Légions
Je me greffe discrètement au rassemblement, près d'une tête connue, aux longs cheveux auburn.
⸻ Hey ! s'exclame Devon. T'étais où ?
⸻ J'étais en pleine méditation..., mens-je.
Je reconnais Chad, plus loin, entouré de ses comparses Trône. Par-dessus la foule, nos regards se croisent et s'ancrent l'un à l'autre dans un échange lourd de sens.
⸻ Tu sais ce qu'il se passe ? demande Devon.
⸻ Aucune idée...
Nous fixons tous le balcon qui nous surplombe, entassés à son pied. C'est là que Gabrielle apparaît, avec ses deux loyaux gardes du corps. Le sujet qui nous réunit est grave, pour qu'elle grigne ses sourcils de la sorte.
Le stress monte d'un cran dans mon organisme alors que la voix solennelle de l'Archange s'élève :
⸻ Légions. Le cavalier blanc a débuté son dessein.
Un murmure empli de panique secoue le groupe. Un fin Séraphin psalmodie :
⸻ Je regardai et voici parût un cheval blanc. Celui qui le montait avait un arc, une couronne lui fut donnée, puis il partit en vainqueur... et pour vaincre.
Incrédule, je m'enquiers auprès de la rousse :
⸻ Les cavaliers de l'apocalypse ?
⸻ Oui..., souffle-t-elle.
⸻ Mais pourquoi ? Comment ?!
⸻ Une vieille prophétie qui se réalise... avec l'ouverture d'un sceau sur les sept qui condamneront l'humanité à subir la colère de Dieu...
⸻ La colère de Dieu..., répété-je, attérée.
Tandis que Gabrielle nous laisse encaisser la nouvelle, Devon énumère :
⸻ Le premier cavalier, la Peste, va conquérir le monde et l'infecter. Le deuxième, la Guerre, apportera le conflit entre les peuples et le troisième, la Famine, amènera la stérilité des terres, l'amaigrissement des bêtes et des hommes. Le dernier cavalier, la Mort, veillera à achever le travail de ses prédécesseurs. Les sept plaies s'abattront alors sur les derniers survivants.
Comment Dieu peut-il faire ça ? N'est-il pas censé être bon ? Le bien incarné, même ?
Je frémis et me tourne encore vers Chad, de désespoir cette fois. Nul besoin que Devon en dise plus pour que je comprenne que le monde court vers sa perte. Ma famille est en danger, mon mari et ma fille aussi.
⸻ Légions, reprend Gabrielle, j'attends vos meilleurs combattants. Ils partiront lorsque le cor sonnera. Hâtez-vous, il nous faut rétablir l'équilibre.
Aussitôt, un brouhaha s'élève et les anges se réunissent par factions.
⸻ Quoi ? Devon, je n'y comprends rien... Si c'est Dieu qui envoie les cavaliers, pourquoi vouloir les stopper ?
Devon m'attrape le bras. Pour la première fois, je lis de la peur dans ses magnifiques yeux émeraude, la même qui, plus tôt, a ébranlé la carapace d'Hiram.
⸻ Je t'interdis de te proposer, commande-t-elle, dents serrées. Garde ta gentillesse scellée à défaut de ce sceau.
⸻ Devon... Je t'en prie, explique-moi !
Elle se garde de me répondre, les traits tirés.
⸻ Tu vas y aller, deviné-je.
Comment aurait-elle pu ne pas agir ainsi ? C'est une combattante, ce n'est pas pour rien que sa caste est aussi appelée « Glaive ». La Chérubin ne tente pas de me contredire :
⸻ Oui. Je fais partie des meilleurs chercheurs de têtes. Mais toi... C'est dangereux et je refuse que tu t'exposes inutilement.
Le temps manque pour que j'obtienne des réponses...
⸻ D'accord, accepté-je.
⸻ Merci... Je tiens à toi, Natalia, et je ne connais que trop bien ton altruisme. Tu n'en es qu'aux prémices de ton entraînement pour combattre les démons et visiblement, ils pullulent là en bas.
Raphaël...
Elle n'a pas le temps de m'en dire davantage qu'on l'appelle pour rejoindre les siens. Elle me lance une œillade insistante.
⸻ Promis, fais-je du bout des lèvres.
Elle cligne les yeux en signe d'entendement et disparaît.
⸻ Natalia, tu viens ? m'interpelle Phoenix, une Puissance comme moi.
J'acquiesce et suis la blonde vers l'étape cruciale. Malgré ses courbes parfaites et ses atouts physiques renversants, elle n'égale pas l'harmonie exquise de Devon. Ma petite Devon... Elle est la seule avec qui j'ai réellement lié une amitié. La voir aussi bouleversée me taraude. Je lui ai promis de me tenir à l'écart mais... mes proches ? Je ne compte pas les abandonner. Devon me pardonnera.
À peine arrivée à la hauteur d'Azaria, l'une des supérieures Puissance, je me positionne :
⸻ Je veux en être.
L'ange, dont les cheveux gris frisent devant ses oreilles, me dévisage, sceptique. C'est peut-être la deuxième fois seulement que je lui adresse la parole et ce, en plus, sans aucune politesse. Phoenix aussi écarquille les yeux.
⸻ J'entends, note Azaria. Merci de ta proposition.
Elle s'écarte pour s'adresser à tous, quand j'insiste :
⸻ Ça veut dire que je suis prise ?
La doyenne m'inspecte avant de lâcher :
⸻ Les Puissances ne sont pas des têtes brûlées, malgré ce qu'on pourrait penser. Je te conseille de ne pas l'oublier.
Des ailes jaillissent de son dos et leur battement me fouette alors qu'elle s'élève dans les airs. Je ne peux pas m'empêcher de me sentir intimidée, d'autant plus que je ne m'habitue pas à de telles démonstrations surnaturelles. Des ailes bon sang, qui apparaissent de nulle part.
Je secoue la tête, reprends ma contenance.
Majestueuse, portée par des plumes immaculées qui la maintiennent en suspension par de légers va-et-vient, Azaria n'a rien à envier à un Archange. Elle dégage la sagesse des anciens et la force des plus courageux guerriers, le tout couplé à une beauté noble qui semble prouver à quel point elle a été méritante des faveurs du grand créateur.
⸻ Des groupes de sept seront composés avec un ange de chaque légion et les Archanges chercheront l'envoyé. Que les volontaires s'avancent.
J'avance d'un pas en même temps que les autres, ce qui lui arrache un soupir.
⸻ Je précise qu'il est question de batailles et de traques, que vous pourriez y rester. Définitivement.
Une sueur froide me prend à la nuque. Les anges ne sont donc pas immortels face à leurs ennemis. Néanmoins, Azaria se trompe si elle pense me dissuader ainsi ; j'ai supplié Chad de m'offrir une telle fin, une vraie mort comme on l'imagine, à flotter inconscient dans un trou noir. Alors, que je décède ne me fait ni chaud ni froid. Surtout si ça permet d'éviter le même sort à ma famille.
Je croise les bras. Certains reculent, d'autres hésitent encore. Ce n'est pas mon cas et elle capitule.
⸻ Bien... Formez vos groupes. Une ville vous sera attribuée.
Les cieux s'étendant sur bien plus que la surface terrestre, des milliards de groupes vont fondre sur le globe, répartis en ses quatre coins. Ces effectifs me paraissent si gigantesques que je ne comprends pas leur crainte : nous n'avons aucune chance de perdre, à intervenir si vite et avec de tels moyens... À moins que je ne sous-estime le péril de cette expédition ? Si c'est le cas, aller au front est sans doute une erreur.
Tels des automates, nous nous dirigeons les uns vers les autres. Phoenix me rattrape, inquiète.
⸻ Je ne comprends pas pourquoi tu t'es proposée..., énonce-t-elle en marchant à ma droite.
Pour fuir Hiram, pour fuir les questionnements qui me hantent depuis que j'ai intercepté sa discussion avec Gabrielle... Aussi pour sauver les miens et retourner cette terre qui me manque tant. Au lieu de cela, je réponds :
⸻ Et moi pourquoi toi tu ne l'as pas fait... Oui je suis novice, oui je vais peut-être ralentir mon équipe, mais au moins je ne serai pas là à attendre inutilement.
Je me reprends d'emblée :
⸻ Pardon. Ce n'était pas pour te critiquer. C'est ton choix de rester, je le comprends et il faut du monde ici pour que les cieux ne partent pas eux aussi à la dérive. Je n'ai simplement pas ta patience et ta maturité.
⸻ Il n'y a pas de mal... J'espère simplement que tu ne souffriras d'aucun préjudice.
⸻ Je trépasserais pour une cause noble. Je n'ai pas besoin de plus.
Je saisis ses mains, lui fais face.
⸻ Phoenix, je reviendrai.
Je m'éclipse sur une nouvelle promesse que je crains ne pouvoir tenir.
De longs doigts viennent encercler mon poignet et menacent de le carboniser tant la prise est colérique. Je fais volte-face, terrifiée, mais m'apaise en découvrant Chad. Penser à la fin des mondes me rend légèrement paranoïaque.
⸻ Encore un peu et j'aurais cru qu'un démon m'attaquait ! Préviens quand tu arrives...
⸻ Si ça avait été un démon, tu l'aurais autrement senti, grommelle mon passeur. Je crois que tu t'es trompée d'endroit. Ta chambre, c'est dans l'autre direction.
⸻ Je me suis proposée, répliqué-je en me libérant de sa poigne brûlante.
⸻ Mais tu n'es même pas entraînée !
⸻ Azaria n'a pas rejeté ma candidature pour autant. Après tout, il n'y a pas de meilleur entraînement que sur le tas.
⸻ Ma parole mais tu veux vraiment en finir ! On en a assez fait. Alors file, s'il-te-plaît. On s'était mis d'accord, tu ne devais plus descendre.
⸻ Les circonstances ne sont pas les mêmes. En quoi ta participation serait plus légitime que la mienne, si on en a assez fait ? Qu'est-ce que ça veut dire au juste ?
⸻ Natalia, tu ne comprends pas. On a enfreint les lois divines et on n'est plus censés se fréquenter. Si tu es sur terre, je ne vais penser qu'à te défendre, alors que notre mission, c'est de protéger les humains.
Que veut-il dire ? Est-ce que je parais si fragile et vulnérable pour que tout le monde s'en fasse pour moi ? Devon et Phoenix, je peux comprendre... Mais Chad ?
⸻ Formez vos unités ! nous interrompt une voix.
⸻ Natalia, me supplie Chad.
⸻ Je ne suis pas en sucre. Fais-moi confiance et tu ne seras pas déconcentré par ma faute.
⸻ Il aurait fallu que tu sois discrète, bon sang !
⸻ Tu as raison, me tenir à l'écart en me chuchotant à l'oreille au milieu des légions, c'est très discret.
Il grogne et conclut :
⸻ D'accord. Si je ne peux te faire entendre raison, je peux au moins rester avec toi.
Devon perce la foule et fonce sur moi, l'air furibond :
⸻ Tu m'avais promis !
⸻ Qu'est-ce qu'il se passe, ici ? s'enquiert Hiram.
Manquait plus que lui...
Devon se gratte le front nerveusement et ses mains se crispent alors qu'elle pousse un râle agacé. Hiram me sonde dans l'attente d'une réponse. Au lieu de cela, je fuis son regard. Il n'est qu'un menteur, doublé d'un espion.
⸻ T'en mêle pas, Hiram, conseille Chad.
⸻ Il vous manque trois membres si je ne m'abuse ? intervient un maigre blond.
Ce dernier présente ses deux accompagnants d'un geste du bras :
⸻ Galadrielle et Mikael.
⸻ Principauté, éclaire la femme.
⸻ Séraphin, dit l'autre.
⸻ Uriel, ravi de voir que tu t'es engagé, signifie Hiram.
En toute logique, il est un Domination. À nous sept, nous représentons les légions... et ce n'est guère aussi glorieux que sur la fresque.
Au son du cor, dont les notes graves me font frissonner, j'étudie ceux que je comprends être nos nouveaux partenaires. Galadrielle est une femme d'à peu près ma taille, dont on discerne à peine les yeux sous sa frange noire. Ses narines sont pincées et ses lèvres sont si fines qu'on ne peut que les deviner. Uriel, le blondinet, n'a de grand que son nez, arqué comme le bec d'un aigle. Tous deux paraissent minuscules à côté du troisième, un colossal métis de bien deux mètres de haut, dont le dernier tour sur Terre doit dater des années soixante-dix à en juger par sa coupe afro.
⸻ Eh bien nous voilà au complet..., se réjouit Hiram. Tout va bien, Caliel ? Tu sembles...
⸻ Garde ta sollicitude pour quand nous en aurons le temps, rétorque Chad. Gabrielle nous attend.
Sur ce, il nous précède. Je me hâte à son niveau afin d'éviter les confrontations avec Devon mais c'est Hiram qui me colle aux basques.
⸻ Tu es décidément très surprenante !
Je frotte ma paupière d'un doigt, le pouce en appui sur ma tempe. Devrais-je lui dire maintenant ce que je pense de lui ? Non, je veux voir jusqu'à quel point il va s'enliser dans ses manigances.
⸻ Je suis un ange, c'est mon rôle de protéger l'humanité, tout comme des anges m'ont protégée avant ça, non ?
Il n'attrape pas ma perche et reste fidèle à lui-même, ou du moins à l'image qu'il se donne, plein de sollicitude, en déclarant, admiratif :
⸻ Ta servitude est impressionnante.
⸻ Ça fait beaucoup de compliments, dis-moi...
Sa gentillesse sonne faux. Depuis que je sais qu'il joue un double jeu, le paradis entier est à mes yeux un leurre, un leurre dont je désire m'extirper au plus vite.
La présence d'Hiram me fait me sentir à l'étroit... Néanmoins, l'espace est moins bondé au pied du balcon. En effet, de nombreux escadrons se sont déjà vus attribuer leurs secteurs et sont partis.
⸻ Plus qu'à attendre notre tour, marmonne Chad.
Devon profite de notre arrêt pour me sermonner, sans m'accorder un regard. Je ne la connais que chaleureuse et enjouée, le contraste est dur à avaler...
Je joue la diplomatie :
⸻ Je comprends ta déception... Ça a dépassé mon contrôle.
⸻ Nous sommes plein de retenue et non soumis à nos pulsions alors ton excuse ne fonctionne pas. Tu croyais vraiment que je ne l'apprendrais pas ? Qu'est-ce que ça t'a apporté de me brosser dans le sens du poil, pour finalement trahir ma confiance ?
⸻ Je me suis décidée après, j'ai été honnête avec toi, sur le moment...
⸻ Le principe d'une promesse, c'est qu'elle dure au-delà du « moment », réplique la rousse avec fermeté.
⸻ Pardonne-moi. Il est trop tard pour faire machine arrière, alors enterrons la hache de guerre et partons en bons termes...
⸻ Tu n'as pas compris... On va justement devoir les sortir, les haches. Et moi, je voulais t'éviter ça. Ce n'est pas un passe-temps, ce n'est pas amusant.
Comment peut-elle penser que c'en est un pour moi ? Pourquoi les anges ont-ils une si piètre image de moi, une si grande méfiance ?
Je m'apprête à répliquer quand un raclement de gorge nous soumet au silence. Hiram, hissé en leader, s'avance vers Gabrielle pour recevoir le nom de la ville qui nous est allouée. Il revient une fraction de seconde plus tard :
⸻ Direction la France !
Je fronce les sourcils. Devon, Hiram, Galadrielle, Uriel et Mikael se mettent en route. Furtivement, Chad me frôle et me glisse à l'oreille :
⸻ Pas de mouron, c'est vaste la France.
Ignorant sa tentative pour me rassurer, je confronte Hiram :
⸻ Quelle ville ?
Nos pupilles s'ancrent les unes aux autres alors qu'il annonce, avec un naturel qui me donne envie de l'étriper :
⸻ Strasbourg.
Non, impossible, il me fait marcher... À moins qu'il ne me teste ?
La révolte n'a pas le temps de monter dans ma gorge que lui et Devon me serrent chacun une main ; nous nous faisons aspirer par le portail que Gabrielle projette d'un claquement de doigts.
Comme tirée par des cordes invisibles, je chancèle à la traversée des mondes. Le visage rond d'Hiram est la première chose que je vois, avant de discerner derrière lui la cathédrale. Mon corps entier se crispe, me rendant mon équilibre. Je ne suis plus revenue sur cette place depuis ma tombée brutale dans la mort. C'est étrange autant qu'oppressant. L'édifice, avec les souvenirs macabres qu'il recèle, me vole un frisson. Le Vertu en remet une couche :
⸻ Ça va aller Natalia ? C'est la ville ou tu vivais, humaine...
Est-ce une provocation, sous couvert de bonnes intentions ? Son inquiétude pour moi a l'air si sincère... Je déglutis, me contente d'acquiescer et lui laisse de l'avance.
⸻ Anges, armez-vous, ordonne-t-il.
Arcs et glaives apparaissent comme par magie dans leurs mains. Des armures souples viennent couvrir leurs bustes et Devon, la personnification parfaite de la guerrière victorieuse, noue ses boucles cuivrées d'un lien de cuir.
⸻ J'ai droit à des chaussures, aussi ? demandé-je en lorgnant leurs pieds équipés.
Les autres rient et seule Galadrielle, sans doute par pitié, vient me prêter main forte. Elle crée autour de moi un petit tourbillon et petit à petit, le tissu qui me recouvre est remplacé par d'autres, plus propices à la traque que nous allons mener. Mes cheveux cessent de tournoyer et je me découvre un ensemble en coton crème, composé d'une blouse ample, d'un short m'arrivant aux genoux, d'une ceinture en cuir et de bottines fermées. Je me sens déjà moins ridicule.
⸻ Mais tu sais, tu devrais pouvoir le faire toi-même..., chuchote la Principauté.
Je l'observe à travers le rideau de sa frange. Me méprise-t-elle ?
L'épée au poing, Hiram nous met en garde :
⸻ Soyez vigilants. On se suit, pour le moment.
Il fait naître une dague en argent au creux de sa paume et me la tend. J'hésite, repousse ma raison et accepte le présent. Mes phalanges encerclent le manche aux gravures mystiques et j'attends que l'équipe me dépasse pour leur emboîter le pas.
Chad m'imite et marche au ralenti ; il parle aussi bas que possible, afin d'être inaudible des autres, déjà plusieurs mètres devant nous :
⸻ J'avais déjà peur que tu sois un boulet dans cette mission, mais alors là... Avec ton mari, ta fille, tu vas gérer ? Je te rappelle que tu n'es plus...
⸻ Je ne te cerne vraiment pas, coupé-je sur le même ton. Un coup tu te places en protecteur, comme si ma sécurité t'importait vraiment... et la minute d'après, tu te comportes comme le pire des... salauds.
Il hausse les sourcils de surprise, ne cherche pas à se justifier. Il a beau être un ange, dans un royaume qui incarne la perfection et l'harmonie, il cumule tous les défauts humains. Je murmure :
⸻ Mais tu es le seul en qui je peux avoir confiance alors j'imagine qu'il faudra que je m'en contente...
⸻ Tu as été un contretemps..., avoue-t-il alors. Puis tu es devenue importante.
Ses avances, inattendues et malvenues, me font rougir.
⸻ Je suis mariée, Chad..., le repoussé-je.
⸻ Je n'ai jamais dit importante pour moi, me reprend-il. Importante tout court.
⸻ Oh, fais-je.
Je me renfrogne, frustrée d'avoir interprété à tort ses intentions. Je suis si bête, l'amour n'existe sans doute pas, là-haut... De toute façon, pourquoi l'avoir imaginé ? Je ne le souhaite pour rien au monde. Je tente de mettre de côté ma contrariété alors qu'il poursuit :
⸻ Tu es un cas inexpliqué et le destin a voulu que je sois de la partie...
J'aimerais que les gens m'aident et me soutiennent par affection, pas parce que je suis un mystère à élucider...
Je change diamétralement de sujet et lui soumets mes doutes :
⸻ Strasbourg n'a pas été tirée au hasard.
⸻ Je sais. Gabrielle et Hiram se méfient de nous. Raison de plus pour ne pas commettre d'impair. Si seulement tu...
⸻ ... je n'avais pas croisé ta route ? complété-je. Faut croire que je le regrette autant que toi.
⸻ Non, rectifie-t-il. Si seulement tu étais restée à la cité.
Mon cœur, qui pourtant n'est plus censé battre, se serre. Chad a ce don, ou cette malédiction, de me faire me sentir juste assez humaine pour souffrir de ses mots. Ou peut-être est-ce l'impression d'être prise en étau dans ce qui était autrefois mon lieu de vie, aux crochets d'un fléau démoniaque, qui m'émeut assez pour briser les codes divins.
⸻ Je ne suis qu'un fardeau pour toi, ok, c'est bon, j'ai saisi, ça ne fait que cent fois que tu me le fais comprendre. Tu as raison sur un point, on ne doit pas paraître suspects, alors je te propose d'arrêter de me coller.
J'accélère et trouve refuge auprès de Devon, embrigadée dans une discussion houleuse avec Uriel, mais vu l'accueil dédaigneux qu'elle me réserve, j'en viens à me dire que ma présence à leurs côtés est effectivement une erreur.
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