39|Chute sans fin ✔
"Le sentiment de ne pas être aimé est la plus grande des pauvretés et la plus cruelle des douleurs."
Les bras couverts par la veste en cuir de Erwan encerclent encore ma taille. Je ne suis généralement pas à l'aise avec les contacts physiques, surtout ceux impliquant des zones aussi sensibles, mais je n'ai pas de force en cet instant.
Sans Erwan, sans son soutien, je suis certaine que je tomberai en moins d'une minute. Au sens propre du terme. Il est devenu mon pilier en cette épreuve. Les mots de Élodie rouvrent toujours des blessures que le temps n'a pas su guérir jusqu'à aujourd'hui.
À contrecœur, et me disant que je ne devrais pas rater un autre cours, je me détache de lui et impose une distance entre nous deux. J'ai envie de passer une main dans mes cheveux, mais me retient en voyant ma main tachée.
- Je vais aller me laver les mains. Tu devrais te rendre à l'infirmerie vu l'état de la tienne.
Il hoche la tête. L'atmosphère n'est plus aussi lourde qu'auparavant, la tension s'étant dissipée. Toutefois, je ne peux plus supporter le regard bleu aigue-marine de Erwan. Il a l'air soucieux et sur ses gardes, ne sachant pas si je vais bien.
Je détourne le regard et tourne les talons, avant qu'il ne pose une question qui risque de me faire craquer de nouveau. J'ai besoin de repos, d'un endroit isolé pour évacuer toutes ces émotions négatives. Je me rends alors aux toilettes. C'est sûrement vide à cette heure.
Heureusement, cela se révèle vrai. La première chose que je fais, est de me laver les mains pour retirer le sang de Loïc. Je renifle en sentant la morve revenir. Je croyais sincèrement que ce changement de personnalité pour une semaine allait avoir un impact sur moi. Je croyais que les mots, les actes de mes deux bourreaux n'allaient me faire ni chaud ni froid. J'avais tort. Au fond, je reste cette Mélanie Sun Becker, vulnérable et sensible aux moindres remarques.
Je sèche mes mains et me regarde attentivement dans la glace. La seule chose que je vois, c'est le reflet d'une jeune fille fade, qui n'arrive pas à aller de l'avant. J'aurais peut-être dû accompagner ma mère pour ses rendez-vous chez le psychologue, des mois auparavant. J'en avais également besoin. Plus qu'elle, d'ailleurs.
Je détache mes cheveux et les renoue, en essayant de me motiver intérieurement. C'est un combat que je mène. Ce n'est jamais facile, mais la persévérance est la clé de la réussite. La première étape a été d'assumer ma personnalité. Ça n'a pas abouti au résultat espéré, mais c'est déjà un bon début.
La prochaine fois sera la bonne. J'aurais le courage requis pour les affronter. Je pourrais le faire. Je serre les poings. Vouloir, c'est pouvoir. Il est plus que temps que cette règle s'applique à ma vie. Je mords ma lèvre inférieure avec mes dents de devant, si fort, que du sang manque de s'en échapper.
Heureusement, j'ai le réflexe de m'arrêter à temps. Je relâche la pression exercée dans mes mains et me retourne, collant mon dos contre le lavabo. Je ne devrais pas m'attarder, sachant que j'ai déjà un retard d'au moins vingt minutes, sauf que je me sens vidée de toute mes forces.
J'ai juste envie d'une longue sieste. Je me lance des encouragements intérieurs, en me disant qu'on est enfin vendredi, et que je pourrais dormir autant que je le souhaiterais pendant le week-end, même si une tonne de devoirs m'attend.
Prête à partir, je souffle un grand coup, et me dirige vers la sortie, lorsque des voix me parviennent. Elles semblent provenir d'un des cabinets des toilettes. Les deux parlent sur un ton bas, malgré le fait que ça ne camoufle pas leur début de dispute.
Je me dis que ça ne me regarde pas, sauf lorsque je reconnais la voix de Jessica et réussis à identifier mon prénom. Je m'arrête net. Tout ça ne me dit rien qui vaille. Cela fait un bon bout de temps que Jessica et moi sommes en froid. Elle ne m'a pas donné l'occasion de mettre les choses au clair. Mais si elle me mentionne dans sa conversation, c'est sûrement pour une bonne raison.
Prise par une curiosité indescriptible, je m'approche du cabinet d'où semble provenir les voix.
- Peut-être que c'est toi qui a un problème, pourquoi tu ne la laisses pas tranquille alors que tu prétends que tu as tourné la page ?
Avec qui parle-t-elle ? Je fronce les sourcils, le cœur battant la chamade pour je ne sais quelle raison. Elle doit sans doute parler d'une autre Sun, c'est certain. Je croise les doigts pour que ça soit le cas, parce que je sens qu'une nouvelle goutte d'eau suffirait pour faire déborder le vase.
- Évidemment que j'ai tourné la page, je m'amuse, c'est tout.
Cette voix au timbre si nonchalant... Je pose ma main sur ma bouche, tandis qu'un hoquet de surprise s'en échappe.
- Arrête de te mentir à toi-même, Élodie ! Même un aveugle verrait que ce n'est pas que de la haine que tu ressens à son égard !
Un moment de silence passe. J'imagine qu'elles m'ont peut-être remarquées, mais à mon plus grand soulagement, ce n'est pas le cas, puisque Élodie éclate une bulle de chewing-gum avant que Jessica poursuive.
- D'ailleurs, je ne parle pas même pas du fait que tu as monté le coup avec Loïc ! Tu sais bien ce qu'il m'a fait, tu ne devrais pas te rapprocher de lui ainsi.
- Oh, c'est bon, la fermes ! hurle soudainement Élodie.
Je sursaute.
- Je suis humaine, des fois je fais des erreurs. Comme aujourd'hui. C'est juste que... Putain, je suis désolée, j'aurais dû l'ignorer, mais j'ai pas pu... Quand je l'ai vu, j'ai eu envie de l'approcher et de lui parler comme avant, comme si rien ne s'était passé.
Et pour une fois depuis des mois, je l'entends sangloter puis éclater en larmes. Je me mords l'intérieur de la joue. De quoi parle-t-elle au juste ?
- Tu avais promis, Élodie.
- Je sais... ( elle prend quelques secondes de silence, la voix enrouée ), je suis tellement désolée...
Je n'entends plus que des sanglots étouffés désormais. Sûrement parce que Jessica la tient dans ses bras. Je pose ma main sur ma bouche, en réalisant que si Élodie pleure, c'est à cause de moi. Je récupère mon sac sous mes pieds et quitte les toilettes aussi vite que j'y suis entrée.
La tête remplie de mille et une question, j'avance ma salle de classe. Sans réellement comprendre ce qu'il se passe autour de moi, j'explique mon retard au professeur et m'assois sur la première chaise devant. Tout en fixant un point fixe et invisible, je réfléchis à la discussion que je viens d'entendre.
Et surtout, au fait que Élodie s'est effondrée en larmes, chose qui ne s'était jamais produite auparavant. Elle a toujours été froide, même lorsque notre amitié allait comme sur des roulettes. Elle ne s'autorisait pas, qu'importe la situation, qu'une larme s'échappe de ses iris bleutés.
Et aujourd'hui, elle a franchi le cap. Avec Jessica. Ce n'est qu'un détail, pourtant, je ne peux m'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Elle ne s'est jamais permise de me montrer sa tristesse, pourtant, face à Jessica qu'elle connaît à peine, cela ne lui est pas si difficile. D'ailleurs, depuis quand se connaissent elle ? Je n'ai jamais eu l'occasion de les voir sympathiser, ce pourquoi cela m'étonne énormément.
C'est ainsi que ma journée s'achève. Le corps présent et l'esprit ailleurs. Je rentre chez moi, ravie à l'idée qu'un week-end, loin de l'ambiance chaotique du lycée m'attend. Je mange sans appétit, et me change en une tenue plus confortable. Sous ma couette, une série netflix devant moi, je suis sur le point de m'endormir dessus, quand Sarah débarque dans ma chambre.
- Mel, va sortir les poubelles !
Je lâche un soupir de râle.
- Je suis fatiguée.
Sarah sourit et croise les bras.
- C'était mon tour la dernière fois. Dépêche-toi avant qu'il ne fasse nuit.
Je lève les yeux au ciel. Je me lève ensuite, passe par la cuisine, attrape le sac rempli de déchets et sort dehors. Il fait ne fait pas encore nuit noire, mais c'est à peine si je distingue les objets autour de moi. J'ouvre la poubelle et y jette le plastique ainsi que son contenu. En me retournant, je me heurte à un torse et un cri aigu s'échappe de mes cordes vocales.
- Hé, Sun, c'est moi.
Des mains chaudes se placent sur mes bras pour me retenir et je regarde mon interlocuteur. Justin. Ma peur disparaît automatiquement et je souris maladroitement.
- Tu m'as fichu la trouille.
J'essaie de porter la paume de ma main contre ma poitrine pour surveiller les battements de mon cœur, sauf que mon action est bloquée par la poigne de Justin.
- Excuse-moi ( il lâche un rire), je ne voulais pas. Je venais te rendre visite parce que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu.
Je me mords la lèvre inférieure. Effectivement, j'ai évité Justin autant que possible. L'option qu'il peut-être mon frère m'angoisse plus que je ne le pense. Je ne suis pas prête à affronter la vérité, surtout pas en ce moment où ma vie est un véritable calvaire.
- Tu sais avec le lycée, et tout ce qui va avec, c'est un peu compliqué.
J'espère qu'il va gober mon mensonge. Comme à son habitude, il m'accorde son éternel sourire charmeur.
- J'ai du temps libre dimanche après-midi, et une petite surprise pour l'occasion. Ça te dit ?
Bêtement, je souris. Un dilemme s'impose à moi. Toutefois, tout compte fait, ma mère n'en dira pas plus, c'est certain. La seule façon pour moi d'obtenir des réponses, c'est Justin. Je hoche alors la tête, et confirme le " rendez-vous ". Si c'en est un, évidemment.
- C'est parfait ! Je te laisse te reposer maintenant, car après ce qui s'est passé aujourd'hui, tu ne dois pas... être au meilleur de ta forme.
Je déglutis. Génial, Justin est au courant désormais. Je fuis son doux regard bleu océan.
- C'est...
- Je sais que ces accusations sont fausses, Sun, tu n'as de soucis à te faire de ce côté-là.
Je le remercie intérieurement d'être aussi compréhensible. Je ne le mérite pas. Il est si attentionné, si gentil, si... parfait. Soudain, le blond pose ses mains de part et d'autre de ma chevelure. Je me raidis. Puis, délicatement, mais furtivement, il dépose ses lèvres rosées contre ma joue.
Et il s'en va, me laissant sur le parquet de ma maison, avec un choc incommensurable. Je porte ma main contre ma joue droite et l'effleure, un sourire niais au visage. Il me rend dingue ! Malheureusement, la réalité ne tarde pas à me rattraper. Justin est probablement mon grand frère. Mon sang est potentiellement son sang. Ma mère est peut-être la sienne.
Déboussolée, je retourne à l'intérieur de la maison, me rends dans ma chambre m'assois par terre, et me rappelle que demain, ça fera un an que la mère de Erwan est morte. Après ce qu'il a fait aujourd'hui pour moi, je me dois de le soutenir durant cette dure journée.
Je saisis mon téléphone, tape rapidement un message à son égard et l'envoi sans me relire, de peur de me dégonfler. Aussitôt, mon portable vibre pour annoncer un nouveau message. Il a répondu. Les mots employés m'arrachent un sourire.
Sacré chimiste !
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HEY !
Je suis officiellement de retour ! Je suis tellement contente ♥ mais je vais vous épargner un texte à propos de mon absence, il est déjà sur mon profil ! Sachez juste que vous m'avez beaucoup manqué !
Aussi, le chapitre est court et il ne me plaît pas tant que ça, mais il faut bien renouer avec l'écriture d'une manière ou d'une autre. Le prochain par contre, risque d'être plus intéressant :) 😏
C'est l'heure des questions, maintenant !
-Quel est votre hypothèse à propos du rapprochement Jessica-Élodie ? Qu'en dites-vous ?
-Pourquoi Élodie a-t-elle pleuré à votre avis ?
-Ce rendez-vous avec Justin, ça sent bon ou pas pour vous ?
-Et qu'est-ce que Sun a envoyé à Erwan a votre avis et vice-versa ?
Oui, un peu de suspens pour la fin ne fait de mal à personne 😂 ! Sinon, je m'excuse du retard, je me suis endormi dessus, mais c'est bien pour vous car que je publie à l'heure française !
N'oubliez pas l'étoile et quelques commentaires pour me faire part de votre avis. Petite anecdote : L'histoire a atteint les 99000 mots ❤
Question de la semaine : Aimez-vous la période de Noël ( les films, sapins, ambiances)?
Et si vous avez une musique à proposer pour le chapitre, je suis prenante :)
Plein de bisous pailletés, Laureen qui est heureuse et qui vous adore ! 💜
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