3 septembre 2016
3 septembre 2016
Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas trop comment commencer ce journal...
Faut-il que je me présente ? Que je rentre dans le vif du sujet ? Que je m'adresse à quelqu'un ? Au journal ? Ou bien à l'univers ?
Je n'en sais rien...
Je n'ai aucune idée des codes qui sont d'ordinaire répandus pour ce genre d'activité, et j'ai peur de faire une boulette... Mais bon, maintenant que je suis là, autant me présenter !
Je m'appelle Iris, j'ai 11 ans. Je suis arrivée dans cette maison, de la banlieue parisienne, il y a quelques mois à peine. Avant, j'habitais en Alsace, là où je suis née. Bref. J'ai des frères et sœurs. Une petite sœur, Mia, et deux petits frères, Elio et Chris. Je suis l'aînée. Mes parents vivent ensemble, et j'en suis plus que reconnaissante quand je vois le nombre de personnes de mon âge dont les familles sont détruites et brisées par le divorce ! On est tous heureux, le genre de famille que tout le monde admire, que tout le monde trouve parfaite. Et il est vrai que jusqu'à présent, nous ne pouvons pas nous plaindre de ce côté-là. Tout va bien pour nous.
Bon. Aujourd'hui, ce n'était pas n'importe quel jour. C'était un jour important. Un jour qui marque le début de ma nouvelle vie. Mon entrée au collège. Et oui, ça y est, moi qui ai attendu ce jour pendant des années, j'y suis enfin !
En toute honnêteté, je redoutais particulièrement cette rentrée. J'avais peur de rentrer dans cette nouvelle école. Je ne savais pas à quoi m'attendre, surtout que Paris ça change sacrément de mon petit village paumé d'Alsace ! Mon père a été muté et j'étais super triste de quitter ma terre maternelle, mais on n'a pas eu le choix.
J'avais beau être impatiente pour la symbolique que cela représente, je n'étais pas sereine. J'avais peur, ce matin. Je redoutais de me retrouver seule, sans connaissances, dans ma classe. J'avais déjà rencontré quelques personnes, au cours des derniers mois, à l'école primaire, et voilà que je me retrouve seule dans un collège et une ville qui me sont inconnus ! J'étais tétanisée quand je me suis rendu compte qu'il faudrait à nouveau aller vers les gens et faire des rencontres. Mais malgré ce mauvais départ, je ne me suis pas laissée abattre et j'ai plaqué un sourire gigantesque sur mes lèvres, espérant au plus profond de mon être que le reste de la journée serait plus positif.
À midi, quand maman est venue me chercher pour manger, j'ai pleuré, longtemps, à chaudes larmes. Je peinais à respirer, et elle essayait de me rassurer comme elle pouvait. Mais on savait très bien toutes les deux que ce n'était pas bon signe. Je suis assez introvertie, et j'ai toujours eu du mal à aller vers les gens. En fait, en général, ce sont les gens qui viennent vers moi. Or, là, mes camarades semblent en avoir très peu à faire de moi. Je ne leur en veux pas : je n'ai pas cherché à être remarquée dès le premier jour. Mais il faut bien reconnaître que j'aurais apprécié avoir ne serait-ce qu'un échange avec un élève de ma classe. Ça m'aurait rassuré, je pense... J'en sais rien. De toute façon, c'est trop tard. Ça n'est pas arrivé.
Les gens ont tendance à dire que si on ne parle à personne le premier jour, c'est foutu. On est cuit. Personne ne nous adressera la parole de l'année.
C'est vrai ? Ou c'est des idioties ?
Je sais pas, mais ça ne me rassure pas.
Je suis actuellement dans mon lit, et je pleure encore. Mes larmes mouillent d'ailleurs mon carnet. Je crois que je devrais arrêter de pleurer. Ou d'écrire. Ou les deux peut-être... qui sait ?
Le sel abîme-t-il le papier ? Je ne voudrais pas dégrader mon journal ! Je l'aime bien moi, avec sa couverture noire en cuir et son élastique qui en fait le tour. Je l'ai eu pour mon anniversaire, il y a quelques mois. Je ne m'en étais pas servie jusque-là, mais je me suis dit qu'il pourrait être intéressant d'enfin l'utiliser, et de coucher ma vie sur papier, des choses les plus infimes aux choses les plus intimes.
J'ai toujours écrit, depuis ma plus tendre enfance. Mais jamais je ne me suis servie de mes mots pour raconter ma vie. D'ordinaire, j'invente des histoires, je les construis de toutes pièces, les structure et les façonne pour moins me sentir seule. Je laisse mon imagination vagabonder au gré du vent et de ma créativité, tandis que des personnages apparaissent à mes côtés, et que je créais des mondes parallèles, et des histoires à couper le souffle. Avant, c'était juste pour m'endormir plus facilement le soir, mais petit à petit, à force de lire des livres, j'ai eu envie de les écrire à mon tour.
Je n'ai pas un talent d'écriture hors norme, mais j'aime bien m'atteler à cet exercice.
Une fois, j'en avais parlé avec Tristan, mon « petit copain » de CM1, et il n'avait pas compris pourquoi « je me prenais la tête à faire ces choses à la con ». Il était vulgaire pour son âge. Toujours est-il que personne ne comprend. Les gens me regardent faire, et derrière leurs sourires faussement amusés ou intrigués, ils me jugent, me critiquent, me dévisagent, et toute once de compréhension s'envole.
Oui, j'ai 11 ans, et je parle mieux que certains adultes.
Oui, j'ai 11 ans et j'écris mieux que certains adultes.
Oui, j'ai 11 ans et je lis la plupart de mon temps.
Oui, j'ai 11 ans et j'adore apprendre, étudier, et me rendre à l'école.
Oui, j'ai 11 ans et je n'ai pas beaucoup d'amis, et ceux-ci ne sont pas toujours gentils avec moi.
Oui, je fatigue les gens. Je m'en rends bien compte, je ne suis ni aveugle ni absurde. Mais c'est plus fort que moi. J'ai pas envie de devoir me brider ou cacher une partie de ma personnalité pour leur plaire, pour leur faire plaisir. S'ils ne m'aiment pas, et bien tant pis !
Aujourd'hui, j'ai rencontré mes profs. Ils ont l'air gentils, sauf le prof de techno, qui renvoie une image particulièrement froide, le prof de physique, qui a l'air bizarre, et le prof d'art plastique qui m'a un peu fait peur avec ses cheveux, ses yeux et sa tenue tout noirs. On dirait qu'il revient d'un enterrement. Ma prof de français, par contre, a l'air gentille ! Et c'est sans parler de ma prof d'anglais.
J'ai hâte de voir où tout ça va nous mener... en tout cas, j'espère que les choses vont s'améliorer.
Bon allez, il faut que j'y aille : maman m'appelle, et si je ne viens pas, je sens que je vais me faire taper sur les doigts. Je dois aller mettre la table. On se retrouve bientôt.
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