30 juin 2022
30 juin 2022
Je suis perdue. Je ne me reconnais pas. Il y a quelques semaines à peine je fuyais chaque interaction, notamment lorsqu'il s'agissait de communiquer ou échanger avec un homme, et aujourd'hui, j'ai passé plus d'une heure aux côtés d'un parfait inconnu, venu me voir pour mon « aura », si j'en crois ses dires.
Je ne sais clairement pas quoi penser de ce moment partagé avec Oskar. Il est parti aussi vite qu'il est arrivé, sans me donner d'informations complémentaires sur la raison de son départ. Je... c'est idiot de ma part de m'inquiéter pour ça, mais je redoute, étrangement, d'avoir fait quelque chose qui aurait pu le faire changer d'avis. Pourtant, j'ai beau avoir désormais conscience que rien ne se passera, sur le plan amoureux, entre nous, je n'arrive pas à me dire que c'était une rencontre comme une autre, qui n'ira jamais plus loin. Je n'arrive pas à déterminer s'il s'agit d'espoir ou d'instinct, mais je suis persuadée que nos chemins se croiseront à nouveau. Je ne saurais dire pourquoi ni sous quelle forme, mais je crois que nous pourrions, sans grande difficulté, devenir amis. C'est probablement une volonté stupide de mon esprit pour me sentir moins seule dans cette gigantesque ville, mais en attendant de voir où ça nous mène, j'ai envie d'y croire. Tout cela est bien trop frais pour que j'aie un quelconque recul nécessaire me permettant de prendre une décision concrète sur ce que je ferrais de son numéro de téléphone. Je ne suis pas sûre de le contacter, mais je verrais plus tard. Je crois que pour l'instant, je ne peux me statuer sur ce point. Tout s'enchaîne bien trop vite ces derniers temps, et je ne comprends pas vraiment le fil de tout ça. C'est bien trop rapide et surprenant pour moi. J'étais persuadée de haïr et fuir les hommes à vie, et pour une raison que j'ignore royalement, il est parvenu à m'approcher bien plus vite que la plupart des gens.
Je ne saurais déterminer s'il s'agit d'une simple faute d'inattention de ma part ou un signe de l'Univers, m'annonçant qu'il est désormais prêt à simplifier mon existence, mais une chose est sûre : j'ai espoir, au plus profond de mon être, que cette rencontre est synonyme de nouveauté, de nouveau départ, d'envol.
J'ai besoin de partir, de m'émanciper, d'oublier mon passé et avancer sans plus jamais y penser. Je ne peux plus rester dans cette bulle de noirceur qui me suit depuis tout ce qu'il s'est passé. J'en suis incapable. Elle va me tuer. Elle va m'étouffer. Je dois, si je veux respirer à nouveau l'air frais, comme autrefois, faire des choix. Ils changeront probablement ma destinée, mais c'est soit ça, soit je cours à ma perte.
Oskar est peut-être acteur de ce nouveau départ.
Du moins, j'ose croire en cette théorie. Cet utopisme est très probablement dû aux nombreux romans que j'ai pu lire au cours de ma vie, et je ne suis pas certaine qu'il s'agisse d'une bonne chose. La littérature m'a, plus d'une fois, montré en quoi les histoires formidables que je peux lire n'ont rien à voir avec la réalité. C'est pourquoi, je ferai sûrement mieux de rester éloignée des attentes que je peux avoir. La vraie vie n'est pas celle qu'on trouve dans la fiction. À mon grand désespoir.
Je n'affirme pas que la réalité n'est pas à la hauteur, loin de là, mais il est vrai que ce qui se trouve dans les romans est bien souvent plus original et agréable que ce qu'on peut vivre au cours de notre vie.
« La vie n'est pas ce qu'on lit dans les livres ».
Je ne compte même plus le nombre de fois où ma mère m'a dit ça pour me ramener à la réalité, à laquelle j'échappe, selon elle, bien trop souvent. Je sais qu'elle a raison et pourtant, je finis toujours par me retrouver dans des situations où j'oublie ce qui devrait depuis longtemps être mon mantra.
« La vie n'est pas ce qu'on lit dans les livres ».
C'est tellement vrai, et pourtant, ça sonne si faux...
Oskar avait l'air si génial, si intéressant, si souriant, joyeux et même heureux. Ce genre de sentiments sont contagieux, et je crois que même si, pour une raison comme une autre, je décidai de ne pas donner suite à sa proposition, je ne parviendrai jamais à oublier la joie qu'il m'a procuré, et son sourire si communicatif.
Pfff t'es pathétique ma belle !
Je m'étire, comme si je m'étais enlisée pendant que je me suis, pour changer, laissée submerger par mes pensées.
Puis, je sors la salade que j'ai achetée, ainsi que ma gourde, remplie de thé. Je ne pourrai tout bonnement pas vivre sans thé. Cette boisson est tout bonnement merveilleuse. Elle éveille mes papilles et m'accompagne, quelle que soit la situation à laquelle je suis confrontée. Que je sois en cours, en ville, dans mon lit, en boule, en train de lire, en plein milieu de la nuit... Peu importe à quel moment de la journée je me trouve, du thé sera toujours présent à mes côtés. Tout comme je pourrais aisément me perdre dans une libraire, errant entre les rayonnages remplis de livres, je pourrais sans aucun doute passer des heures dans un magasin de thé, humant chaque parfum, savourant les odeurs les plus suaves et douces, tout comme les plus âcres. C'est tout simplement formidable, selon moi, à quel point un simple thé peut faire voyager à l'autre bout du monde, te permettant de déguster des saveurs qui t'étaient jusque-là inconnues.
Je commence à manger, alors que la musique Go solo de Tom Rosenthal bat son plein dans mes oreilles. Le son s'échappe même de mes écouteurs et semble m'envelopper, à tel point que je peux pratiquement apercevoir les notes de musiques danser autour de moi. Elles m'entourent et oscillent au gré du vent et des variations musicales.
Je fredonne les paroles, que je connais par cœur depuis une éternité. J'adore cette chanson, elle me berce depuis des années, et j'ai passé les moments les plus difficiles comme les plus joyeux avec ce morceau collé dans mes oreilles. Je ne pourrais me passer de musique de manière générale, mais Tom Rosenthal est de loin le chanteur que j'écoute le plus, sans jamais me lasser de ses sons. Je les trouve tous formidables, qu'il s'agisse des paroles, des instruments ou bien tout simplement de sa voix. Ils me font voyager et me permettent de m'évader quand j'ai besoin d'une bonne bouffée d'air frais.
Je sors un carnet, et y note quelques mots. Petit à petit, ils forment des phrases, s'assemblent et s'unissent pour créer des couplets, puis des refrains, et au bout d'un long moment, probablement près d'une heure ou deux, je me retrouve avec une chanson, écrite sur un bout de papier, jauni par le transport et l'humidité des cartons. C'est le fabuleux processus de création.
Avant, je n'écrivais pas. Je ne faisais rien de très artistique à vrai dire. Je peignais de temps en temps, mais j'étais persuadée que je n'étais pas assez douée pour continuer. Et c'est bien là qu'aurait été mon erreur si j'avais arrêté. Mais j'ai persisté, pour une raison que je ne m'explique guère, probablement la motivation et l'incitation prodiguée par mon entourage. Et aujourd'hui, à force de pratiques récurrentes, voire presque quotidiennes, je suis à un niveau particulièrement élevé en peinture, et je me débrouille bien mieux qu'il y a encore deux ans. Jamais je ne regretterai d'avoir persévéré car aujourd'hui, je crois pouvoir dire sans trop de difficulté que ma peinture et mon goût pour l'art, qui ne s'est que décuplé avec le temps, est une de mes choses préférées chez moi.
Pour ce qui est de l'écriture, c'est un domaine auquel je n'avais jamais touché auparavant. J'ai toujours beaucoup chanté, et adoré ça. Mais jamais avant un an à peine, je n'avais eu l'idée d'une chanson. Les mots n'étaient pas particulièrement mon point fort, alors qu'aujourd'hui, je les manie avec une aisance qui m'étonne toujours.
Parfois, il suffit d'un simple mot, ou d'une simple situation pour vous pousser à sortir de votre zone de confort, et ça ne peut qu'être bénéfique. Pour ma part, mon plus gros traumatisme m'a amené à devoir, seule, trouver des solutions pour aller mieux. J'étais à un point dans ma vie où personne ne savait ce que je vivais, et où le pire, ou du moins ce qui me semblait être le pire, m'était arrivé. Je n'arrivais tout bonnement plus à avancer, ni à trouver de raison de poursuivre mon chemin, comme je l'avais toujours fait. J'avais besoin d'une porte de sortie, d'une échappatoire. J'étais persuadée qu'il s'agissait de mon unique moyen d'aller mieux, ou en tout cas de continuer à vivre, du moins, survivre. Je me devais de jouer un rôle constant, comme si je m'étais soudainement transformée en comédienne, et que ma vie était devenue une pièce de théâtre. J'avais déjà, auparavant, fait l'expérience de cette fâcheuse nécessité de cacher la vérité derrière un masque d'acier, mais jamais cela n'était devenu aussi important. Ça n'avait jamais, jusque-là, pris une place si conséquente dans mon existence.
Alors, sans que je ne sache pourquoi, un soir, j'ai pris un stylo et une feuille, et j'ai écrit. C'était brouillon au début, mais ça a fini par former une chanson. Ma première chanson.
J'y ai crié ma rage, hurlé ma peine, répandu mon désespoir, partagé mon incompréhension face à tant d'injustice et espéré de tout cœur que ça me permettrait de laisser un petit peu de douleur derrière moi. En réalité, je ne crois pas que ça ait changé grand-chose de ce côté-là, mais ça m'a permis de découvrir une nouvelle activité, qui, depuis, est de loin devenue une de mes favorites. À chaque fois que j'ai besoin de faire le point, ou que quelque chose me tracasse, je me livre dans mes chansons, y déversant mon âme, espérant toujours que cela m'aidera. Je ne suis pas persuadée que ça ait l'effet escompté, mais une chose est sûre : ça me permet de m'éloigner de certaines pensées négatives voire terrifiantes que je peux avoir.
Personne ne sait vraiment que je fais ça, sauf peut-être ma meilleure amie, mais elle évite le sujet. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, mais je crois qu'elle trouve ça absurde. Enfin de toute façon, elle ne pourrait pas comprendre. Il lui manque bien trop de pièces au puzzle qu'est ma vie pour qu'elle puisse en décrypter l'image.
Et puis, je n'ai jamais rien fait de ces chansons, si ce n'est les chanter, quand la folle envie de rouvrir mon carnet me prend. J'aimerais bien rencontrer quelqu'un qui pourrait réaliser la partie instrumentale, pour accompagner ma voix. C'est bien trop utopique de croire que mes chansons pourraient mener à quelque chose de concret, mais elles font tellement partie de ma vie que je ne peux qu'espérer qu'elles aboutissent à une forme plus approfondie. Ça me permettrait de fermer la boucle. C'est la fin logique des évènements. Peut-être que ça me permettrait enfin de passer à autre chose...
J'en ai une bonne centaine désormais, à tel point que j'ai dû racheter un carnet !
Aujourd'hui, après cette rencontre aussi surprenante qu'inattendue, je ne voyais pas de meilleur moment pour écrire de nouvelles paroles.
J'ai pensé aussi, plus d'une fois, à utiliser mes mots pour écrire des histoires ou bien des poèmes, mais, ce n'est pas faute d'avoir essayé à plusieurs reprises, je crois que cet univers, que j'admire particulièrement, n'est pas fait pour moi. J'ai longtemps été déçue de ce constat, mais j'ai fini par comprendre que ce n'est pas une fatalité en soi. Une fois de plus, ma meilleure amie et moi avons des avis divergents, puisqu'elle-même m'a fait remarquer, plus d'une fois, qu'écrire des chansons n'étaient de loin pas aussi bien que des histoires, et que je manquais probablement de volonté ou de persévérance si je n'arrivais pas à coucher mes mots sur papier pour donner vie à des personnages que je suivrais tout au long d'une aventure titanesque. Je pense juste que nous sommes tous plus ou moins doués pour réaliser certaines choses, et que dans mon cas, écrire des livres n'en fait pas partie. Mais en vrai, ça veut pas dire que j'en écrirai jamais, ça a encore le temps de changer ! Juste, pour le moment, je n'ai pas l'impression que ça soit un plaisir, ou quelque chose pour laquelle je me débrouille sans trop de difficulté.
— Excusez-moi.
Je sursaute.
Décidément, je vais pas pouvoir passer une après-midi tranquille dans ces jardins !
Je lève la tête vers la personne qui m'a interpellé et fait face à une femme d'une cinquantaine d'années.
— Oui ?
— Désolée de vous déranger, mais je vous ai entendu chanter tout à l'heure, et je n'ai pas pu m'empêcher de venir vous féliciter. Vous chantez extrêmement bien ! me dit-elle tout sourire.
Je souris à mon tour. Ce n'est de loin pas la première fois qu'on me fait un tel compliment, mais ça fait toujours extrêmement plaisir à entendre !
— Oh ! Merci beaucoup !
— Vous... écrivez vos propres chansons ? me demande-t-elle ensuite en désignant mon carnet du doigt.
— Ça m'arrive, oui, répondis-je.
— Je peux lire ?
Je la dévisage un peu trop intensément je pense, au vu de sa réaction. Elle détourne le regard et ajoute :
— Enfin, si vous voulez hein, ça ne me regarde pas...
J'essaie de répondre gentiment, mais j'avoue être particulièrement mal à l'aise.
— C'est... assez personnel, répondis-je finalement.
Elle hoche de la tête, et me dit enfin :
— Bon et bien bonne soirée, et... bonne continuation !
— Merci Madame, dis-je simplement.
Une journée bien chargée et surprenante, c'est le moins qu'on puisse dire ! Paris semble me réserver plein de belles surprises... Je ne vais peut-être pas autant regretter que prévu ce déménagement...
La dame s'en va, et je décide qu'il est temps que je rentre. Le temps est passé super vite, et il est déjà presque dix-huit heures. Connaissant ma mère elle est capable de s'inquiéter si je ne suis pas à la maison avant 19h30. Alors je me lève et rassemble mes affaires.
Avant de partir je me retourne une dernière fois vers l'endroit où j'étais installée et je me promets d'y revenir le plus vite possible.
J'ai passé une excellente journée, et je suis agréablement surprise du déroulement de celle-ci.
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