Chapitre 8 : La Guerre

Hiram fait les cent pas, plongé dans une réflexion intense qui donne le tournis rien qu'à le voir. Autour de lui dansent mes désillusions, ma vie en éclats souillée des cendres de mon présent. Mon visage entre mes mains, je ferme les yeux et inspire dans l'espoir d'y voir clair. Tant d'informations à assimiler, tant de croyances à déconstruire... Malgré la menace de taille à laquelle nous avons échappé de justesse et l'épée de Damoclès qui flotte au-dessus de moi, je ne peux m'empêcher de penser à mon mari, à nos années qui me paraissent désormais volées, vides de sens. Et pourtant, lentement, le calme reprend le contrôle de mon organisme. Chad avait raison. Mes allers-retours sur terre maintiennent en vie mon humanité... Ne ferais-je pas mieux d'arrêter ?

J'élude cette question et mon regard croise celui d'Hiram, qui m'étudie en silence. Dans ses iris, je revois le reflet incandescent de l'expression ravageuse de mes pouvoirs. S'il répète ce à quoi il a assisté, ce qu'il sait après mes aveux, je peux faire mes adieux à la cité. Puis-je lui faire confiance comme à Chad ? Le puis-je seulement pour Chad, d'ailleurs ?

⸻ Je dois prévenir Gabrielle, décrète-t-il. On sait où sont les cavaliers, elle doit envoyer les légions sur place. On a une chance inespérée...

⸻ Attends..., le retiens-je. Ce cheval qu'on a vu...

Tel un automate, il récite :

⸻ Je regardai et voici parut un cheval roux. Celui qui le montait reçut le pouvoir d'enlever la paix de la terre afin que les hommes s'égorgeassent les uns les autres.

La guerre... C'est ce que je craignais...

Le Vertu tourne son poignet et fait apparaître un portail. J'en fixe la surface grisée, très similaire à un écran brouillé, différente des précédents passages que j'ai pu emprunter. Hiram ne cherche pas à aller auprès de Gabrielle, il établit une forme de connexion... Et le paradis n'en serait pas un pour les joueurs acharnés : leur réseau est aussi lent et défaillant que celui des humains...

J'en profite pour poursuivre, un œil sur les interférences :

⸻ Le deuxième cavalier n'est-il pas censé sévir après le premier ? L'apocalypse ne suit-elle pas une chronologie définie ?

Hiram se positionne dos droit en préparation de l'échange avec l'Archange et m'explique :

⸻ Les sceaux doivent être ouverts les uns après les autres mais aucun délai entre n'a été posé... Et les fléaux peuvent coexister.

⸻ C'est... mauvais c'est ça ? supposé-je.

⸻ Très... On va avoir du mal à tout combattre en même temps...

⸻ Et qu'est-ce qu'il y a, dans ce « tout » ? Excuse-moi pour cet interrogatoire, c'est juste que j'avais pour habitude de sécher le catéchisme...

⸻ Il reste les cavaliers de la famine et de la mort..., répond-il avec sérieux. Une lune rouge, des tremblements de terre, des astéroïdes... Et au septième sceau s'abattront sur terre la foudre et les fléaux d'Égypte, sous la direction d'Abaddon, l'ange de la destruction...

Mes yeux s'écarquillent mais je m'empresse de faire bonne figure quand le visage de Gabrielle apparaît. Derrière elle, il me semble reconnaître la Seine. Que fait-elle à la capitale ? L'Antéchrist y est-il ? Va-t-on réussir à stopper la fin du monde, à sauver les humains ? Les humains... dont Raphaël... Mon attachement à lui est-il réel ? Quoi qu'il en soit, l'idée même de le voir souffrir m'est insupportable.

⸻ Que se passe-t-il ? demande Gabrielle, m'interrompant net dans les scénarios catastrophes que j'imagine déjà.

⸻ Les deux cavaliers sont à Strasbourg, énonce le Vertu.

Bien que déjà pâle, Gabrielle blêmit encore.

⸻ Les deux ?

Mon référent confirme d'un hochement de tête. Aussitôt, elle appelle Camaël et lui fait transmettre l'information. Puis, son attention glisse enfin sur moi. Elle esquisse un sourire et reprend :

⸻ Hiram, peux-tu me rejoindre à Paris ?

Avant de répondre, il m'étudie, hésite. Gabrielle reprend, en articulant lentement :

⸻ Hiram, Natalia peut rester seule. N'est-ce pas, Natalia ?

Je cille, bégaie un « oui » docile qui est bien l'inverse de ce que j'aurais souhaité répondre.

⸻ Alors, c'est réglé.

La visioconférence se stoppe brutalement pour laisser place à des éclairs violacés qui me sont familiers.

⸻ Elle veut m'éloigner de toi..., deviné-je.

Il acquiesce, ennuyé.

⸻ Elle me connaît bien et a peur que je ne sois pas impartial avec toi. Ne t'en fais pas pour ça.

⸻ Facile à dire...

⸻ Je suis désolé. Je dois...

⸻ Oui, vas-y. Je vais m'en sortir, je suis en sécurité ici, après tout.

Il me sourit et sa dernière expression avant de se faire aspirer est perplexe.

La solitude m'enveloppe d'un souffle et mon esprit torturé promet d'être de bien mauvaise compagnie. Je me mets alors en route pour une partie plus fréquentée de la cité, mes bottines s'enfonçant dans le sable clair. La mer s'agite alors et je frémis. Suis-je un aimant à désastres ?

Cette supposition, que j'ai envie de balayer d'un revers de manche, se confirme pourtant lorsque les rochers se mettent à trembler devant moi. Mon instinct me dicte immédiatement de fuir et je me sens pousser des ailes lorsque je bondis pour quitter l'estran.

Les jurons franchissent la barrière de mes lèvres quand les vagues s'ouvrent sur les précurseurs de la fin.

Bordel, qu'est-ce qu'ils font là ?! Comment peuvent-ils ?

Les chevaux ronflent, leurs yeux aussi exorbités que les miens, et se cabrent, prêts à me prendre en chasse. Un cri m'échappe, mais, en un salvateur réflexe de survie, je me mets à courir. La figure de la peste, avalée sous ses haillons, s'accorde avec le deuxième cavalier, dont l'armure accompagne leur nouvelle embardée de tintements métalliques. Mes enjambées me portent, m'éloignent d'eux. Des sifflements sadiques, comme sortis des enfers, emplissent la baie. Tout en jetant de brefs coups d'œil derrière moi, je bénie le ciel d'être un peu plus angélique, avec l'endurance que promet un souffle infini.

⸻ Hiram ! hurlé-je. Chad ! Gabrielle ! Hiraaaam !

Je gravis les rochers, m'agrippe, me hisse, saute de bloc en bloc. Mes assaillants, en contrebas, doivent faire un détour pour trouver un passage praticable pour leurs montures. Je m'arrête alors, profite de mon avance pour les étudier. Ils stoppent leurs chevaux, lèvent la tête en ma direction. Leurs expressions ravagées me volent un frisson. Ils ne sont animés que par le goût du sang et rêvent de me mettre en pièce, je le vois bien. La Guerre pointe sa lance en ma direction et j'ai à peine le temps de me jeter à plat ventre que l'arme fend l'air pile là où se trouvait mon crâne une seconde plus tôt. La pointe se plante plus loin, pour retourner presque aussi vite, tel un boomerang, dans la paume ouverte de son possesseur, que je discerne à travers une faille dans la roche.

Je vais rester allonger, moi...

Je cherche désespérément aux alentours une silhouette alliée et me résous à l'évidence : je suis seule face à eux et si je n'agis pas vite, je mourrai, sans avoir les réponses que j'attends. Alors, je repense à mes pouvoirs, me concentre. Je serre les poings, les tends brusquement. Pas même une flammèche n'apparaît et j'entends les chevaux galoper. Je me redresse juste assez pour les voir prendre de l'élan.

⸻ Merde, merde, merde !

Je recommence, croise les bras comme je l'ai fait tout à l'heure, sans succès.

⸻ Maintenant ! grogné-je. Allez ! Allez !

Le stress monte, me prend à la gorge. Puis, il est remplacé par une vigueur sereine que je sens monter en moi. Un calme olympien doublé d'une assurance fortifiante se propage dans mes lignes directrices et pulse dans ma poitrine jusqu'à me donner l'impression encore d'avoir un cœur qui bat. Je suis un ange, entière ou non, je ne suis pas sans défense et je n'ai pas à fuir ou me comporter en victime. J'ai voulu descendre sur terre pour combattre, j'ai l'occasion de le faire. Je dois la saisir.

Je me relève, tremblante tant la puissance s'empare de mes muscles. Je soigne mes appuis et ma protestation se lie à un râle d'effort. Mon corps s'embrase et ses ondes de ma voix fondent sur les cavaliers. Les chevaux s'ébrouent, reculent, piétinent. Mon offensive met la Peste et la Guerre encore plus en colère. Ils talonnent les flancs déjà malmenés de leurs bêtes, les forcent à escalader, et tandis que les sabots ripent sur les écueils, je dévale la pente et reviens vers eux.

⸻ À nous trois ! vociféré-je en ouvrant mes doigts.

Du feu s'élève autour de moi et se précipite vers l'ennemi. Mes lignes enflammées les attaquent tels des serpents avides de sang. Elles les entourent, les étourdissent. Mes lèvres s'étirent en un sourire quand je les vois s'agiter, tenter de se soustraire à la prison brûlante dans lesquels je les maintiens sans trop savoir comment. Jusqu'à ce que mes symboliques barreaux fondent en cendres et les libèrent.

Démunie, je contemple mes mains noircies puis relève la tête. Je ne suis qu'à quelques mètres, entièrement à découvert. J'ai été inconsciente, stupide, portée par l'adrénaline et beaucoup trop confiante en des capacités que je découvre à peine.

Mes jambes pédalent dans le sable. Je glisse, décampe aussi vite que je le peux sous le rire gras de la Peste. Quand je me retourne, une bourrasque repousse mes cheveux en arrière et je suis forcée de plisser les yeux.

⸻ Encerclez-les ! commande une voix féminine.

Je reconnais alors mon équipe, bravement postée devant moi, et je les bénie d'arriver pile à temps. Je me redresse, ne voulant pas passer pour celle qui fuit, et me poste à côté du colossal Mikael. Son regard bleu luminescent rallume la flamme en mon sein et je me sens Brûlante à nouveau.

À ma droite, Chad hoche la tête d'un air entendu. Lui et Devon crispent leurs doigts et envoient de multiples ondes de choc qui creusent le sol sous les sabots des étalons. Perdants l'équilibre, ils reculent, trébuchent, se dérobent aux ordres de ceux qui les montent.

Uriel et Galadrielle en profitent pour aller au front. Leurs ailes se déploient pour qu'ils s'élèvent et ils abaissent leurs épées sur les cavaliers. Redoutables, les incarnations du mal répliquent et la Peste parvient à désarmer Uriel. Elle tend alors ses mains que la maladie a rongé vers le visage du Domination. Aussitôt, Devon matérialise une chaîne en acier brillant qu'elle envoie comme un lasso sur la Peste, nouant ses poignets ensemble. Le lépreux talonne les flancs blancs, galope en sens inverse. Je le vois déjà nous échapper et, en mimant un stop, m'écrie « Non ! ». Les haillons du lâche s'incendient, l'encerclant d'une dense fumée. L'animal se rebelle, rue quand ses crins crépitent. Il se jette alors, roulant sur son cavalier, avant de se remettre sur ses jambes et de partir à bride abattue, traînant la Peste inconsciente par un de ses pieds, coincé dans l'étrier.

Chad s'envole, l'atteint juste avant qu'il ne plonge dans les eaux tumultueuses et capture l'ennemi. Il revient nous le déposer et Devon s'occupe de le ligoter tout en me félicitant.

⸻ À toi l'honneur, dit-elle à Chad.

Ce dernier ne se fait pas prier ; il écarte les lambeaux de vêtements, dégage la poitrine du monstre, dont la face est encore plus difforme et galeuse de près, et y plante sa lame. La lumière jaillit et le cadavre implose en étincelles. J'ai envie de me réjouir mais le combat a continué entre Galadrielle et la Guerre et même si la Principauté se débrouille mieux que le blondinet, elle est propulsée plusieurs mètres en arrière, et le cavalier en armure amorce sa fuite vers la mer. Mikael, qui a dû venir en renfort, est plié en deux, la lance lui transperçant le ventre.

Chad tente de rattraper le cheval noir mais deux vagues se fracassent devant lui, engloutissant le deuxième cavalier de l'apocalypse. De rage, il hurle et frappe l'eau de son poing. Il s'éclabousse et le froid doit le réveiller car il pivote aussitôt vers son frère à terre.

⸻ Mikael ! crient nos équipiers.

⸻ Je vais bien, grogne le métisse.

Je reste en retrait à l'instar d'Uriel, encore secoué, tandis que Galadrielle et Devon passent leurs bras sous les aisselles du blessé et le remettent sur pieds. Pas une goutte de sang ne s'écoule de l'éventration, mais Mikael souffre.

⸻ Je vous ouvre un portail, se dévoue Chad.

⸻ Tu ne viens pas avec nous ? s'étonne Devon, un brin suspicieuse.

⸻ Il m'a échappé de peu, répond-il. Si je le traque maintenant que nous l'avons affaibli, j'ai une chance.

⸻ D'accord... Envoie ta position quand tu l'auras trouvé, je préviens les autres groupes pour que les légions se tiennent prêtes.

Le Trône acquiesce et s'exécute. Un passage s'ouvre en face du cortège.

⸻ Natalia ? demande alors Galadrielle.

J'étudie la Principauté, cille. Ils m'attendent mais je suis incapable de les suivre. J'éprouve le besoin irrépressible de parler à Chad, en tête à tête. Et surtout, je me sens coupable.

⸻ Je vais l'accompagner, acté-je en sortant ma dague de ma ceinture.

Devon tique mais s'abstient de soupirer. La masse lourde qui pèse sur elle doit jouer dans son lâcher prise. Le quatuor avance et disparaît, l'ouverture vers un lieu meilleur avec eux.

⸻ Où est Hiram ? s'échauffe instantanément Chad. Il devait rester avec toi, te protéger !

⸻ Gabrielle l'a « muté »...

⸻ Et tu aurais bien pu mourir...

Les tressautements de ses bras trahissent son émoi. Je m'empare de ses pouces, incrédule, et émets le constat suivant :

⸻ Mais je ne le suis pas. Chad, pourquoi te mets-tu dans ces états ?

Une chaleur réconfortante se diffuse en moi.

⸻ Tu la sens, toi aussi, n'est-ce pas ? s'enquiert-il.

Je déglutis, le lâche.

⸻ Je sais que tu as été complice d'une infraction en répondant à ma demande..., concédé-je. En revanche, tu ne me dois rien. Tu n'as pas à me protéger, ni à t'en vouloir.

⸻ Tu crois que je tremble parce que je n'ai pas pu honorer un devoir que je m'impose ?

⸻ Pourquoi sinon ?

⸻ Pour ça.

Il fait un pas, se colle à moi. Je frémis, telle une proie sous le joug de son prédateur. Il est si proche que mon menton levé frôle son torse. Et la revoilà, cette lueur torturée dans le bleu de ses iris...

⸻ Donne-moi ta main, murmure-t-il.

⸻ Quoi ? glapis-je d'un ton trop aigu pour paraître décontracté.

Délicatement, sans me quitter du regard, il saisit mes doigts, appose ma paume contre sa poitrine et recouvre le dos de ma main de la sienne. Mes sourcils froncés d'incompréhension se haussent brusquement et j'observe l'ange à la dérobée.

⸻ Chad... Qu'est-ce qu'il se passe ?

⸻ C'est pire que ce que je croyais...

⸻ Ton cœur bat !

Et c'est au tour du mien de se serrer quand il répond :

⸻ Justement. Tu me rends humain. Chaque minute à tes côtés est un pas de plus parmi les mortels. Comme s'il n'y avait pas assez à gérer...

J'ignore consciemment sa mention à la Guerre que nous devrions déjà être en train de traquer ; je ne veux penser à rien d'autre qu'à ce que signifient exactement ses confessions, ce qu'elles impliquent. Et je ne sais pas pourquoi je suis tant suspendue à ses lèvres, pourquoi son tourment devient le mien. Est-ce simplement parce que j'en suis la cause, que je culpabilise, ou est-ce que j'éprouve le besoin de plonger dans n'importe quelle distraction pour oublier Raphaël ? L'amour a perdu de son naturel sous le contrôle divin. Je ne me suis jamais sentie aussi seule et désabusée qu'après les révélations d'Hiram, dépossédée d'une partie de moi. Mon couple, concrétisé par la naissance de notre fille, me laisse un goût âcre dans la bouche. Me dire que mes souvenirs n'ont été qu'un téléfilm interactif pour les anges me dégoûte. Mais, puisqu'un ange n'est pas censé avoir de cœur, alors entre Chad et moi, ça n'est pas manigancé. C'est... réel. Ça n'a pas de prix. Alors qu'importe quel est ce lien, j'ai envie de m'y accrocher.

⸻ J'ai cru que ça serait éphémère..., poursuit-il. La vérité, c'est que ça gagne en ampleur...

⸻ Je suis... désolée... ?

Il souffle du nez, semi-amusé.

⸻ Tu n'as pas à l'être. Je crois qu'au fond, je ne veux rien faire pour lutter contre.

⸻ Et donc... ?

⸻ J'en sais rien, gueule d'ange, j'en sais rien. Bref. Passons. Ta cheville, ça va ?

Déstabilisée par son soudain changement de sujet, je bégaie, me remémore la faux du démon, l'entaille profonde cachée derrière le cuir de ma bottine. Je n'en souffre plus... J'extirpe mon pied de la chaussure, vérifie mon hypothèse.

⸻ Guérie..., murmuré-je en analysant la surface indemne de mon épiderme.

Un rétablissement que je dois certainement à mon retour au Paradis...

⸻ Il faut que je te dise, ajouté-je.

⸻ Je t'écoute...

⸻ J'ai tout dit à Hiram. Enfin... dans les grandes lignes, il a deviné.

Il se tend et je précise illico :

⸻ Il ne sait pas que tu sais.

⸻ Il est loin d'être bête, il s'en doute... Tu penses pouvoir lui faire confiance ?

⸻ Tu le connais mieux que moi...

⸻ Mais je me range derrière ton discernement.

Et c'est censé être rassurant ? Il immisce le doute, je le déteste d'avoir tant d'impact sur moi.

⸻ Maintenant, mettons-nous en route. Empêchons ce cavalier de malheur de nuire.

⸻ Comment ?

⸻ On va commencer par te rendre invisible.

Sceptique, je croise les bras. Sur terre, ne le suis-je pas déjà ?

⸻ Ça risque d'être douloureux, prévient-il en sortant une dague à lame large.

Instinctivement, je fais deux pas en arrière. Chad, lui, s'offusque :

⸻ Je ne vais pas te planter.

⸻ Alors éloigne ce couteau de moi, tu veux ?

⸻ Les lames angéliques ont d'autres particularités que pouvoir pourfendre les créatures démoniaques. Elles permettent entre autres de nous protéger : nous sommes nombreux à avoir des runes gravées dans nos côtes.

⸻ Pardon ?

⸻ Certaines agissent comme des radars à démons, d'autres nous suppriment des leurs.

Des tatouages internes qui confèrent des pouvoirs, donc... Après les ailes, ça ne paraît pas tant inconcevable. C'est terrible, mais je me fais à cette folie. Pire, je finis par trouver ces détails logiques, légitimes.

Je me résigne à passer sur le billot, ne désirant pas retarder notre traque.

⸻ C'est qu'il y a de la raison dans cette petite tête, murmure Chad.

Je plisse le nez en une mimique appuyée d'un « ah.ah.ah. » persifleur. Il se concentre, réduit la distance entre nos corps. L'acier se met à briller et l'ange s'en sert pour me sonder, comme si je passais au détecteur à métaux.

⸻ Ne bouge plus...

Son souffle dans mon cou me paralyse. Littéralement. L'appréhension gonfle en mon sein et me voilà assaillie de picotements de plus en plus désagréables. Je veux reculer mais mes jambes ne répondent plus à mon commandement.

⸻ Chad, gémis-je.

⸻ C'est presque bon. Patience.

Mes yeux écarquillés suivent les ondulations lentes de la lame et les piqûres atteignent mes os. La chair de poule couvre mes bras paralysés et ma tête se renverse, secouée d'un hurlement qui vibre derrière mes dents.

⸻ J'y suis presque, tiens bon.

Des runes se tracent sans douceur dans mon squelette et je suis gagnée de vertiges. Une ultime brûlure vient sceller les symboles, les ancrer à mon anatomie. Je m'écroule. Telle une bête de rente, Chad m'a marquée au fer rouge. 

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