— Mélanie ?
Ce sont les premiers mots qu'il laisse échapper de ses lèvres charnues, d'une manière fluide et délicate. C'est ce que j'ai toujours aimé chez lui, la manière de prononcer mon prénom préféré tel qu'il est. Sans modification, sans abréviation.
— Tu la connais ? demande la blonde.
Il ne répond pas, nos yeux ne se quittent plus. Les siens, remplis d'incompréhensions, et les miens, remplis de douleurs qui attaquent l'intégralité de mon corps. Ses adorables yeux marron que j'admirais il y a quelques mois me font si peur. Il y a bien des choses que j'ai aimées chez lui, que j'ai même adorées. Peut-être qu'à l'heure actuelle, ça aurait été la même chose. Ce sentiment d'admiration serait peut-être toujours là. Si seulement...
— Jess... Jessica ? bredouille pour la première fois Erwan.
La concernée place une de ses mèches derrière son oreille, gênée. Quelle égoïste, je suis. Depuis le début, je n'ai fais que penser à moi. Celui pour qui on devrait ressentir de la pitié, c'est Erwan. Voir la fille dont on est amoureux dans les bras d'un autre, doit faire énormément mal, et je c'est pour cela que je comprends sa peine.
— Nous ne savions pas qu'il y avait quelqu'un ici, désolée, s'excuse Jessica.
À présent, ils forment un duo, un nous. Alors qu'il n'y a pas si longtemps, le nous, c'était lui et moi. Lui et moi contre le reste du monde. C'était Loïc et Mélanie. Et c'est devenu Loïc et Jessica.
Je détourne le regard, sentant mes yeux s'amplifier de larmes. Pourquoi il me fait toujours autant mal ? Pourquoi j'ai l'impression que je suis la seule qui souffre ? Pourquoi c'est moi qui pleure toujours alors que c'est lui qui a commis des erreurs ? Naïve, c'est exactement l'adjectif qui me correspond.
Erwan n'est pas en position de parler, et moi non plus. Pour dire que ce n'est pas grave ? Alors que si, c'est grave. C'est grave qu'ils nous replongent dans cette piscine profonde, alors que l'on est incapable de nager. De sortir la tête de l'eau.
— On va s'en aller, ajoute encore Jessica.
Suite à notre non réaction, ébahie et honteuse, Jessica tire la main de son petit ami pour se diriger vers la sortie. Tant mieux, qu'ils s'en aillent. Cependant, Loïc n'est pas du même avis. Il lâche la main de la blonde et m'attrape par le poignet. Je retire vivement et immédiatement ce dernier.
Cela fait maintenant longtemps que ça n'a plus d'effet sur moi. Ça ne me fait ni chaud ni froid qu'il me touche ou qu'il me chuchote de belles paroles, comme il en avait l'habitude. Qu'il fredonne ses chansons au creux de mon oreille qui hérissaient tous mes poils. Non, ça a changé maintenant.
— Je veux juste te parler quelques secondes, c'est tout.
Cette voix. Sa voix rauque à sa manière. Sa voix distinguée de tout les autres garçons du lycée. Pitié, qu'il arrête de parler. Qu'il se taise à jamais.
— Je n'ai rien à te dire et je n'ai pas envie de t'écouter alors dégage.
Ses yeux marron expriment un sentiment qui ressemble à du regret. Mais qu'est-ce que je m'en fiche qu'il regrette ce qu'il a fait ou non ! Ou peut-être qu'il regrette d'avoir été en couple avec une idiote comme moi ! Une imbécile de première qualité qui a redoublée.
Je ne soutiens plus son regard. Je le fais circuler autour de moi et le malaise qui règne chez Erwan et Jessica est distinguable de loin. Pourquoi je ne peux pas être une petite souris ou bien disparaître comme par magie ? Pourquoi ?
— Je n'en ai que pour une minute, s'il te plaît, Mélanie. Je veux juste qu'on s'explique et que...
— Je ne veux rien entendre, Loïc !
Je tourne brutalement la tête et voit Erwan et Jessica qui sortent, s'éclipsant en douce. On vous laisse vous expliquer, lâchent-ils. Sympa ! Apparemment, quand un œuf est déjà pourri, on y peut rien.
— Je sais que je t'ai abandonné, je sais que je t'ai laissé tomber et je regrette, Sun ! Sincèrement.
Je passe furieusement une main dans mes longs cheveux châtains. Loïc tient dans ses mains un gobelet que je n'avais pas remarqué jusqu'à maintenant. Il le dépose sur une table près de moi.
— Maintiens ton alcool loin de moi ! peste-je.
Il le reprend aussitôt, lançant un désolé. J'ai conscience que j'exagère un peu. Un peu trop d'ailleurs. Certes, je ne supporte pas trop l'odeur. Mais dois-je rappeler que quelques minutes avant, j'étais enfermé dans une boîte à alcool et que je n'ai pour le moins du monde protesté ?
— Je n'aurais jamais dû. Ce que je ressentais pour toi était bel et bien réel. Et j'ai tout gâché.
Je sens ma rétine brûler. Comment j'arrive à toujours avoir mal pour le même imbécile ? Je garde mes yeux rivés sur le mur blanc, les mains posés sur mes hanches et clignant des yeux plusieurs fois pour éviter de pleurer.
— Je n'ai rien fait pour nuire à ta réputation. Ce n'est pas par ma volonté que l'on t'a surnommé Mélanie la dégénérée et...
Je me retourne brutalement.
— Qu'est-ce que je me fiche pas mal de cette réputation ! Tout ce que je voulais c'est que tu sois là ! Que tu sois près de moi, que tu me tiennes dans tes bras et que tu me regardes comme si j'étais la dernière bière dans ton frigo ! Rien de plus, Loïc, prononcé-je d'une voix brisée.
Il passe une main dans sa chevelure blonde, toujours éparpillés et se mord légèrement la lèvre inférieure. Une manie chez lui. Bordel, pourquoi je le connais autant ! Pourquoi rien ne m'est inconnu chez lui ? Et lentement, je sens ma première larme s'échapper de mon œil droit. Il coule doucement, chatouillant ma joue, mon menton puis mon cou. Je la laisse s'en aller librement, pour exprimer ma tristesse.
— Pourquoi moi, Loïc ? Pourquoi ?
Cette phrase me paraît si familière, si habituelle. Les rares fois où j'ai discuté avec Loïc depuis début mai, je n'ai fais que me poser la question toutes les deux secondes. Et je le refais aujourd'hui. Mais je la lui pose à lui.
— Ce n'était pas contre toi. On était des gamins, Mélanie. On avait que quinze ans et les sentiments amoureux étaient nouveaux pour nous.
Je hausse un sourcil.
— Nouveau ? Tu veux que je compte le nombre de filles avec lesquelles t'es sorti ? Et moi alors, n'étais-je pas en couple avec Jonathan avant ?
Il ferme sa bouche. Plus de répliques, plus de contre-attaque. J'ai eu le dernier mot. Je sais bien qu'il n'a jamais été fier de ses nombreuses conquêtes, mais maintenant je me fiche pas mal que ça puisse le blesser encore. Alors je profite du fait qu'il soit déconcerté, fais un petit chignon puis me dirige vers la porte. Sauf qu'il me rattrape par le poignet.
— Je t'aimais Mélanie. Vraiment. J'aimais tout chez toi. Ton humour bête, ta folie, ton caractère enfantin, ta gentillesse. Mais ce que j'aimais par dessus tout, c'était ton sourire, tes beaux yeux verts que tu trouvais si banals mais surtout ton cœur. Ton grand cœur, Mélanie.
J'ai l'impression de faire une crise cardiaque. D'oublier comment l'on respire. Alors je me mets à bruyamment inspirer et à expirer puis retient brutalement mon souffle. On dit que les oreilles peuvent mentir. Je n'y croyais pas avant, mais j'ai la nette impression, que cette fois-ci, ils me jouent un tour. Car même lorsqu'on était en couple, il ne m'a jamais fait une aussi belle déclaration. Si vraie. Si réelle. Si touchante.
Sans que je ne sache comment, il m'attire dans ses bras et les serre fort dans mon dos. Basketteur, me dépassant de trois bonnes têtes, j'arrive à peine à atteindre son cœur. Mais qu'importe. Je ne lui répond pas. Mais je ne le repousse pas pour autant. Il défait ma queue de cheval et passe ses mains dans mes cheveux, lentement, doucement.
Je me sens agréablement bien. Mais qu'est-ce que j'aurais voulu ce câlin quelques mois auparavant ? Alors, lentement, je m'écarte de lui et plonge mes iris verts dans les siens marrons. Qui ressemble étrangement à du chocolat.
Puis soudain, il passe ses mains dans mes cheveux, prenant soin d'écarter des mèches châtains rebelles. Et rapproche son visage de moi. Je ne sais pas pourquoi je le laisse faire. Pourquoi je lui donne toujours autant d'importance, même quand il est sensé ne plus exister pour moi.
Ses pouces caressent mes joues, essuyant mes larmes et il me sort sa phrase fétiche. Sa phrase usuelle. Sa phrase clichée. Mais qui m'a toujours consolé des mois auparavant. Et qui aurait peut-être pu avoir le même effet ce soir. Si seulement...
— Sèche tes larmes Princesse ; ton peuple n'attend que ça.
Et brusquement, je reviens à la réalité. C'est Loïc. Le même. Et il n'a pas changé. Je le repousse alors une deuxième fois.
— Mélanie, je...
Je ne lui laisse plus le temps d'en placer une. Sa voix n'est plus qu'un arrière son. Mon coeur saigne, mes blessures s'intensifient et il n'y voit rien. Est-ce qu'il sait au moins la dépression que j'ai vécue il y a un mois ? À quel point je me sentais seule ? J'ai envie de tout lui rappeler. Tout lui dire, mais au lieu de ça, je me contente seulement de quelques phrases.
— Tais-toi ! Tu la fermes, Loïc ! Tes explications ? Je m'en fiche pas mal ! Où étais-tu quand j'avais réellement besoin de toi ? Quand rien n'allait dans ma vie ? Tu crois que te présenter comme ça, comme une fleur bleue va changer quoi que ce soit ? Garde tes mots car sinon, je vais te les faire avaler !
C'est si violent. Si paradoxale avec le moment que l'on vient de vivre. Mais au moins, mon but est atteint. Il se tait. En profitant pour me sortir de cette situation étouffante et affreuse, je quitte la pièce, en le bousculant au passage. Une fois dehors, dans le couloir qui mène à la cuisine et au rez-de-chaussée, je passe une main dans mes cheveux, inspirant et expirant.
Qu'est-ce que j'ai fais pour mériter un aussi mauvais karma ? Je devrais demander à Narva de prier pour moi. Peut-être que son Dieu pourra y faire quelque chose. D'ailleurs, maintenant que j'y pense. Je jette un coup d'œil à ma montre. Plus de trois quart d'heure, que je les ai laissé tomber. Je suis vraiment une mauvaise amie.
Je m'apprête à reprendre mon chemin, quand une voix interpelle mon prénom. Je relève la tête, les yeux sûrement gonflés.
— Ça va, Sun ?
J'essuie rapidement les probables gouttes salées restantes puis relève la tête, vers le visage angélique de Justin.
— Oui, ça va.
Il fronce les sourcils, mais ne met pas ma parole en cause. Tant mieux. Un peu pressée et voyant qu'il ne parle pas, je décide de me lancer sur une voix que j'essaie de réguler correctement.
— Qu'y a-t-il ?
Il se gratte l'arrière du crâne comme s'il était... nerveux ?
— Euh, je te cherchais...
Je penche la tête pour l'inciter à poursuivre et il se racle la gorge et lance de but en blanc :
— Pour savoir si ce samedi tu seras disponible et t'emmener faire un petit truc, enfin si ça te dit.
Mon moi fan girl serait en mode danse de la victoire. Si je pouvais la laisser s'exprimer évidemment. Épuisée mentalement, je ne peux que faire sortir mon côté zombie.
Suite à ma non réaction, il lâche alors, moins confiant.
— Tu peux y réfléchir. De toute manière tu as mon numéro. Je t'avais envoyé un message lundi. Et si tu veux pas, pas de problème. Je sais que c'est un peu rapide alors, t'inquiète pas.
J'ai réellement envie de sourire suite à son anxiété exagérée. Cependant, je me rends compte que le doute est levé. C'était bel et bien le bel Apollon qui m'a envoyé un message ce soir-là. Je hoche alors la tête, souriant faiblement.
— Je vais y réfléchir.
— Cool, sourit-il.
À l'instant même, Erwan apparaît à côté de Justin. Il fronce une seconde ses sourcils. Puis gêné, il s'apprête à repartir quand Justin lance, sur un ton que je ne lui connais pas, les traits durs.
— Toi, tu n'approche plus ma soeur. Elle est déjà en couple avec Loïc et très heureuse. Alors maintiens toi loin d'elle.
Puis il s'en va. Je manque d'avaler par inadvertance ma propre salive. Jessica, celle que je ne connais, serait-elle en couple avec Loïc, mon ex ? Et Erwan serait amoureux de la blonde ? Mais quelle idiote je suis ! Bien sûr ! Les deux sont blonds, aux yeux d'un bleu océan et d'un visage un peu trop angélique pour leur quinze ans.
Quand je reporte mon attention sur Erwan, je ne le juge pas et me contente de l'observer se dandiner sur place, mal à l'aise.
— Je crois que je vais rentrer. Tu rentres aussi ?
Je hoche tout doucement la tête.
— On y va, alors ?
Oui, je suis une lâche. Mais dépassée par les événements, je lui fais signe que oui et nous sortons, lui et moi, côte à côte dans l'air frais du début automnal.
❇❇❇❇
Je jure solennellement que c'est pas de ma faute que ce chapitre est aussi court ( environ 2500 mots). Il était même censé comporter la scène du prochain chapitre, mais après des calculs ( les maths ça se combine avec la littérature XD !), j'ai vu qu'il fallait développer Loïc plus tôt car il n'apparaîtra plus avant un bout de temps !
Bref, j'ai globalement aimé l'écrire, car même si il a fait beaucoup de tort, je l'aime ! Tout comme tous mes personnages, d'ailleurs !
Un avis sur les réels intentions de Loïc 😱?
Mélanie " la dégénérée ", qu'a-t-elle fait pour être surnommé ainsi ? 😡
Justin qui l'invite enfin, même si Mel ne semble pas encore enthousiaste, c'est juste qu'elle est un peu épuisée ? ☀
Erwan qui propose de la raccompagner ? ❄
C'est tout pour les questions ! Au risque de me répéter, merci de vous manifester par un vote et des commentaires constructifs ou non, mdr 😂 ( même si je préfère la première option )*-*!
ALERTE PETIT JEU :
/!\ Celui ou celle qui trouvera les personnages ( au moins trois) qui vont apparaître, se verra offert le titre et les deux derniers phrases du chapitre en message privé, un jour avant qu'il ne soit posté ! /!\
Voilà, c'est juste pour s'amuser ;).
Plein de bisous à la mandarine, Laureen 😘 🍫 💚 <3!
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