Chapitre 4 : Assaut

L'assaut était toujours un moment particulier. Ce matin là, ça n'avait pas été les obus qui avaient réveillés les poilus, mais un coup de sifflet lourd de sens.

Le sifflet, c'était l'ordre de monter à l'assaut. Louis avait bondis de son lit de fortune pour se préparer. Il enfila son uniforme, pris son fusil et s'en était partis. Jack le talonnait avec Paul alors qu'ils passaient tour à tour sur l'échelle pour quitter les tranchées.

L'instant où leur tête dépassait des trous grossiers dans la terre était aussi un de ces moments singuliers. Verdun n'était plus que terre retourné par les obus sur des kilomètres, toute végétation et villages alentours ayant disparue. Pourtant, ça faisait toujours quelque chose à Louis lorsqu'il sortait des tranchées qui étaient presque devenu sa vie. Ou sa survie, mais elles restaient le lieu de son existence actuelle et accessoirement l'endroit où il se sentait le plus en sécurité. C'était relatif puisque les tranchées ne les protégeaient en vérité que de peu de choses mais dans ce chaos infernal de la guerre, c'était beaucoup.

Les tranchées étaient le lieu du moins dangereux dans le dangereux. Forcément, ça rappelait une notion de chez-soi aux désespérés qui n'avaient plus que ça.

Louis vérifia qu'aucune balle ni obus menaçaient de venir s'écraser près de lui avant de se hisser hors des tranchées. Immédiatement, il pris cette fameuse position ratatiné sur lui-même où son buste se voutait pour rester au plus près de ses jambes. Son fusil armé entre ses mains, il n'attendait que Jack pour s'en aller dans la bataille. Ce dernier le rejoint rapidement et ils quittèrent Paul sur un signe de tête qui voulait tout dire.

"Crève pas."

Ils partirent tous, Jack et Louis d'un côté et Paul de l'autre. Le trentenaire avait pris l'habitude de partir seul à l'assaut et continuait sur la même voix. Le jeune homme se disait que Paul cachait ainsi son côté papa poule. Après tout, le bougre avait un bébé qui l'attendait et son pauvre âme de père pleurait de ne pas pouvoir être avec son enfant et sa femme pour l'élever. Jack et Louis étaient en quelque sorte devenus "ses grand garçons" sur qui il ne cessait de poser des yeux protecteurs. Ainsi, le jeune homme pensait bien que Paul ne voulait pas les suivre pendant l'assaut. Ça le tuerait s'il voyait qu'il leur arrivait quoi que ce soit. Il préférait avancer seul pour rester concentré sur la bataille et maximiser ses chances de revenir.

Sa famille l'attendait.

Mais c'était toujours lors des assauts que Louis ne pouvait s'empêcher de ruminer que les Boches aussi avaient une famille.

Les deux hommes passèrent comme ils le purent entre les barbelés alliés. Ces derniers étaient pathétiques, devenus de vrais étendoirs humains où les cadavres pendaient lentement dans un spectacle macabre. Leurs aînés les avaient prévenus ; les barbelés devenaient de véritables pièges impossibles à déjouer une fois pris dedans. Plus l'on essaye de s'y déloger et plus on s'y retrouve pris. Les plaies ouvertes de la tentative d'évasion se chargeaient alors de vider la victime de son sang jusqu'à ce qu'elle ne pende à son tour dans ce file de fer épineux. Au plus grand plaisir des rats qui profitaient des fin d'assaut pour faire la rencontre de leurs nouveaux repas.

Un obus siffla et s'écrasa à quelques mètres de Jack qui sauta au sol pour se protéger des projections. Ils avaient à peine quitté leur position près des tranchées que l'enfer des assauts était déjà aux aguets pour les saluer.

Louis se jeta dans la boue qui ne pouvait sécher entre deux pluies pour assister Jack. Il révéla son ami de toujours brusquement pour le remettre sur ses jambes et continuer leur course vers les positions ennemies. Ensemble, ils slalomaient entre les cadavres de précédents assauts qui se démenbraient sous les obus qui ne cessaient de tomber en continue. Un autre morceau d'acier mortel tomba à quelques mètres d'eux. Ils se jetèrent dans le premier trou d'obus pour éviter les répercutions et les éventuelles mitraillettes des ennemis. Jack et Louis entendaient les balles fuser en tous sens et les cris qui perçaient l'air laissaient entendre qu'ils touchaient parfois leurs cibles.

La fumée des obus retombait de plus en plus épaisse, les jeunes hommes reconnaissaient bien là un assaut habituel à Verdun. Plus le temps passait et moins il était possible de voir quelque chose. Jack et Louis ne discernaient déjà plus leurs alliés qu'ils savaient pourtant tout autour d'eux. Mais impossible de les voir dans cet air saturé de poudre noirâtre.

Les obus continuaient à tomber et les jeunes hommes à courir. Ils cherchaient les lieux où la fumée serait moins épaisse et où ils pourraient y voir quelque chose. Pour ça, ils avançaient courbés, armes en joutes, prêt à se jeter au sol à tout instant pour éviter les attaques. Pourtant, la fumée n'était pas la seule à devenir insupportable au fur et à mesure des assauts ; la boue l'était tout autant.

Jamais le sol de Verdun n'était sec et l'eau s'entassait librement dans les trous d'obus. Faute de verdure, elle fusionnait avec la terre déjà saturée en donnant lieu à une gadoue visqueuse dans laquelle les poilus s'enfonçaient jusqu'aux cuisses parfois. Très vite, ça devenait pénible d'avancer dedans, d'autant plus lorsqu'il fallait se jeter dans les creux où ils finissaient ensuite trempés jusqu'à la moelle si ce n'était pas encore fait.

Jack et Louis commençaient à fatiguer, complètement recouvert de boue. Cette même gadoue qui était sans aucun doute imbibé non pas que d'eau mais de ce sang omniprésent dans le No man's land. Un nouvel obus explosa non loin d'eux et les deux jeunes hommes se jetèrent contre un remblai de terre. Leurs respirations étaient lourdes et haletantes. L'effort pour simplement avancer parmi le sol boueux tout en esquivant la mort était titanesque. Ajouté à ça la fumée des obus qui opprimaient leurs poumons, ça rendait l'assaut terriblement éprouvant. Respirer devenait compliqué, bouger encore plus, et finalement, échapper à la mort parfois impossible.

Des cris agonisants transpercèrent l'air. Les obus s'étaient tu au profit des mitraillettes et du crépitement des lances flammes. Louis se figea. Ces détonations mortelles sonnaient tel les clairons de l'apocalypse à ses oreilles déjà saturées de l'enfer. Le supplice des malheureux que la vie quittait résonnaient encore et toujours de tous côtés. Face à eux, l'écho sans fin des balles qui paraissait être le rire même de la mort se régalant de ses repas à venir.

Louis cria à Jack d'enfiler sa protection face aux gazes. Le lance flamme était habituellement de sortie dans les tranchées. Les flammes permettaient les massacres à distance que les pauvre poilus enfermés dans leur terrier ne pouvaient pas fuir. Le lance flamme était donc une arme de protection principalement pour repousser les intrus. Ça voulait dire que les alliés avaient réussis à traverser le No man's land jusqu'aux tranchées adversaires. Et par suite de déductions, Louis se doutait que le gaz n'allait pas tarder à entrer dans la danse.

Leur lunettes et compresses bien attachés pour protéger yeux et appareils respiratoires, Jack et Louis se remirent en route. Ils avaient l'habitude de rester en arrière durant les assauts parce qu'ils ne supportaient tout simplement pas l'idée de tuer. Pourtant, c'était leur vie ou la leur, s'ils étaient obligés de tirer pour survivre, ils le feraient. Parce que Jack devait rentrer s'occuper de sa pauvre mère maintenant seule et Louis de sa famille qui l'attendait. Mais resterait alors pour toujours dans leurs esprits la réalité immonde qu'ils auront privé un homme comme eux du même droit. Les deux jeunes soldats restaient donc en retrait pour éviter de devoir tuer. La mort était partout quant à elle, alors ce n'était pas pour s'y protéger qu'ils restaient plus éloignés.

Jack tira sur la manche sale de Louis. Ce dernier compris qu'il devait suivre son ami d'enfance et le fit sans perdre de temps. Ils quittèrent le remblais de terre, espérant que les obus ne reviendraient pas tomber pendant qu'ils traversaient à grande enjambées le No man's land. La fumée était encore basse et ils couraient dedans, leurs pauvres poumons souffrant de devoir la respirer.

Les cris avaient diminués d'intensités, ressemblant plus à ceux exprimés sous la peur que sous la douleur. Les mitraillettes grondaient toujours cependant. Louis serra plus fort son fusil au bout duquel se trouvait un poignard, mitoyen au canon pour balle. Cette dague avait été pensé pour les cas de combats rapprochés, et le jeune homme avait honte d'avouer qu'il avait effectivement déjà eu à s'en servir.

Les deux coéquipiers avancèrent vers les tranchées ennemies, enjambant les trous d'obus encore fumant. Mais plus horrible encore, ils marchaient sur les morts. Jack trébucha d'ailleurs sur quelque chose de raide et dur, finissant la tête la première dans la boue une nouvelle fois. Pourtant, ni lui ni son ami ne cherchèrent à découvrir ce qu'était cette chose. Ils se doutaient déjà plus ou moins de son apparence et ça les rendait nauséeux.

Des bruits de pas précipités se dirigeaient vers eux. Louis attrapa le col de la capote de Jack pour le maintenir au sol alors que lui-même s'y jetait à son tour. Son ami en compris vite la raison et se tu complètement, allongé dans la boue en espérant être confondu avec les cadavres qui les entourait. Et en parlant d'eux, Louis échappa de justesse à la nauséeux en découvrant ni plus ni moins qu'un corps à moitié entouré sous la terre, complètement maculé de sang. La tête du malheureux était figé dans une expression terrifiée et ses yeux ternes semblaient le fixer, envieux que la vie soit encore chez lui. Une plaie grande ouverte lui ouvrait la joue où le sang avait fini par sécher pour former une croûte difforme sur cette peau terriblement blanche.

Louis accentua la pression de sa main sur la nuque de Jack pour garder sa tête vers le sol. Il ne voulait pas que son ami voit ça, lui-même décida de fermer les yeux en priant pour que la fumée les sauves d'un sort similaire au pauvre type crevé à côté. Heureusement pour eux, ils reconnurent très vite les voix de leurs camarades qui essayaient apparemment de distinguer quelque chose dans le chaos ambiant. Louis identifia la petite voix de Guillaume, le soldat terrifié qui essayait de faire valoir à un demi tour stratégique.

Immédiatement, les deux jeunes hommes se relevèrent du sol infâme pour les appeler. Leurs alliés les reconnurent à leur tour malgré un sursaut de peur et vint à leur rencontre au son de leurs voix. Ils évaluèrent chacun l'état des autres pour savoir ce qu'il était préférable de faire. Le groupe était composé de quatre hommes en plus de Jack et Louis dont deux étaient blessés ; un à la tête qui devait être assisté pour marcher et un autre au bras. La blessure semblait assez vilaine, sûrement le résultat d'un tir croisé qui avait mal atterrit. Le fait restait que le pauvre homme gémissait sa douleur à chaque pas et ne pouvait plus se servir d'une arme à feu.

Le plus logique serait de rapatrier les blessés mais dans tout ce chaos, ils ne pouvaient les laisser seuls à la merci d'éventuelles ennemis. Jack proposa rapidement qu'Arthur, un grand roux costaud raccompagne les blessés. A lui tout seul il saurait les protéger, il était reconnu entre ses pairs pour être fort. Il fallait dire qu'il était un militaire de carrière lui, contrairement à eux. Arthur comptait pour deux, c'était le plus logique qu'il soit celui qui se charge de protéger les blessés. Ça permettait à Louis, Jack et Guillaume de continuer en petit groupe et d'espérer pouvoir localiser d'éventuelles autres blessés.

La fumée des obus commençait enfin à se disperser avec le levé du vent. C'était l'occasion idéale pour pouvoir aider les victimes qui devaient attendre que quelqu'un les retrouve. Et de préférence, des hommes de leur camp, quoique, la mort pourrait aussi les soulager au final.

Jack, Louis et Guillaume n'avaient aucune envie de foncer vers les tranchées ennemies. D'autant qu'ils ne savaient rien de l'avancée de l'assaut et pourraient risquer gros en arrivant en retard. Ils se mirent donc d'accord pour partir à la recherche de blessés sur le champ de bataille boueux. Sur un signe de tête, ils laissèrent les deux pauvres hommes aux soins d'Arthur et partirent au pas de course.

Avec la fumée qui commençait à laisser apercevoir à plus de cinq mètres, Louis redécouvrit le ciel. Le plafond était bas, annonciateur d'une pluie prochaine. Ce n'était pas forcément une bonne nouvelle mais il ne pouvait rien y faire. Ses yeux bruns cherchaient parmi la boue et les corps raidis par la faux des éventuelles survivants. Ils n'avaient pas beaucoup de temps, la perceptive d'une contre-offensive des Boches pesants. Ils ne devraient pas tarder à rebrousser chemin vers leurs lignes dans le doute puisqu'ils ignoraient tout de ce qu'il se tramait à même dix mètres d'eux.

Les cris et les balles semblaient s'être tu mais ce n'était pas forcément de bonne augure. La guerre n'avait pas de lois, pas de règles. Tout pouvait arriver. C'était le jeu du plus chanceux.

Un gémissement étranglé attira l'attention de Louis sur sa droite. À quelques pas de lui était allongée une silhouette agonisante en uniforme. Ce dernier était recouvert de boue, rendant impossible la tâche d'en discerner la couleur. Mais le propre habit de Louis n'était guère vraiment mieux.

Le soldat souffrant était complètement recroquevillé sur lui-même, et le jeune homme en compris rapidement la cause. Le sang coulait abondamment du ventre du malheureux, se faufilant par traînées épaisses entre ses doigts pour finir au sol. La gadoue se teinta d'un rouge pourpre. Louis essaya de manifester sa présence en posant doucement sa main sur l'épaule de l'homme qui glapit en sentant qu'il n'était pas seul. Deux yeux bleus azurs s'ouvrirent pour fixer le jeune homme, clairement mut par le désespoir, la panique et la douleur.

Louis ne compris pas de suite l'origine de cette terreur qui ne partait pas des traits du malheureux. Il lui demanda l'autorisation pour l'examiner mais l'absence de réponse le fit douter. Plus loin, il entendait Jack et Guillaume qui portaient secours à un autre soldat trouvé. Il leur lança un coup d'œil en biais pour vérifier si tout allait bien pour eux. Ils restaient dans le no man's land, ils étaient au cœur même d'une zone de tuerie sans fin depuis plusieurs mois. Le danger était partout.

Et Louis le compris encore une fois lorsque ses yeux bruns tombèrent sur un casque tout près du corps de l'agonisant. Il se figea, saisissant la terreur du malheureux en fixant la pointe du casque. C'était celui des allemands, le soldat devant lui était un des Boches.

Un coup de feu retentit avant que Louis ne puisse réagir. Il se tourna prestement vers la source de la détonation et découvrit avec horreur que Jack avait loupé de peu une balle dans la taille. Son ami d'enfance s'était jeté dans la boue pour esquiver l'attaque du soldat qu'il avait essayé d'aider. Lui aussi devait être un allemand malgré l'absence de son casque. Son uniforme kakis suffisait à le dire et la terreur dans ses yeux traduisaient une peur terrible de la mort. Pour sûr qu'il avait dû croire que Jack voulait l'achever.

Ce fut Guillaume qui s'élança sur le blessé pour le plaquer au sol en le dérogeant de son fusil. Jack se releva pendant ce temps, fonçant sur l'allemand pour le maintenir au sol et l'empêcher de bouger. Louis fut soulagé de voir que ses compagnons n'avaient rien et que le blessé ne cherchait apparemment même plus à se rebeller. Il ne devait plus en avoir la force de toute façon...

Ses yeux retournèrent à son propre agonisant qui s'était aussi arrêté de gesticuler pour observer la scène. Il semblait terrifié qu'il lui arrive le même sort et redoutait apparemment qu'ils ne les tuent pour avoir chercher à le faire eux-mêmes. Louis inspira un grand coup avant de sortir sa trousse de premiers soins. Il rassembla les bases de la langue allemande qu'il avait appris ici et essaya de former une phrase. Le jeune homme demanda maladroitement au blessé de ne pas bouger le temps qu'il essaye de retirer la balle de son ventre.

Le blessé paniqua lorsque Louis s'aventura à écarter ses mains de sa plaie pour observer les dégâts. Mais finalement, il se laissa faire très vite, toujours méfiant mais trop épuisé pour se débattre de plus. Il observait le moindre fait et geste du français alors que Louis se démenait pour se souvenir de la procédure.

Le jeune homme sortit des bandages qu'il enroula juste en dessous et au dessus de l'impact de la balle. Cette dernière avait frappé à une phalange du nombril vers la gauche. Louis se souvint qu'il devait vérifier la respiration et le rythme cardiaque du blessé mais le saignement devenait trop important pour qu'il perde plus de temps. Il opta pour une manière absolument douloureuse mais qui pourrait marcher ; extraire la balle en espérant qu'elle ne soit pas trop profondément dans la chaire. Pour ça, Louis serra en même temps les deux garrots qu'il avait fait vulgairement après un regard désolé au blessé. Ce dernier lâcha un cris étranglé en saisissant le bras de Louis. Le sang jaillit encore plus de la plaie ouverte et le jeune soldat guettait le moment où la balle referait surface. Son bras était serré par la poigne du malheureux qui devait souffrir mille martyres en même temps.

Louis continua sa pression peut-être une minute avant d'apercevoir enfin un morceau de métal apparaître parmi le sang épais et foncé. Il retira la balle avec précaution en retirant les garrots pour appuyer directement sur la plaie. Il devait impérativement couper les saignements maintenant. Le jeune soldat appuya de ses paumes de mains sur les bandages, tout en les empilant avec des nouveaux dès lors que les précédents devenaient trop imbibés de sang.

Le blessé avait arrêté de gémir de douleur, il se contentait d'une respiration sifflante et périlleuse. Louis priait pour que ce ne soit que la douleur qui le mettait dans cet état et non la vie qui s'échappait de lui. Ils étaient peut-être ennemie sur le papier mais les poilus ici savaient tous qu'ils étaient dans le même bateau. Ce n'était pas d'eux que venaient l'idée de faire la guerre, eux n'étaient que des victimes envoyés combattre pour la sensation de grandeur des plus importants. Ils n'étaient que les victimes du besoin des grands à affirmer leur puissance.

La guerre leur avait au moins appris ça.

Louis se figea lorsque le blessé essaya de lui dire quelque chose. Son français était au moins aussi médiocre que l'allemand du jeune soldat mais il le compris quand même.

- "Merci."

La pluie éclata à ce moment là, en même temps que les sifflements des obus annonçant la riposte. Et toujours dans ce même instant, c'était le cœur de l'allemande qui s'éteignait.

- "Louis ! On doit y aller maintenant ! On va crever sinon !"

La voix de Jack traversa l'air en même temps que le premier obus de cette nouvelle salve explosa. Louis était déjà trempé, tant et si bien qu'il ne savait pas si c'était ses larmes ou la pluie qui coulait sur son visage. Qu'est-ce qu'il détestait la guerre, mais qu'est-ce qu'il la haïssait. D'un mouvement vif il attrapa le casque du malheureux pour le poser sur son torse maintenant sans vie. Il n'avait pas réussis à le sauver, il espérait cependant qu'il était maintenant en paix quelque part où la guerre n'existait pas.

Louis se retourna pour foncer au pas de course rejoindre Jack et Guillaume. Il vit de loin l'allemand de dos qui avait essayé de les attaquer, ou plutôt de se défendre. Lui au moins semblait avoir une chance de s'en tirer s'il marchait assez vite pour retourner dans sa tranchée. Le jeune homme essaya de penser qu'ils devaient aussi le faire, pour ce soldat allemand qui ne le pouvait plus.

Alors les trois français coururent dans l'étendue de terre retournée. Là où à chaque pas ils s'enfonçaient jusqu'aux genoux et ne se dégageaient qu'au prix de nombreux efforts. Ils avaient au moins la chance de ne pas se retrouver dans cette gadoue ; ce piège collant plutôt devant les mitraillettes ennemies. Si ça avait été le cas, ils étaient sûr qu'on les aurait loués pour faciliter autant leur travail, complètement embourbé dans la gadoue de terre, d'eau et de sang.

Les obus fusaient de nouveau de tous côtés alors que les cris reprenaient. C'était le chaos. Et Louis ne su même pas comment ils avaient fait pour parvenir à revenir dans leurs tranchées. Il se souvenait que de la vue macabre des corps à perte de vue sur son chemin avant d'être tombé dans son terrier.

La pluie et la chute continuelle des obus avaient ensemble continués près d'une heure. Après, ce n'était plus que l'eau qui tombait du ciel qui était restée. Les tranchées en étaient inondés et les poilus qui avaient attendus la fin de l'attaque assis contre les parois avaient de l'eau jusqu'aux épaules. Ils étaient véritablement à essorer lorsqu'ils purent enfin souffler.

Les généraux crièrent le droit de regagner leur couche à leurs soldats. L'assaut avait été lourd, chez les deux camps à ce que compris Louis d'un camarade complètement épuisé. Le prochain affrontement ne devrait arriver avant le lendemain au plus tôt. Ils avaient tous besoin de repos, les Boches compris.

Louis repensa à l'allemand qui était mort dans ses bras. Ça le désolait. Une boule inconfortable s'était logée depuis dans sa gorge, comme un sanglot étouffé. Jack avait au moins réussis à sauver son compagnon, il espérait simplement que ce dernier ne mourrait pas de la suite de ses blessures. Il méritait de vivre, autant qu'eux, qu'eux tous.

Ce fut le moral au plus bas que les poilus retournèrent dans leur terrier horriblement humide et froid. La pluie tombait toujours, accompagné des larmes des soldats. Ils pleuraient la perte d'un proche, ou la mort qu'ils avaient dû donner.

Louis retenu d'ailleurs de peu une maudite larme en apprenant quelques heures plus tard la mort d'Arthur. Le corps du fort soldat avait été retrouvé explosé par un obus, entouré des deux blessés qu'il avait essayé de sauver. Ils étaient tous décédés. Les survivants avaient essayés d'enterrer leurs dépouilles dignement au moins, pour éviter que les rats ne les bouffent mais ils se doutaient tous que cela était vain. Le prochain assaut les retirait de la terre de force et leurs pauvres cadavres n'en seraient que plus mutilés encore.

C'était la réalité de la guerre et plus particulièrement des assauts ; l'enfer sur Terre.

Louis ne trouva pas le sommeil cette nuit là.

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