20 juillet 2022

Les 2 h du matin viennent d'être franchis. Nous avons joué et chanté pendant des heures dans ce café/bar, et je suis explosée. La fatigue se fait ressentir dans mes membres engourdis, mais elle se lit aussi sur mon visage, et ma voix bien plus fatiguée qu'elle ne l'était lorsque je suis arrivée ici.

La soirée ne s'est absolument pas déroulée comme prévu : j'étais supposée venir rendre visite à Oskar et son groupe pour assister à leur performance, et au final, je me suis retrouvée à chanter pour la première fois depuis une foule de gens, qui n'étaient pas venus assister à ce spectacle. Pourtant, malgré ce changement de dernière minute, personne n'a râlé. Ils avaient même plutôt l'air contents !

Je suis à la fois heureuse, encore excitée de cet énorme changement dans ma vie, fière de moi, surprise de l'avoir fait, et surtout, pleine d'espoir pour la suite. Je suis probablement idiote d'accorder autant d'importance à un évènement si minime, et pourtant, c'est comme si je venais de prouver à la terre entière, et surtout à moi-même, que j'en suis capable. Que derrière ces barrières que je me suis toujours mises se trouve une Prune capable de choses dont je n'aurais jamais osé rêver. J'ai enfin compris ce que ça faisait de vivre. Pour de vrai. Pas juste jouer un rôle. J'ai compris le principe de la trend « main character ». J'ai compris ce que ça fait d'être le personnage principal de sa vie, et non plus un personnage secondaire qui observe les choses se dérouler sans jamais agir dessus. Et putain qu'est-ce que ça fait du bien ! C'est comme si après toutes ces années d'errance et de mal-être j'avais enfin pris conscience de la chance que j'ai de vivre, de la magie de cette aventure, de ce qu'elle représentait, mais aussi de toutes les choses positives que ça allait m'apporter. J'ai l'impression que mon existence a commencé au moment où j'ai prononcé les premières paroles, sur cette scène. Comme si jusque-là, je n'avais jamais pris de vraie inspiration, et qu'aujourd'hui, j'avais enfin rempli mes poumons d'air frais, celui qui m'entoure, qui m'anime, qui me permet de rester en vie, de faire bouger mes membres, de sourire, rire, aimer, exister. Je suis emplie de sensations que je n'avais pas avant et je suis persuadée que ma vision du monde et de la vie ont changé. J'ai l'impression d'avoir fait un bon dans le temps, et d'avoir enfin la possibilité de devenir la personne que j'ai toujours rêvée d'être, bien que ce modèle, hier encore, me paraissait totalement inaccessible. C'est magique. Puissant. Merveilleux.

J'ai appelé ma mère plus tôt dans la soirée pour la prévenir et lui dire que je rentrerai tard. Je viens de franchir le seuil de la porte, et elle me saute dessus, me serrant dans ses bras.

J'inspire un grand coup, prête à ce qu'elle m'annonce une mauvaise nouvelle. La dernière fois qu'elle a fait ça, comme ça, on a fini a l'hôpital. Pourtant, elle se contente de me murmurer un « je t'aime » à l'oreille avant de monter les escaliers vers sa chambre, probablement pour aller se coucher. Je n'ai même pas le temps de lui répondre qu'elle est déjà en haut.

J'arrive pas à croire qu'elle soit restée éveillée pour s'assurer que je rentrais bien... et dire qu'il y a encore un mois je crachais sur elle constamment... Jamais je n'aurais pu imaginer que notre relation s'améliorerait. Mais pour être honnête, c'est une des choses dont je suis la plus fière aujourd'hui, et qui me rend des plus heureuses. C'est un poids en moins, et je prends maintenant conscience des nombreux points communs et centres d'intérêts que nous avons ensemble, moi qui étais persuadée de ne rien avoir de similaire avec elle. Je me trompais sur bien des aspects depuis des années !

Je ferme la porte à clé, monte dans ma chambre, me déshabille et me démaquille, et me glisse sous mes draps. Il ne faut que quelques secondes à peine pour que mes yeux se ferment. Je suis exténuée. Heureusement, demain je peux dormir ! Je sais que c'est pas très légal, mais pour me laisser la possibilité de profiter de mes vacances, Astrid a vu avec ma mère pour qu'elle travaille à ma place, en attendant qu'on arrive à la fin du contrat et qu'elle puisse en faire un nouveau au nom de ma mère. Ça ne saurait tarder, mais pendant ce temps, on est hors la loi... Cela dit, je dois dire que ça m'intrigue et m'amuse plus que ça ne m'inquiète, bien que ça devrait sans aucun doute être l'inverse. En réalité, je vois plutôt ça comme un amusement, ou du piment qui vient s'ajouter sur la pizza qu'est ma vie. Drôle de métaphore, je sais, mais la fatigue qui coule dans mes veines se fait ressentir jusque dans mes pensées.

Mon cerveau me fait peut-être passer un message... Je n'ai pas mangé depuis ce midi, c'est vrai qu'il doit avoir faim ! Mais, aussi égoïste soit-il, il est hors de question que je me relève pour aller chercher quelque chose à grignoter. Je suis emmitouflée sous ma couverture, roulée en boule dans mon pyjama, serrant aussi fort que s'il s'agissait d'un doudou ou d'une personne dont je serais amoureuse, mon coussin. Alors la nourriture attendra demain.