Chapitre 8


/!\ ATTENTION /!\
Ce chapitre contient des scènes de Lemon (scène à caractère sexuel explicite) si vous n'aimez pas ça rien ne vous oblige à lire, vous pouvez passer la scène !

Point de vue Sun :

Je fronce les sourcils, me frotte les yeux, jette un coup d'œil autour de moi. La pièce est plongée dans le noir mais il y a la petite lampe de chevet qui est allumée, donne un air tamisée à la pièce. J'ai pas de lampe de chevet à la maison, dans la chambre. Quand j'y ouvre les yeux, c'est comme si je dormais toujours ; je ne vois rien. L'obscurité elle appuie sur ma bouche et mon nez, m'empêche de respirer, m'étouffe. Comme si elle non plus elle ne voulait pas de moi, ne me laissait même pas le loisir du m'y cacher, de tout cacher, moi, le moi intérieur, le moi extérieur ; non elle veut rien cacher, elle est même encore plus dangereuse que la lumière. L'obscurité elle en cache un tas, de secrets. Mais ici je vois, je vois tout dès que j'ouvre les yeux. Dans une ambiance confortable, et c'est agréable, comme l'impression de savoir, et il y a bien des fois où l'impression de savoir elle donne surtout l'impression de pouvoir, même si ce n'est pas toujours vrai. Des fois comme cela, où il suffit d'une impression pour se rassurer, se calmer, retenir tout ce qui se passe dans la tête et dans le cœur, des choses incompréhensibles, souvent.

Il y a les chiffes 2h46 qui clignotent en rouge sur le réveil. C'est la nuit. La première nuit ici. Je me hisse hors du lit, traverse la pièce pour en sortir et rejoindre la salle de bain pour aller aux toilettes. Mais je m'arrête au beau milieu du couloir, mine frustrée, sans vraiment trop savoir ce qui m'a vraiment réveillée, réveillée pour de vrai. J'entends des bruits, encore, qui proviennent de la chambre, celle de Madame Robert ; de toute façon il n'y a personne d'autre dans cette maison. Mais ce sont des bruits que je n'identifie pas encore bien ; un peu les mêmes que la veille, on dirait, et j'inspire discrètement, « c'est pas vrai, encore ? » je me dis. C'est sans doute un autre homme, en plus, cela ne peut pas être encore Harry, pas vrai ?

D'un pas un peu pressé, un peu tendu et un peu rapide ; je m'avance vers sa chambre, et plus je m'approche plus la curiosité grandit en moi. Il faudrait faire demi-tour, Sun, et maintenant, je me répète : je n'ai rien à faire ici, en pleine nuit, à épier la vie intime de la voisine. Mais je veux savoir ce qu'il se passe, voir que ce n'est pas Harry ; cela ne peut-pas être lui, pourquoi serait-il reparti sinon ? Je refuse que cela soit deux fois, dans la même soirée, en plus.

La porte est entre-ouverte ; je vois la lumière à l'intérieur. Il me suffit simplement de passer légèrement la tête, juste jeter un coup d'œil pour vérifier que ce n'est pas le bouclé, et alors l'affaire sera réglée. Sa vie sexuelle à la voisine, sa vie sexuelle plus que mouvementée, je m'en fiche un peu, après tout. Mais pas quand cela le concerne lui. Sûrement pas lui. Je veux me l'accaparer, quitte à ce que cela ne soit seulement que pour une nuit. Moi aussi je veux avoir la sensation d'une éternité qui ne dure que quelques secondes. La durée ce n'est pas important, moi ce qui m'importe c'est de pouvoir le ressentir pleinement, je veux tout ressentir pleinement, lui, le monde, la vie, la joie comme la peine. Tout.

Je pose une main sur la porte, fais attention à ne pas faire de bruits, et tout doucement je m'approche encore pour mieux voir, tout voir. Alors je déglutis quand je l'aperçois de dos, reconnais parfaitement ses cheveux courts, bouclés, brun, en bataille, sa tête penchée sur le coté. Mon cœur il s'emballe et il dégringole à mes pieds. Il fait un boum fracassant mais le bruit il semble parvenir qu'à mes oreilles à moi, juste pour me rappeler qu'encore, il est en miette, que vite faut le remettre en état. C'est bien lui ; il est revenu, et la voisine et penchée devant lui ; je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passe.

L'embarras il me fige un peu, bloque mes muscles, ma poitrine, bizarrement je me dis que je dois ressembler à une statut, là tout de suite, raide et pâle, stoïque et joues froides. Mais cela ne dure pas bien longtemps ; parce qu'Harry il finit par se retourner vers moi, comme s'il savait que j'étais là depuis le début, qu'il m'avait senti, peut-être entendu, mais que peu importe, maintenant il me voyait. Je le fixe un court instant, j'essaye d'ignorer la situation troublante, j'essaye de me persuader que ce n'est pas possible ; je voudrais ne pas être là, je voudrais qu'il voit à travers moi, et pour de bon. Sauf qu'il se retourne complètement, me fixe moi, mon visage et mon corps, celui caché sous la même forme pyjama que le jaune, mais en rose. Rien de bien sexy. Je dois me faire violence pour ne pas baisser les yeux ; n'aggrave pas ton cas Sun, regarde pas en bas, regarde ses yeux, ils sont beaux aussi, ses yeux. Tiens toi sage, tu n'as que cela à faire, c'est ce qu'elle ordonne la misérable existence.

-Sun.

Sa voix rauque résonne résonne étrangement fort, dans toute la pièce, dans mes oreilles, dans toute la maison, il me semble ; les poils de mes bras se dressent.

-Reste pas là putain, viens nous rejoindre.

Mon cœur chute encore une fois, mon ventre l'accompagne, tous les deux ils restent bloqués en suspend pourtant, comme une envie inassouvie qui aurait bien besoin d'être satisfaite. Ma respiration s'emballe, mes yeux sont ouverts aussi grands que possible, ma tête remue de gauche à droite brièvement, difficilement je réponds :

-Seigneur non je... suis désolée, je voulais simplement aller aux toi-...
-Viens ici putain.

Il gronde, le tonnerre de sa voix interpelle l'orage de mon âme, et tous deux ils semblent être partant pour une danse sauvage. Timidement je m'avance vers lui ; ce n'est pas bien je sais mais je ne contrôle pas, j'arrête de contrôler, justement, je laisse aller, je laisse couler. On verra bien. Oui on verra.

La seule chose que j'essaye de faire, en revanche, c'est de garder mes yeux sur son visage, rien que cela, rien d'autres, pourtant j'ai envie de baisser le regard, de voir ce que je n'ai jamais vu, de voir comment il est, nu. Mais encore plus je perdrais mes moyens, et je ne les aies déjà pas, alors je veux éviter, je veux être encore capable d'apprécier, de parler, de dire tout ce qui a toujours été coincé dans ma gorge, n'en ai jamais sorti. Je veux tout lui dire à lui.

-Tu vas pas rester là à nous regarder, si ?

Ses grandes mains, ses doigts longs et fins, doux et étrangement rugueux à la fois, à cause des entraînements dans la forêt, de la force des coups contre les sacs de sables, agrippent mes hanches, me tire contre lui, et je la sens, divinement bien, la chaleur de sa peau. Je vois tous les tatouages, ils semblent un peu flou, c'est bizarre, alors je passe à autre chose.

-Harry, je -...

Je sens des mains glisser sur mes fesses, mais celles d'Harry sont déjà sur ma taille ; mes yeux doublent de volume quand je me rends compte que ce sont celles de Madame Robert, et je n'ai le temps de rien dire ; même pas d'exprimer ma stupéfaction par je ne sais quelle bruit, mot, ou geste, que la bouche d'Harry s'écrase contre la mienne. Elle ne m'offre aucun répit, aucune occasion de protester, elle m'offre le salut que j'ai tant demandé.

Oh Seigneur, délivre moi du mal, fais le vraiment, sinon, jamais je ne m'en sortirai. Je ferme les yeux, profite de l'instant, de sa bouche, de ses lèvres humides, mouillées, de sa salive qu'avec passion je me consume à goûter. Je profite mais cela semble lointain, cela va tout gâcher, je repousse l'idée, loin, plus tard on aura le temps d'y penser. Je ne sais pas comment embrassé, en tout cas pas comme il le fait, malgré le baiser avec Gabriel, malgré la démonstration de Jey'. Ce baiser là, celui d'Harry, il est bon, si bon, meilleur que ce que je pouvais imaginer. Un goût de menthe, mélangé aux fruits des bois ; cela me rappelle la forêt, je trouve ça agréable, alors me laisse m'abandonner.

Sa langue se faufile dans ma bouche, je glisse la mienne en même temps, suis son mouvement, le contact n'a jamais été autant établi. C'est ce contact divin qui fait se former dans le creux de mon ventre une boule étrange, la situation elle glisse d'entre mes doigts, veut se défaire, me laisser ici, mais la résistance s'en va avec quand il glisse ses mains sous mon tee-shirt, frôle la peau de mon ventre, je frissonne, sursaute bouche contre bouche lorsqu'il agrippe mes seins nus. A l'arrière sur le lit il me fait tomber, mes genoux tremblants de toute façon ne pouvaient plus me supporter. Je suis paralysée, par les muscles lourds d'excitation ; il en profite pour se hisser au dessus de moi, ses lèvres parcourant curieusement chaque centimètre de ma peau du haut. Il est curieux, Harry, terriblement curieux.

Il écarte mes genoux ; ma mine affolée le faire rire, la lumière reflètent sur ses lèvres scintillantes. Sa bouche caresse l'intérieur de mon genoux, s'attarde sur ma cuisse, me fait tressaillir, presque m'évanouir. Tout se passe trop vite, son regard est trop translucide, mais j'oublie quand sa bouche s'approche de plus en plus de la zone que je redoute, mes dents mordillant ma lèvre, rêvant que cela soit la sienne.

Le regard de la voisine me donne soudain presque l'envie de le repousser ; me rappelle que nous sommes trois dans la pièce, on est pas que tous les deux, lui et moi, et lui et moi, je le voulais tellement. C'est grotesque, hors de contrôle, je suis encore un pantin à qui on tire les fils, on me fait bouger, on me fait avoir envie, et le meneur de cordes n'est d'autre que Harry.
Ses dents, celles qui font de son sourire quelque chose d'exquis frottent contre ma peau et plus fort je mords ma lèvre, plus fort je souhaite la sienne. Toujours avec ses dents, il tire sur les rebords de ma culotte en coton, celle avec un petit ourson ; je me hais d'avoir évité les boutiques avec Jelena, de ne pas m'être donner l'occasion d'un cours de lingerie à acheter qu'elle m'aurait enseigné. Je sursaute un peu, tout tourbillonne dans ma tête, tout tourbillonne partout ; même la pièce. Il l'a fait glissé le long de mes jambes ; je sens sa bouche partout ; elle va même jusqu'à ma cheville, lentement.

Mes yeux se rouvrent brusquement. Ma main cherche précipitamment quelque chose de familier autour de moi ; je réussi à attraper l'interrupteur avec un fil de la lampe de chevet : ouvre la lumière. C'est la chambre autour, celle d'ami, pas de Madame Robert, et il n'y a aucun bruit. Ma poitrine se lève et se baisse ; respiration lourde et rapide. De mes doigts je me frotte les yeux, reviens peu à peu la réalité. C'était un fichu rêve ; rien de réel. Mes mains sont moites, je les passes quand même sur mon visage, comme pour me réveiller, comme pour oublier tout cela. Oublier la boule de plaisir et d'appréhension dans mon ventre, parce qu'elle, par contre, est réellement bien là.

Je n'ai pas besoin de regarder le réveil pour savoir si la journée a débutée ; l'heure m'est indiquée par les rayons du soleil qui tentent de s'infiltrer à travers les rideaux de soie beiges pour annoncer le jour, réchauffent ma peau déjà en feu, brûler par cet aveu purement rêvé. Je me lève à la hâte, rejoins la salle de bain. Il faut que je me rafraîchisse, prenne une douche froide, une longue douche froide. Autrement, l'histoire pourrait bien se répéter, et je ne peux laisser cela arriver. Quand j'y suis, dans la douche, je passe l'eau froid partout, sur la totalité de mon corps, et ma main libre se faufile automatiquement entre mes jambes sans que j'y pense forcément ; il faut juste faire diminuer cette boule dans mon ventre.

C'est ce qu'elle fait, mais je lâche tout de même un soupir de frustration ; je voudrais qu'elle s'évapore d'une tout autre façon. Une façon où on serait deux, sans Madame Robert, à l'idéal, où il pourrait me donner ma dose, et moi la sienne, on se compléterait et on serait assez rassasiés ; mais on recommencerait quand même, parce que cela doit être sacrément bon.

Je raccroche le pommeau de douche, rajoute de l'eau chaude, ferme les yeux et termine de me laver, traîne un peu sous la douche, me languit d'un moment qui ne semble ne jamais arriver.

Je descends une fois que je suis habillée, cheveux mouillés et raides plaqués au dos, derrières les oreilles, maquillage déjà incrusté dans la peau, efface les dernières marques de faiblesse qui s'en vont. Les marques de fatigue sur mon visage elles sont moins présentes que d'habitude ; ma nuit a été calme et reposante, malgré le rêve, ou grâce au rêve, je n'en sais trop rien, mais elle m'a procurée le plus grand des biens, un bien qui m'avait été enlevé depuis un sacré moment, et je m'en souvenais plus de ce que cela faisait de dormir d'une traite, sans se réveiller jamais pour cogiter et angoisser, pour se retourner dans le lit jusqu'au petit matin, l'impression d'être lourde et de devoir se traîner hors du lit, boulets de condamnés accrochés aux chevilles. Je veux que cette semaine dure, ne s'arrête jamais.

J'entre dans la cuisine ; la voisine est déjà levée et habillée, a dû utiliser sa salle de bain privée. Je lui souris, la fixe assez longuement, sûrement un peu trop puisqu'elle me demande si je vais bien. Je hoche la tête, lui affirme que oui, ça va, pas de soucis, et elle ?

-Oui, tout est dans le placard, tu peux te servir.
-Merci.

Je prends une tasse dans le placard, hésite un peu à me faire un chocolat chaud ; le chocolat on en a pas le droit, à la maison, et c'est dingue, je commence à me dire, parce que le chocolat, ça n'a rien de mal. Peut-être que ma mère est retournée à l'époque du commerce triangulaire, celui où on se servait de l'esclavage pour importer du cacao en Europe, ce genre de choses je crois, avec la canne à sucre. Cela me fait sourire amèrement ; elle serait capable, en plus, de sortir cette excuse sur le tapis, je l'entends déjà d'ici « Mon Dieu mais Sun ? N'as-tu donc jamais appris l'histoire de l'esclavage ? Ces pauvres noirs, tu te sens capable de manger sur leur dos meurtri? » Et j'aurai bien envie de lui dire « Mais moi aussi mon dos il est meurtri, maman, et pourtant tu continues d'y faire et d'y mettre pleins de choses, sur mon dos ». Je secoue la tête ; c'est ridicule.

J'attrape une tasse, m'en fait un de chocolat, malgré le fait que ma mère me crierait que je ne dois pas. Mais le sourire il revient quand je sens la bonne odeur qui s'en dégage. Je bois une gorgée, la savoure comme j'ai jamais savouré, la savoure avec un petit arrière goût de rébellion minime, mais un goût de rébellion quand même. Puis la boîte à sucre posée sur la table avec plusieurs sachets à l'intérieur m'intrigue, interpelle mon regard.

-Qu'est-ce que c'est ? Je questionne curieusement, interroge du regard Madame Robert.
-Oh, ce n'est rien.

Et elle s'empresse de refermer la boîte. Il y a un sachet qui se coince et se craque, de la poudre s'en échappe, s'écrase sur la table. Elle rassemble les grains de ses doigts.

-Des petites babioles.

Elle rit un peu ; un rire qui tremble un peu, un rire pas très sûr, même gêné, je hoche la tête, les sourcils un peu tordus ; n'y crois pas un mot, pourtant.

-Quel est le programme de ta journée, alors ? Elle change de sujet.
-Eh bien... Serait-il possible que je sorte ? Je la laisse faire ; elle est trop gentille de me laisser faire tout ce que je veux pour que je me mêle de ses affaires.
-Tu vas me le demander chaque fois ?

Elle me lance un regard amusé et je ris, affirme que oui, c'est sans doute ce que je vais faire.

-Bien sûr que tu peux, Sun.
-Merci beaucoup. En ce qui concerne mon programme, je pense simplement sortir avec ma meilleure amie.

Parce que oui, maintenant je crois que ça l'est un peu, Jelena, ma meilleure amie. Je crois surtout que j'en ai besoin, dans le fond, d'elle et d'un point d'accroche.

-Ah oui, tu as une meilleure amie ?
-En effet.

Et je ne dis rien de plus, ma relation avec Jey cela ne la regarde pas, je veux pas trop m'attarder sur le sujet de toute façon, elle comprendrait pas notre relation, surtout Jey tout court elle comprendrait pas, son caractère, sa façon d'être. Moi non plus des fois je comprends pas tout c'est vrai, mais va savoir, j'accepte. C'est pas le cas de tout le monde en ce qui la concerne. Les gens ils sont souvent mitigés face à elle ; soit ils l'aiment, soit ils la détestent. C'est quitte ou double. Pile ou face.

Puis mes parents ils sont pas au courant de mon amitié avec elle. Madame Robert je lui fais confiance, mais je voudrais éviter au maximum la possibilités de gaffes.

Elle sourit, moi je finis rapidement ma tasse, me brûle même à plusieurs reprises la langue mais c'est pas grave, tant pis, je me dis. Je jette un coup d'œil dehors en avalant quand même un verre d'eau pour soulager mes papilles, constate avec déception que le temps ne se prête pas au jeu. Le soleil, loin il est reparti se cacher, comme s'il avait eu connaissance de mon rêve, eu honte et m'en avait privé. La pluie s'abat lourdement sur la bâche déposée au sol dans le jardin ; fait un bruit du tonnerre ; les arbres se frappent entre eux, le Ciel gronde d'un air mécontent ; qu'est-ce que je disais ? Mais je l'aime bien aussi, ce temps, on est amis depuis le temps, on s'est habitués l'un à l'autre, il est plus souvent là que les beaux jours à Londres, de toute façon, avec moi, surtout. Mais c'est vrai que pour sortir, cela ne m'arrange pas grandement. Je tourne la tête et ouvre la bouche pour pouvoir m'adresser à la voisine, mais elle le fait avant moi :

-Je te conseillerais de prendre un parapluie par contre, j'en ai un dans le cagibi à l'entrée, tu peux te servir.
-Oh, c'est ce que j'allais vous demander, je vous remercie.

Je range soigneusement ma tasse dans le lave vaisselle et m'y précipite. Je tends les cordons de mon sweat, celui trop grand pour moi, pour qu'il me colle à la peau. Je dis au revoir et sort de la maison, déploie le parapluie au dessus de ma tête. Le vent il est fort, me transporte presque, et je lutte pour garder les pieds au sol, ne pas m'envoler au pays des merveilles. Pourtant ce que j'aimerais bien y aller, là-bas, mais Harry, pour moi, s'en est un meilleur de ticket d'accès direct. Je m'avance hors de la propriété, ignore ma propre maison, souris en sentant l'odeur de terre mouillée, l'odeur de la nature ; cette odeur là elle est excise, me fascine, parfois. Même si elle fait écho aux tristes jours passés à me noyer dans des torrents de larmes.

Je trouve que Londres offre tardivement son beau soleil, même proche de l'été, mais ce n'est pas vraiment dérangeant ; la plage ne se trouve pas à porter de vue, et personne ne peut la dévorer du regard, d'ici. Alors, bon. Moi j'ai l'habitude du goudron, neuf ou ancien, noir ou gris. Mes cheveux virevoltent dans tous les sens, je me les prends dans les yeux, dans la bouche, et cela me fait grogner d'agacement toute la route. Je marche plusieurs minutes vers le salon de tatouage ; la pluie tape toujours aussi fort contre mon parapluie, la rue est déserte de piétons et de circulation, mais les voitures stationnées sont nombreuses. Étrange, à à peine onze heures. Mais je peux comprendre ; le quartier n'est pas rassurant, on peut l'éviter facilement, le détour à faire n'est pas bien grand.

Je rentre, la respiration forte, les vêtements alourdis par l'eau ; j'ai forcément dû accélérer le pas, et mes jambes commençaient à être fatiguées de marcher aussi vite. Je replie correctement le parapluie après l'avoir égoutté dehors pour m'assurer de ne pas salir l'intérieur autour de moi, le pose dans un coin de la pièce. Mes mains glissent sur les cotés de ma capuche pour la refaire tomber dans mon dos ; j'ai dû la mettre en cours de chemin pour faire cesser le jeu de mes cheveux. Je les replaces au dessus du sweat que je porte, automatiquement le cherche du regard, lui, bêtement que lui.

Comme si l'ont s'étaient dit à demain la veille, comme si l'ont s'étaient dit hier qu'on devait se revoir. Que c'était dans les plans, écrits dans les agendas, planifiés dans les cerveaux, rappelés dans les téléphones portables. Mais Harry il tient pas d'agenda, il planifie rien, il n'a pas de plan, il fait, un peu comme Jelena, moi je suis la seule différente, la seule qui fait cela. Parce qu'évidemment, il est pas là, Harry. Je l'aurai vu, je l'aurai ressenti, s'il était dans la pièce. Il y a quelque chose qui m'aurait fait le sentir, je le sais. Pas une trace de sa démarche, celle digne d'un spectacle. Un véritable spectacle, je vous jure. Il faut le voir, Harry, marcher, s'en est tout un art assuré. Même sa démarche, c'est une chose qui fait de lui une personne grande et impressionnante, carrure d'un chef, posture d'une ombre qu'on aimerait clair.

Ça fait cela, Harry, quand il marche, comme l'obscurité clair du ciel, d'après Jelena. C'est elle qui me raconte comme il est, cet étendu de bleu au dessus de nos têtes ; moi je n'ai jamais vraiment osé relever les yeux, regarder et contempler. Je me noies déjà assez sur Terre, pas besoin d'en rajouter. Ses épaules elles bougent d'avant en arrière en rythme, un petit geste discret ; il faut le remarquer. Moi je l'ai remarqué, forcément, depuis le temps. Mais c'est beau, léger, contraste son pas lourd et menaçant, ses bottes, même par beau temps, qui caressent le sol au premier pas, puis qui d'un seul coup le claquent, rudement fort ; un clin d'œil haineux et nostalgique aux ténèbres qui semblent avoir entouré son être de cascades de laves et d'éclairs noirs.

Il n'est pas là. Il n'est pas là mais moi si, déçue. Moi autour des ivrognes levés tôt assis au bar, ou pas encore partis. Moi autour des filles qui gloussent, se sentent sans doute rebelles de sécher les cours pour venir se faire tatouer en cachette. Je secoue un peu la tête. Et au milieu de tout cela, Louis qui passe le balais, la mine renfrognée, des gens qui le charrient, lui lance des « Faut bien le tenir ce salon oh Lou ! » et je sourirais presque, amusée, moi aussi. Son regard tombe sur moi, c'était obligé, je suis posée là, fait tâche dans le décor. Je me sens idiote, tout d'un coup, à être là sans trop savoir pourquoi ; Jelena n'y ait même pas. Je m'apprête à attraper mon parapluie pour repartir quand sa voix m'interpelle.

-Eh toi ! Sun c'est ça ? Qu'est-ce que tu fous dans le coin aussi tôt ?
-Oh, salut. Oui, c'est Sun. Je souris poliment ; il a retenu mon prénom, pas tout le monde le fait, poursuis : J'étais, euh, venue voir si Harry était là...

Il fronce les sourcils, comme surprit, mais rien qu'un peu. Un petit rictus prend place sur le coin de ses lèvres. Moi j'ai fais le chemin jusqu'ici, le pas naturel, l'esprit concentré sur l'aspect des gouttes d'eau qui s'écrasent dans les flaques et tout autour, ce que cela ferait, à quel point cela éclabousserait, si mon cœur il tombait de cette façon là lui aussi, devenait recouvert de boue. Que le sang il pouvait plus passer, que le rouge il se verrait même plus : juste une pierre brune. Mes pieds m'ont conduits ici, mon corps tout entier il désirait voir Harry, aussi bien que cette nuit, alors j'ai obéis ; il n'y a pas que mon corps qui le voulait. C'est un peu comme la fatalité ; on ne peut rien contre. Elle arrive, bim elle chamboule tout, des fois on s'en rend pas compte, du moins pas tout de suite, c'est vrai. Ça vient dans un claquement de doigt et à peine on a les yeux ouverts que c'est finit. C'est ça, la fatalité. Comme cette journée.

-Non, il bosse pas aujourd'hui, t'as qu'à revenir une autre fois, ok ?

Il parle sans me regarder directement, échange plutôt un regard amusé avec un blond, n'essaye d'ailleurs même pas de s'en cacher de moi, d'ailleurs. Cette fois je remets ma capuche, n'aies aucune raison de rester plus longtemps ici. Du coin de l'œil, je les vois échanger des paroles muettes, je me tends avec la désagréable impression qu'ils parlent de moi, quand Louis bloque finalement ma main sur la poignet de porte.

-Attends. Je peux te donner son adresse, au pire. Tu la veux ?

Je tourne directement la tête vers lui, la capuche retombe ; j'entends quelqu'un pouffer de rire au loin, n'y porte pas attention.

Je le fixe un instant.

-Tu ferais cela ?
-Bah ouais. Il hausse les épaules. Pourquoi pas ? Harry aime bien la visite.
Son visage se tord derrière un sourire étrange. De mon coté, le pour et le contre je les pèses ; la balance elle penche vers le pour, et de loin.

Son adresse, je n'en demandais pas tant, n'y pensais pas du tout. Et le pour l'emporte sans difficulté.

Je le fixe un instant ; ce séjour depuis que je suis chez la voisine va de surprise en surprise. Son adresse ; je n'en demandais pas tant. Puis l'idée me vient en tête que c'est pas juste, après tout, qu'Harry ait pu voir là où je devais vivre, et que moi je n'en ai pas le droit. Moi aussi je veux découvrir où il vit, avec qui, comment. Là où il dort, là où il range son parfum, là où il mange, où il se déshabille, surtout. Même là où il fait l'amour : probablement un peu partout. Il y a une tonne d'hypothèses en images qui me viennent, un éclair bref et vif, qui me donne envie de savoir. Alors rapidement je hoche la tête, ne voudrais pas qu'il change d'avis ; j'aurai l'air ridicule. Je dis oui avec tellement de conviction que cela m'en donne presque mal au crâne, pressée d'y aller, là où j'aurai dû être depuis le début.

Et quand j'y serais, je pourrais lui raconter, ce qu'il y a la dans ma tête, là dans mon cœur comme chargée de plomb, là dans mon âme vêtue déjà d'un voile noire, celui qui affirme que si on continue comme cela, on y va tout de suite, sur le chemin de la mort. Et là, dans mon rêve. Il va me donner l'adresse, Louis, et moi je vais y courir. Lui bloquer le passage, à ce Harry, et le forcer à me faire revivre. Il a pas le choix. Parce que sinon j'essayerais de l'entraîner avec moi, pas question que je sois seule dans ma tombe. Pas encore toute seule. Elle me pèse, la solitude. C'est décidé. C'est décidé parce que le vase il est plein depuis longtemps, la dernière goutte elle est déjà tombée plusieurs fois, et maintenant ça déborde de partout, et le verre il fissure, prêt à se briser. Je suis prête. Ou enfin presque.

Louis attrape ma main, un stylo, y gribouille l'adresse et je prie en voyant son écriture pour réussir à le relire. Il manquerait plus que cela. Puis il me lâche. Moi je m'empresse de le déchiffrer. Ce n'est pas bien loin de chez moi, cela fait soulever mon ventre sans ma permission. Je suis peut-être déjà passée devant plusieurs fois ; ce n'est qu'à quelques rues.

Je reporte l'adresse dans mon portable, dans les notes, Jelena m'a fait voir comme on s'en servait, des notes, il n'y a pas longtemps. Elle souvent elle y marque que des bêtises, comme « Rentrer et déshabiller Jek » « manger et lui faire l'amour sauvagement » « se doucher et se laisser crever dans ses bras ». La dernière note une fois elle m'a fait tiquer, puis je me suis rassurée en me disant que ce n'était que sa façon de parler. Jey, quoi. Sans doute que crever dans ses bras, pour elle, c'est se prélasser. Puis je remets mon téléphone dans ma poche.

-Merci beaucoup, je te revaudrais sûrement cela.
-Et plutôt deux fois qu'une ouais !

Il sourit, on s'échange un regard entendu, du moins je crois, et je sursaute quand une alarme résonne, avant de me rendre compte qu'elle provient de ma propre poche. Je lâche un soupire de frustration, l'éteint rapidement en glissant mon pouce sur l'écran à l'aveugle, sans même le sortir encore de sa cachette. Mes yeux se ferment brièvement ; c'est pas vrai ! J'avais complètement oubliée. Hier, après le départ d'Harry, j'ai eu un coup de fil de Gabriel. Il avait été précédé de celui de ma mère et de la voisine. J'ai eu un peur peur après la soirée qu'on avait passé, de ce qu'elle aurait pu lui dire, et je me voyais déjà titubante de douleur près de mon lit, mais elle a gardée le secret, Madame Robert, s'est exclamée d'une façon faussement joyeuse, et cela semblait tellement réel que je me suis retrouvé impressionnée : « Sun est un ange, ne vous inquiétez pas, nous avons passé l'après-midi dans le jardin et tout s'est vraiment très bien passé ! ».

De son coté, Gabriel lui, voulait qu'on se voit aujourd'hui. Il disait que c'était important qu'on échange, tous les deux, qu'on communique et qu'on s'entende. Moi j'ai accepté ; il est pas méchant, il me prend du temps, c'est tout. Et je repousse autant que possible l'idée qu'il veuille qu'on parle en prévision de ce futur et stupide mariage.

L'alarme elle était faite pour ne pas me mettre en route trop tard. Je me disais hier que ça allait occuper une partie de ma journée. Mais hier, je ne pensais pas que je pourrais me rendre chez Harry, oui, chez lui. Et cela fait une très grosse différence.

Je regarde autour.

-Louis ? Est-il possible que je puisse utiliser un téléphone ici ?

Il lève un sourcil curieux vers moi, jette un coup d'œil à la poche dans laquelle est rangée mon portable à moi. Je l'ignore, n'aies pas envie de me lancer dans une explication qu'il, de toute façon, ne comprendrait pas. Mes parents ne savent pas que j'ai un téléphone, Gabriel non plus, et je ne voudrais pas prendre le risque de le perdre s'ils apprenaient la nouvelle. Je dois l'utiliser uniquement avec Jelena, puisque que de toute manière elle est mon seul contact. Et je gagne ; Louis laisse tomber, pas si curieux que cela, au final.

-Bien sûr, t'as qu'à aller voir Niall à l'accueil.

Je m'y avance après l'avoir remercié, et Niall, le blond, comme s'il n'avait pas entendu et sûrement pour m'embêter, me demande si j'ai besoin de quelque chose.

-Il faudrait que j'appelle quelqu'un, s'il te plaît.
-Tiens.

II me tend de quoi le faire et je prends.

-Essaye de faire vite quand même.
-Oui, je n'en ai que pour quelques secondes, merci.

Et je compose le numéro de Gabriel, sous son œil attentif. Je le connais déjà par cœur, son numéro ; contre ma volonté, ceci dit. Ma mère elle me l'a fait mémoriser avant de partir pour que je puisse l'appeler de chez la voisine, rester en contact, je suppose. Mais qu'est-ce que je m'en fiche, moi, de ce contact là. Je frémis d'impatience. L'adresse d'Harry, oui je l'ai, là gravé sur la main, dans la peau, encre noire sur pâleur sans vie d'un corps qui n'est autre que le mien. Je l'ai. Je pourrais y aller, tout simplement, m'abandonner à lui, à personne d'autre ; mains lentes sur mon corps brûlant encore de ce rêve, essayant d'apercevoir son âme, celle qui normalement devrait rayonner au fond de ses yeux verts. Mais le vide c'est tout ce que j'y ai vu, chaque fois. Pas l'once d'autre chose que d'un démon. Et c'est décidé, je veux fréquenter les démons ; qu'on me coupe les ailes, qu'on me bannisse en enfer.

Je ne sais même pas où Gabriel habite, et l'appeler pour le savoir éviterait qu'il vienne me chercher ici. Parce que ce salon, lui aussi il fait parti de mon petit jardin secret, celui dont je prends soin, celui que je conserve là quelque part dans mon cœur. Et moi je lui ai jamais donné l'autorisation propre d'y regarder. Celle de ma mère ne compte pas ; elle n'a jamais vraiment compté.

J'apporte le téléphone à mon oreille, m'éloigne un peu dans un coin reculé de la pièce, aussi loin que me le permet le fil du téléphone, parce que forcément il suit lui aussi avec la décoration vintage de l'endroit, un téléphone des années 90, ceux qu'on accroche sur les murs. La dernière touche finale qui te fais plonger dans un entre monde, à peine les deux pieds rentrés.

A l'autre bout du combiné, sa voix me parvient, elle ne me fait pas sourire, juste me dire comme ça qu'il est innocent, quand même, Gabriel. Mais l'innocence c'est la particularité des anges. Mais cette pureté jamais je pourrais l'aimer parce que même si je l'apprécie sûrement, dans le fond je ne l'ai pas choisi. Elle m'a été dictée, au point virgule près. Gabriel c'est juste une piqûre de rappel, celle qui dit, non non non Sun, tu dois obéir. C'est les souvenirs à travers les yeux.

-Bonjour ma belle, comment vas-tu ?
-Je vais bien merci, et toi ? Je lui laisse à peine le temps de répondre, m'en fiche un peu en réalité, et je sens presque une pointe de culpabilité pointer le bout de son nez. Est-ce que tu peux m'envoyer l'adresse ?
-Je vais bien également. Je viens directement te chercher, tu es chez ta voisine ?
-Non ! Cela sort comme un peu trop précipité de ma bouche, me dit que cela soit sembler suspect, plaque ma main dessus et remue légèrement la tête. Non, je veux dire... je suis chez une amie... Dis moi juste ton adresse, et j'arrive de suite.
-Oh, d'accord.

Lentement, il prononce le nom de la rue, le numéro, m'explique l'emplacement. Moi j'ai un peu la tête ailleurs, là-bas coincée avec Harry, l'humeur farouchement étrange. Puis il conclue par un « tu me manques », et son sourire il se fait ressentir, me fait surtout me pincer l'arête du nez entre mon pouce et mon indexe. Je ne comprends pas. Le manque il vient pas comme cela, d'une personne, n'est-ce pas ? Du moins pas de deux personnes d'un même milieu, d'être semblables, car qu'est-ce qu'il peut bien manquer quand on connaît tout, absolument tout, de la lettre A à Z. Quelque chose qu'on a déjà ne peut manquer. Lui ne me manque pas. Moi, c'est la vie qui me manque, irrémédiablement. Tous les deux on se retrouve dans la religion, on le fait pas forcément exprès mais on y est, moi bloquée, lui aimé. Alors cela me ramène à Harry, le rêve, l'envie, moi, et à tout ce dont j'ai besoin là, maintenant, aujourd'hui ; pas un autre jour.

-J'arrive.

Qu'on en finisse le plus vite possible. Je raccroche, me dit que c'était un peu brutal, peut-être, comme mot de fin, mais je me dis, « tu t'en fiches, Sun ». Et je m'en fiche vraiment, je crois. Je repose le téléphone à sa place, remercie Niall, sort avant même d'avoir prononcé la dernière syllabe.

Je répète l'adresse en boucle dans ma tête, tente de ne pas la mélanger avec celle inscrite sur ma peau, inverser et m'en aller. J'accélère le pas et mon corps me dit déjà d'y aller plus doucement, il y en a marre de marcher aussi vite tout le temps. Mais j'ai toujours tout fait lentement. Maintenant je veux que cela soit comme une comète, celle qui traverse l'Univers entier, l'espace et le ciel, qui vient s'écraser contre le sol, des fois, provoquer des incendies et des catastrophes ; rapide et brûlant. Je veux prendre feu de l'intérieur.

Finalement, j'y arrive enfin. C'est une résidence privée, et je regarde un instant autour de moi, tourne même sur moi-même, fait claquer le vent contre mon visage et respire l'air frais. Je pense à Jelena, qui ferait sûrement pareil. C'est elle qui fait cela, souvent. Mais souvent, après, elle se laisse tomber dans les bras de Jek, elle dit « putain le monde qu'est-ce que c'est beau, et pas dangereux ». Mais moi je n'ai personne pour me rattraper, et si je faisais cela jusqu'au bout, je ne sentirais rien d'autre que les cailloux froids qui écorchent le visage jusqu'au cou. On va y arriver. Cela sera rapide, ensuite je pourrais repartir.

C'est beau, dans la résidence : une grande allée fleurie surmontée de grands arbres qui l'entoure, qui mène à un petit escalier en pierre, une pierre grise et lisse qui donne envie de promener ses doigts dessus, une pierre grise et lisse recouverte à quelques endroits de plantes qui l'ornent. Sur le mur devant moi, un interrupteur est là. Je m'avance, appuie sur le bouton, et la porte elle s'ouvre sur moi comme dans un bourdonnement. A l'intérieur c'est sobre, élégant, et l'ascenseur n'est pas loin. Moi je vais au dernier étage : le sien. Il est là son appartement, je le sais ; il me l'a répété au moins dix fois au téléphone la demi-heure d'avant.

Quand j'y arrive, le froncement de sourcils qui se dessine sur mon visage je peux à peine le retenir. Et j'avance, un peu hésitante, mains dans les poches. Mais je suis à peine sortie qu'il se dresse devant moi ; chemise boutonnée jusqu'à la gorge ; il me donne l'impression d'étouffer. Mais cela dessine parfaitement sa carrure imposante, ses épaules larges qui me surplombent sans effort. Ses bras s'enroulent autour de mon corps, me ramènent vers lui, et il presse ses lèvres contre mon front. Sauf que ce n'est pas mon front que je veux qu'on embrasse. Alors je relève la tête ; je veux un avant goût de ce qui m'attend avec Harry.

Je veux un peu d'expérience, aussi, préfère être ridicule maintenant que plus tard. Juste savoir comment retrouver une atmosphère bonne et intime. Nos lèvres sont collées, mais je ne ferme pas les yeux pour voir sa réaction. Une tonne de question passe sur son visage et le « c'est mal » je l'entends presque sortir de sa bouche. Je n'y fais pas attention, pourtant, faufile difficilement ma langue entre ses lèvres, celles fines et pincées, celles qui feraient croire qu'il redoute de m'embrasser, m'embrasser moi, fille repoussante aux pensées douteuses.

Puis au bout de quelques secondes, sa main se plonge enfin dans mes cheveux, sa langue frappe contre la mienne, mais je plisse un peu le nez ; ce n'est pas agréable, loin de là. Et je me dis qu'on dirait que lui non plus, en fait, ne sait pas embrasser. Que Dieu, il apprend pas des choses comme cela. Ce n'est pas de ça dont j'ai besoin, il me faut un homme, un homme qui sait ce qu'il fait. Un homme qui contrôle, qui m'apprend à contrôler. Et Gab, lui, à part faire le ménage et à manger, il ne fait pas grand chose d'autre, à ce que j'ai appris. Et moi cela me désespère. Je recule la tête, me racle la gorge, façon gênée de lui dire, bien, on arrête là. Il sourit, lâche mes mèches de cheveux, celles qu'il avait douloureusement enroulés autour de ses doigts, mais il reste un peu bloqué dans les nœuds qu'il vient de créer, et je râle, et il s'excuse, les joues rouges.

On avance chez lui, dans la cuisine. Tout est lumineux, cela m'en fait presque mal aux yeux. Vue magnifique sur la ville à travers les baies vitrées utopiques.

-C'est moderne, ici. Cela me change de chez moi.

Il fait le tour du comptoir, attrape un torchon, ouvre le four. De la buée s'en échappe légèrement.

-Je me doute. Je respecte la façon dont vivent tes parents, mais j'aime la décoration spacieuse, j'aime que cela soit épurée, avec bon goût, qui plus est.

Je souris un peu, pense « vas-y tu peux ne pas les respecter, de toute façon, je m'en fiche, et on sait tous les deux qu'à la maison c'est moche, entre le vieux bois qui grincent et les tâches d'humidité qui s'échappent ».

-Enfin bon. Il sort le plat avant de continuer à parler : J'ai fait une dinde à l'orange confite, cela te plaît ?
-Oh...euh oui, oui bien sûr.

Il sourit et sort les assiettes. Bon sang, j'ai bien mieux à faire.

-On aurait pu commander aussi, tu sais ? Le mexicain, c'est vachement bon...
-Commander ? Du Mexicain ?

Il hausse les sourcils, laisse échapper un rire comme si je venais de faire une blague, mais non non, je suis sérieuse.

-La bonne gastronomie, c'est le mieux.

Et je soupire, ne peux même pas m'en empêcher, cette fois. Parce qu'on en est déjà là, moi qui m'ennuie, lui qui cuisine. Une routine déjà présente avant le commencement. Le pire. Gabriel il fait parti de ses gens, de tout les autres, de la famille et de ceux qui nous accompagne à l'Eglise, qui ne sont pas conscience que tout, n'importe quoi, raconte quelque chose de beau, de merveilleux. C'est le cas de la cuisine, parce qu'avec ça le voyage il se fait facilement, ça explose, un arc en ciel de mille et une couleurs, c'est ce que ça m'a fait, de manger Mexicain.

C'est pas grand chose, en soit, mais je veux connaître ces choses insignifiantes auxquelles je n'ai jamais eu le droit de goûter. Parce qu'avec leur cuisine à eux, à eux tous, il n'y a pas de voyage possible. On mange froid, souvent, ça répercute le marbre de la maison, celui de nos cœurs qui dépérissent, des veines qui se durcissent, des miennes en particulier. Je ne suis jamais allée en Italie, quand maman fait des pâtes, ni en Chine, quand elle fait du poisson. C'est une excellente cuisinière, pourtant, ma mère. On ne peut pas se le cacher. Mais elle n'a jamais eu le don de me faire voyager, n'a jamais cherché à l'avoir, de toute façon. Moi je suis là, à table, avec de vieilles amies de minuit qui me tiennent compagnie, et qui dans ma tête s'amusent à faire des choses pas très jolies.

Mes yeux ne quittent pas Gabriel du regard ; ses gestes sont machinales, et je reconnais la mécanique qu'on a essayé de m'infiltrer là dedans, dans le cerveau. Comme si pendant toute sa vie, on lui avait indiqué un chemin à prendre, que jamais il ne s'en était éloigné, n'y avait vu l'utilité. C'est toute la différence entre lui, et moi. Son air est toujours concentré, rigide, plongé dans sa tâche jusqu'au dernier instant, et je me surprends à me demander s'il est comme cela aussi quand il fait l'amour. Finalement, je grimace, je veux pas savoir. Tout ce que je veux pour l'instant c'est le visage d'Harry, comment il est quand il est rempli de plaisir, retrouver ses expressions, voir comment elles changent sous le coup du désir. Et j'aimerais qu'il me dise à quoi je ressemble, moi aussi.

Souvent quand je suis à l'église, ou plongée dans mes révision, ça ne me fait pas comme à Gab. Mon esprit tout seul il s'évade au vent, en haut des montagnes et en pleine mer, dans l'immensité des champs fleuris, même. Au milieu des chevaux, ceux qui sont sauvages, libre comme l'air ; crinière au vent, l'oeil fou. Harry aussi, il l'a, l'oeil fou, et je me demande si ça se transmet. De mon coté je contemple, admiratrice émerveillée. Je veux m'enfuir, entendre le son de mes pas, être plus rapide que tout le monde. Exister et qu'ils le sachent, pour une fois. Rien qu'une fois.

-Alors, comment est-ce que c'était cette sortie avec ton amie ? Je peux savoir qui c'est, d'ailleurs ? Il faudrait que tu me la présente, je serais ravi de la rencontrer.

Je le fixe un instant, repense aux paroles de Jelena, me dit que ça finirait pour sa part en « tu casses les couilles toi en fait dans ta vie, fous lui la paix à ma pote et retourne leur lécher le cul à ses vieux ». Et inévitablement, moi je sourirais, parce qu'elle me fait toujours rire, quand elle part comme cela, Jey. Souvent c'est parce qu'elle a un peu bu, mais elle est pas méchante, quand elle boit, alors je la laisse faire ; on en a déjà parlé, de ce que cela faisait l'alcool sur elle. Et je comprends un peu plus, à l'heure actuelle.

-C'était... pas comme je l'avais prévu. Je fais plutôt référence à Harry, en lui répondant. Mais euh oui, c'est sûrement une bonne idée...

Je n'ose pas lui dire que non, ça ne va pas être possible, ça le sera jamais ; je ne peux pas prendre le risque de mélanger ces deux mondes. Ils sont pas compatibles, le seront jamais. Ça serait une catastrophe. Et les catastrophes moi j'en peux plus, il y en a déjà trop, partout, tout le temps. Généralement, les catastrophes ça créait des fantômes qui hantent, et cela pendant longtemps. Mais, après tout, c'est pas de sa faute, à Gabriel : il est comme il est, comme on le lui à apprit, comme on l'a élevé. Pas méchant, dans tous les cas. Juste aveugle, yeux fermés, à penser que la vie c'est ça, pas belle, pas colorée. Il ne fait qu'écouter ; ne changera pas.

C'est trop tard, pour lui. Il est plus vieux que moi. A déjà prit sa décision ; vie tracée au feutre indélébile. Et les feutres c'est comme les coups et les souvenirs, ça ne s'efface pas. Mais je ne pense pas qu'il veut effacer. Il est bien, dans son appartement luxueux. Et lentement il se laisse vivre. Moi je vivrai, vivrai vraiment.

Je lance un coup d'oeil à la dinde ; de quoi manger pour quinze, mais il n'a pas l'air d'en être conscient. Il doit pas être conscient non plus que dans le fond je m'en fiche royalement, que c'est inutile, sa dinde aux oranges confites. Que c'est pas cela qui me fera sentir différente, rien qu'un peu. Que ce n'est pas cela qui me fera sentir les lèvres d'Harry, leur goût, leur texture. Que c'est pas cela qui me fera voir son air arrogant, celui qui dit qu'il s'en tape du monde entier, qui vit, ou peut-être pas, mais qui me fait sentir vivante, à moi.

Je commence à manger après m'être assise, n'aies même pas pris la peine de prier, à voix haute comme à voix basse, l'intérêt il n'y est pas quand on peut s'en passer. Gabriel ne fait aucun commentaire, suit le mouvement. Peut-être trop poli pour me le dire ; tant mieux. Il mange aussi, pousse de temps à autre des jérémiades portées sur le goût de sa fameuse dinde, ceux que sans doute je devrais faire à sa place. Mais c'est juste un canard, ça ne m'emporte pas. Je roule des yeux, essaye de combler le silence pesant, malgré ses bruissements pénibles.

-Sinon...le travail s'est bien passé ?
-Oui, la journée a été calme. Il n'y a pas eu de trafic sur les routes, du moins pas plus que d'habitude. Seulement quelques oublies de ceintures et téléphones au volant, mais rien de bien grave.
-Je vois...

Parce qu'il est policier, Gabriel. Ou gendarme, je ne sais pas bien la différence. Mais il travaille dans ce secteur là, et j'en viens à me dire que cela doit être ennuyant, de toujours réprimander des gens pour des ceintures non mises. Alors aussi, je me dis qu'il ne doit peut-être pas être au courant. Ne s'en doute pas ; personne ne s'en doute, et c'est le bon plan pour mes parents. Est-ce qu'il m'aiderait, s'il savait ? Il les arrêterait ? Menottes aux poignets, ils ne pourraient plus bouger ; jamais plus relever la main, défaire les ceintures des pantalons, les abattre sur la peau. Mais je ne pense pas. Tout ceux au courant démentirait, et il me dirait « Pourquoi tu mens, Sun ? » et moi je supplierai en pleurant « je te jure que je mens pas Gabriel, il faut que tu m'aides » et il remuerait la tête en partant.

Jelena dit que je devrais profiter, parce que je cite « les hommes en uniforme c'est grave sexy ». Le truc, c'est que oui, je veux bien profiter, c'est Gabriel qui veut pas. J'ai déjà essayé. Elle raconte même qu'un jour Jek il s'est déguisé, uniquement pour qu'ils jouent ensemble. Et Jey elle a dit que c'était bon, presque trop, « vachement excitant », que ça changeait de d'habitude, mais que leur habitude à eux, c'est ce qu'elle aimait par dessus tout. Ça m'a fait sourire, comme à chaque fois.

Une fois la journée terminée, je m'empresse de sortir de la résidence. Au fond, j'espérais que cette journée passée à deux elle me ferait changer d'avis sur lui. Je voulais qu'indirectement il me dissuade de faire ce que j'ai en tête depuis le début, mais il a fait que confirmer ce que je pensais. Et maintenant, Harry, je le veux encore plus. Cela en devient insoutenable. Je prends le portable, quelques gouttes qui tombent sur l'écran, légères et douces. Et elles ne m'empêchent pas de voir. Je lis plusieurs fois l'adresse, n'ai aucune idée réellement de quoi ressemble sa maison, mais je sais que je la trouverais.

Je ne m'arrêterais pas sans l'avoir fait. Il est déjà 18 heures ; j'ai passée toute l'après-midi chez Gabriel. Après avoir mangé, on s'est assis sur le canapé, à une distance raisonnable l'un de l'autre, et cela me démangeait de ne pas pouvoir essayer. On a regardé plusieurs films d'affilés, s'est échangés quelques mots sans ni plus ni moins d'intérêt. Des mots que j'ai déjà oublié, alors que les mots que j'échange avec Harry, jamais je les oublies. Ils tournent dans ma tête, le soir, quand je suis dans mon lit.

Ce n'est qu'une heure après que j'y arrive, enfin. Et mon corps il se tend, et mon cœur produit un son inhabituel, et mon estomac se tord. C'est maintenant. Sun. C'est le marquant de l'histoire. De Ton Histoire. Je m'approche de la boîte aux lettres, y ait inscrit dessus « Harry Styles » en lettres dorées. Styles. Ça me fait sourire. Je le répète plusieurs fois, essaye de reproduire le son que le S de mon nom fait sur sa langue. Je monte les marches du perron. C'est une jolie maison. Une maison ni pauvre ni riche. Comme si souvent il déménageait. Pas de décorations dans le jardin, pas de fleurs. Rien de bien personnel. Mais c'est peut-être justement sa signature à lui, les choses impersonnelles. Le soleil a déjà tourné, à moitié caché, pas définitivement couché. Il me laisse encore une chance de trouver, d'entrer. Après il fera noir, après cela sera trop tard. Parce que je ne pourrais pas toquer chez lui, tard le soir.

Je glisse mes doigts sur la porte, hésite à toquer, finit par le faire. Je me sens un peu idiote quand je remarque la sonnette à coté de moi ensuite. Très peu de temps après, la porte s'ouvre, je relève la tête ; mes yeux étaient fixés sur mes pieds, appréhendant déjà la soirée. Pourtant c'est moi qui suit venue la chercher, la demander, même prête à la supplier. Je rougis à la première seconde où je le vois : il est là, l'attitude nonchalante, torse nu, peau à découvert, jogging large qui retombe trop bas sur les hanches. Je doute de l'existence d'un éventuel sous vêtements. Il est pied nu, cheveux en bataille, l'air tout droit sorti du lit.

C'est pas vrai, je me dis, et s'il travaillait de nuit ? Il émet un grognement sourd, mi-humain mi-animal, voix rauque qui traverse l'entièreté de mon corps dans un courant électrique. Je cherche son regard, me refuse de curieusement vérifier ce qu'il porte, plus bas. Allez, prends sur toi, Sun, tu n'es pas dans ton rêve, là. J'essaye de m'encourager de mon mieux, ne peux compter que sur moi-même, tout de suite.

-Qu'est-ce que tu fous là putain ? Tu m'as suivis jusqu'ici ? Putain si tu me dis que tu m'espionnes je te jure que je te tue.
-Euh, je.... voulais te voir. Et Louis m'a donné ton adresse donc...

Les mots sortent de ma bouche, se bousculent un peu, et j'ai l'air ridicule à bégayer. Il hausse les sourcils à mon aveu, marmonne quelque chose dans le début de barbe qu'il commence à avoir, déclare :

-Je manquerais pas de lui foutre mon poing dans la tronche pour ça.

Il recommence à froncer les sourcils, le plie habituel sur son front retrouve sa place, et je me retiens de juste de sourire comme une imbécile.

Puis alors je me mets à jouer avec mes doigts, ne sait plus très bien ce que je dois lui dire. Je veux qu'il me laisse entrer, qu'il me laisse faire tout court, qu'il réponde à mon corps.

-Est-ce que... eh bien... puis-je rentrer ?

L'air dépourvu et interrogateur, il se décale sur le coté. Je me précipite presque à l'intérieur, lui il fait un petit bruit amusé que quiconque est incapable de reproduire ; je n'ai jamais entendu un tel son venant de lui, et ça me plaît, ça me plaît vraiment, l'air qu'il a quand il semble amusé. Je pose mon sac à dos dans un coin, retire péniblement mon sweat, le pose à coté. Il me regarde faire, pratiquement ahurit, et je me dis que c'est vrai, c'est pas commun, comme scène. Du moins normalement.

-Merde alors, j'aurai dû parier que tu te foutrais à poil devant moi aussi tôt !

Je fais les gros yeux, répond rapidement :

-Je n'ai enlevé que mon sweat !

Ça le fait rire. Il disparaît dans une pièce, je n'ose pas le suivre. Il revient finalement, une tasse de thé dans les mains, et je hausse fortement les sourcils. L'odeur de menthe me rappelle son haleine, je me dis qu'il doit drôlement aimer cela, j'aurai dû prendre un chewing-gum avant de venir. Je désigne le tasse d'un petit coup de menton, sourire aux lèvres, demande :

-Je croyais que tu n'aimais pas le thé ? C'est ce que tu as dit à ma mère.
-Hein ? Il baisse les yeux vers ses doigts. Ah ouais, si j'aime bien, je préfère le café mais j'ai que ça, là.

Je ris un peu, me gratte derrière l'oreille de façon gênée, ne sait pas quoi faire de mes mains. Je l'avais dit, que ce type était capable de tout pour embêter n'importe qui autour de lui.

-Bon sérieux, t'es venue ici pour me parler thé ? Si oui, excuse moi Thérésa, mais ça craint, et j'ai du boulot.
-Quoi ? Non... juste que... je sais pas bien en réalité. Je voulais venir, mais...
-Mais quoi ?

Il me regarde, s'impatiente déjà, vide d'une traite son thé, pose la tasse sur un meuble, s'approche de moi.

-Mais quoi, Sun ?

Il répète, l'air d'un prédateur, et comme une proie je me recule contre la porte. En réalité, je ne pensais pas que cela serait aussi dur, de lui dire, de le faire, surtout. C'est plus facile quand on se réveille après, et que le moment est gravé juste dans une mémoire, sans moyen pour l'autre de savoir.

-Je veux...

Je commence, mais il me bloque, positionne ses mains de chaque coté de mon corps, et j'oublie comment respirer. Il est proche, proche comme je voulais qu'il le soit, mais pas encore assez, et je chavire déjà.

-Tu veux quelque chose de nouveau, laisse moi deviner ? Quelque chose de très méchant, dont tu n'as pas le droit ?

Il aborde un rictus moqueur, fait glisser son index sur mes lèvres, moi je me demande comment il fait, pour se faufiler jusqu'à mon âme, alors que moi je n'arrive toujours pas à trouver la sienne, qu'il arrive à tourner les pages, les unes après les autres. Je ne peux pas à répondre, alors je hoche la tête, et sa grande main se glisse sur ma jambe ; je perds l'équilibre face à son touché. Sa peau est chaude, sûrement à cause de la chaleur de la tasse qu'il vient de poser. Mais je me retiens, je me retiens de m'abandonner, parce que sinon, on irait pas bien loin. Il ricane un peu, moi je reste légèrement immobile, sans savoir quoi faire.

-Allez avoue, dit le moi que t'es vierge.

Ses doigts agiles se glissent dans mes cheveux, les repousses en arrière, et sa main revient caresser le long de mon thorax, me fait frissonner.

-Parce que sinon, tu serais pas là, pas vrai ?
-Je...

Mais c'est tout ce que je parviens à formuler.

-Dis le moi, que c'est ce que tu veux, et ça depuis le début.

C'est vrai, il a raison, Harry. Je m'en suis juste rendue compte un peu après lui. Et comme il dit vrai, je laisse échapper un léger « oui » d'entre mes lèvres. Cela semble lui suffire, parce qu'il sourit, et la fierté passe en coup d'éclair sur son visage. Je me dis que c'est bon signe, rapproche de moi-même mon visage du sien. Nos nez se touchent, s'écrasent un peu.

-Je le savais, vous jouez toutes aux coincées, mais il s'en passe des choses sous les longues jupes, pas vrai ?

Je remue un peu la tête, lance avec un brin de voix que j'essaye méchant :

-Je ne suis pas ce genre de filles.

Et avant qu'il me demande pourquoi, avant d'avoir à lui prouver, je rapproche ma bouche de la sienne ; ça y est, enfin, je vais goûter ses lèvres. Cela fait naître quelque chose d'étrange dans mon bas ventre, mais ses doigts reviennent dans mes cheveux, claquent ma tête contre la porte, remet de la distance entre nous. Je grimace un peu.

Nos regards se cherchent et se trouvent, s'interrogent. Et :

-Touche moi.

Je chuchote. Alors quelque chose change dans ses yeux. Le vert devient plus sombre, plus noir.

-Je t'en supplie, touche moi...

Je répète, veux être vraiment sûre qui l'ait entendu. Qu'il se dépêche. Puis automatiquement, ses dents viennent mordiller mon cou, ses cheveux chatouillent ma gorge, mes épaules, ses mains se glissent sous mon tee-shirt, puis sur mes fesses, remontent sur ma poitrine. Ma respiration se coupe. Mon cœur bat de plus en plus fort, bat pour nous deux. Les corps se collent plus encore. Mon esprit me souffle que c'est mal, ma raison me chuchote de me méfier, d'arrêter, et mon cœur, mon corps, me supplient de continuer. Il me soulève, on se retrouve sur le canapé, lui se faufilant entre mes cuisses, arrachant les vêtements à la hâte. Soudain je panique un peu, attrape ses poignets, respiration haletante.

-Non, attends...attends. Je suis... je veux pas le faire jusqu'au bout...juste... prouve moi que tes doigts sont plus doués que les miens.

Étrangement il sourit, véritablement il sourit, ses prunelles noirs scintillent de quelque chose qui ressemble à de l'amusement. Il attrape les bords de mon tee-shirt, mais encore une fois je le stoppe. Il m'observe un long moment, commence à serrée la mâchoire, devient impatient.

-J'aimerais juste garder mon tee-shirt, s'il te plaît.
-Ça va, j'en ai déjà vue des nichons, et plus d'une paire.

Je me bloque un peu, me souvient de toutes ces filles bien plus jolies avec qu'il a du coucher. La jalousie me gagne, je fais tout pour la repousser. Mais ce n'est pas pour cela, que je veux garder mon haut. C'est parce qu'il y a les marques, celles qui, il n'y a pas si longtemps, étaient recouvertes de sang séchés. Je veux éviter les questions, le dégoût, aussi, parce que les cicatrices, surtout les miennes, ne sont pas belles. Je veux profiter de ce moment, celui si important.

-S'il te plaît.
-Comme tu voudras.

Il marmonne, roule des yeux, aussitôt tire d'un coup sur mon large pantalon, le fait glisser jusqu'à mes pieds en à peine quelques secondes. Tout est rapide, avec lui, moi je veux que cela soit lent, que je puisse profiter. Je déglutis un peu quand ses mains se glissent sur mes cuisses, me tire par les chevilles au bord du canapé. Il se met à genoux face à moi, affiche un sourire en coin devant mon air paniqué. Je ne pensais pas que ce serait cela, qu'on ferait en premier. Mon dieu, est-ce vraiment sur le point d'arriver ? Vais-je vraiment oser sauter le pas, et faire cela ? Je suis vraiment venue ici pour chercher ceci ? Du sexe ? Une pointe de culpabilité s'infiltre dans mes veines, les piques de désagréables brûlures, me ronge presque.

Mais je la repousse parce que je sais que c'est ce dont j'ai besoin, faire évaporer la frustration, découvrir, connaître. Parce que si je n'ai pas ça, on va crever, moi et mes habitudes imposées. Ses lèvres glissent sur ma peau nue, de ma cheville à mon genoux. Je suis en parfait ébullition, n'ose pas le toucher, pourtant mes mains, elles me démangent, et je voudrais l'embrasser. Alors je les lèves et les poses sur ses épaules, lui s'occupe et s'amuse à me torturer pour le moment. Rien que cela, la sensation de mon corps si près du sien, est décuplée par rapport à mon rêve ; me donne envie de lui dire d'y aller, directement, que je puisse mieux sentir la boule de plaisir qui se forme délicieusement au creux de mon ventre. Comme s'il le comprenait, sa main chaude remonte sur ma peau, caresse le bas de mon ventre, l'intérieur de mes cuisses, sans jamais passer par l'endroit où je veux qu'il soit.

-Sois pas si gênée, tu te sentiras mieux dans très peu de temps va.

Je sens ses doigts se faufiler sous l'élastique de ma culotte, la décoller de ma peau. Je rouvre les yeux, ceux que j'avais inconsciemment fermés. Je veux le regarder, l'observer et me rejouer la scène demain, quand tout sera finit, qu'il sera loin. Et bizarrement, je ne l'ai jamais trouvé aussi beau que là, positionné entre mes jambes, à moitié nu, me regardant moi, rien que moi. Un de ses doigts vient se mettre sous le tissus, je sursaute un peu, sans faire exprès. Son rire rauque résonne dans la pièce, contre les murs, dans mes oreilles, m'arrache un frisson, un parmi tant d'autres.

-Regarde moi ça, je t'ai même pas encore touché que t'es déjà trempée.

Un petit bruit se hisse hors de la barrière de mes lèvres, barrière qu'il brise encore, comme toutes celles qui existent chez moi, quand je sens son doigt venir sur moi, bouger de façon fréquente, fréquente et brusque.

-Tu sens ça ?

Oui, oui je sens ça. Même quand j'ai essayé, je n'ai jamais ressentie une telle chose, une chose comme celle de maintenant ; un plaisir qui submerge, un plaisir fort. Ses lèvres charnues se posent sur le haut de ma culotte en coton, et en un geste lent et sensuel,
il attrape les rebords avec ses dents, la descend le long de mes jambes, ne manque à aucune occasion de les presser à quelques endroits sensibles de ma peau, ce qui me fait agréablement tressaillir, prier pour que jamais il ne s'arrête. Son regard brûle ma peau déjà bouillonnante ; il ne se gêne pas pour me regarder, et jamais je ne me suis regardé autant qu'il le fait.

Sans que je ne m'y attendre, sa bouche se presse contre mon point culminant. Je sursaute, sens l'intensité de mon plaisir doubler. Ses yeux se relèvent vers moi, mon visage, m'oblige à refermer les miens sous son regard dominant. Je sens ses lèvres s'ouvrirent et se refermer autour de moi, autour de cette zone si sensible et si intime. Sa langue se faufile entre mes plis, ma respiration devient difficile, le sang frappe contre mes tempes à toute vitesse, ce n'est pas possible, je me dis, ma tête se met à tourner. C'est bon, bien trop bon. Jelena n'a jamais mentit. Il rit, la voix rauque, rire qui me fait trembler, et je sens la fraîcheur de ses dents contre moi. Il se redresse légèrement, me frôle quelques fois.

-J'en reviens pas de voir à quel point tu mouilles pour moi.

Ses doigts rugueux, longs et fins viennent glisser sur moi, me font pratiquement m'évanouir.

-Tu peux gémir Sun, te retiens pas. Je veux l'entendre, que je te fais du bien.
-Beaucoup de bien...

Je réponds, m'étonne moi-même, cela l'encourage à continuer. Son souffle chaud vient s'écraser contre mon intimité, alors je fais comme il m'a dit, lâche un petit bruit.

-Tu entends ce que je suis entrain de te dire ?

Je hoche difficilement, incapable de parler encore une fois, la gorge sèche. Il presse un peu douloureusement ma cuisse dans sa main, me fait comprendre que c'est lui qui a le contrôle, que moi je dois juste obéir. Mais obéir de cette façon là, ne me dérange pas. Il revient taquiner mon bouton de chair ; je perds tout mes moyens. Définitivement. Mes mains, de ses épaules, remontent dans ses boucles, courtes boucles qu'il lui reste, tirent un peu dessus.

Son grognement frappe contre ma zone plus que sensible et je gémis, alors qu'il continue, encore et encore, inlassablement. Ses dents frottent contre mon centre, l'intérieur de ses lèvres me suçotent, et je me perds, je me perds complètement, et je doute qu'après cela, je puisse réussir à me retrouver. J'appuie une de mes mains sur ma bouche, maintenant bien consciente que je suis entrain de faire trop de bruit, mais il l'attrape, la plaque sur le canapé, près de ma tête ; forcée, je me penche légèrement en arrière, remonte mes genoux près de la sienne.

-Ouvre les yeux, maintenant. Je veux que tu me regardes. Que tu me vois faire.

J'arrive à peine à assimiler ses paroles, prends un peu de temps à les déchiffrer, ouvre les yeux à nouveau, plonge mon regard euphorique dans le sien, plus euphorique encore que quand Jelena prend ce qu'elle appelle du LSD.

-Tu veux que je continue ?

Je le supplie du regard, approuve de la tête.

-J'ai rien entendu.
-Je t'en prie...bien sûr que je veux que tu continues...

Je murmure, la voix à peine audible, mais il semble l'avoir entendu, parce que sa bouche s'attaque une fois de plus à mon intimité, m'interdit à présent tout répit, et je comprends enfin ce que Jey' disait, quand elle pensait en mourir. Puis l'un de ses doigts se pousse en moi, mes yeux se grossissent ; je pince mes lèvres entre elles, alors qu'il continue avec sa langue, sa langue, toujours sa langue, comme pour me faire penser à autre chose que cette petite pointe de douleur désagréable dû à son contact, pourtant loin d'être insupportable pour le moment. Sa main qui tenait mon poignet se hisse sur ma bouche, son indexe s'introduit entre mes lèvres, et je les refermes autour, n'ayant aucune idée de ce qu'il est entrain, mais je sais que c'est bon ; qu'il aime. Son autre doigt fait son chemin en moi, je lâche un fort gémissement, semblable à un petit cri, et je me surprends de ce son, n'était même pas au courant que cela pouvait sortir aussi naturellement.

-Ça sent la vilaine fille à plein nez ici Thérésa, tu trouves pas ?
-Harry...

Je murmure difficilement autour de son doigt, imite les mouvements de sa langue sans même m'en rendre compte.

-Hm.

Je le sens sourire contre moi. Puis un autre doigt rejoint l'autre en moi, doucement, et je me détends, légèrement surprise de cette douceur dont je ne lui connaissais même pas l'existence. Son indexe s'enfonce un peu plus dans ma bouche en même temps que l'autre et j'affiche une petite grimace.

-Merde, c'est dingue d'être aussi serrée.

Je l'entends à peine, ses mots sont étouffés par mon intimité, et je rougis, mais je suis déjà rouge, de toute façon, parce que j'ai chaud, terriblement chaud, et que je transpire. Puis tout se fait plus rapide et plus intense, tellement que cela me propage dans un autre monde, et je perçois correctement celui dont Jelena me parlait. Cette sensation si bonne qui donne envie de faire n'importe quoi pour que le moment s'éternise, qu'elle me racontait. Il libère ma bouche, j'en profite pour laisser m'échapper un autre cri, et son pouce frotte mon point sensible, sa langue le contourne de façon répétitive, et je les sens incroyablement bien, les décharges électriques, celles dans la totalité de mon corps.

-C'est...
-Je sais Sun putain, allez, viens pour moi.

Son souffle s'écrase une nouvelle fois contre ma peau gonflée et sensible, tandis que mes jambes se mettent à trembler. Le reflex d'ouvrir les yeux pour savoir ce qu'il m'arrive me vient, mais la chaleur envahir mon bas ventre, puis mon corps tout entier, et c'est trop, bien trop. Ses doigts se plient en moi, me font lever le bassin, enfoncer mes ongles dans la peau de ses épaules et de sa nuque ; il grogne plus fort. Il continue, il continue de faire ce qu'il fait incroyablement bien, me mordille même encore plus, et mes yeux se révulsent légèrement, mon corps retombe contre le canapé. Je bouge légèrement le bassin par instinct, suit ses mouvement, ceux qui se font plus lent et plus doux. Je tente de respirer, de prendre rien qu'une bouffée d'air frais, parce qu'on étouffe ici. Ses doigts se retirent de moi, sa bouche se décolle. Je frissonne quand un courant d'air froid vient frapper cette zone maintenant délicate, quasiment douloureuse.

-Ouvre les yeux, et regarde moi.

Je les entre-ouvres, parce que je ne suis que capable de cela, et ses doigts humides se glissent dans sa propre bouche. Je rougis ; c'est la vision la plus excitante que je n'aurai jamais pu imaginer voir un jour. Ses lèvres émettent des pressions autour de ses doigts, ceux qui me faisaient tant de bien, tandis que son regard se redirige vers mon intimité. Je referme directement mes cuisses entre elles, retient mon souffle quand il arrête tout.

-T'aurais dû me dire que t'étais aussi bonne Sun, j't'aurais fait monter au septième ciel bien avant.

Je me redresse assez difficilement, ne sait pas quoi répondre. Il est celui qui ne voulait pas.

-T'as pratiquement trempée mon canapé putain.
-Oh.

Je me redresse un peu plus vite, malgré mes muscles endoloris.

-Je vais nettoyer cela...

Un rire gêné et timide, terriblement timide m'échappe et je souris nerveusement, attrape ma culotte, la remet. C'est légèrement désagréable, et je voudrais lui demander où est sa salle de bain, mais je n'ose pas, alors je reste là, les bras ballants, avant de me rendre compte qu'il faudrait aussi que je remette mon pantalon.

-Ça va détend toi je déconne, je m'en tape, la femme de ménage le fera.

Puis il attrape un paquet de cigarettes sur la table basse, suivit d'un briquet.

-Alors, t'as aimé ?

J'acquiesce, toujours dans le même état, et lui il rit encore, ne fait que ça.

-Tu m'en dois une belle, j'oublierai pas.

J'attrape l'intérieur de ma lèvre inférieure entre mes dents, la mordille légèrement, déglutis. Je vais devoir... ? Oh mon dieu. Mais cela me rassure un peu ; on va se revoir, ce n'est pas finit. Ça y est. Tu sais, maintenant, Sun. Tu n'es plus la dernière ignorante. T'as marqué le tournant, l'a remarquablement bien prit, et tu recommenceras, parce que non, ce n'est définitivement pas finit. Rien n'est terminé, on vient juste de commencer.

« Beaucoup de gens rêvent leurs vie, mais peu de gens vivent leurs rêves. Il est temps de vivre la vie que je me suis imaginée »

Coucou les filles !Tout d'abord désolée d'avoir posté une semaine en retard, mais les révisions et quelques petits problèmes ont un peu chamboulés notre programme ! Bien évidemment ce petit retard est occasionnel et cela ne se produira pas toutes les semaines ! On espère que ce chapitre vous plaira et encore désolée de ce petit retard :)Gros bisous à vous

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