12 juillet 2022

12 juillet 2022

Je le savais.

Je savais que ça allait finir comme ça.

J'en étais sûre.

Et pourtant, mon cœur s'est contracté si fort que j'ai l'impression qu'il va exploser.

Je m'étais attachée à elle.

Je tenais à elle.

Et elle est partie.

Envolée.

Ça faisait très longtemps que je n'avais pas eu si mal.

Mon cœur bas à la chamade.

J'ai l'impression qu'il ne va pas supporter le coup.

Mes yeux pleurent aussi.

Les larmes dévalent mes joues, en continu, laissant des sillons d'eau salée, qui brillent à la lumière de ma lampe de chevet.

Mes mains tremblent.

Je n'arrête pas de mordiller ma lèvre inférieure, et elle se met à saigner.

Le goût âcre du liquide rouge envahit ma bouche.

D'ordinaire, j'y aurais prêté attention, ça m'aurait dégoûté, je l'aurais retiré immédiatement, je me serais lavée la bouche. Mais aujourd'hui, rien ne me semble plus insignifiant que ce goût chaud et rebutant qui rempli ma bouche au rythme des pulsations de mon organe vital.

Iris est morte.

Je le savais, et pourtant j'espérais toujours intensément que tout ceci ne soit qu'une imagination absurde de mon cerveau.

Or, j'avais vu juste, sur toute la ligne.

Je suppose que c'est pour ça que ses parents ont déménagé. Trop de mauvais souvenirs devaient être rattachés à cette bâtisse. Je peux le comprendre.

Elle a aussi laissé ses frères et sœurs seuls. Je suis persuadée qu'ils auraient rêvé de l'avoir à leurs côtés toute leur vie. Elle semblait être une si formidable grande sœur...

Et s'ils n'avaient jamais lu ce carnet ? Leur a-t-elle laissé un mot ? Leur a-t-elle expliqué ce qu'il s'était passé ?

J'en doute, et pourtant, je ne peux m'empêcher d'espérer.

La douleur qui les anime à l'heure actuelle doit être terrible. Et moi, je suis là, avec toutes ces informations, récoltées par la lecture d'un journal qui ne m'appartient même pas, alors que si ça se trouve, la famille elle-même d'Iris ne sait rien de tout ça.

Et si je les retrouvais ?

Ça serait complexe, c'est certain, mais je suis persuadée que je peux y arriver. Je dois y arriver. Ai-je d'autres solutions ? Je ne crois pas. Ils ont le droit de savoir. Ils méritent de comprendre. Pour libérer, dans la limite du possible, leurs esprits.

Je me remémore le message d'Iris, à la fin de son journal. Ses derniers mots. J'ai la sensation que je ne pourrais rien changer à cette histoire de harcèlement, mais d'un autre côté, je ne peux absolument pas fermer les yeux. Des centaines de milliers de jeunes en souffrent chaque année, et Iris n'est ni la première, ni la dernière à mourir sous leurs coups, invisibles.

J'ai beau n'avoir que dix-sept ans, je dois faire changer les choses. Pour Iris. Et pour tous les autres. Elle le mérite.

Je n'ai pas pu l'aider alors qu'elle était encore de ce monde. Il est hors de question que je réitère cela.

J'ai besoin d'elle à mes côtés. J'ai besoin qu'elle se rende compte que je suis désolée. Que je suis touchée par son histoire, et que je ferai tout pour qu'elle soit entendue, écoutée, et que justice lui soit rendue. J'ai besoin qu'elle comprenne que je la soutiens, même d'ici, et que pour rien au monde je ne baisserai les bras. J'ai besoin qu'elle sache que je ne veux pas fermer les yeux devant des choses aussi horribles. Des choses qui pourtant, sont cachées. Des choses qui pourtant, restent tues. Je ne peux pas répéter ce schéma. Je dois agir. Je dois parler.

Elle a aussi dit qu'il était essentiel de libérer la parole. Ces mots résonnent d'une manière bien différente avec ma propre histoire. Jamais je n'ai parlé de ce qu'il s'est passé, ce jour-là. Jamais avant Oskar. Et je crois qu'aujourd'hui, j'ai besoin de raconter ce qui m'est arrivé. J'ai besoin de le crier sur les toits. J'ai besoin de faire comprendre au monde entier que ça arrive, et que mon histoire est celle de milliers de femmes dans ce monde. J'ai besoin d'ouvrir les yeux. J'ai besoin que les choses bougent. Que les mentalités évoluent. J'ai besoin de prendre mon envol. J'ai besoin de me détacher de mon passé. J'ai besoin de grandir. J'ai besoin de mûrir. J'ai besoin de partir. J'ai besoin de vivre.

Je ne peux plus faire autrement.

Je ne peux plus faire semblant.

Je dois jouer un rôle.

Les choses doivent changer.


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