L'Eden
Quand je reprends connaissance, c'est pour m'étouffer à moitié avec le pollen des fleurs dans lesquelles j'ai atterri. Je toussote, me redresse au milieu de ce qui s'avère être une sorte de jungle. Immédiatement, la colère prend le dessus sur les questionnements : je me retourne vers Chad, qui se relève un peu plus loin, et fonce sur lui.
⸻ Comment as-tu pu ?!
Il m'esquive d'un pas et s'époussette.
⸻ Je n'ai rien fait, déclare-t-il dans le plus grand des calmes.
⸻ Le portail s'est ouvert tout seul, peut-être ?! hurlé-je.
⸻ Tu étais prête.
⸻ Non, je ne l'étais pas !
L'ange hausse les épaules, désigne les alentours :
⸻ Il faut croire que si.
Je serre les poings, souffle du nez en fermant les yeux pour me calmer.
⸻ Bienvenue à l'Éden, dit Chad.
L'envie de pleurer me démange. Pourquoi faut-il que les anges ne le puissent pas ? Comment être triste et comment s'en libérer si on ne peut pas l'exprimer, l'évacuer de soi ?
⸻ Tu te sentiras bientôt plus en paix..., assure-t-il avec désinvolture.
Ma mâchoire se contracte. Je le hais.
Mes paupières se rouvrent et je le fusille du regard. Le crime est-il permis, dans ce jardin ? Après tout, il n'est plus à un péché près.
Chad analyse les environs. Comme lui, je constate que nous sommes seuls, seuls au milieu d'une immensité verdoyante.
⸻ Ils devraient être là, marmonne-t-il. Que font-ils ?
⸻ Ramène-moi sur terre. Ramène-moi à mon mari.
⸻ Je ne peux pas.
⸻ Bien sûr que tu le peux !
⸻ Théoriquement, oui, mais de la Terre à l'Éden, pas l'inverse. Faire graviter des âmes hors du trajet établi est interdit.
⸻ Il n'y a personne et ce n'est pas moi qui te dénoncerai.
Il ricane.
⸻ Quoi ?! m'énervé-je.
⸻ Dieu sait tout. Tu n'as pas encore compris le principe d'omnipotence...
⸻ Qu'il se montre ! J'en ai, des choses à lui dire !
Je lève les yeux au ciel, mais j'y suis déjà. Au-dessus de ma tête, il n'y a ni nuage, ni la teinte bleue caractéristique que l'on perçoit depuis la terre. Aucun doute, je l'ai quittée. Tout n'est que blanc à l'horizon, voile de pureté. J'ai l'impression de flotter dans le décor d'un film de science-fiction.
⸻ Tout le monde veut toujours lui parler. Tu n'as qu'à prier, tu verras ce que ça donne.
⸻ Pourquoi es-tu aussi immonde ?
⸻ Je ne suis pas immonde. Les humains ont bien trop d'attentes nous concernant. Être un ange n'est pas céder aux caprices des autres et les brosser constamment dans le sens du poil... Comment on vous guiderait sur le droit chemin, sinon ?
⸻ Toujours réponse à tout et toujours la faute des autres..., marmonné-je.
⸻ En général, oui.
Comprenant que le débat est stérile, je croise les bras et me renfrogne. Des oiseaux aux couleurs chatoyantes nous survolent et empêchent le silence de régner sur le jardin. En revanche, la solitude, elle, perdure. D'impatience, Chad tape du pied et capitule :
⸻ Je vais voir.
Il pointe un doigt menaçant vers moi :
⸻ Je n'en ai pas pour longtemps, ne touche à rien.
Je ris nerveusement. Est-il en train de se moquer de moi ?
Il me fixe comme dans l'attente de mon approbation puis crée un portail et disparaît. Aussitôt parti, je me laisse choir contre un arbre, replie mes genoux et me tiens le front. Mes ongles le grattent de stress alors que je comprends être livrée à moi-même dans une étendue inconnue. Et si c'était un piège ? Si j'étais définitivement coincée ici, sans personne pour me venir en aide ? De stress, je bondis sur mes pieds et commence les cent pas. L'herbe chatouille la plante de mes pieds et je constate que le reste de mes sensations s'est réveillé. J'hume le parfum des lilas violets qui s'enroulent autour de plans de lavande, arpente le gazon et décide de m'éloigner de ma position. Je me fraie un passage entre les branches tombantes d'un saule pleureur, chasse un papillon de mes cheveux. Si j'en crois mon passeur, je marche sur les pas d'Adam et Ève, dans le mythique jardin d'Éden, le lieu du commencement de l'humanité selon les chrétiens.
Et comme chaque coin du globe, sans Raphaël, je me sens démunie. Je ne suis jamais partie à l'aventure seule et lui saurait me rassurer. Pourquoi faut-il que nous soyons séparés, nous qui nous étions si bien trouvés ?
Je slalome entre les ramures et les murmures qui se créent avec la brise m'insufflent la tranquillité. Bon sang, qu'est-ce que je fais là ? À quoi ça rime, tout ça ?
Mes pensées rationnelles se sont fait la malle depuis belle lurette quand je m'aventure dans un champ de tournesols, qui m'offre une vue plus dégagée que la partie boisée dont je viens de m'extirper. La terre battue, souple, épouse la forme de mes pieds et en conserve les empreintes. Dois-je craindre de rencontrer un serpent ? Jusqu'où le mythe est-il vrai ? Je caresse distraitement les pétales jaunes en progressant vers un arbre solitaire, plus grand et majestueux encore que le reste du jardin.
La traversée s'avère plus longue qu'escomptée mais le pommier m'attire inexorablement. Sa beauté me happe. Ses feuilles parfaites luisent, d'un vert d'une saturation si vive qu'elles m'en brûleraient la rétine. Je contemple le tronc, aux sillages symétriques de son écorce, enjambe ses racines et termine mon chemin à son pied, le nez levé en l'air et les yeux pétillants. Ses premières branches me surplombent, inatteignables. Les quelques pommes qui y trônent me feraient presque saliver.
⸻ C'est toi, pas vrai ? lui soufflé-je.
Mes doigts s'approchent timidement. Est-ce par faiblesse, est-ce par magie ? Mon index se pose sur la surface rugueuse du bois et mon majeur le rejoint pour avancer à petites enjambées. Je me mets alors à contourner l'arbre fruitier jusqu'à discerner, cachée plusieurs mètres derrière lui, une magnifique haie. Je me dirige vers elle. Comment des ronces peuvent-elles s'entrelacer avec autant de poésie, et paraître si douces alors que leurs épines promettent les pires douleurs ?
Saigne-t-on, au paradis ? De quoi est donc fait le corps après la mort ? Quel fluide nous parcourt pour nous permettre la mouvance et le souffle, alors que cœur et poumons n'existent plus ? A-t-on besoin d'oxygène ? D'air « sanctifié » ?
Le buisson, bien que dense, ne compte qu'un seul fruit, le préféré de Raphaël : une fraise. Ses contours sont si délicats et sa teinte si alléchante que je jurerais qu'elle compte un nombre pair de grains. Pourquoi la nature est-elle si cabossée sur terre, alors qu'à sa création elle est sans défaut ? L'humain ne fait-il que salir ce qu'il touche ou le divin a-t-il estimé que nous ne méritions pas si bien ?
J'attrape la fraise avec délicatesse.
⸻ Raphaël..., gémis-je.
⸻ Je t'avais dit de ne toucher à rien ! s'écrie une voix furieuse.
De surprise, je lâche ma trouvaille et fais face à Chad, aux joues colorées par son courroux.
⸻ Que..., bégaié-je.
Il examine l'arbuste comme si je l'avais tronçonné puis fixe le fruit au sol.
⸻ C'est trop tard, maintenant, ronchonne-t-il.
⸻ Pourquoi t'énerves-tu ? Je...
⸻ Vous ne tirez aucun enseignement des écrits ! s'emporte-t-il.
Je comprends alors mais riposte :
⸻ Je n'ai pas touché aux pommes, je ne suis pas stupide.
Il relève les yeux avec agacement et crache :
⸻ Tous les fruits du paradis sont des fruits défendus.
Je lève les mains en signe de reddition, m'excuse du bout des lèvres sans réellement comprendre l'ampleur de son énervement. Il me fait signe de le suivre et nous rebroussons chemin.
⸻ Tu as trouvé ce que tu cherchais ? demandé-je pour relancer la conversation.
⸻ Oui. Ils arrivent. Alors, grouille-toi.
⸻ J'ai juste regardé une fraise ! m'indigné-je. Ils m'en voudraient pour ça ?
⸻ Tu l'as arrachée à son buisson !
Je secoue la tête, incrédule. Est-ce un crime si terrible ? Je soupire, le suis. J'imagine que j'ai encore un tas de choses à apprendre sur cet endroit, ses occupants, et les règles qui régissent l'ensemble. Je n'en ai aucune envie, pourtant. Je n'aspire qu'à quitter les cieux, au diable la quiétude qu'elle m'apporte. Ce bonheur en promesse ne peut être qu'un mirage. Sans Raphaël, sans mon foyer, ma famille, l'emploi et la vie que je me suis efforcée de construire pour m'épanouir, il ne peut exister.
Chad longe le champ de tournesols et prend une autre direction, vers une plaine jalonnée de marguerites et de pissenlits.
⸻ Pourquoi n'y a-t-il personne ici ?
⸻ Ce jardin est un no man's land, le dernier territoire entre le purgatoire et le paradis.
Après les myriades, le jardin d'Éden, voilà qu'il me parle de purgatoire... Il a la décence de m'éclairer :
⸻ C'est là où sont réunies les âmes attendant le jugement dernier. Seules les plus pures accèdent au paradis, les autres descendent en enfer.
⸻ Si tu as d'autres mots à apprendre à l'idiote novice que je suis, je t'en prie, fais-toi plaisir.
⸻ Je n'ai jamais dit que tu étais... Rha, cesse de te tourner en victime. Tu vas aller au paradis, sois heureuse.
⸻ Sans passer par le purgatoire car je suis morte en donnant la vie..., me rappelé-je.
⸻ Exact. Mais tu devrais te montrer plus obéissante, Natalia. Tu es sur un siège éjectable. Dieu ne laisse rien au hasard dans son royaume et si tu dénotes avec la pureté des cieux, tu pourras saluer ce bon vieux Lucifer de ma part.
⸻ Pas besoin de me menacer...
Las, il ancre son regard à un point mouvant dans les fougères et chuchote :
⸻ Contente-toi de faire bonne figure, tu veux ?
Je n'ai pas le temps qu'acquiescer que ma bouche s'arrondit de stupeur : trois personnes, à l'aura si lumineuse que je dois m'en cacher, surgissent au milieu de l'herbe haute. Une voix cristalline s'élève :
⸻ Natalia, quel plaisir de te rencontrer. Je suis l'ange Gabrielle. Je suis là pour m'assurer que tout se passe au mieux pour toi.
Gabrielle. Sa réputation la précède, même pour l'athée que je suis, mais l'humain a une fois encore attribué le mérite du pouvoir à l'homme, la transformant en figure masculine dans la Bible.
Je cligne des yeux plusieurs fois avant de pouvoir discerner le visage des trois individus. Impressionnée, je mets du temps à répondre à la femme qui m'a parlé : un maigre « merci » lâché du bout des lèvres. Elle me dépasse de bien des centimètres, jamais mon mètre-soixante-dix ne m'a parut si petit. Sa longue chevelure d'un blond polaire immaculé s'étend en boucles autour de l'ovale tendre de sa tête et se confondrait presque avec sa toge, aux finitions argentées assorties aux lanières de ses chaussures.
Tiens donc.
Ses cils fournis et ses iris turquoise lui confèrent une beauté qui éluderait la moindre concurrence. Elle ne porte aucun artifice, à l'exception d'un collier presque identique à celui de Chad. Mon attention se reporte à lui, avant de se focaliser sur les deux hommes, postés de part et d'autre de la dénommée Gabrielle tels des gardes du corps. Qui sont ces gens ? Ils se ressemblent, tous deux peu chevelus et aussi larges que grands, vêtus de la même combinaison camel qui leur couvre les pieds.
Portent-ils des chaussures ou non ?
C'est un détail futile mais ça correspondrait davantage aux codes auxquels j'ai été habituée. Ça les rendrait plus... familiers ?
Les anges qui escortent Gabrielle ont d'épais nez, de solides épaules et des traits rigides qui n'empêchent pourtant pas leur air de m'être sympathique. Chad a adopté la même attitude qu'eux, en croisant solennellement ses bras derrière son dos.
La célèbre archange se montre conciliante :
⸻ Tu as besoin de temps et c'est normal. Suis-nous, nous allons te guider jusqu'à la cité des anges. Caliel, je te remercie de nous l'avoir ramenée dans de si brefs délais.
Chad marmonne un « Service ! » avant de s'éloigner.
⸻ Il ne vient pas avec nous ? je m'enquiers.
⸻ Non, répond-elle avec douceur. Des âmes pures l'attendent au purgatoire.
Chad s'en va, sans un au revoir à mon égard. Quel rustre. Je ne peux pas dire que son attitude m'étonne ou m'attriste, mais elle me fait me sentir vraiment insignifiante. Tout ce temps passé ensemble, certes à s'en prendre l'un à l'autre, pour qu'on se quitte sans explications, sans excuses ? Et dieu sait qu'il m'en doit. Pourtant, son départ m'angoisse. Peut-être parce qu'il était mon unique repère jusqu'à présent. Force est d'admettre l'évidence : pour lui, à l'inverse, je n'étais qu'une parmi une multitude d'âmes, et pas la moins coriace.
⸻ Natalia ? m'appelle la femme.
Je reprends mes esprits. Je ne vais pas m'en faire pour ce passeur égoïste et désagréable. Il a fait son travail, point. Je ne lui en suis pas reconnaissante, d'ailleurs, parce qu'il l'a mal fait selon moi.
⸻ Oui. Excusez-moi.
Les lèvres charnues et rosées de Gabrielle se relèvent en un sourire compatissant. Elle m'intime de la suivre et les gardes se placent à ma gauche et ma droite, en dignes protecteurs. Alors qu'ils ne sont que des inconnus. Ce monde est inconnu.
⸻ Tu risques d'être un peu... secouée, me prévient-elle.
Je hausse les épaules alors qu'elle se place dans mon dos et presse mon omoplate.
Je crache le sable qui m'obstrue la gorge, avachie sur une dune. Le piaillement des mouettes résonne dans mon encéphale et une migraine se profile. Où suis-je ? La chaleur aussi me tape sur le crâne et ma gorge est sèche. Et dire que ce genre de sensations me manquait... Je joue des coudes pour avancer vers les rochers et m'y hisser. Entre deux quintes de toux, je relève la tête et fais face à trois mines soucieuses. Ça y est, ça me revient. Gabrielle, droite comme un i, ordonne à l'un de ses gorilles, Adriel, de m'aider. Ce dernier marche dans ma direction et me tend sa large main. Après une légère hésitation, j'attrape ses doigts et il me remet sur pieds sans effort. Je cherche mon équilibre, le remercie, puis tourne sur moi-même.
La mer s'étend face à moi, ses vagues se déchaînant sur les récifs. Pourtant, son roulis effréné est apaisant. Il me ferait presque oublier le drame qui m'a conduite ici. À l'opposé de la plage écumée se dresse une bâtisse aux colonnes blanches à la romaine, qui s'étale, comme infinie, sur tout l'horizon.
⸻ C'est ça, la cité des anges ? présumé-je.
⸻ Tout à fait, confirme Gabrielle. Te sens-tu prête ?
L'honnêteté passe les frontières du tact et je réponds du tac au tac :
⸻ Non.
Ma réponse ne semble étonner ni l'ange ni ses acolytes, qui ne me brusquent pas et attendent. Je finis par avoir pitié d'eux et cède, d'autant plus que rester ici sans bouger n'est pas productif et que j'ai besoin de m'occuper l'esprit. J'aimerais arrêter de penser à ma fille, à mon mari, à ma famille, cesser de me torturer pour des choses sur lesquelles je n'ai aucun pouvoir. L'injustice me ronge mais face à la mort je ne peux que ployer le genou et tenter de m'y accommoder...
⸻ Prenons-nous les mains, dit Gabrielle.
Encore ?
Pourquoi cette exigence constante de contact physique ? Va-t-on toujours devoir se toucher ou se tenir les mains en ligne comme lors des bénédicités ? Je grimace à ce réflexe sectaire et m'étonne de la froideur de la paume de Gabrielle. Chad me revient en tête. Ses mains à lui étaient tièdes, réconfortantes. Là, je jurerais tenir celle d'un cadavre. Ce qui n'est pas si éloigné de la vérité, finalement...
Brusquement, nous disparaissons dans un tourbillon de sable et d'algues. J'aurais dû me douter que nous n'allions pas marcher... En chutant tête la première sur des dalles en marbre, j'en viens à le regretter. À plat ventre sur un sol encore moins chaleureux que celui de l'hôpital, je marmonne une insulte. La douleur n'existe plus mais bon sang que c'est humiliant. Surtout que je devine un tas de nouvelles présences autour de moi. Une paire de pieds se stoppent sous mon nez, entourés de sandales en cuir, dont les lanières remontent sur des mollets poilus. J'observe l'inconnu tandis que je m'appuie sur le bras qu'il m'offre gentiment. Le visage rond et de doux petits yeux d'un vert pâle séduisant, il m'inspire immédiatement confiance. Ses boucles châtain, désordonnées, dénotent avec les apparences soignées de mes trois accompagnateurs.
⸻ Merci.
Il me sourit et gratte sa barbe naissante, qui ne cache pas entièrement son léger double-menton. Sa tenue blanche est large, flottante. Il est plus costaud que Chad mais ce n'est pas du muscle. Gabrielle nous rejoint et nous présente :
⸻ Hiram, je te présente Natalia.
⸻ Enchanté.
⸻ Moi aussi.
Adriel se trémousse et chuchote à l'oreille de Gabrielle des mots qui viennent effriter sa carapace stoïque. J'ai l'intuition que le paradis non plus n'est pas de toute tranquillité. Un vent de gravité souffle sur notre petit groupe. Que s'est-il passé ?
⸻ Tu tombes à point nommé, Hiram, déclare Gabrielle. Veux-tu bien prendre le relais et poursuivre la visite ?
Aussi pris de court que moi, il se contente d'acquiescer. Alors qu'elle amorce son départ, Gabrielle s'exclame :
⸻ J'allais oublier !
Elle ouvre sa paume et y fait apparaître une large pierre ovale.
⸻ Nous en avons tous un, dit-elle en me tendant ce qui s'avère être un collier.
Elle me le passe solennellement autour du cou comme s'il s'agissait d'un rituel, et nous quitte sur ces dernières informations. La pierre azur n'est guère plus chaleureuse que ce qui m'entoure. Je la palpe, la fais rouler. Elle est plus foncée que celle de Chad mais plus claire que celle d'Hiram, jusqu'alors glissée sous sa chemise.
Lui et moi nous regardons en chiens de faïence.
⸻ Viens, propose-t-il alors.
Nous longeons en silence la façade sculptée. Ses enjambées sont longues mais sa démarche est paisible et assurée.
⸻ Comment vas-tu ?
Je cherche mes mots sans parvenir à n'en prononcer aucun. Il ajoute :
⸻ Je sais ce que ça fait, même si pour moi cela date déjà d'une centaine d'années.
Je pose un nouveau regard sur lui. Il comprend.
⸻ Un obus, complète-t-il de lui-même.
⸻ Tu as fait la guerre ?
Il hoche la tête à l'affirmative. Je me mors l'intérieur de la joue. Il a vécu des calvaires bien plus atroces que le mien et pourtant je trouve ma situation plus illégitime que la sienne.
Nous arrivons face à une porte dont les dimensions seules me donnent le tournis. Ses deux pans ornés de joyaux sont grand ouverts sur un hall circulaire au sol blanc nacré qui promet d'être aussi glissant qu'une patinoire tant il scintille. Mon corps marque un arrêt. Ce pas là, cette entrée dans ce bâtiment, compte plus que tous les autres pas d'avant. Il signifie mon accord, acte mon appartenance à ce monde. Je regarde symboliquement en arrière. Je n'aurai pas de deuxième chance sur Terre... et j'ignore quand j'arrêterai d'en souffrir.
Hiram me fait face, empoigne mes épaules et me fixe avec bonté :
⸻ C'est difficile, je comprends.
⸻ Que veux-tu dire ?
⸻ De partir quand on voulait rester, de sourire quand on veut pleurer, de faire une croix sur la vie qu'on vient de laisser... Le voyage jusqu'au ciel, c'est une sorte de sanctification, après laquelle il ne reste que l'essentiel, l'essence même de la personne. Les âmes ne courent pas après leur passé... Tu déroges à cette généralité, mais je te promets que c'est temporaire. Tu sortiras des ténèbres, Natalia. Tu seras heureuse et épanouie, comme nous tous ici.
En voilà une sacrée promesse... Ma situation est un tel tord-le-cœur que c'est tentant. Très tentant, assez pour me convaincre de le suivre dans ce hall démesuré.
Un double escalier part se rejoint en un étage ouvert, où des hommes et des femmes en blanc vont et viennent tel un millier de fourmis. Bouche bée, j'encaisse le contraste brutal entre le calme ambiant de l'extérieur et l'effervescence intérieure. Hiram me désigne une direction :
⸻ Tu te doutes que l'éternité ne te sera pas de trop pour visiter les cieux... Nous allons commencer par la fresque.
⸻ La fresque ?
Ses lèvres s'étirent pour laisser apparaître une rangée de dents impeccables.
⸻ Droit devant toi.
Personne ne nous prête attention et j'avance, pressée par Hiram, vers une porte rectangulaire, bien moins imposante que le reste du mobilier. Mon guide m'encourage et j'actionne la poignée.
⸻ Il est temps de d'expliquer de quoi notre univers est composé.
Le battant s'ouvre sur un interminable couloir bordé de bibliothèques remplies à ras-bord d'ouvrages en tous genres.
⸻ Ce corridor relie les bâtiments célestes entre eux et renferme le nectar des connaissances mortelles et immortelles. Qu'importe ta question, la réponse est ici.
Fièrement, il montre les multiples étagères, qui grimpent jusqu'au plafond. Il ne se doute pas que je déteste lire depuis le collège et je ne lui en touche pas mot, peu désireuse de briser son enjouement.
⸻ Pour ce que tu dois savoir aujourd'hui, la hiérarchie ici-haut compte huit légions d'anges : les Archanges, les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Principautés, les Puissances.
Grand Dieu.
Je devine que ce sont ces chœurs qui sont représentés un à un au plafond. Les couleurs vives les dépeignent avec magnificence, immenses et forts, dotés d'ailes et de pouvoirs multiples liés aux quatre éléments. Mon guide continue alors que nous avançons, les yeux rivés sur la fresque :
⸻ Les Archanges, comme Gabrielle, exécutent les ordres du Créateur. Ils sont les plus puissants. Les Séraphins, ou les « Adorateurs », sont porteurs de lumière, de chaleur, ils vouent leur existence à l'adoration du Créateur. Les Chérubins, ou les « Glaives », comme Adriel et Méniel, gardent et protègent Éden ainsi que les communautés angéliques.
Je revois le visage de chacun et mon cerveau leur colle l'étiquette correspondante. Retenir tout ça va être une sacrée gymnastique... Sur la représentation, les Archanges sont montrés volants et arborant de lumineuses auréoles. Les Séraphins sont agenouillés, les bras écartés vers le ciel. Quant aux Chérubins, leurs épées rutilantes cachent la moitié de leurs faciès.
⸻ Les Trônes, ou les « Vaillants », poursuit Hiram, sont les passeurs d'âmes, les anges compagnons qui aident les humains à percevoir et comprendre les épreuves de la vie.
Et quelle aide...
⸻ Les Dominations, ou les « Foudres », dispensent les grâces du Créateur et transmettent à l'homme l'optimisme et la joie.
Ils dansent, ce qui correspond plutôt bien.
⸻ Les Vertus, ou les « Envoyés », s'occupent des humains qui souhaitent devenir meilleurs ; ils permettent aux hommes de découvrir leur véritable identité, de la cultiver et de la défendre, tout en harmonisant désirs charnels et besoins spirituels.
Droits et magistraux, livres en mains.
⸻ Les Principautés, ou les « Unificateurs », stimulent l'amour et incitent à la création de liens amoureux dans le respect, la confiance et l'engagement mutuel.
Aucun ne ressemble à nos représentations de Cupidon, néanmoins ils arborent des présents et se tiennent en ronde.
⸻ Pour finir, les Puissances, les « Brûlants », sont assez polyvalents et veillent à l'harmonie générale.
Je m'attarde sur eux : leur aura est faite de flammes ardentes et l'incendie se propage jusqu'à leurs iris. Ils ont l'air encore plus redoutables que les Glaives.
Entre tous ces profils, et leurs rôles, je me sens bafouée. Bafouée parce que je comprends que ce que j'avais pensé être du libre arbitre a en fait été régi par des forces supérieures. Ma vie n'a été qu'un plateau de jeu pour occuper les légions angéliques. Ça m'écœure et ça me met en colère. Ce sont des anges qui m'ont fait me sentir bien, qui m'ont fait aimer, qui m'ont inculqué ma personnalité... tout cela pour me destiner à faire exactement la même chose qu'eux, à d'autres humains aussi ingénus que moi. En revanche, je comprends désormais les propos de Chad sur le fait que mon âme resterait inchangée, même sans chair, même sans souvenirs. Elle a été conçue ici. Retour à la case départ ou véritable départ ? Ma vie compte-t-elle, au final, si elle n'a pas été mienne ?
⸻ Je fais partie des Vertus, complète Hiram sans que je ne l'aie demandé. Et toi, tu dois être... Une Puissance.
Les représentations enflammées du chœur d'anges que je trouvais le plus impressionnant me reviennent en mémoire et j'ai du mal à m'y identifier. Est-ce mon destin de me transformer en torche vivante ? Enfin... mouvante ?
⸻ Oui, Je sais, cela peut-être un peu... déroutant.
Déroutant ? Non, c'est bien plus que ça. Mes certitudes ont volé en éclat.
Je suis distraitement Hiram dans sa visite guidée du Paradis. Hormis l'architecture antique, ce n'est pas guère différent de la Terre. Alors certes, avec les louanges et les solos de harpe, j'ai l'impression d'être à mi-chemin entre un stage immersif de yoga et un camp scout, mais au moins je ne suis pas trop dépaysée.
J'ignore depuis combien de temps nous marchons. Une heure ? Ici, sans cycle solaire ni horloge, on perd facilement la notion du temps. Qu'importe, c'était assez pour sentir les espoirs en moi s'éteindre les uns après les autres. Le vide grandit dans ma poitrine jusqu'à en être l'unique régent et pourtant, je souffre toujours. Mes proches, et les remords que j'éprouve à les avoir quittés sans au revoir, me hantent et m'aliènent. Raphaël, ma petite fille qui portera le surnom d'une défunte, mes parents qui perdent un enfant pour la deuxième fois, mes amis qui ne pourront plus compter sur moi dans les étapes pourtant cruciales de leur avenir... Désormais, ils me paraissent être à mille années lumière de moi. En réalité, ils le sont.
⸻ Tu es une grande nageuse, si je ne m'abuse ?
Cette question abrupte a le mérite de me tirer de mes songes. Je cligne des yeux, fixe Hiram. Les anges semblent tout savoir de moi, ce qui suit une certaine logique mais ne reste pas moins dérangeant...
⸻ Oui..., fais-je, suspicieuse.
⸻ Tu me fais confiance ?
⸻ Non..., continué-je sur le même ton.
Ma méfiance lui arrache un rire.
⸻ Tu préfères rejoindre les autres pour les louanges ? propose-t-il alors.
Et célébrer un Dieu en lequel je ne crois pas ?
Je me remémore la sensation de ma peau dans l'eau. Il y a pire comme programme.
⸻ Où puis-je nager ? relancé-je.
. Je prends la main d'Hiram et me fais transporter vers d'autres décors. L'atterrissage est moins brusque que les précédents et mes jambes ne me font pas défaut, cette fois. Tout en découvrant la miroitante étendue translucide dont le courant froisse nos reflets, je m'enquiers :
⸻ Comment faites-vous pour...
⸻ Nous téléporter ? complète-t-il.
J'acquiesce.
⸻ Nous pensons à notre destination. Tu le pourras aussi. Au fait, ta pierre fait ressortir tes yeux, c'est très joli.
Son compliment ne me fait ni chaud ni froid, en revanche il met le doigt sur une autre observation que j'ai eue, en traversant les légions d'anges :
⸻ Resteront-ils bruns ? Mes yeux. Vous les avez tous bleus ou verts, ici...
Il secoue négativement la tête et je soupire :
⸻ Ils ont déjà changé, c'est ça ?
⸻ Oui... Étonnamment ça, ça a fonctionné.
⸻ C'est quoi, le bleu ? La couleur préférée de Dieu ? Pourquoi cette obsession pour le clair ?
⸻ Sans doute en contraste avec l'obsession de Satan pour le noir.
Je pouffe à son trait d'humour, qui s'avère ne pas en être un puisque mon gloussement n'est pas communicatif. Au lieu de ça, il prend congé :
⸻ Dis mon nom lorsque tu auras fini.
⸻ Tu me laisses seule ? je glapis, en constatant que les alentours sont déserts.
⸻ Je n'ai pas l'utilité de me baigner et... tu n'es pas notre prisonnière alors oui, tu peux rester sans ma surveillance.
J'hésite entre le remercier et ricaner. On n'est pas loin de la cellule et des sorties journalières carcérales. Mais soit, je tiens à ma tranquillité et je n'avais d'ailleurs aucune envie de me retrouver nue devant lui.
Son corps s'évapore et il ne me faut pas plus longtemps pour me défaire de cette impersonnelle et grotesque robe. Je serre les jambes, m'assure que personne n'est apparu pour m'espionner et glisse deux orteils dans l'eau. Bien que neutre, elle m'invite à m'y plonger davantage.
J'écoute les clapotis de l'eau contre mon bas ventre, avance sur les galets jusqu'à ne plus avoir pied. Ce plaisir si basique était l'un de mes favoris, avant. Tous les jeudis soirs, je partais nager au centre-ville, ou dans un lac à quelques kilomètres en période estivale. Là, c'est différent. Hormis la beauté du site, tout est dénué de sensations. Mes jambes me propulsent en avant et je quitte la surface pour frôler des doigts les rochers en profondeur. Je pourrais y rester des heures mais après une longue apnée, mes vieux réflexes me poussent à rejoindre la berge, comme si je devais reprendre mon souffle. Je me redresse, le buste hors de l'eau, et plaque mes cheveux mouillés en arrière. Lorsque je rouvre les yeux, je bascule en arrière d'effroi :
⸻ Chad ! m'écrié-je.
Mon passeur est assis au milieu des roseaux, une jambe repliée sur l'autre.
⸻ Surprise, gueule d'ange..., fait-il sans entrain. Il faut qu'on discute.
⸻ Quoi ? Là ?! m'étranglai-je, dans le cours d'eau jusqu'au cou.
⸻ Eh bien, oui...
Il me contemple sans ciller : le ruisseau est limpide et ne dissimule rien de mon anatomie. D'un coup, sa fraîcheur me fait trembler.
⸻ Mais tourne-toi, bon sang ! m'indigné-je. Je suis...
⸻ Très belle, oui, si tu veux. Ça nous empêche de parler ?
⸻ Nue, Chad ! Je suis nue !
⸻ Les anges sont asexués, que crois-tu que ça me fasse ?
Provocateur, il m'examine sous toutes mes coutures. Je croise un bras sur ma poitrine et cache de l'autre mon entre-jambe.
⸻ Tourne-toi, insisté-je.
Il capitule avec une mauvaise foi non camouflée, se lève et me tourne le dos. J'en profite aussitôt pour regagner la terre ferme et renfiler ma robe. Je sautille pour me réchauffer. Pourquoi l'eau est-elle devenue si froide ? En remontant le tissu sur mes chevilles, je demande :
⸻ Pourquoi es-tu là ?
Je replace les bretelles sur mes épaules, grimace à la sensation désagréable du coton humide qui colle à mon épiderme. Voilà qu'au pire des moments, ma peau est sensible à nouveau...
⸻ Parce que tu sembles vraiment apprécier me faire perdre mon temps.
Mon sourcil s'arque. Désabusée, je m'apprête à rétorquer quand il poursuit :
⸻ J'ai fait mon travail en t'amenant ici, mais tu es, paraît-il, dysfonctionnelle. Gabrielle a expressément demandé ma présence, pour que je lui raconte en détail ce qu'il s'est passé sur terre.
⸻ Dysfonctionnelle ? répété-je, atterrée. Que lui as-tu dit ?!
⸻ Rien. Du moins rien qui puisse t'incriminer, cela dit elle n'est pas dupe. Elle a peur que ton âme ne soit pas assez pure... Je t'ai couverte mais elle ne tardera pas à mandater les autres pour enquêter...
Hiram... En ai-je trop dit ? Puis-je lui faire confiance ou œuvre-t-il pour l'Archange ?
⸻ Et si elle découvre que ton affect humain perdure... Elle me demandera de te renvoyer là d'où tu viens.
Mes yeux s'écarquillent et je m'écrie :
⸻ Je t'avais dit que je n'étais pas prête à partir ! Tu m'as empêchée de faire mes adieux et tu m'as forcée à rejoindre la cité ! Tout ça pour qu'on m'y renvoie !
Il se retourne, une flamme de colère dans ses pupilles.
⸻ Ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Et tu devrais m'être reconnaissante, je t'ai fait gagner du temps.
⸻ Reconnaissante ? Je ne t'ai rien demandé... à part me laisser tranquille, ce que tu n'as pas fait !
⸻ Tu serais devenue un spectre !
⸻ Et TU as décidé à ma place !
⸻ Parce que TU ignores tout de notre monde et des avenirs de chacun !
Je me rebiffe :
⸻ Si c'est pour me dire ça que tu es là, autant que tu partes. Bien sûr que je suis perdue avec tous ces univers alternatif dignes de l'imagination d'un drogué !
⸻ Je ne peux pas. Tu es un mystère que je dois élucider, sinon je passerai pour un incapable alors que clairement, le souci ne vient pas de moi.
⸻ Whaaa, quelle remise en question.
⸻ Lia.
Le rouge me monte aux joues :
⸻ Pour toi, c'est Natalia.
⸻ Tu ne veux pas te concentrer sur l'essentiel ? J'ai quelque chose à te proposer.
Je croise les bras, le relance à contrecœur :
⸻ Eh bien parle.
⸻ Je t'aide à trouver la paix et toi, tu ne dis rien de ce qu'il s'est passé.
Un souffle de nez m'échappe alors que la pierre qu'il porte à son cou s'illumine. Je fais déjà semblant... Il est prêt à tout pour me faire garder le secret... De quoi a-t-il peur ? Il risque sans doute gros...
Mais j'ai l'avantage, et ce serait bête de ne pas en profiter. Il y a bien une chose, folle, interdite, que je désire plus que tout et qu'importe s'il tente de m'aider pour redorer son propre blason, cela vaut le coup de m'allier à lui.
⸻ Je veux revoir mon mari et ma famille.
⸻ Quoi ? Non !
⸻ Alors ta proposition ne m'intéresse pas, décrété-je en croisant les bras.
Il m'imite, ne semble pas vouloir céder. Ce que je lui demande n'est pas anodin, j'ai bien conscience qu'il risque peut-être davantage à me prêter main forte qu'à admettre qu'il a bâclé les étapes sur terre et qu'il a ramené une âme avec précipitation. Néanmoins, s'il n'a rien à m'apporter, il me fait perdre mon temps. Je hèle le seul allié qui vaille la peine :
⸻ Hiram !
Chad s'empresse de me couvrir la bouche en criant :
⸻ Non, non, non ! Attends !
Je le repousse vivement, tape ses mains qui auraient pu, dans une autre vie, me priver d'oxygène. Il ne me laisse pas l'occasion de lui crier dessus et capitule :
⸻ C'est d'accord.
Mon sourcil s'arque d'étonnement et j'ancre mes pupilles aux siennes sans ciller. Lui passe une main dans ses cheveux et se mord les lèvres. Il grimace et gémit lorsqu'une fois encore la pierre de son collier s'illumine, comme si elle lui brûlait le sternum.
Il lève aussitôt son index pour préciser :
⸻ Une fois. À condition que je ne te lâche pas d'une semelle.
Je ne peux refuser son offre ; je lui propose ma main mais il s'en détourne :
⸻ Et... Hiram ? C'est ton référent ?
⸻ Il semblerait. Il y a un problème ?
⸻ Non, non... Mais il est toujours d'une dévotion extrême alors allons-y avant qu'il ne trouve ton absence trop longue.
Il me pousse, une main plaquée sur mon omoplate.
⸻ Maintenant ? m'étonné-je.
⸻ Jamais contente celle-là..., grogne-t-il.
⸻ Ah si, si ! C'est une bonne surprise, pour une fois.
Il se décale sur ma gauche. Ses doigts s'affolent et lancent les éclairs caractéristiques d'un portail, qui apparaît devant moi. Excitée, je fais un pas en avant.
⸻ Woh, woh ! me retient-il.
Sa main saisit la mienne. Un brasier enflamme nos paumes et nous électrise.
⸻ Ensemble, dit-il d'une voix éraillée alors que nous nous abandonnons, unis, à un véritable saut de l'ange.
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