14. ᴇʟʟᴇ
La lumière du jour filtrée par les volets de ma chambre est la seule source d'éclairage de la pièce. Je suis réveillée depuis un bon bout de temps déjà, mais je n'ai pas encore rassemblé assez de courage pour quitter mon lit.
Le regard fixé sur le plafond, je réfléchis.
Aujourd'hui, j'irai en cours. Ce qui signifie que je reverrai Allison, qu'elle ne m'adressera pas un mot et que je m'en voudrai encore plus pour ce qui s'est passé hier.
À vrai dire, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Enfin, je n'ai dormi que deux heures ; après quoi, je n'ai fait qu'essayer de trouver une manière raisonnable de l'aborder aujourd'hui à l'école. Elle ne voudra sûrement pas m'écouter, elle me fuira même, alors je me doute que ça ne sera pas facile.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas près d'abandonner. J'ai longuement réfléchi à ma conversation avec Liam, hier, et j'en suis arrivée à une conclusion : bien que j'aie du mal à l'avouer, Liam a complètement raison et ce, sur absolument tous les points évoqués dans cette discussion.
Je vais récupérer ma meilleure amie.
Sans attendre que mon réveil sonne, je sors du lit en direction de la douche. Alors que l'eau fraîche s'aventure dans tous les recoins de mon corps plus que frêle, une sensation de brûlure, bien que faible, se fait ressentir au niveau de mes poignets.
C'est vrai que je n'ai pas tellement pris la peine de désinfecter en profondeur. Il faudra que je m'y mette dès mon retour de l'école.
Entre-temps, je me vêts d'un ensemble kaki assez confortable, passe un coup de peigne à mes cheveux et enfile rapidement mes Vans. Ce n'est pas comme si quelqu'un prendrait la peine de s'attarder sur ma tenue, et même si c'était le cas, je ne vais pas vous cacher que je m'en fiche un peu. L'essentiel, c'est que je me plaise à moi-même.
Mon sac à dos accroché à mon épaule droite, je souffle un bon coup avant de me décider à évacuer ma chambre. Heureusement pour moi, le couloir est complètement vide : aucun signe de présence humaine à l'horizon.
Je soupire de soulagement et m'aventure enfin dans les escaliers.
Contrairement à l'étage, le rez-de-chaussée est éventuellement bruyant. Mon cœur se serre immédiatement lorsque j'entends la voix grave de mon beau-père. Je tressaille malgré moi. Toutes les parcelles de cet homme m'effraient.
J'essaie, malgré tout, de garder mon sang froid et marche tête haute vers la porte d'entrée.
— Ah, tiens, Shae, m'interpelle Arthur.
Je sursaute légèrement et dévie mon regard sur lui. Il me regarde, un sourire hideusement faux plaqué aux lèvres. C'est fou comme il me paraît tout d'un coup laid. C'est sûrement parce que sa personne me répugne du plus profond de mon être.
Son regard bleu perçant me scrute de haut en bas, sans aucune gêne. Puis il replonge en moi et un frisson horriblement glacial me parcoure l'échine. Je sens ma colonne vertébrale se congeler. J'ai peur. De lui.
— Oui ? bafouillé-je.
Ma voix n'est plus qu'un murmure.
— Tu ne déjeunes pas avec nous ? dit-il, me désignant du bras la table à manger.
En regardant dans la direction qu'il m'indique, je suis surprise de voir ma mère, Anaé ainsi que James et Greg, les autres enfants d'Arthur, assis à table, tout sourires. Mais ce n'est pas ça qui m'intrigue le plus. C'est plutôt l'attitude du quarantenaire devant moi. À cet instant précis, je me pose une seule et même question :
Comment est-il possible de contenir autant d'hypocrisie dans un seul corps ?
— Alors ?
— Euh... je ne sais pas trop, je suis sur le point de rater ma première heure de cours et...
— Oh ! pas de soucis. Allez, va vite en cours. Dépêche-toi ! On mangera ensemble ce soir, me sourit-il.
Toujours aussi interloquée de la scène qui vient de se dérouler, je m'éclipse de la maison presque en courant. Autant déguerpir au plus vite.
Je rêve, où il est soudainement devenu gentil avec moi ? Avec nous ? Il a eu la visite d'un ange pendant la nuit, ou quoi ?
Toutefois, je n'y crois pas. Tous ces faux sourires, ces airs calomnieux et cette atmosphère étrangement chaleureuse me paraissent beaucoup trop travaillés pour être réels. Je reste sur mes gardes, au cas où. Arthur est l'homme le plus imprévisible que je connaisse.
Quelques minutes de marche plus tard, je finis par arriver devant l'immense façade de mon lycée. Aussitôt, mon cœur se met à battre sauvagement dans ma poitrine.
Rien que de penser que, dans moins d'une dizaine de minutes, je confronterai Allison, ça me stresse.
Respire, Shae.
J'ai menti à Arthur en lui disant que j'allais être en retard en cours. Je suis en avance d'au moins une quarantaine de minutes. Allison vient toujours un peu plus tôt pour, je cite, « avoir du silence et lire tranquillement ». Elle dit que ses frères et sœurs l'empêchent de se concentrer sur ses lectures quotidiennes.
Je souffle un bon coup et me remets à marcher. Je pénètre au travers des grandes grilles grisâtres de l'école et m'aventure dans les couloirs quand, tout à coup, des bruits me parviennent à l'oreille. Non, des gémissements plutôt. Je peux affirmer avec certitude qu'il s'agit de plaintes et de supplications.
C'est étrange.
Je dévie vers l'espace casiers et presse le pas. Plus j’approche, plus les gémissement me paraissent plus nets. Il s'agit en effet de supplications. Je peux entendre des < s'il vous plaît > et des < arrêtez >. Et puis, quand j'arrive finalement sur les lieux, je comprends tout.
Un groupe de jeunes importune visiblement une jeune brunette qui, apeurée, ne fait que s'appuyer sur les casiers derrière elle. Quant aux garçons, la voir aussi vulnérable semble les amuser. Celui de devant s'amuse à tirer les cheveux de la fille, un autre à l’insulter et le dernier s'occupe de filmer la scène. C'est répugnant.
— Qu'est-ce-que vous faites ? hurlé-je.
Je cours en direction de la fille et essaie de la tirer des griffes des adolescents lorsque ces derniers me saisissent pas le bras avant de me cogner brutalement contre les casiers. Sous le coup de la douleur, je me mords légèrement la lèvre mais ne baisse cependant pas le regard. Toute cette scène me rappelle Arthur. Tant de violence, ce n'est pas nouveau pour moi. J'y suis tellement habituée que je ne sens presque aucun des coups qu'ils m’assènent.
S'ils savaient ce à quoi je fois faire face chaque jour, ils réaliseraient qu’ils ne me provoquent aucune peur.
— Tu te crois assez courageuse pour venir la sauver, c'est ça ? rigole un des garçons.
— Totalement, répondé-je.
Il fronce les sourcils et s'apprête à me frapper lorsque, soudainement, il se stoppe dans son élan et fixe mon bras. C'est à ce moment que je remarque que la manche de mon vêtement s'est un peu soulevée, laissant ainsi une vue libre sur mes blessures.
Je m'empresse de les cacher, mais malheureusement pour moi, le brun les a déjà vues. Son regard s'y attarde quelques secondes, puis remonte à mes yeux et il fronce les sourcils. Je peux voir plusieurs émotions passer par ses pupilles, notamment la confusion, un semblant de compréhension et...et de la pitié.
Mais je ne veux pas de pitié, de personne. Je préfère encore me faire tabasser par Arthur une journée durant plutôt que de me sentir plainte. Jamais.
Alors, sous le coup de la colère, je lui retire brutalement mes poignets des mains et me place devant la fille. Je soutiens son regard alors qu’il suit la scène. Il finit pas soupirer, se masser les tempes et fait signe à ses amis de partir.
— Laissez-la, dit-il, elle se fait déjà assez de mal à elle-même.
— Hé, l'interpellé-je alors qu'il me tourne le dos.
— Quoi ?
— Arrêtez de vous attaquer à cette fille.
— Qu'est-ce-que ça peut te faire ? Occupe-toi de tes affaires, ça ne te regarde même pas.
— Tu te trompes ! Que vous lui faites du mal, ça me regarde plus que vous ne le pensez. Ce n'est pas parce qu'il ne s'agit pas de moi que je dois me taire. Ça aurait été toi, j'aurais fait pareil. Qu'est-ce que tu gagnes à la traiter comme ça ? Est-ce qu'elle n'est pas humaine comme toi ? Figure-toi que les coups, ça fait mal, atrocement mal. C'est ignoble de se sentir minuscule, rabaissé. Ça fait du mal d'avoir à se mutiler, à se blesser intérieurement. T'es-tu déjà demandé quelles pourraient être les conséquences de tes actions sur les personnes que tu maltraites de la sorte ? Tu ne t'es jamais dit que, peut-être, cette fille souffrait déjà avant que tu ne viennes en rajouter ? Il serait peut-être temps d'arrêter de ne penser qu'à soi et à son plaisir. Arrêtez de martyriser les autres sous prétexte que cela vous amuse, parce que vous savez quoi ? C'est dégueulasse de faire cela.
Sans attendre aucune réponse de sa part et de celle de ses amis, je prends la fille par le bras et m'éloigne de ces garçons.
En leur adressant ces mots, je me suis servie de mon propre exemple, de mes propres vécus avec mon beau-père. À cet instant, je pense véritablement être la mieux placée pour en parler. J'aurais aimé pouvoir balancer ces vérités à Arthur en personne, mais c'est impossible. À moins que je ne veuille mourir. Ça fait néanmoins du bien de sortir ce qu'on a sur le cœur.
— Merci, souffle timidement la fille à mes côtés.
J'avais complètement oublié sa présence.
— Ce n'est rien.
Elle hésite, mais finit par dire :
— Ce n'est pas la première fois qu'ils font ça...
Je m'arrête.
— Tu sais pourquoi ils le font ?
Elle grince légèrement des dents et détourne le regard. Ça doit être quelque peu embarrassant pour elle au vu de sa réaction. Mais elle parle quand-même.
— Il y a quelques temps, j'ai été victime d'attouchements sexuels de la part de mon professeur d'histoire. Je suis allée me plaindre à l'administration mais le proviseur ne m'a pas crue. L'info a vite tourné et elle est parvenue aux oreilles de ces garçons, et depuis, ils ne font que me ressasser ces événements en me traitant de menteuse...
Ce bahut est un réel enfer. Les attouchements sexuels par les professeurs sont tellement banalisés que j’en ai envie de gerber. Sa situation me parle parce qu’Allison en a aussi fait les frais, il y a quelques années. Heureusement, dans son cas, sa mère a agit et le professeur à été viré. Mais je crois que si elle n’avait pas menacé le lycée de le poursuivre en justice, ça n’aurait été le cas.
Les enseignants ont tendance à user de leur autorité sur les élèves, principalement les jeunes filles, et les administrations ne font rien pour y remédier. Dommage que tous ces dirigeants soient aveuglément idiots. Ou peut-être qu'ils font exprès de l’être. Dégueulasse.
La situation de cette fille est délicate. Non seulement personne ne la croit, mais elle se fait en plus persécuter pour ça alors qu'elle n’y est pour rien. Tout ce qu'elle a fait, c'est de dénoncer le professeur qui profite d'elle, rien de plus. Et j’ai envie de l'aider à se sortir de cette situation. J'ai envie de lui apporter mon aide, au moins pour se débarrasser de ces blaireaux.
— Ne t'en fais pas, je doute qu'ils recommencent. Et puis, je suis là si tu as besoin. Je te le promets, je ferai tout ce que je peux pour que ton professeur soit démasqué.
— C'est tellement gentil de ta part...
— Il n'y a pas de quoi.
— Je m'appelle Bella.
Je lui souris.
— Shae.
Hellooo !
Ça fait longtemps par ici >< vous allez bien ?
Bon et bien, comme promis, voici le chapitre 14 ! Contents ? J'ai encore changé de titre, mais promis c'est la dernière fois ! (combien de fois j'ai dis ça ? ☠️ )
C'est quoi vos avis dessus ? Des trucs à améliorer ou autres ? Je suis preneuse de tout avis constructif !
J'ai fais une annonce dernièrement vous informant de mon absence assez fréquente pour les jours à venir. Pour ceux ne l'ayant pas vu, je vous le dis ici haha, il n'y aura pas de chapitres de manière aussi régulière qu'avant, mais il y en aura quand même ! Au moins un par semaine, j'essaierai en tout cas ><
Voilà voilà, c'était tout !
Smile, i love u <3
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