Et c'est plus qu'un espoir que je voudrais porter.
Au lieu de dire "Le sort n'est pas avec moi" aujourd'hui, je m'entends penser "Je ne suis pas avec moi aujourd'hui".

Je ne veux pas me dire que je suis ce que je choisis d'être. Parce que cette phrase m'horripile par son utilisation dégoulinante de buts d'un jour inachevés qui te font lever de ta chaise cinq minutes pour applaudir très fort... pour te rasseoir après et continuer à regarder le spectacle de ta vie avec encore plus de monotonie que lorsque tu t'en es levé. Car tu auras encore failli. Une fois de plus, tu n'auras pas abouti ton geste. Et tu le sauras. Tu n'auras allumé qu'un énième feu sur lequel tu auras placé un énième projet.

"j'ai tant de projets sur le feu que mon quotidien est devenu un enfer".

Je n'en suis pas là. Mais le feu se répand tout de même et consume quelque chose, si ce n'est pas le paysage, c'est mon estime ; si ce n'est pas mon humeur, c'est mon temps; si ce n'est pas ma sobriété, ce sont mes pensées.

Je ne me suis jamais sentie aussi superficielle qu'aujourd'hui même. J'ai l'impression d'être une copie d'écran d'une photo d'un dessin d'un livre ouvert sur une page presque vide où ne serait écrit que le mot "Recopie".

Et j'ai beau me torturer l'esprit, imaginer, coudre autant d'écussons de groupes de pensées que j'ai moi même inventés pour me sortir de l'ennui, j'ai beau puiser dans des personnalités factices de personnages tout droit sortis de mon imagination  dont je voudrais enfiler la peau, je n'arrive pas à savoir si je m'éloigne ou si je m'approche toujours un peu plus de moi-même.

Je ne sais pas ce que je suis. Et on aura beau m'appeler par tous les noms, unique, semblable, membre, vivant, légume, toi, moi, que je ne saurais pas plus qui je suis.

Me plaindre moi-même me tape le système comme un marteau sur un clou qui s'enfonce sans discontinuer dans de la chair bourrée de nerfs.

Je suis paumée et pathétique. J'en viens à contempler l'immobilité des personnes qui m'entourent en me fascinant sur la sérénité qu'ils semblent dégager alors que certains pourraient très bien être en train de paniquer encore plus que ce que je suis en train de faire.

À qui m'entende me dise :....

Non ne me dites rien, rien que d'imaginer une bouche me parlant comme je le voudrais me dégoûte. Je suis pas prête à écouter quoi que ce soit.
Et pourtant, et pourtant je voudrais entendre.
Et pourtant je voudrais que l'on me dise quelque chose.
Mais pas toutes les intonations,pas toutes les voix, non, je ne veux pas entendre tout le monde, je voudrais presque n'entendre personne. Ou alors, que toutes les personnes que j'entende n'ai pas de rapport physique au moment où je les entends. Qu'il n'y ait pas concertation entre eux.

Car je ne veux pas entendre d'avis général, je voudrais entendre un avis personnel, intime.
Réfléchi, unique.

Unique.

S'il te plaît.

Je vais traverser, ou plutôt tu vas traverser, me traverser comme une route grâce à tes mots. Tu vas les poser, là comme des bandes blanches, marcher seulement sur elles car sinon tu te feras manger par des crocodiles dépressifs, et passeras de l'autre côté, qui sera exactment du même côté par lequel tu es parti. Et avant de traverser tu te demanderas si tu dois d'abord regarder à droite ou à gauche. Tu n'es pas dans un pays particulier puisque que tu es dans tes pensées.
Alors, à ce moment là, juste avant que tu ne te décidés, tu entendras cette phrase que j'ai entendu :

"Tu dois savoir mettre des priorités."

Et tu ne comprendras pas. Parce qu'il n'y a pas de priorités. Si tu dois traverser d'un coup, il faut de toute manière que tu regardes des deux côtés avant de t'engager. Tu n'auras pas de choix sous la main mais on te diras:

" Tu dois savoir mettre des priorités. "

Alors tu feras un choix.
Le nombre de possibilités est infini.
Surtout dans l'imagination.

Et c'est là que je m'arrête. Car mon choix sera ma limite, car j'aurais choisi une priorité.

Priorité à gauche. Dans mon imagination.
Pathétique.

Un avis. Un murmure à la voix profonde et à l'intention légère.
Un avis, je voudrais un avis.
Unique.

S'il te plaît.