Chapitre 3 : L'enfer du décor

Louis et Jack avaient rapidement vu de leurs propres yeux en quoi Verdun était comparable à l'enfer. Rien de bien compliqué lorsque l'odeur de la mort régnait partout comme si elle cherchait à montrer son omniprésence aux futurs cadavres. En parlant de ces derniers, Louis avait manqué de tomber dans l'inconscience en voyant le champ de corps glacés et raidis par la faux sans retour, maculés de sang et de boue. Pour les plus chanceux, ils étaient entiers. Pour les autres, ils manquaient régulièrement un bras ou une jambe, parfois même la tête qui avait explosé à quelques mètres de là.

Pourtant, le pire restait peut-être que Louis et Jack, comme les nouveaux arrivants, s'étaient rapidement habitués à cet enfer. Ils y avaient été obligés, certes, rien que pour ne pas devenir complètement fou, mais ça paraissait abominable de dire s'être accommodé de ce spectacle macabre.

Louis le répétait souvent pour lui-même dans son esprit, comme une prière pour se dire qu'il n'était pas encore totalement sombré dans la folie.

Heureusement, Jack était toujours à ses côtés. Lui et même Paul, un soldat des classes précédentes qu'ils avaient rencontré en arrivant dans les tranchées. C'était un brave homme, un de ceux qui avaient réussis à prendre un certain recul par rapport à tout ici. Il souriait de ses dents sales lorsque résonnait le coup de sifflet et l'appel à l'assaut. Il rigolait même lorsqu'il en revenait, couvert de sang et de boue mais fier d'être là "pour pouvoir fumer encore une fois".

Paul était indéniablement un gros fumeur, mais c'était le cas de tout le monde ou presque dans les tranchées. Il leur fallait bien de quoi se remonter le moral entres deux assauts ; les cigarettes étaient populaires.

Paul leur avait d'ailleurs raconté qu'il y a encore un an, les poilus étaient autorisés à boire de l'alcool pendant les temps de pauses. Ça avait cependant été interdit plus tard lorsque leurs brillants commandants avaient remarqués que les soldats étaient tous ivres en partant à l'assaut. "Ça ne devait pas être beau à voir, disait souvent Paul, quoique, peut-être qu'ils mourraient sans trop de douleur grâce à ça, finissait-il dans une réflexion pour lui-même en tirant une bouffée de sa cigarette".

Louis et Jack étaient d'accord. Ça paraissait abominable comme réflexion ; se réjouir de la mort en un certain sens. Mais c'était la réalité, et à défaut de pouvoir jouer dessus, les soldats ici jouaient sur leur façon de la voir. Les nouveaux arrivants l'avaient tous compris en un jour seulement.

Leurs aînés ne parlaient pas des combats. Ils discutaient de leur provinces de naissance, de la vie qu'ils y menaient avant d'arriver ici. Lorsqu'ils étaient trop fatigués pour parler, ils s'échangeaient des cigarettes où jouaient à des jeux de cartes pour faire passer le temps. Même le sommeil leur faisait peur ; horrible révélation lorsqu'il était pourtant là clef pour récupérer physiquement et mentalement. Mais les poilus tenaient tous les mêmes propos ;

"Dormir est une chance de plus de se risquer à revoir nos morts."

Les cauchemars évidement, voilà ce qui terrifiaient les poilus. La réalité était déjà assez dure à supporter, alors le sommeil et ses doux rêves auraient dû pouvoir les en extirper. Pourtant ce n'était pas le cas. La mort de sa senteur oppressante et asphyxiante était tellement partout qu'elle les suivait jusque dans leur sommeil pour le transformer en torture.

Les poilus cherchaient à fuir la triste réalité. Ils ne la niait pas, terrible erreur qui pourraient les rendre fous. Non, simplement ils essayaient de l'éloigner au moins un peu d'eux, juste pour souffler, pour plaisanter, pour chercher ce petit semblant de joie qui semblait ici mort et enterré mieux que les cadavres. En parlant de ces derniers, Louis n'était même pas sûr qu'on puisse les décrire comme enterré. Faute aux obus qui s'amusaient sans cesse à les déterrer, à les démembrer comme si la faucheuse n'avait pas déjà été assez douloureuse. Avec les corps qui remontaient à la surface aussi vite qu'ils avaient été recouverts, c'était comme si la mort en personne cherchait à leur montrer que c'était bientôt leur tour. Il ne faudrait pas l'oublier après tout.

En cet instant, les poilus étaient au repos. Le précédent assaut s'était terminé il y a quelques heures et chacun profitait d'être retourné dans les tranchées pour revenir auprès de leurs amis et discuter avec eux. Louis n'avait pas eu ce problème puisque lui et Jack restaient collés tout le temps ou presque, même pendant l'assaut. Ils partaient toujours ensemble et revenaient à deux.

Les amis d'enfance se glissèrent dans ce qui leur servait de chambre ; une pièce creusée dans la terre comme l'entièreté des installations ici. C'était vide si ce n'est les six couchettes qui servaient pour les dix hommes dormant dans ce terrier de six mètres carrés. Louis et Jack profitèrent d'être pour une fois les seuls présents en se laissant tomber sur les lits. Ils pouvaient s'étirer comme ils le voulaient, c'était si rare !

- "Paul a dit qu'il nous rejoindrais plus tard, expliqua Jack en bâillant, ses yeux noisettes se cachant sous ses paupières."

Louis se contenta d'acquiescer en se redressant. Le prochain assaut n'était pas prévu pour tout de suite alors il pouvait bien retirer son fusil et ses bottes pleines de boue. Ou de sang, ou les deux d'ailleurs. Il devait être presque l'heure du déjeuner maintenant, leur repas ne devrait plus tarder à arriver. Le réveil de ce matin ci avait été les obus ennemis mais ça devenait une habitude. Le chant des oiseaux paraissaient loin, et enterré dans leur terrier comme ils l'étaient, ce n'était pas non plus le soleil qui allait les réveiller doucement.

Comme prévu, leur déjeuner arriva dans les minutes suivantes. Plusieurs livreurs étaient chargés de traverser toutes les tranchées du front pour leur apporter leurs repas. Et bien qu'ils ne participaient pas directement aux combats, chacun avait conscience que c'était peut-être bien eux les éléments essentiels ici. Louis et Jack l'avaient vécu lors d'un assaut particulièrement violent. Il avait duré des heures et des heures sans que leur ration de survie ne leur soit délivrée. Ils découvrirent plus tard que leurs livreurs avaient été tués par des obus en essayant de venir les rationner. Et avec la peur, l'intensité de concentration des combats se prolongeant sans en voir le bout et la faim en prime, ça avait et tout d'un véritable enfer.

Les livreurs détenaient leur vie entre leurs mains. Eux qui devaient courir depuis les lignes arrières jusqu'à celles du front sur plusieurs kilomètres près de deux fois par jour. Eux qui traversaient les champs labourés de creux et de bosses même sous des torrents de pluie et parfois d'obus. Eux qui courraient même de nuit, chargés de tous ces gobelets métalliques contenant littéralement la vie de leurs congénères se battants pour la survie générale.

Reposaient sur leurs épaules le poids colossale de la guerre entière. S'ils ne parvenaient pas à alimenter les lignes de fronts, alors c'étaient leurs camarades qui allaient mourir de faim. Les lignes allaient alors reculer jusqu'à ne plus le pouvoir et se faire massacrer à leur tour. Mais derrière les soldats, qui y avaient-ils ? Leurs familles, leurs amis, leurs vie d'avant et celle qu'ils espéraient retrouver après. Rien de tout cela ne leur parviendrait si les livreurs mourraient avant d'avoir pu les rationner tous.

C'était en les voyant que Jack et Louis s'étaient presque estimés heureux de n'être que des soldats lambdas.

Paul les rejoignit au moment des distributions de repas. Le bonhomme était assez impressionnant ; large d'épaules, costaud et grand. Sa mâchoire était brute et musclée et ses sourcils bruns épais. Sa barbe était assez longue, plus que celle des autres poilus qui ne pouvaient guère se raser. Paul aimait à repérer que sa barbe était voulu et qu'il en était très fier qui plus est. Son rire lorsqu'il disait cela résonnait dans sa gorge au timbre grave d'un trentenaire alcoolique.

Le personnage était assez intimidant de par sa carrure et sa forte voix mais Jack et Louis avaient appris à l'apprécier. Paul les avait pris sous ses ailes à leur arrivée lorsque les mots de leur Supérieur les avaient complètement tétanisés.

"Vous êtes venus ici pour crever."

Encore trois semaines plus tard, les deux soldats s'en souvenaient. Ils étaient arrivés à Verdun trempés et terrifiés à l'idée de devoir combattre. Avec ces mots, ils avaient pris les armes complètement pétrifiés de terreur pure. Dans leurs veines ne coulaient plus que l'appréhension de la mort ; que ce soit de celles qu'ils pourraient prendre ou de la leur qui pourrait les quitter.

La vérité et son amie la réalité avaient fait alliance pour que dès leur première journée au front, les soldats goûtent à sa pire saveur.

"Vous êtes venus ici pour crever".

"Ici, ce sont les ptits nouveaux qui crèves en premiers. Si les autres ils sont encore là c'est bien qu'ils s'y sont habitués. Alors que vous, vous ne connaissez rien de la guerre."

"Vous verrez les ptits, on s'y habitue vite aux bruits de obus. A la fin, vous aurez l'impression qu'ils vous bercent."

"Ce qu'on fait pendant l'attente ? On essaye d'oublier"

"A quoi on pense en montant à l'assaut ? A rien, faut pas je vous assure. Essayez déjà de rester en vie, vous verrez pour le reste après. S'il y a un après d'ailleurs."

"Bonne chances les nouveaux. Revenez. Et en vie se serrait encore mieux."

Jack et Louis s'étaient effectivement habitués assez rapidement. Ça ne voulait cependant pas dire qu'ils s'y plaisaient, certainement pas. Tout était pourri ici, jusqu'aux repas ; une bouillie infâme et informe sans goût si ce n'est celui de ferraille. Un plat immangeable qui ne changeait jamais. Ils ne pouvaient en être heureux qu'après avoir été privé de toutes nourritures et laissés affamés.

Une autre de ces particularités dans ce quotidien rythmé par les coups de sifflets et les obus qui tombent.

Jack avala sa pâté pour chiens, comme les poilus l'appelaient, sans mâcher. Ils avaient pris l'habitude d'avaler sec la bouillie pour ne pas supporter son goût trop longtemps. Heureusement qu'ici ils ne manquaient jamais d'eau pour au moins essayer de chasser le restant du repas de leur palais. À Verdun il pleuvait deux jours sur trois, ils avaient plutôt trop d'eau que pas assez. Les trois hommes burent ensemble dans leur gourde en finissant ce piètre repas désespérant.

Ce fut Louis qui se proposa ensuite pour rapporter leurs gamelles. Le jeune homme aimait assez avoir l'opportunité de se promener après avoir manger, encore plus s'il pouvait le faire sans le bruit des obus et de la pluie qui tombent. Aujourd'hui semblait un jour heureux et il en profita.

Il sortit de leur terrier commun et fut presque aveuglé par le soleil de midi que les nuages laissaient percevoir. Le jeune homme pris à droite toute en avançant dans les tranchées étroites et boueuses qui étaient devenues sa vie. Comme à l'accoutumé, Louis rencontra des congénères sur le chemin avec qui il marcha. Parmi eux se trouvait un homme de son âge nommé Gustave ; un blond aux yeux verts assez menu. Il était très timide malgré la guerre qui les avait tous rapprochés de force. Il ne parlait presque jamais et encore moins de lui. Un gars mystérieux mais sympathique. Louis était presque attendrit lorsqu'il le voyait trembler en tenant son fusil quand le sifflet du départ à l'assaut retentissait. Lui ne tremblait plus, et il ne saurait dire ce qui était le mieux.

Le petit groupe d'hommes marchèrent ensemble dans la gadoue plus ou moins épaisse par endroit. Ils ne parlaient pas, profitant du silence qui pour une fois se laisser entendre. C'était agréable. Seul le cliquetis des gamelles en ferrailles coupaient de manière rythmé le calme.

Ils croisèrent d'autres poilus encore sur la route ; soit en marche pour rejoindre leur poste ou leur chambre, soit assis sur les quelques estrades de bois dans les tranchées. Ils fumaient ou jouaient aux cartes, d'autres s'étaient endormis, leurs fusils tout collés contre eux comme s'ils avaient peur qu'on le leur vole. Peut-être que les rats pourraient le faire effectivement, vu leurs nombres dans les tranchées et la vitesse avec laquelle ils pullulaient, ce ne serait pas forcément choquant.

Louis déposa les récipients en ferraille dans un terrier plus grand que les autres, celui qui servait à la récupération des gamelles et ustensiles divers. Un autre dans le même genre se trouvait plus loin, il servait pour sa part aux généraux pour discuter des prochains assauts et de la logistique.

Aussitôt sa tâche terminée, Louis repartis rejoindre Jack et Paul. Il aimait se promener certes, mais le jeune soldat préférait tout de même rester avec son ami de toujours. Il tenait énormément à lui et ça lui arrivait d'angoisser lorsque Jack n'était plus à ses côtés. Pas pour sa propre personne, mais bel et bien pour son coéquipier. Si la guerre leur avait bien appris quelque chose c'était que la mort n'était pas simplement l'amie qui les attendait à la fin du voyage qu'était la vie. Non, elle était une réalité, d'origine ni négatif ni positif, juste une réalité qu'il fallait accepter. Pourtant, elle était devenue une bête assoiffée de sang grâce à la barbarie des hommes. Et au lieu de les attendre lorsque la vieillesse aurait frappée, la fâcheuse était venue les chercher.

Elle les attendait au tournant. C'était peut-être le plus terrifiant ici.

Louis n'y résista plus et succomba à l'envie de gratter son crâne. Les poux étaient au moins aussi omniprésent que les rats dans les trachées, comme des vieux camarades collants. Les poilus se refilaient ces insectes qui leur bouffaient à tous le cuir chevelu jusqu'au dos même. Les démangeaisons étaient permanentes et les pauvres soldats finissaient par aider ces bestioles à sucer leur sang des plaies ouvertes. Le manque d'intimité avec son espace vitale était flagrant dans ces terriers pour humains. Bactéries, poux et compagnies en profitaient bien au grand damne des malheureux déjà privés de toute forme d'hygiène. Ils ne pouvaient se nettoyer que sous la pluie quotidienne de la région mais sans savon et avec la boue et le sang qui leur collaient ensuite à leur capote, ça n'était pas d'une grande utilité.

Louis se permit un soupir lasse, presque désespéré. Il avait écrit hier à sa mère et ses cadets. Pierre, Jean et Luc avec la petite Marie avaient bien grandis de ce que sa chère mère lui avait dis. Le jeune homme avait eu un petit peu de rancœur à ne pas avoir pu les voir continuer de grandir mais il savait que c'était pour le mieux. Lui était partis à la guerre, il ferait cependant tout son possible pour qu'aucun de ses cadets ne doive le faire. La mort de leur père avait déjà dû leur peser assez. La triste missive était arrivé il y a deux semaines ; leur paternel était mort et personne n'avait pu retrouver son corps.

Louis l'avait su quelques jours après, et immédiatement il avait maudit le ciel entier pour ne pas pouvoir être auprès de sa famille. Lui qui voyait l'enfer de la guerre s'était assez bien douté que son père n'y survivrait pas indéfiniment, il s'y était préparé. Mais pour ses cadets ça avait dû être abominable à entendre, et pour sa pauvre mère aussi.

Alors parce que tout ce qu'il pouvait faire était de leur écrire, Louis leur racontait sa vie au front. Il ne mentionnait jamais Verdun ni la triste réalité de sa condition. Il parlait plutôt de comment il allait, des quelques fois où ils réussissaient à gagner quelques mètres ou kilomètres face aux Boches. Il n'hésitait pas à parler non plus de Jack. Le malheureux avait perdu son père lors de son enfance d'une maladie, puis son frère aîné dans cette maudite guerre il y a un mois déjà. Ne restait plus que sa mère maintenant.

Jack ne s'en était jamais plaint, alors Louis faisait de même bien que c'était dur. Son ami d'enfance lui disait toujours que lorsqu'ils rentreraient enfin, ils iraient ensembles sur la tombe même vide de leurs défunts. Ils s'en voulaient assez de ne pas avoir pu participer à leur enterrement.

Louis sursauta en entendant des cris venir de l'autre côté de la tranchée. Immédiatement il se raidit. Le jeune homme avait évidemment pris son fusil avant de partir et sa capote était entièrement mise. Son casque était bien serré sur sa tête, il était prêt à faire face en cas d'attaque surprise ennemie.

Les cris continuèrent à fuser en face de lui mais aussi de derrière maintenant. Il reconnaissait dans les voix dans son dos celle de son général qui hurlait aux soldats de s'écarter et de ne surtout pas aller voir ce qu'il se passe. Louis ne compris pas immédiatement pourquoi. S'ils se faisaient attaquer, ils devaient riposter, ils risquaient de perdre cette tranchée sinon. Et ça signifiait bien exposer toutes les lignes arrières aussi.

Il se fit bousculer par des poilus courant pour fuir les cris d'agonies. Ça permis pourtant à Louis de relever assez la tête pour voir une épaisse fumée claire mais opaque s'étendre en face de lui.

Du gaz...

Louis n'avait pas pris ses lunettes ni ses compresses pour résister au gaz. Il devait absolument aller se mettre à l'abri pour éviter d'être intoxiqué. Les Boches avaient une avance non discutable sur le plan de la physique face à eux. Les Alliés ne pouvaient rien faire, si ce n'est les copier finalement. Mais le jeune homme resta figé.

Jack et Paul, ils étaient vers les cris, et ils n'arrivaient toujours pas. Louis paniquait, il devrait s'enfuir et écouter son général mais il ne pouvait pas laisser ses amis sans aide. Les cris continuaient à résonner dans ses oreilles et son corps à se faire bousculer par les responsables. Mais Louis refusait de bouger. Ils s'étaient promis avec Jack de rentrer ensemble. Il ne pouvait pas rentrer tout seul, ça n'aurait pas de sens.

Alors il courra, son fusil près à tirer sur le premier ennemi qui menacerait la vie de ses coéquipiers. Louis se fraya un passage dans la masse de poilus alliés courant se mettre à l'abri. On le traitait d'idiot inconscient sur le chemin mais il n'en avait que faire. Le jeune homme monta sur une estrade de bois normalement laissé au tireur pour avancer plus rapidement et essayer de trouver Jack et Paul dans la masse qui se réduisait. Les derniers poilus à fermer la marche avaient revêtus leurs masques à gaz de fortune. Louis espérait que ses coéquipiers seraient parmi eux.

Un sifflement perçant trancha l'air. Louis jura. Les Boches leur sortait le grand jeu ; les gazes en entrée puis les obus. Avec ça ils étaient mal barrés. Un rire nerveux le pris, accentué par son angoisse de ne pas retrouver Jack et Paul. Les cris s'étaient arrêtés, ne s'élevaient plus que des échos de toux grasses que Louis devina être des crachats de sang. C'était devenu fréquent sous l'effet des gazes.

L'obus qu'il avait entendu arriver s'écrasa une minute à peine plus tard, explosant à quelques mètres de leur tranchée et propulsant terre et pierres en toutes direction. Un galet d'au moins quatre cents gramme atterri directement sur le casque de Louis qui s'était mis en hauteur sur l'estrade de bois. L'impact l'envoya au sol, dans la gadoue et il fut sonné pendant plusieurs seconde. Lorsqu'il reprit ses esprits, d'autres obus tombaient encore et encore au dessus de lui. Pourtant, il sourit en se relevant. Un groupe d'hommes en uniforme bleu arrivait vers lui avec en-tête, deux visages masqués qu'il reconnaissait tout de même.

Jack se jeta dans la boue pour soulever Louis en le traitant par la même occasion d'imbécile fini. Le jeune homme eu un rire gêné, s'agrippant au bras de son ami pour courir vers la sûreté. Les retardataires arrivèrent auprès des leurs rapidement, sous la pluie d'obus qui continuait à tomber. Les généraux avaient déjà pris en main la défense et heureusement pour eux, le vent était tombé et les gazes ne pouvaient pas se propager vers eux.

Les blessés et intoxiqués furent mis derrière les soldats en état qui faisaient barrage. Jack insista pour que Louis aille s'y réfugier en voyant une coulure de sang épais et sombre le long du visage de son ami. Mais le jeune homme savait être têtu et l'essuya avec sa manche. Il était costaud et pas encore assez amoché pour se retirer. Il restait.

Ni Paul ni Jack ne purent l'arrêter et ils finirent entassés ensemble contre les autres poilus. Assis tout au fond des tranchées, ils prenaient les sacs d'armes de certains pour les mettre sur leurs têtes. La terre et les pierres tombaient sous les explosions en continuent des obus. Tant et si bien que ce fut le cas toute l'après-midi, pendant près de trois heures durant. Un légère césure se fit sentir avant que la pluie d'obus ne reprennent.

Louis ne savait plus combien d'heures étaient passés mais lorsque les explosions s'arrêtèrent enfin, la nuit tombait.

Une patrouille était partis vérifier si le gaz était bien dispersée dans la zone concernée avant que les poilus puissent regagner leur terrier. La journée avait été plus qu'éprouvante et c'était le moral bas que chacun s'en était retourné à l'attente du prochain réveil terrible.

Louis, Jack, Paul et les autres poilus de leur renfoncement ne firent pas exception. Le couché fût dramatique, ils n'eurent même pas de leur bouilli infâme. Les livreurs avaient dû être tués sur le chemin.

Le jeune homme décida d'essayer de dormir au plus vite pour ne pas y penser. Mais la toux grasse de ses camarades le tenu plus au moins éveillé. Et ce fut vers une heure du matin ce jour là que Louis se réveilla à l'entente d'un chant qu'il commençait à bien connaître.

Ce n'était que quelques phrases que les poilus murmuraient pour eux-mêmes les fois où même l'envie de continuer à vivre avait disparue.

Parce qu'ils étaient après tout les condamnés de cette guerre idiote.



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