23 novembre 2022

23 novembre 2022

Il s'est passé tellement de choses ces derniers mois...

Je suis entrée au lycée, dans une nouvelle classe. J'y ai rencontré des gens formidables mais aussi des vrais cons. Tout n'a pas été simple au début, mais heureusement, Oskar partageait tout avec moi. Maintenant, je me suis habituée à ce quotidien parfois barbant.

J'ai aussi eu dix-huit ans. Ce qui veut dire que je peux maintenant faire ce que je veux.

Entre Oskar et moi, tout va pour le mieux. Toutes ces difficultés rencontrées nous ont soudé et rapproché encore plus. Je n'imagine pas une seule seconde ce que serait ma vie sans lui...

Il y a aussi eu cette notoriété croissante.

Jamais je n'aurais cru qu'un jour nous en serions là.

Pourtant, trois mois et demi après avoir posté notre première vidéo, nous sommes suivis pas des centaines de milliers de personnes sur toutes les plateformes. Des gens de tous les coins, de tous les âges, et même certaines célébrités, françaises mais aussi anglaises ou américaine (nous avons fait le choix de développer, suite à tout ça, notre association à un niveau plus international) nous contactent et nous suivent. On a reçu énormément de dons pour l'association, ce qui nous a permis de grandir et même de louer un local où nous avons notre siège social !

J'arrive toujours pas à y croire ! Tout est arrivé si vite... Et pourtant, voilà où nous en sommes !

J'ai eu peur, très peur, au début. Et pourtant, aujourd'hui, seule la fierté m'anime. Je sais pourquoi je fais tout ça. Je sais ce qui me pousse, ce qui me fait vibrer. Je sais là où je veux aller, et ça me motive à continuer, quoi qu'il en coûte.

J'ai aussi pris la parole sur des sujets bien difficiles pour moi. J'ai raconté ce qu'il s'était passé, ce jour-là. À ma psychiatre, Madame Costa, qu'avec le temps j'ai appris à aimer, puis, à la police, dans un second temps. Heureusement qu'Oskar était avec moi, parce que toute seule, je n'aurais jamais réussi.

Ils m'ont incité à porter plainte. Maintenant que les démarches sont enclenchées, je dois attendre de voir où ça va nous mener...

J'ai grandi, sur de nombreux sujets. Iris m'a appris tellement de choses sur lesquelles je n'avais pas conscience avant. Elle m'a ouvert les yeux. M'a tendu la main et m'a invité à voir ce que j'avais toujours refusé de voir. Grâce à elle, et à Oskar, je vais beaucoup mieux aujourd'hui. Je raconte mon histoire avec la sienne, mélangeant nos parcours, et touchant encore plus de monde.

Je suis fière.

De nous.

De moi.

Du chemin que nous avons parcouru pour être ici aujourd'hui.

Je crois que je n'ai jamais autant appris que ces derniers mois. Auguste m'a beaucoup aidé aussi, dans cette quête de vérité, d'acceptation et de reconnaissance. Il est, pour le moment, le seul salarié de l'association. Je suis contente d'avoir pu lui offrir ce poste. Il avait besoin de s'insérer dans la vie professionnelle, de trouver un véritable travail, quelque chose qui lui permettrait d'avancer. Il est toujours dans ses addictions, mais a quand même réussi à se détacher de nombreuses d'entre elles, et à réduire sa consommation. Je suis vraiment très fière de lui.

Dans quelques minutes à peine, je vais faire ce pourquoi on a créé cette association. Dans quelques minutes à peine je vais me rendre devant des dizaines d'élèves, et je vais leur raconter notre histoire. Celle d'Iris, celle d'Oskar, aussi, et la mienne, sur certains points.

Je suis très stressée à l'idée de prendre la parole devant tant de gens. C'est paradoxal vu que depuis des mois je parle, au travers de mon écran, à des milliers de personnes. Mais c'est plus fort que moi. Mon cœur bas à la chamade et mes mains sont moites.

La principale de l'établissement dans lequel nous sommes vient nous chercher, et nous annonce qu'on peut y aller.

Je prends une grande inspiration, et tenant la main Oskar, je franchis la porte.

Tous les regards sont tournés vers nous, et un silence de plomb règne dans toute la pièce.

— Bonjour à tous et à toutes ! dit Oskar avec un entrain qui me fais sourire.

— Bonjour, répondent les élèves en cœur.

— Peut-être vous connaissez-nous, peut-être pas. Mais aujourd'hui, ça n'a que peu d'importance. Nous sommes ici pour vous conter une histoire, dis-je d'un ton doux, créant tout de même une forme de suspense.

Je veux attiser leur curiosité, les intéresser dès le début. Ils doivent comprendre l'importance de notre intervention. Ils doivent en saisir le sens, et en partager le message avec le plus de monde possible. Il faut qu'ils se sentent concernés.

— Je m'appelle Prune, et j'ai 18 ans. À mes côtés se trouve Oskar, avec un – k, dis-je en lui lançant un regard amusé.

Vu le clin d'œil qu'il me lance, il se rappelle que la première fois que nous nous sommes vu, c'est ainsi qu'il s'est présenté.

— Iris, une amie qui m'est très chère, est également avec nous, dans nos cœurs et nos esprits. Et aujourd'hui, je vais vous raconter son histoire...

Les lueurs de curiosité qui animent les regards des jeunes collégiens me fascinent, et me donnent toute l'énergie nécessaire à la poursuite de ce discours, qui s'annonce bien plus complexe que je ne l'avais imaginé. Je ne pensais pas que je serai tant touchée à l'idée de raconter son histoire, mais c'est comme si nous avions enfin atteint ce pourquoi nous nous battons depuis des mois. Ce pourquoi nous avions organisé tout ça. Et il n'y a tout simplement rien de plus gratifiant.

— C'est l'histoire d'une jeune fille rousse, qui, arrivée au collège, a vu sa vie basculer.

Je poursuis mon discours, et leur raconte l'histoire d'Iris, cette fille que j'ai tant aimée, et qui m'a tant appris, alors que je ne l'ai jamais rencontré.

Tous sont touchés, alors que nous gagnons la fin. Oskar et moi avons pris le parti d'y ajouter quelques éléments personnels, afin d'apporter différentes perspectives, mais aussi de montrer les conséquences que ces années de harcèlement ont eues sur elle, tout comme sur Oskar. Nous avons aussi parlé, en vitesse, du harcèlement sexuel, et cette fois-ci, c'est mes mots qui ont été utilisés pour leur faire prendre conscience de la gravité de ce fléau. Tous buvaient nos paroles, et je crois que notre message est bien passé.

— Je tenais aussi à... à offrir mes plus sincères condoléances à la famille d'Iris, dont la mère se trouve ici, tout comme un de ses frères. Nous avons souhaité nous approprier son histoire, pour la partager dans la plus exacte vérité, et montrer au monde les terribles dégâts d'une telle histoire.

Je marque une pause, alors que mes yeux, ainsi que ceux de la principale, la mère d'Iris, et de nombreux autres élèves, pleurent, puis reprends :

— Une telle chose ne doit plus se reproduire. Chaque année, en France, c'est plus de 700 000 élèves qui sont victimes de harcèlement. Et malheureusement, nombreux d'entre eux mettent fin à leur jour, ou développent des problèmes psychiques et psychologiques à cause de ce fléau.

Je me tais, incapable de continuer.

Oskar s'en rend compte, et termine :

— Chers élèves, prenez conscience de ce problème, et si vous le souhaitez, aidez-nous à le battre. Nous devons mettre un terme à ces années de calomnies et de terreurs. Rappelez-vous d'Iris. Souvenez-vous de son histoire. De la force dont elle a fait preuve, et de la destruction dont elle a été victime. Partagez son histoire, et montrez au monde qu'elle mérite d'être entendue. Iris nous a permis, à Prune et moi, de grandir sur un nombre incalculable de points. Elle nous a appris tant de choses, sur la vie, la résilience, le courage et la force, qu'aujourd'hui, nous ne pouvions que vous raconter son histoire. Celle qu'elle nous a elle-même conté, au travers de son journal.

Je le fais taire, et clôture, en larme :

— S'il vous plaît, souvenez-vous d'elle. À jamais.



FIN


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