12 juillet 2022
12 juillet 2022
Il est 2h46 du matin.
Je prends mon téléphone, et compose un numéro.
Le même. Toujours.
C'est la seule personne à qui je m'adresse depuis que nos chemins se sont croisés, et avec ce que j'ai appris dans le journal d'Iris, ce que j'en ai tiré, je ne peux plus voir ça comme une coïncidence. Oskar va pouvoir m'aider. J'ai besoin de lui pour avancer, et peut-être que je peux aussi l'accompagner et l'aider sur certaines choses. En tout cas, là, dans l'immédiat, j'ai besoin d'entendre sa voix. Ses tonalités, son accent, et l'inquiétude qui s'y lit parfois, arrivent à me calmer, m'apaiser, et me faire me sentir bien. Ironique, pour moi qui prétends haïr les hommes depuis ce qu'il s'est passé ? Sûrement. Je suis la première perdue et troublée. Mais je crois que j'ai envie de me laisser m'abandonner à ces sentiments confus qui m'habitent, et d'enfin arrêter de lutter contre eux. Je ne parviens pas encore à comprendre ce qu'ils signifient, mais je doute qu'ils ne soient aussi négatifs que ce que je pensais jusqu'à présent.
— Prune ?
Son ton est (logiquement) endormi. Une fois de plus, je le réveille. Une fois de plus, je suis en larme. Ça me fait rire, mais quand il m'appelle une deuxième fois par mon prénom, je me rends compte que je ne peux pas le laisser sans réponse à l'autre bout du fil.
— Oui. Euh, désolée de te déranger encore...
— Tu pleures ?
Je ris nerveusement et réponds :
— Euh oui... Tu vas vraiment plus me croire quand je te dis que c'est pas dans mes habitudes de pleurer, ajoutais-je en riant, avec une volonté de détendre l'atmosphère.
— Ça c'est sûr, dit-il légèrement sarcastique, mais l'inquiétude toujours bien présente dans sa voix.
Le silence s'installe entre nous, mais il le brise sans trop tarder, déterminé à en savoir plus sur ce qu'il se passe.
— Prune, il se passe quoi ? demande-t-il d'un ton presque suppliant.
— Tu te rappelles le premier jour où on s'est vu ? Tu m'avais demandé ce que je lisais.
— Oui, je m'en souviens très bien, dit-il incompréhensif. Mais j'vois vraiment pas le rapport là, Prune.
— Bah je lisais le journal intime d'une... d'une amie. Il lui est arrivé... des vraies saloperies... sauf que... là, ce soir, j'ai lu ses... ses derniers mots. Avant qu'elle ne meure. Elle s'est suicidée.
Ma voix se brise, et les larmes coulent de nouveaux sur mes joues.
— C'est de ça dont j'aimerai te parler demain. Je voulais te raconter un peu... sa vie, et avoir ton avis sur certaines choses. J'aurais... besoin de toi.
J'ai terminé ces mots dans un murmure, presque inaudible, mais je suis persuadée qu'Oskar l'a compris malgré tout.
Il ne me répond pas immédiatement, réfléchissant, probablement, quels mots il devrait utiliser.
— Prune... écoutes, je suis désolée, vraiment, pour ton amie. J'en parlerai avec toi sans aucun problème, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu ailles mieux, et que tu ne surmontes pas seule toutes ses épreuves. Mais tu dois savoir que je n'ai absolument pas la science infuse, et surtout que... je suis moi-même en train de travailler sur tout ça, de dépasser certains traumas, certains événements difficiles de ma vie... Je ferai au mieux, ça, ça ne changera jamais, quoi qu'il arrive entre nous. Je serai toujours là. Pour toi. Je te le promets.
Il marque une pause, réfléchissant à nouveau.
— Mais malgré toute la bonne volonté que je pourrai mettre en place, et le travail devra venir de toi. Tout n'évoluera qu'au moment où tu auras eu un déclic. Ton déclic. Je pourrais t'aiguiller, bien sûr, mais jamais je ne serai en capacité d'en être à l'origine. Tu dois comprendre que pour aller mieux, les choses doivent venir du plus profond de ton être. Tu dois avoir la volonté intime de changer. De grandir. Tu dois vouloir te détacher de ton passé destructeur. Tu dois accepter de pardonner. De laisser les choses couler. Et surtout, tu dois apprendre à les utiliser comme un tremplin. Je sais que ça peut paraître bateau, mais je t'assure que toutes ces horreurs que tu as subies, pourront, par la suite, devenir tes plus grandes forces. Tout ce que tu as lu dans ce journal, aussi horrible soit-il, te sera utile avec le temps. Ne le vois pas comme une fatalité, mais plutôt comme une opportunité. Une opportunité de grandir. D'apprendre. D'évoluer. Et surtout, de partager. Enseigne aux gens ce qui t'a permis d'avancer. Offre-leur des clés. Propose-leur ton aide. Il n'y a rien de plus gratifiant. Je t'assure.
Il se tait à nouveau, alors que des larmes perlent à nouveau aux coins de mes yeux.
— Alors oui, bien sûr que je serai là pour toi. Je ferai tout pour t'aider. S'il fallait sauter d'une falaise, je foncerai les yeux fermés. Je suis là, et ça ne changera jamais. Tu peux me faire confiance. Je te le promets. Mais tu dois aussi savoir que j'aurai beau te tenir la main, t'accompagner et t'aider, les décisions devront venir de toi.
— J'y arriverai pas, lâchais-je le souffle coupé.
— Bien sûr que si ! Tout doit te paraître inaccessible et irréalisable aujourd'hui. C'était pareil pour moi, quand mon père s'est tué. Same quand je me suis fait harcelé. Pareil aussi quand j'ai appris que j'avais un TDA. Rien n'a été simple. J'ai galéré. J'ai souffert. Et je souffre encore aujourd'hui d'énormément de choses. Mais la douleur fait partie du process. Le dicton « il faut souffrir pour être belle » prend tout son sens. Il faut souffrir pour être heureux. Il faut souffrir pour être épanoui. Il faut souffrir pour avoir une belle vie... Tu vois, ça colle avec tout. Tu aimes les fleurs, Prune ?
— Euh... oui, dis-je sans voir où il veut en venir.
— Imagine-toi être une fleur. Pourrais-tu grandir et pousser sans eau ?
Il se tait, attendant ma réponse.
— Non, dis-je dans un murmure, comprenant ce qu'il veut dire.
— There is no flower without rain, dit-il dans un anglais parfait.
— I know, but... it is so hard. I can't hold on. I can't forget. I can't let things go. I don't know how to do. I don't know what to do. I'm lost.
Je suis surprise de répondre en anglais, presque autant que de constater ce que je lui livre.
— Prune, si c'était aussi simple, ça servirait à rien ! C'est normal de chercher à tâtons. C'est normal d'hésiter, de creuser, d'avoir l'impression de ne jamais trouver de réponses, ou de jamais réussir à avancer. Mais c'est pas des choses immuables ! Tout finira par aller mieux. Ça va toujours mieux, Prune. Ne l'oublie pas. La vie, c'est comme un piano. Il y a du noir et du blanc, et il faut jouer des deux pour avoir un beau morceau. La vie, c'est magique, et on en a qu'une. Mais même si tu vis les pires atrocités, ça finira toujours par aller mieux. Ça va toujours mieux. Gardes ça en tête.
Son ton est doux et bienveillant, mais j'ai l'impression qu'il parle à une gosse de deux ans qui veut pas comprendre un truc, et ça me frustre.
Si les choses étaient aussi simples, j'y serai arrivée depuis bien longtemps !
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