le caresse.
— Si vous voulez mon nom, il vous faudra le découvrir tout seul.
Je tourne les talons et pars enfin rejoindre ma famille, la chaleur de ses doigts incrustée sur mon poignet.
— Enfin ! S'exclame ma mère.
— Désolée, j'ai eu un petit contretemps.
Je tente de sourire et de feindre l'innocence pour ne pas être obligée de leur parler du petit incident dans le couloir. Je connais Driss, et j'ai eu un avant-goût de son caractère protecteur démesuré devant le palais, alors je préfère me taire pour ne pas avoir à lui raconter tout en détail.
— Et ton bracelet ? Me demande-t-il.
J'agite mon bras presque sous son nez.
— Retrouvé et à sa place pour de bon.
Je m'approche pour embrasser Sebastian et laisse Alexia m'étreindre. Comme à chaque fois que nous sommes ensemble, la bonne humeur est au rendez-vous, mais ce soir, nos amis sont aussi heureux que mes parents.
— Ah oui ! Comme je te disais, Sofia, j'ai hâte d'être à notre prochain repas.
— Si nos garçons sont aussi débridés que leurs pères, alors je ne donne pas cher sur leur état d'ébriété à la fin de la soirée. Ça risque d'être un peu plus compliqué pour les ramener à la maison.
Nous rigolons toutes les trois, ce qui fait tourner Driss vers nous, le regard espiègle, et cache son verre derrière son dos.
— Mesdames, sachez que vous avez devant vous l'homme le plus exemplaire d'Arcate qui n'a jamais bu une seule goutte d'alcool de sa vie.
Il sourit de toutes ses dents et me fait un clin d'œil, quand mon père lui prend son verre avant de tapoter son épaule.
— Tu as raison, mon fils ! C'est pour cela que tu veilles sur ton vieux paternel en lui apportant sa ration. Merci.
Il lui renvoie le même sourire avant de boire dans le verre, sous le regard assassin de Driss. Regard assassin vite remplacé par un rire tonitruant.
— Eh ben, maintenant que Sebastian t'a dévergondé au whisky, je pense que l'on va passer de super soirées.
Nous éclatons tous de rire et reprenons nos discussions animées, quand le visage d'Alexia rayonne.
— Quoi de mieux qu'une bonne soirée avec tout le monde de réunis ? Marcus, comme je suis contente que tu sois tout de même venu !
En entendant le prénom de leur fils, nous nous retournons vivement, et je manque de recracher mon verre en remarquant le jeune homme de tout à l'heure juste derrière moi.
— Viens, fiston. Nous allons te présenter nos amis.
La voix de Sebastian parait soudain très lointaine. L'adonis arrogant et prétentieux rejoint Alexia, qui s'empresse de le prendre dans ses bras pour l'embrasser sur la joue. Un moment que j'aurais pu trouver émouvant, mais qui me percute comme une gifle en pleine figure : sans l'avoir vu venir.
— Eh merde, moi qui ne voulais pas revoir ta belle gueule aussi vite, raille Driss en le poussant légèrement. Viens là que je t'embrasse !
Mon frère l'attrape par les épaules et ils se font une grande accolade, non sans un regard de Marcus dans ma direction.
Ainsi donc, Marcus, le fils réservé, solitaire et gentil d'après Alexia, et peu sociable d'après Driss, aurait pu être n'importe qui dans Arcate, mais il a fallu que ce soit lui. Pas de doute, la chance m'a littéralement rayé de sa liste d'abonnés. Lui est parfaitement à l'aise et semble ravi, quant à moi, j'hésite entre prendre la fuite et me passer de la glace sur mon visage en feu.
— Comme tu as daigné venir ce soir, laisse-moi faire les présentations, annonce Sebastian en tapant dans ses mains, tourné vers nous. Mes amis, je vous présente notre fils cadet, Marcus. Fiston, voici nos meilleurs amis, Sofia et Andrew Autrius, ainsi que leur fille, Aleyna.
— Et c'est un réel plaisir de faire votre connaissance, répond l'ami de Driss en serrant la main de mon père. Madame Autrius, je viens tout juste de rentrer que ma mère m'a déjà beaucoup parlé de vous.
A en voir le sourire de ma mère quand il lui baise la main, elle est aux anges. Elle aussi fait donc partie de ces femmes qui fondent aux paroles de ce beau parleur. J'ai envie de souffler, de lever les yeux au ciel ou encore de secouer la tête, mais quand il se tourne vers moi avec son regard perçant, je reste clouée sur place.
Il prend doucement ma main et se penche pour y déposer ses lèvres. Contrairement à ma mère, il prend son temps et effleure délicieusement ma peau, qui répond par des milliers de frissons avant de parcourir mon corps.
— Mes hommages, mademoiselle, dit-il d'une voix suave. Votre frère m'a tellement parlé de vous durant la guerre qu'il m'est difficile de croire que cet instant est notre première rencontre.
Il me lance un sourire charmeur suivi d'un clin d'œil discret, et sans attendre une quelconque réaction de ma part, il se tourne vers le buffet et prend un verre tout en parlant gaiement à Driss.
C'est à ce moment précis que quelque chose me percute. Dans le couloir, je ne lui ai pas dévoilé mon nom, par contre, j'ai mentionné Driss et avoué avoir un frère soldat. De ce fait, il a dû forcément faire le rapprochement, et lui aussi est tombé des nues ! Maintenant, son inquiétude est plus que compréhensible. Il n'était pas sidéré par mes assauts verbaux, mais par mon lien de parenté avec son frère d'arme. Non seulement je me pensais être prise pour une idiote, mais là, j'ai l'impression que le mot idiot n'était qu'un euphémisme. Il s'est joué de moi ouvertement.
Je ne le déteste pas. Je le hais, et encore, ce mot aussi est un euphémisme.
La soirée est excellente, le bal est réussi. Tous les invités ont l'air de s'amuser, et moi, je réalise enfin mon rêve de petite fille. J'admire les danses, détaille les robes magnifiques des femmes, j'envie l'élégance et l'assurance qu'elles dégagent. Toute ma vie, je n'ai fait qu'imaginer ces soirées en espérant ne pas être déçue le jour où j'en vivrais une, mais je suis plus qu'heureuse de voir que j'étais loin de la vérité. Moi qui dévore les romans d'amours, je comprends désormais le pouvoir d'attraction d'un bal comme celui-ci.
Je déguste tranquillement ma boisson tout en regardant autour de moi. L'orchestre joue une musique entraînante, invitant les personnes à bouger comme ils l'entendent, et cela m'enchante un peu plus. Au moins, si je dérape, je pourrais toujours feindre une technique de chorégraphie et passer presque inaperçue... mais encore faut-il que Driss veuille m'inviter à danser.
De temps en temps je jette des coups d'œil vers Marcus, en grande conversation avec mon frère depuis qu'ils se sont retrouvés. Je n'arrive toujours pas à croire que la seule personne à qui je tiens tête et agis comme une caractérielle à part mon frère est celui que je verrais régulièrement lorsque nous passerons des soirées avec la famille Raden. Je pensais, ou plutôt espérais, ne plus jamais le recroiser, mais je me suis trompée. Moi qui étais vue comme l'introvertie de service aux yeux de tous, je serais la pire des capricieuses aux yeux de Marcus, cet homme bipolaire, agissant comme un psychopathe pervers et odieux avec moi mais étrangement, amical et sociable avec tout le monde.
Je le fixe sans le regarder vraiment, plutôt perdue dans mes pensées, quand tout à coup, ce dernier décroche son regard de Driss pour le poser sur moi, et son sourire en coin apparait tandis que le mien s'envole instantanément. Je tourne la tête vers la piste de danse et bois d'une traite mon verre en priant pour que mon père où mon frère daigne m'inviter à danser. Même si je suis une véritable catastrophe, honnêtement, ça m'est égal. Tout ce que je veux est être partout mais ailleurs qu'ici, près du buffet, seule, en proie aux regards amusés de Marcus.
Je sursaute quand deux mains se posent sur mes épaules.
— Ben alors, on est dans les nuages, sœurette ? Me taquine Driss quand je me retourne vers lui.
— Idiot, tu m'as fait peur.
Il rigole puis jette un œil sur la piste derrière moi avant de passer un bras autour de ma taille.
— Bon, je n'ai pas mis mes jambières, mais je pense survivre à quelques danses avec toi, pas vrai ?
— Si tu as peur pour tes jambes, je peux toujours me trouver un autre cavalier, dis-je en lui montrant la salle. Un homme, ce n'est pas ce qui manque ce soir.
Comme prévu, mon frère cesse de rigoler et me fixe avec un regard noir tout en me serrant plus fort contre lui.
— Si j'en vois un seul s'approcher de toi, je le brise en deux.
Et sans avoir le temps de répliquer, il me prend la main, m'entraîne sur la piste de danse et commence à bouger comme s'il était dans son élément. Une facette de sa personnalité que j'ignorais et n'aurais pas pensé de lui sachant qu'il a passé les sept dernières années de sa vie à se battre.
— Alors, je ne t'avais pas dit que j'étais un Dieu de la danse ?
Il bouge au rythme de la musique et enchaine les pas. En effet, il sait parfaitement danser, mais ce qui m'étonne le plus, c'est la douceur et la prévoyance qu'il a à mon égard. Bien qu'il soit grand et imposant, ses gestes sont doux et précis.
— Attention tes chevilles, grand frère.
Je lui fais mon plus beau sourire en battant des cils, histoire que son égo en prenne un coup et qu'il redescende sur terre. Il me fixe longuement en silence, puis fronce les sourcils.
— Marcus n'est pas un homme pour toi.
Sa remarque, aussi spontanée qu'imprévisible, me fait stopper net ma danse.
— Qu... quoi ?
— Tu crois que je ne t'ai pas vu le regarder ? Me demande-t-il en s'arrêtant également. Pareil pour la couleur tomate sur ta figure quand il t'a saluée ? Arrête, Aleyna, tu ne peux rien me cacher.
Je soutenais son regard, mais en me parlant du baisemain, je repense aux frissons ressentis et je fixe un point invisible derrière lui, honteuse d'avoir été trahie par mes émotions.
— Ne t'inquiète pas, dis-je avec un sourire plus que faux, il ne me plait absolument pas.
Il m'embrasse sur la joue et reprend notre danse, mais s'approche de mon oreille.
— Et tu as parfaitement raison. Marcus n'est pas quelqu'un de plaisant.
— Comment ça ?
Il regarde derrière moi, puis s'arrête de danser avant de me prendre les mains.
— Ecoute, sœurette, je sais que je t'avais dit que je danserais avec toi, mais...
Il cesse sa phrase et regarde encore derrière moi, quand je comprends qu'il vient de voir Ophélia qui doit le chercher, à en juger son sourire rayonnant quand elle pose ses yeux sur nous.
— Vas-y, invite-là à danser.
— Tu es sûre ? Parce que j'ai envie d'être avec toi, Aleyna. Ça fait trop longtemps que j'attendais ce moment, mais...
Je l'embrasse sur la joue.
— Certaine. Vas danser avec Ophélia, je vais retourner avec les parents...
— Ou alors tu danses avec moi.
Bien que je ne la connaisse depuis peu, je peux désormais mettre un visage sur cette voix. En comprenant sa demande, mes jambes flagellent et je me retourne difficilement pour lui faire face. Marcus se tient derrière nous, et je pensais avoir encore droit à son air arrogant et sûr de lui, mais à la place, il a une mine crispée.
— Enfin, si tu acceptes mon invitation, bien sûr, enchaîne-t-il en levant ses mains en signe d'entente. Je ne veux pas que l'étiquette imbécile arrogant et prétentieux qui se croit mieux que tout le monde s'affiche sur mon front. Cette fois, je suis venu avec un drapeau blanc.
Je me force à ne pas rigoler face à sa réplique et tente de contrôler le rictus qui essaye de se montrer sur le coin de mes lèvres, mais manque de chance, Marcus s'attarde sur ma bouche puis sourit légèrement avant de me regarder dans les yeux. Le temps de quelques secondes, nos regards se croisent et encore une fois, je reste subjuguée par cette douce couleur qui me donne envie d'y rester plongée.
— C'est quoi cette histoire de drapeau blanc ?
En l'espace d'un instant, j'avais oublié mon frère juste à côté de moi.
— J'ai rencontré Aleyna dans les couloirs avant de venir. Elle cherchait son bracelet et je l'ai... comment dire... un peu taquinée.
Les yeux de mon frère ne laissent place à aucun doute : il n'a pas aimé la dernière remarque de son ami, si ce n'est son argument en entier.
Marcus se tourne de nouveau vers moi et me tend son bras en attendant silencieusement ma réponse, que je ne donne pas dans l'immédiat. La scène imaginant mon frère casser le nez de ce prétentieux me revient à l'esprit avec amusement, mais d'un autre côté, l'envie de prendre son bras me tiraille. S'il n'était pas aussi énervant, j'aurais accepté dans la seconde, tout comme je lui aurais moi-même mis mon poing dans la figure s'il n'était pas aussi beau... et peut-être aussi grand et musclé.
Toutes ces interrogations me donnent mal à la tête, quand Driss tranche à ma place.
— Non.
Sa voix est aussi froide que son regard.
— Non ? Je répète, étonnée.
Que moi, je ne veuille pas, j'ai mes raisons, mais que mon frère refuse que sa sœur danse avec son meilleur ami me rend perplexe. Certes, il est protecteur, un peu trop même, mais il le connaît parfaitement. Tout comme avec mon père ou Sebastian, Marcus est surement porté haut dans son estime.
Driss et Marcus se fixent en silence, toute trace d'amusement disparue, quand ce dernier soupire en haussant les épaules.
— Je vois, lâche-t-il platement avant de mettre les mains dans ses poches et tourner les talons.
— Attends !
Sans même réfléchir, je lui prends son bras pour l'arrêter. Il me regarde avec attention, puis se focalise sur ma main, que j'enlève rapidement. Moi qui ne savais pas quelle décision prendre, mon instinct m'a dicté la réponse. Désormais, je veux danser avec Marcus, mais ce n'est pas l'avis de mon frère.
— Dois-je te rappeler la promesse que tu m'as faite, Aleyna ?
— Déjà, je ne t'ai fait aucune promesse, dis-je en me tournant vers lui. C'est toi qui l'a décrété. De plus, c'est l'ami de la famille, alors je ne vois pas où est le mal.
Il allait répondre, mais heureusement, Ophélia vient nous retrouver. Elle me serre chaleureusement dans les bras et nous bavardons tranquillement, quand elle se rapproche de mon frère en hésitant et prend son bras. La voir aussi timide me fait sourire. Elle est folle amoureuse de Driss et se posait tout un tas de question sur ses sentiments à lui, alors que mon frère pensait exactement la même chose de son côté.
— Est-ce que tu veux danser ? Lui demande-t-elle précautionneusement.
Il tourne la tête pour lui sourire et lui prendre la main, et je profite de son moment d'inattention pour tirer Marcus par la manche et l'entrainer sur la piste de danse.
— J'ai dit non, Aleyna !
Nous nous stoppons en entendant son grondement. Je me retourne pour faire face au colérique insupportable avec l'envie de crier haut et fort que tous les hommes ne savent rien faire d'autre que de me taper sur les nerfs depuis que j'ai mis les pieds dans la salle, quand mon cavalier intervient sèchement.
— C'est bon, Driss, ce n'est qu'une danse. Il n'y a pas de quoi te mettre dans des états pareils.
Mon frère, qui restait de marbre malgré la colère qui se dégageaient dans ses yeux, reçoit sa réflexion comme un coup de poing et fait un pas dans notre direction, quand la main d'Ophélia sur son torse l'arrête.
— Laisse ta sœur souffler, Driss, dit-elle doucement. Tu n'es ici que depuis quelques heures et déjà vous vous disputez. Elle rêve de passer un bon moment sans pleurer depuis sept ans et moi, c'est de danser avec toi, alors viens sinon je danse avec quelqu'un d'autre.
Je souris à mon amie quand elle me fait un clin d'œil. Driss souffle longuement avant de porter toute son attention sur sa petite-amie. Au même moment, une main puissante me prend par le coude et me guide au centre de la salle. Maintenant que je viens de planter mon frère, ma culpabilité monte en flèche mais en même temps, je n'ai pas envie de passer ma soirée à regarder tout le monde s'amuser sans que moi, je puisse en faire autant. Je comprends tout à fait qu'il veuille renouer avec Ophélia mais pour une fois, je ne veux pas rester dans mon coin en regardant les gens sourirent. Là, tout de suite, j'ai envie de faire partie du tableau, même si c'est avec la seule personne qui m'exaspère.
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