Chapitre 9 - Ash
Le trajet de chez Lexie à mon club fut court. Je franchis les portes, le silence règne, je monte les escaliers, longe le petit couloir et entre dans mon bureau. Mes lèvres s'étirèrent face à l'homme qui est installé sur mon siège, les jambes allongées sur le coin du bureau. Il lit des documents et il n'y a vraiment que lui qui peut se permettre ce genre de liberté. Théo est mon bras droit, mon meilleur ami, celui à qui je confie mon étoile lorsque je dois m'absenter. Je laisse la porte claquer derrière moi rien que pour l'emmerder. Il sursaute et me sourit lorsqu'il relève ses yeux gris vers moi.
— Salut patron !
— Ça va, tu es bien installé ?
— Ouep, ton fauteuil est très confortable ! dit-il en riant.
Je roule des yeux, mais je souris également. C'est du Théo tout craché ! Il n'y a que lui pour blaguer ainsi avec moi, mes autres employés ne se le permettraient pas. Il n'a pas peur de se faire taper sur les doigts et c'est ce que j'aime chez lui. Même si je suis son supérieur, il serait capable de me tenir tête jusqu'à ce que je lâche prise. Et il est bien placé pour savoir que je ne lâche jamais prise.
Je m'approche et lui donne une tape sur l'épaule. Il se lève et je prends sa place. Ou plutôt, ma place. Il me donne les documents qu'il lisait et j'en prends connaissance. C'est à propos d'une partie de poker privée. C'est interdit, mais il m'arrive d'en organiser une de temps en temps, toujours en petit comité et avec des personnes de confiance, histoire de ne pas avoir les flics sur le dos.
— Tout est en place ? demandais-je en agitant les feuilles dans ma main. L'heure, la salle ?
— Oui, même la sécurité sera renforcée. Et cela se passera en dehors des heures d'ouverture, me dit-il avec tout son sérieux. Et dans une des salles du Vieux Carré.
— L'heure ?
— Cinq heures du mat'.
— Parfait, je serais là. Je veux deux hommes devant la salle ce jour-là.
— Ça sera fait. Mais...
— Quoi ?
— Cela se passe dans deux jours Ash...
— Et alors ?
— Eh bien, tu es au Penthouse, non ?
— Hum... ne te fais pas de bile pour ça, j'irais le jour d'après, ce n'est pas un problème. Je veux participer à cette partie, ça me détend et je veux garder à l'œil ce que j'organise.
— Je comprends. Sinon, fit-il en s'installant sur le bord du bureau. Ça donne quoi avec ta déesse ?
— Tu me prends pour un imbécile ? lui dis-je, un petit sourire en coin. Ça se passe, répondis-je en fouillant dans mon tiroir, non sans me défaire de mon petit sourire.
— Tu l'as baisé.
Je l'assassine du regard, mais ses lèvres s'étirent dans un grand sourire. Putain ! Il me connaît trop bien ! Je ne peux même pas feinter avec lui. Quelle plaie !
— Arrête de sourire ! lui dis-je d'une voix dure.
— Tu peux rien me cacher, je lis en toi comme dans un livre ouvert, se vante-t-il. Mais dis-moi, sais-tu au moins ce que tu fais ? demande-t-il sérieusement.
— Ne t'en fais pas, je gère.
— Je l'espère... elle semble... différente des autres. Fais attention à toi !
— Je sais ce que je fais, ne t'en fais pas.
A la tête qu'il tire, il n'a pas l'air très convaincu, pourtant, il me connaît. Si je dis que je gère, c'est que je gère ! Je ne fais jamais rien au hasard, je n'agis jamais à l'aveuglette. Tout est préparé, calculé. Que ce soit pour n'importe quoi. Et même pour les femmes ! Je ne me lance pas dans une relation à corps perdu, même si c'est sexuel, sans avoir observé et évalué ce qui était possible ou non.
En fouillant dans mon tiroir, je tombe sur un petit cadre. Mes doigts tremblent et s'y accrochent. Je ne fais même pas attention au fait que Théo ait quitté mon bureau, mon regard fixé sur ce cliché. Plusieurs sentiments se déversent en moi : peine, tristesse, remords, mélancolie. Je ne peux le camoufler, cela doit se voir dans mes pupilles torturées. Heureusement, personne n'est là pour le voir.
Je me saisis du cadre que je pose sur mon bureau et je le fixe sans pouvoir m'en détourner. C'est une photo de moi plus jeune. Mes cheveux, qui à l'heure actuelle vire sur le noir était dans les tons bruns à l'époque, tirant sur le foncé et le clair. Ça me donnait un petit charme. C'était toujours ce que Stella me disait, les yeux pétillants de malice. Mes yeux aussi étaient plus éclaircis, avec l'âge, ils ont devenu bleu acier, me donnant un côté plus dur, moins gamin. Mais tout n'est pas dans la couleur, la manière de regarder fait beaucoup de différence. Si à l'époque j'étais espiègle, juvénile, la vie m'a appris à m'endurcir, à être ce que je suis aujourd'hui. Lors de ce moment où la photo a été prise, je n'avais que treize ans. Un an avant qu'on ne m'arrache à elle.
Stella se trouve devant, dans mes bras. J'avais fait un selfie avec mon téléphone. Deux ans plus jeune que moi, mais ça nous séparait en rien. Elle était mon étoile. Elle l'est toujours. Dès que mes yeux furent tombés sur elle, j'ai été subjugué par sa beauté. A l'époque, elle n'avait que six ans...
***
Je déteste cette ville. Ça fait deux ans que j'y suis, mais je n'arrive pas à m'y faire. Le positif, c'est que papa n'est plus là. Je le déteste ! Il frappait toujours maman. Au moins à présent, elle sourit. Mais qu'est-ce que je m'ennuie par ici ! Je me suis fait deux copains, mais je ne m'en sens pas proche. On se voit de temps en temps pour rigoler, c'est tout.
J'aime être sur les pavés en face des tours du Vieux-Port. Surtout le soir, lorsque le soleil se couche et que toutes les lumières s'allument, donnant un effet saisissant sur l'eau. C'est magnifique comme paysage !
Mais ce soir, je ne peux contempler cette vue éblouissante. Bien qu'il y ait des bruits « normal » autour de moi ainsi que celui de l'eau, je perçois des sanglots étouffés. Je tends l'oreille. Deux ans que je suis ici, chaque soir je viens, personne n'est encore venu à cet endroit-même. Je l'ai choisi exprès après l'avoir observé durant plusieurs jours, à la même heure, pour être certain que je serais seul.
Je me dirige vers une colonne de muret non loin de moi, le contourne. Mon cœur se met à battre vite et fort, mes yeux ne peuvent quitter ce petit corps de fillette. Elle est assise sur la pierre froide, les bras lui entourent les jambes repliées contre sa poitrine. Elle relève son visage vers moi, ses joues inondées de larmes. Mon cœur tambourine, face à ce regard si intense et douloureux je tombe à genoux en face d'elle. Je ne sais ce qui m'arrive. Je suis attiré, j'ai mal pour chaque larme qu'elle verse. Je me perds dans ses pupilles où le vert et le marron se mélangent. C'est beau, je me sens happé. Jamais un regard n'a eu cet effet sur moi. Je lui encadre son visage poupin, bien que ses joues et ses yeux soient rouges à cause des larmes qu'elle verse.
Je lui caresse ses cheveux. Ils sont beaux, doux. Ils ondulent. Le blond cendré et le doré se mélangent. Comme si des fils d'or se glissaient dans ses mèches cendrées. C'est tout bonnement époustouflant ! Comme une poupée sur qui on ne peut décrocher le regard tellement elle est belle. Jamais je n'ai vu une telle couleur chez qui que ce soit, j'en suis... subjugué !
Elle est plus jeune, je le vois. Je n'ai que huit ans, mais je ne suis pas stupide ! Je l'attire à moi. J'ignore pourquoi je fais ça, encore plus pourquoi elle se laisse faire. Assis sur cette pierre froide qui me lance des jets glacés dans le corps, je la maintien contre moi. On ne parle pas, on reste là, elle dans mes bras. Ses larmes cessent, mais elle ne quitte pas mes bras. Jusqu'à ce qu'on l'appelle. Je n'ai pas saisis son nom, mais elle se lève d'une seconde à l'autre et se met à courir sans même se retourner.
Ma poitrine se sers, j'ignore pourquoi, mais je me sens tout d'un coup triste. Je me lève, enfonce mes mains dans les poches et marche lentement. Je n'ai pas envie de rentrer, maman travaille, je serais encore seul. Mais je n'ai vraiment pas le cœur à rester là.
Ma nuit fut agité, j'ai rêvé de son regard à elle, de se chevelure magnifique et douce. Qui est-elle ? D'où sort-elle ? Vient-elle d'arriver en ville ? En deux ans, je ne l'ai jamais croisé. Mais La Rochelle est grand. Peut-être qu'on a jamais eu l'occasion de tomber l'un sur l'autre jusqu'à la veille au soir. J'ai envie de la revoir...
Je retourne là où on s'est vu hier, mais il n'y a personne. Que moi, les deux tours et les bateaux. Je m'adosse au mur, les mains dans les poches de mon sweat. Mes yeux se perdent dans les couleurs de l'eau. Généralement, ça m'apaise.
Mon regard est attiré sur ma gauche, je le tourne et là, qui vois-je ? La fille d'y hier ! Elle est un rien plus petite que moi, et aujourd'hui, elle m'offre un sourire timide tout en me regardant. Ses joues sont légèrement rosies. Elle rougit ? C'est trop chou !
— Salut, lui dis-je.
— Salut, me répond-elle d'une petite voix.
Je résiste à fermer les yeux. Ce son... si doux, pure, cristallin. Magnifique !
— Comment tu t'appelles ?
— Stella, et toi ?
— Sacha. Tu dois rentrer ou... ?
— Non, pas avant ce soir.
— Tu restes toute la journée toute seule ?
— J'ai six ans, je suis grande, m'informe-t-elle en soulevant ses épaules.
J'en suis surpris. Certes, je me balade aussi, mais elle est si... jeune et semble délicate. Je me perds à nouveau dans ses yeux et lui offre un nouveau sourire. Je glisse ma main dans la sienne, elle ne dit rien et je l'entraîne avec moi. Je voulais la revoir, c'est ma chance. Autant ne pas la laisser passer !
***
Mon front cogne contre le cadre que je serre toujours entre mes doigts. Je relâche la pression avant de le briser et le pose doucement sur mon bureau. Où es-tu Stella ? Que fais-tu ? Pourquoi ne suis-je pas arrivé à te retrouver ?
J'ai tout tenté, Cord s'est dirigé vers tous les éléments qu'il a pu. Il n'a pas su trouver une infime information, ce qui est très rare. Rien ne lui résiste, il peut retrouver quelqu'un avec un prénom ou une photo seulement ! Et là, rien. Alors que je lui ai fourni nom, prénom, date de naissance, ville, identité de son père. Je ne sais rien de la mère de Stella, mais en enquêtant sur le père, il n'est pas difficile d'en avoir sur la mère. Mais rien ! Comme si elle avait disparu à ses dix-huit ans.
J'ai pu toutefois me renseigner sur l'accident de son père et quelque chose ne colle pas. Elle était censé être partie, elle est revenue peu avant l'accident, mais j'ai découvert qu'elle était dans la voiture avec lui. C'est après ça que tout sur Stella a été effacé, comme si rien n'avait existé, comme si elle avait disparu avec lui. Ça n'a pas de sens ! Il me manque une info et je n'arrive pas à mettre la main dessus.
Je ne sais rien non plus sur cet homme qui l'a emmené. Jamais elle n'aurait suivi un homme qu'elle ne connaissait pas. Pourquoi je ne peux découvrir quoi que ce soit sur elle après mon départ de La Rochelle ? Certes, il y a des traces d'elle, mais ça s'arrête là. Je ne découvre pas le plus important qui pourrait me mettre sur la voie de où elle pourrait se retrouver. Et pourtant, j'aimerais la retrouver ! Pouvoir la serrer dans mes bras, m'assurer qu'elle va bien.
Je désire peut-être Lexie comme un fou, mais Stella, c'est à part. Elle est mon étoile, la prunelle de mes yeux. Ce club, je ne l'ai pas appelé ainsi pour rien, c'était en sa mémoire. Je ne veux pas l'oublier, ou baisser les bras. Ce n'est pas mon style. Et je compte bien continuer à pousser Cord à découvrir n'importe quoi sur elle, même un élément infime qui me dirait qu'elle est toujours vivante...
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Coucou ici! Comme ça a été si bien demandé, voici le chapitre suivant! Et ici, il y a de quoi dire, plusieurs éléments sont dévoilé ainsi qu'un souvenir :)
Des bisous ♥
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