Chapitre 6
Point de vue Sun :
Mon crâne tape désagréablement contre quelque chose de froid, mes cheveux me chatouillent le nez, un courant d'air vient puissamment s'écraser sur mon visage : me fait ouvrir les yeux, reprendre contact avec la réalité. Je lâche un petit bruit agacé, encore fatiguée, souhaitant poursuivre ma nuit, de façon plus confortable, si possible. Je passe une main dans ma nuque douloureuse, repousse les cheveux qui me gênent, et lentement, prends connaissance de ce qu'il m'entoure. Le ciel est déjà bleu, le soleil y est élevé, réchauffe ma peau de ses rayons. La lumière me fait tout de même légèrement grimacer ; réveille un mal de tête inévitable.
La vitre de mon coté est ouverte, comme toutes les autres, fait rentrer le vent dans un bruit assourdissant, à cause de la vitesse. Et au début, bizarrement, je ne trouve rien d'aussi relaxant, agréable et épurée. Je me sens étrange, incapable d'expliquer ce que je ressens, sans doute dû aux effluves d'alcool encore présentes dans mon organisme, celles qui me font sentir bien encore, derniers moments d'éphémère insouciance. Puis soudainement, elles se volatilisent, me font lourdement revenir dans un siège de voiture, celui de cuir dur et froid, celui d'Harry.
Alors instantanément, le ballonnement revient, le même que hier soir, en fin de soirée, quand la nuit était déjà noire. Un goût immonde me fait déglutir de ridicule sous les souvenirs remontant à la surface. L'alcool. La forêt. Harry. L'étranger. Sa voiture. Encore Harry. Le vomit. Mes joues virent au rouge, désagréable chaleur, et je me frotte les lèvres, donnerai tout pour avoir une brosse à dents, là maintenant ou rien qu'une chose qui pourrait chasser l'acidité de ma gorge. Et comme s'il s'en doutait, Harry passe sa main à l'arrière, attrape une bouteille d'eau sur l'un des sièges et la tend vers moi ; le regard toujours rivé sur la route. Comme crispé, il ne me jette même pas un regard.
Je regarde un moment la bouteille d'eau, essaye stupidement, alors que ce n'est pas le moment, de savoir s'il y a déjà bu avant moi, espère que oui, il l'a fait. Il commence à s'impatienter, alors je la saisis enfin, lâche un petit « merci » timide, et m'empresse de l'ouvrir puis de l'apporter à mes lèvres ; boire plusieurs gorgées.
L'eau fraîche est la bienvenue dans mon estomac enflammée, et je ferme brièvement les yeux. Une fois finit, je la referme et la repose à sa place, reporte mes yeux sur lui. Je tique légèrement en voyant qu'il a changé de vêtements depuis hier soir : son tee-shirt noir est devenu blanc, son jean a désormais quelques détails différents, notamment les déchirures du tissus à certains endroits. Pourtant je reste muette, n'ose pas poser de questions, notamment où nous avons passés la nuit, si nous l'avons passé ensemble, tout d'abord. En tout cas, je suis toujours vêtue de mon pyjama jaune flatteur, ne pense pas avoir eu la chance de ses mains se baladant sur mon corps pour me déshabiller pendant mon état d'ivresse.
Puis soudain, cela me frappe réellement, la netteté du soleil ; l'aube est passée, depuis déjà un moment, apparemment.
-Attends, il fait déjà jour ? Comment cela se fait ?
-Faut que je t'explique le fonctionnement du soleil ? Il roule des yeux. Je te ramène chez toi.
Je fronce les sourcils, légèrement perdue, alors que lui tape tranquillement et sereinement ses doigts contre le volant au rythme de la musique en arrière fond. Les questions qui trottaient dans ma tête cèdent bien vite la place à la panique, celle qui m'emmène durement dans l'imagination des souffrances à subir. Je me redresse précipitamment -un peu trop- grimace à cause de la ceinture qui se tend en travers de ma poitrine, me coupe la respiration. Harry hausse un sourcil curieux, me jette un regard du coin de l'œil.
-Quoi ? Putain me dis pas que t'as encore envie de gerber ? Je ramasse pas ta merde deux fois je te préviens.
-Mais la forêt est juste à coté de chez moi, alors pourquoi est-ce que... Oh mon dieu, je ne suis pas rentrée de la nuit...
Il ne prend pas la peine de répondre à mes questions, alors qu'il a sûrement les réponses, sait ce qu'il a fait de moi pendant la nuit et pourquoi. Mais il se contente de se moquer.
-Bonne déduction, Sherlock Holmes.
Nerveuse, je remue la tête pour moi-même, ne souhaite même plus l'écouter, amène à pleines mains mes cheveux en arrière. Ma peau se met à picoter, appréhende autant que mon âme la punition, la purification. Mon cœur s'emballe, s'accélère, fait bondir ma poitrine. Il ne va pas tenir, peut-être est-ce finalement une bonne chose, peut-être aurai-je la chance de mourir d'un arrêt cardiaque avant l'arrêt du moteur.
Ne pas avoir à affronter les paroles de réprimandes, les regards sévères et les promesses à voix basse, celles qui feront ma nuit, peut-être même ma journée, serait une délivrance certaine, je le sais. J'ai mal. Oui j'ai mal. Je le sens, mon cœur, mon corps, tout me fait mal. L'appréhension me fait mal. Un ensemble de maux insoutenable qui fait trembler mes mains, agripper mon pyjama ; tenter désespéramment d'encore m'accrocher à quelque chose, même si cela ne devrait pas être à moi.
-Écoute, écoute... J'essaye vainement de me calmer, me dit d'écouter plus qu'à moi qu'à lui, même s'il est important qu'il le fasse aussi. Il faut. Je prends une inspiration, essaye de calmer ma respiration affolée. Il faut que je descende, maintenant. Arrête toi là. S'il te plaît. Tu comprends pas... Je peux pas rentrer avec toi alors arrête toi !
Ma voix se hausse mais se casse dans un amas incompréhensible de paroles qui se précipitent, se bousculent et se broient. Mes mains s'agitent de part et d'autres de mon corps, essayent d'ouvrir la portière verrouillée. Mais rien à faire, Harry ne semble d'ailleurs même pas s'en préoccuper. Il roule des yeux, s'en fiche ; c'est évident.
-Détend toi, au pire tu serais privée de dessert. Il marque une légère pause, fait soudainement les gros yeux en abordant une mine faussement choquée. Ouh mon dieu ! En fait quand j'y réfléchis t'as raison, c'est atroce comme punition...
Il me lance un sourire en coin, mauvais. Ses propos se répercutent longuement en moi, me coupent de toutes pensées et de tout mots. Je pose mon regard sur lui, le regarde fixement. Cela devient trop. Pour la première fois, il me fait sentir sale, mais d'une façon désagréable, autre que d'habitude. Une façon qui me fait sentir comme un rien que je ne suis et que je ne ressens que déjà trop bien. Un rien qui a sa place, là, oui en dessous, six pieds sous terre.
En disant cela, il fait de ma vie quelque chose de quelconque et d'insignifiant, fait des soirs de supplications muettes, de noir et de purgation quelque chose de normal, d'aussi banal, simple et doux qu'une privation de dessert. Mais rien n'est doux, à la maison. Chaque sol, mur, meuble et objet est rugueux, blesse à chaque contact avec la peau. Il fait marcher sur les pieds, essayer de se cacher, mais les cachettes aussi sont-elles aussi des traîtresses. Alors non, rien n'est doux, ce sont des moments qui me privent de ma respiration, de ma peau lisse et blanche.
Quelque chose se compresse en moi, un sentiment que j'ignore encore, n'est pas souvent l'occasion de l'éprouver, et pourtant... Harry est ignorant de cela, insulte mon quotidien, malsain certes mais le mien. Un quotidien à préserver malgré tout, à moi, qui doit se cacher lui par contre des yeux du monde. Comme si cela le rendait moins réel, moins horrible, et surtout, plus vivable.
-Penses-tu...réellement savoir de quoi tu parles ?
Des mots enroués qui sortent difficilement de ma bouche, l'accuse indirectement. Sans doute quelque peu étonné, sa tête se tourne brièvement vers moi, garde un œil sur la route, affronte mon regard et le surplombe quasiment ; me fait comprendre que c'est à moi de baisser les yeux, car lui ne le fera pas. Et je le fais, finalement, n'aies plus la place dans un cœur fané de lutter.
La voiture tourne au coin de la rue, la mienne, qui marque peut-être la fin, de tout. Et je prends un moment pour le regarder, me dit que c'est sans doute la dernière fois ; à peine aurai-je franchis le seuil de la porte que mes parents me garderont en captivité, condamneront ma fenêtre, mon échappatoire. Les questions qui voudront avoir des réponses pleuvront, et je ne pourrais y répondre, ne me souviens seulement de quelques brides, mais comment pourrai-je leur dire la vérité ? Elle serait pire que le mensonge.
Au loin, la forme de ma maison se dessine dans le paysage, au milieu de toutes les autres. Je commence à me demander si je vais vraiment devoir le supplier pour qu'il s'arrête autre part que devant chez moi, quand la voiture s'arrête. Mais quand je me tourne vers lui pour le faire, il est déjà trop tard, il se gare sur le trottoir en face de ma porte d'entrée. Il est trop tard et moi je me mords l'intérieur de la joue, pas trop sûre de ce que je peux encore faire, si je vais pouvoir y échapper.
-Descend maintenant.
Sa voix rauque, encore sa voix rauque, et j'aimerais qu'elle me dise autre chose, pour une fois. J'aimerais que le monde me dise quelque chose d'autre. Je voulais juste vivre cette nuit, moi, je voulais pas mourir aujourd'hui.
Je le sens inspirer, bruyamment, comme pour me faire comprendre qu'il y en a marre de tout ce cirque. Et j'ai envie de lui bloquer le bras et de lui dire que moi aussi j'en ai marre de tout cela, qu'il faut qu'il m'aide à faire quelque chose, à être comme Jelena. A avoir autre chose que de la peur et de l'appréhension dans le ventre. Il descend de la voiture, claque sa portière, alors je descends aussi.
-C'est bon, merci beaucoup de m'avoir ramenée.
Je m'avance, m'arrête juste devant lui, l'empêcher de continuer son chemin jusqu'à ma porte. Il a envie de faire quelque chose de stupide, cela se voit dans ses yeux, sa gestuelle, sa façon de fixer la fenêtre pour voir s'il y a quelqu'un à l'intérieur. Et moi je prie pour qu'il soit arrivé n'importe quoi, et que la maison soit vide. Il me regarde, affiche une mine amusée, quasiment supérieur comme pour me demander ce que je compte faire pour l'en empêcher ? Parce qu'il le sait, il n'y a pas à dire, il a toujours le dessus, et cela je n'y peux rien, n'y peux jamais rien, comme avec tout le monde.
« C'est pas drôle » j'ai envie de dire quand il attrape mon bras, me tire avec lui et monte les marches du perron. Non, c'est jamais drôle quand je reviens dans ce coté plat et noir de ma vie, loin des pensées et des envies folles.
-Tu verras, la prochaine l'envie de me déranger te passeras bien vite quand papa et maman t'aurons gentiment rouspéter.
Il me jette un coup d'oeil, et moi je me fige quand sa main s'écrase avec force sur le boitier de la sonnette, comme s'il voulait être sûr qu'on l'entende ; je tressaille.
Très vite, on entend les talons de ma mère claquer sur le sol abîmé mais toujours parfaitement lavé et je me mets très vite à prier réellement cette fois et depuis longtemps, pour qu'enfin on m'épargne, rien que pour maintenant. Qu'on m'évite au moins l'humiliation devant Harry ; devant lui, je sais très bien m'humilier toute seule, comme en vomissant, par exemple. Je promets également à Dieu que je ne recommencerai plus, mais nous savons tous les deux que cette promesse ne sera pas tenue, alors qu'elle devrait vraiment l'être.
La porte s'ouvre, mon cœur manque un battement, essaye de caler son rythme sur celui d'Harry, mais de son coté je n'entends rien battre. Alors que son regard nous scrute, lui, puis moi, et moi puis lui, le soleil s'échappe, se cache derrière un nuage, et je supplie à ce qu'il me prenne avec lui, que je sois cachée, toujours, qu'il me fasse enfin devenir une étoile, et que je puisse briller. Je sais ce qu'elle pense, ma mère, ce qu'il se passe derrière ses prunelles, celles vertes noisettes. Un garçon. Sa fille est partie pendant une nuit, fait honte à la famille avec son irrespect total, et elle ose revenir avec un garçon, et pas le mieux, qu'on se le dise.
Non un garçon qui ne respecte pas sa peau : a des tatouages. Un garçon mal vêtu et au style arrogant. Rien qui pourrait m'influencer de bonne façon. Un garçon qui sèmerait le trouble comme moi je ne dois pas le semer, ne pas essayer de le faire, ne même pas y penser. Le silence règne, insoutenable et lourd, et je me mets encore à regretter, je ne peux faire que cela ; regretter, essayer de vivre malgré la mort qui pourrie l'âme, et une fois finit se retrouver plus rongée qu'au départ. L'air étonné et furieux de ma mère ne passe qu'un instant sur son visage, assez pour que moi je le remarque, mais pas Harry, qui lui doit, comme tout le monde, se laisser avoir par le chignon bien fait, le sourire plaqué et les mains jointes.
-Sun.
Elle prend un ton doux, un ton qui questionne alors qu'en réalité il prévient, porte longuement son attention sur Harry.
-Je vous la ramène.
Il hausse simplement les épaules, coupe de peu la parole à ma mère, ignore facilement son venin qui essaye de se répandre jusqu'à lui.
-Très bien. Et qui êtes-vous ?
Il hausse encore les épaules, sourit de façon provocatrice : sourit à la mode Harry. Il assume, n'est pas sous son emprise comme je le suis, n'a rien à cacher ni à taire. Il peut être lui, même si cela ne plaît pas. Mais ce qu'il ignore sans doute, mais que moi pas, c'est que son comportement aura des répercutions tout de même, non sur lui-même, c'est évident, ma mère ne prendrait pas le risque de tâcher l'image de la parfaite petite famille qu'elle entretient nettement depuis des années, mais sur moi, il y en aura.
-Bien.
Et elle fait quelque chose à laquelle je ne m'attendais pas : se décale sur le coté comme pour l'inviter, m'arrache une mine frustrée, perdue et incomplète.
-Veuillez entrer boire le thé, nous devons vous remercier d'avoir ramenée notre petite Sun chez elle.
Son apostrophe me concernant me fait presque grimacer, mais je me retiens, ne souhaite pas empirer mon cas, n'ai pas le courage de le faire. Puis je me dis qu'heureusement, le bouclé, aux cheveux courts maintenant, n'est pas du genre à rentrer chez une fille qui l'agace, sous l'invitation d'une fidèle de Dieu, pour boire le thé. Sauf qu'il tourne la tête vers moi, me scrute longuement, et je le vois presque rembobiner tout ce que j'ai fais depuis qu'il m'a surprit entrain de l'espionner avec Jelena dans le buisson de la forêt pour l'agacer et l'énerver, même si ce n'était pas mes intentions premières.
Mais un brin de curiosité brille également dans son regard, fait pétiller ses yeux d'une façon qui me fait me demander si moi aussi cela m'arrive, d'avoir les yeux qui pétillent, et alors que j'ouvre la bouche pour poliment le congédier, ma mère ne supporterait pas que je sois impolie avec les inconnus et que je fasse comme si elle et mon père m'avaient mal élevée, il aborde à son tour un faux sourire enchanté, et s'exclame avant d'entrer :
-Avec plaisir.
Et j'hallucine, clairement. Je cligne plusieurs fois des yeux, suit Harry à l'intérieur en priant pour que cela soit la suite de ma nuit, un cauchemar et que quand je me réveillerais, je serais toujours dans la voiture, à pouvoir encore inverser le cours des choses, même si je sais cela impossible. Ma mère me surprend encore, elle qui présente toujours son coté de bonne figure même dans le pire des scénarios, celui où un jeune homme peu présentable raccompagne sa fille chez elle après qu'elle ait fugué une nuit. Et au lieu de simplement le remercier et de couper court comme le ferait toute mère normale, elle ne peut s'empêcher de montrer à quelle point c'est une personne exemplaire, capable de choisir correctement l'option la plus polie et la plus représentative de la famille qu'elle s'est donnée tant de mal à construire.
Je baisse les yeux aussitôt, évite les regards oppressants de mes parents. Rapidement, ma mère s'éclipse dans la cuisine pendant que mes doigts jouent ensemble, tourbillonnent et grattent la peau autour de mes ongles, ce qui fait tiquer d'horreur mon père qui déteste que je fasse cela. Je laisse mes bras retomber le long de mon corps pour éviter de recommencer, voudrait bien mettre mes mains dans mes poches mais je n'ai pas le droit. Cela fait lever les sourcils à Harry, qui sans doute surprit, me regarde. Il est certain que lui ne se serait pas gêné pour continuer ; mais lui et moi sommes à des années lumières, de toute façon.
Mon père me fait signe de m'asseoir sur le canapé, ce que je fais sans plus tarder, ne veut même pas jouer la maligne devant Harry ; à quoi cela servirait, à part à gagner un peu plus de bleus, de plaies et à perdre plus de sang ? Il y invite également le brun, qui décline en lâchant un « ouais non ça ira » en fixant les vieux canapés, ceux qu'on a récupérés de ma grand-mère défunte. Ils sont troués à quelques endroits, mais à moi, cela ne me dérange pas vraiment, parce que c'est là-dessus que j'ai passé la plupart des bons moments de mon enfance.
J'y passais beaucoup de temps chez ma grand mère, elle était adorable, prenait soin de moi pile poil comme il le fallait, savait comment me réconforter après les petites punitions de l'époque et je n'ai jamais compris comment ma mère avait pu devenir si différente d'elle. Oui, les punitions pour moi existaient déjà, moins fréquentes et violentes, c'est vrai. Mais elles étaient là, s'appliquer à jouer avec le cœur d'une petite fille innocente. C'était pour la plupart du temps les mêmes que les autres enfants de mon âge, et des fois je me mets à chercher à partir de quel moment tout à déraillé, changé, où on a essayé de me voler les sourires à la pelle que je sortais avant. Pourquoi il a fallu qu'on m'apprenne à lutter contre le Diable, le Malin, alors qu'on m'y confronter à chaque faux pas et erreur de la vie.
C'est drôle, quand on y pense. Parce qu'il y a pas moyens de vraiment cerner ma famille, mes parents, leur mode de vie, leur croyance, ce qu'ils pensent être et ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent de moi, aussi. Ça n'arrive plus maintenant, en tout cas de moins en moins, mais il y a eu de nombreuses fois où ils étaient capable de me faire pleurer à plus pouvoir en respirer, et venir ensuite m'embrasser la joue, manière tendre injectée à l'amour, me caresser les cheveux. Dans ces moments là, je me disais qu'ils m'aimaient quand même, mes parents, mais maintenant je sais que je suis grande, que l'amour c'est pour les petits, que j'en suis plus digne, sûrement.
Harry regarde autour de lui, ne se gêne pas pour passer la pièce au peigne fin, l'air amusé, moqueur. Il semble être tout le contraire de la situation, chaque fois. Il est facile d'ébranler ses nerfs, mais encore plus son amusement. Dans la forêt, vu le ridicule de la situation ; moi criant son nom pour le trouver, en pyjama, il aurait pu m'offrir l'ébauche d'un sourire. Mais alors que mes parents se tiennent le dos droit, sourire au visage qui veut dire tout autre chose, il trouve le moyen de rire. Je torture l'intérieur de ma lèvre, alors que je devrais rester de marbre, suivre avec le reste de la famille. Pourtant cela me sert à me retenir, retenir le mal, le laisser périr au fond, le fond de mon être, là où a toujours été sa place. Les secondes passées dans le silence me semblent durer le temps d'au moins trois vies et ma mère ramène enfin le thé.
-En fait, je préférerais un café, si vous avez. Le thé c'est pas trop mon truc.
Harry grimace en regardant la tasse, celle de la nouvelle vaisselle de ma mère qui contient des pétales de fleurs roses, et je retiens difficilement un sourire. Et je me dis que c'est dingue, que je suis dingue, moi aussi, à cause de lui, réussir à sourire alors que cela me vaudra sans doute une marque supplémentaire.
Ma mère le fixe un instant, essaye sans doute de savoir s'il a vraiment prononcé cette phrase ou si son esprit parano lui joue des tours. Elle le trouve déplacé, cela se voit dans sa façon de resserrer ses doigts autour du manche de la tasse. Malgré moi, je le trouve incroyable, Harry, d'avoir ce culot de laisser ma mère préparer, alors qu'elle a mentionnée avant que cela serait un thé, pour une fois fait lui dire qu'il aimerait davantage un café. À sa place, comme ma mère me l'a apprit, je n'aurai pas fait ma difficile : aurait bu tout de même en complimentant, faussement, certes, le breuvage. Idiotement, j'admire son caractère, j'admire secrètement, jamais ne pourrais le faire ouvertement. J'admire parce qu'il fait tout ce que j'aurai voulu faire, j'admire parce qu'il est lui, a le droit, peut.
Moi je me terre dans un rôle qui n'est pas le mien, je m'y terre de force, tellement que j'en oublie comment on respire, comment on parle et comment on vie. J'existe mais je vis pas, c'est cela le problème. Je suis bien là, je ressens, je sens, le bois de la croix sous mes doigts, le goût des larmes sur mes lèvres, la force du coup de ceinture qui s'abat, qui claque, qui fait crier. Tout cela je le ressens, mais je suis assoiffée d'autre chose, quelque chose qui me ferait être capable de lever la tête, les yeux, de regarder le ciel, et de voir qu'il est beau, qu'il abrite autre chose que Dieu.
J'ai jamais voulu le détester, Dieu, on m'a fait grandir avec lui et je le respectais, mais je ne supporte plus, aimerais casser toutes ces stupides statues, ces portraits, brûler ces livres, ces croix, mettre le feu à la maison entière, à moi. Je ferme les yeux, me dit « tu dérailles Sun », je me reprends, je survivrais , j'ai pas le choix, et même quand je veux me laisser mourir dans mon lit, baigner dans le sang, mon sang, je ne peux pas. On me force à me relever ; on veut me relever, pour me refaire tomber derrière, éviter de tomber soi-même.
Je me dis aussi que finalement j'ai peut-être encore de l'alcool dans le sang, que c'est cela qui me fait penser à ces choses néfastes, que je dois passer outre, garder les yeux fermés tant que les larmes ne seront pas chassées. Finalement j'arrive à remettre les sentiments à leur place, au fond du cœur, les écraser loin, refermer la porte, ne plus l'ouvrir. Pas tant que j'aurai le choix.
-Bien sûr. Je vais faire cela.
Ma mère répond simplement, mais je vois le coin de son œil tiquer comme à chaque fois qu'elle est irritée, tic qu'on est pas nombreux à avoir remarquer. Mais moi je l'agace souvent, c'était irrémédiable que je m'en rendes compte un jour. Elle repart dans la cuisine.
-Alors, où étais-tu ?
Je me tourne vers mon père, lui qui est adossé dans son canapé, joue avec les lunettes qu'il met uniquement pour lire. Je redoutais cela, ne sait même pas quoi dire pour me justifier. « J'étouffais, père, tout se confondait, je ne pouvais penser à rien, pourtant je pensais à tout, c'était épuisant, il fallait que j'aille essayer de me trouver rien qu'une fois » ? Mes ongles s'enfoncent dans la peau de mes mains. Ridicule. Toujours du ridicule, toujours de la honte, toujours la même chose. Et moi, je ne me suis pas trouvé pour autant, aies juste été bourrée, cela m'a permit plus de courage c'est vrai, mais à quoi bon avoir du courage quand on ne sait pas s'en servir ?
-J'ai... J'ai eu une insomnie alors...
Il me coupe sans vraiment le faire ; m'évite juste de m'épuiser à chercher une excuse qui de toute façon ne servira à rien ; veut juste en venir au fait.
-Et donc tu rentres à cette heure là ?
-Je suis désolée... Je me suis perdue, je ne pouvais pas revenir, mais j'ai conscience que je n'aurais pas dû partir...Pardonnez-moi...
Soit je n'aurai jamais dû quitter cette maison, soit j'aurai dû partir bien avant. Les deux solutions sont un dilemme, dures à choisir et à réaliser.
-Oh non, tu n'aurais pas dû, nous sommes d'accord. Et as tu une excuse pour cet homme qui te raccompagne ?
-Ce n'est pas...-
-Qu'est-ce qui explique le fait qu'un homme te raccompagne ?
Son ton se hausse ; il perd patience, s'énerve, et je sais que je ne pourrais rien y changer.
-Il m'a trouvée, c'est tout.
Et je n'ai jamais souhaité que mes paroles soient aussi véridiques. J'aurai réellement souhaiter qu'Harry me trouve, qu'il sache voir les machines rouillées de mon cœur, celles qui font encore circuler le sang dans les veines, font tout fonctionner, mais avec des grincements incessants et irritables. Mais personne ne voit jamais rien, personne ne voit autre chose que son rouge à lui.
-Ouais, ça m'arrive souvent de jouer au baby-sitter en ce moment, y'a des périodes comme ça faut croire.
Mes lèvres se pincent entre elles, je lui jette un coup d'œil, lui demande silencieusement de la fermer. Mon père hausse les sourcils, repose ses lunettes sur son nez, comme pour l'examiner de plus près.
Ma mère revient avec le café d'Harry et il la remercie brièvement avant de refuser le sucre qu'elle lui donne, de boire d'une traite, et je retiens une petite mine de dégoût en imaginant le goût amer, brute, la couleur noire qui brûle la langue de sa chaleur, qui laisse une trace indélébile, un peu comme l'horreur.
Je passe une main sur mon bras sans rien dire, n'attends que le moment où je pourrais me réfugier sous la douche, être seule, reprendre des décisions, peser le pour ou le contre d'une vie comme la mienne, des choix à faire : subir et se taire ou subir et changer ? J'attends que ce moment gênant et incroyablement long prenne fin : veut oublier cette histoire en entier, appeler Jelena, penser à autre chose, à tout autre chose.
Mère examine encore Harry, comme une bête de foire inconnue, s'attarde sur ses tatouages, ceux qui remplissent une grande partie de ses bras, ceux qui me donnent toujours envie de le déshabiller pour voir s'il en a d'autres. Les tatouages sont quelque chose d'interdit ici, ainsi que les piercings, les bijoux trop gros, également, tout ce qui attire les regards inappropriés. Mes parents disent que c'est vulgaire, affreux. Moi j'aimerais bien être affreuse de cette manière là, mais je pourrais jamais, devrais me contenter de ma beauté abîmé pour le reste de mes jours, parce que j'ai l'impression que je ne m'en sortirais jamais.
Ils disent sans cesse que dans l'ancien temps, les seuls tatoués étaient les prisonniers, les racailles traînant dans les rues, ceux qui braquent soit-disant des épiceries. Et les femmes, bon sang qu'elles sont inhumaines si elles osent sacrifier leur peau vierge. Souvent, dans ma tête, en les entendants, je me dis qu'ils devraient apprendre à vivre avec leurs temps ; les choses évoluent, bien heureusement. Mais ils me bloquent dans une époque à laquelle je n'appartiens pas, sûrement dû à la nostalgie qu'ils éprouvent pour la leur. Je sais, et je trouve cela normal que les enfants doivent être élevés dans le respect, dans la politesse et dans la générosité, mais peut-être ne méritent-ils pas d'être élevés comme je le suis.
-Bon c'est pas tout ça mais je me casse moi.
Il se lève, et alors que je souhaite qu'il parte depuis qu'il est rentré, je me surprends à vouloir attraper son poignet, lui dire de soit rester, soit m'emmener, peu importe l'endroit où il me mènera.
Ma mère suit le mouvement, mon père aussi, et je me sens obligée de faire de même, de ne pas rester assise seule dans le canapé. Elle le raccompagne à la porte, le remercie encore de m'avoir ramenée seine et sauve à la maison et je pense qu'elle en est sans doute vraiment ravie ; je serais encore mieux à démolir, pas de doute. J'entends Harry lâcher un « ravi de vous avoir rencontré » ironique, et la porte se referme, lourdement, me condamne.
Je déglutis, ne dis plus rien, plus besoin de parler maintenant. Non, maintenant, vient juste le moment d'encaisser, de serrer les dents, d'essayer de ne pas devenir accablée par les sentiments, mais cela devient compliquée, et je n'en vois plus le bout.
Je le fixe, lui, lui et son regard noir, qui s'obscurcit toujours plus que je ne le crois capable, et j'aurai presque le reflex de me reculer ; instant de survie, qui doucement s'échappe et s'en va. Sa main s'écrase contre ma joue, résonne d'un bruit brutal, et la pièce est subitement privée de son oxygène et de sa vie, elle est juste vide. Bientôt on le sera tous, vide. L'air froid picote ma joue, puis elle chauffe, me brûle. Résiste Sun, t'en as connus bien pire. J'apporte ma main à l'endroit douloureux, les larmes démangent mes yeux, chatouillent mes cils, et je l'entendrais presque penser que je n'ai aucune raison de pleurer, Dieu m'a prit sous son toit charitablement. Ma mère Lucie nous regarde qu'un instant.
-Allez Sun, il est temps que tu montes dans ta chambre.
Et elle disparaît dans la cuisine, ne semble même pas avoir remarquer ma joue rouge, mes yeux gonflés et translucides à la panique, à la tristesse, à la rancœur et à toutes ces autres choses sur lesquels je n'arrive à mettre de noms. Je suffoque, mon menton tremble et je sanglote, m'empresse d'aller dans ma chambre. Je me pose un instant contre ma porte, celle qui ne ferme même pas à clés, ferme fortement les yeux, chasse tout ces moments de ma tête. Je respire, ouvre la fenêtre pour bénéficier d'une bouffée d'air frais. Puis j'attrape mon téléphone dans la poche de ma veste, me faufile dans mon lit, sous ma couette, le déverrouille et vais directement sur messenger.
Je n'ai pas de compte Facebook, m'en suis juste créé un faux pour parler à Jelena quand bon nous semble. J'appuie mon doigt sur l'icone du petit micro et met pratiquement le téléphone contre ma bouche.
« Coucou toi, comment tu vas ? Je suis rentrée chez moi seulement maintenant ; je suis sorti hier soir, j'ai vu Harry, mais j'ai bu avant cela. Il faudrait qu'on se voit pour parler du coup... Je renifle sans pouvoir m'en empêcher. bisous »
Je retire mon pouce du micro, laisse la note vocale s'envoyer. Directement après, je sens mon portable vibrer dans ma main, me couche sur le dos pour être mieux, le met au dessus de mon visage ; m'assure que le son soit baissé de façon à ce que moi seule puisse l'entendre.
« Ça va chérie ? Parce que y'a pas l'air des masses. Ah ouais ? Je la vois presque sourire à travers ses paroles. Et qu'est-ce qu'il s'est passé avec ce beau gosse ? Ouais je vois si on peut se voir ce soir ou quoi sans soucis, je te tiens au courant. Tiens toi prête à tout me dire »
Je lâche un petit soupire, lui envoie simplement un cœur pour conclure, lui dire que c'est ok. Puis je glisse mon cadeau dans ma housse d'oreiller ; sa meilleure cachette, comme je suis contrainte de moi-même changer mes draps, il n'y a aucun moyen qu'on le trouve ici.
J'y reste un long moment, dans ma chambre, vague entre les moments de somnolence et d'absence. Pas une fois on me dérange, étrangement, et j'y reste quatre ou cinq heures, récupère plus au moins de ma nuit. Quand je jette un coup d'œil à ma fenêtre, je constate que le temps est encore gris, ai hâte que l'été arrive enfin, même si le début de l'été signifie le bac. Et comme je redoutais le fait de devoir sortir encore une fois de cette chambre pendant la journée ; une main toque contre ma porte, et la voix de ma mère se faufile jusqu'à mes oreilles.
-Sun, tu descends s'il te plaît.
Je lâche un petit « Oui, j'arrive de suite », pense « non j'ai pas envie ». Mais je me lève, attend qu'elle soit en bas pour aller me rendre plus présentable ; on doit toujours être présentable, chez soi ou pas, invité ou pas. Puis je redescend, déjà épuisée d'avance de ce que va être le reste de ma journée. Je les rejoins, fronce les sourcils un instant. Bien visé : un invité. Peut-être le nouveau voisin, ou un nouveau fidèle de l'église. J'en sais rien, mais dans le fond m'en fiche pas mal ; juste l'envie de dire oui c'est bien bonjour, et de retourner dans ma chambre, de me rendormir, de plus jamais avoir à me réveiller, à entendre le réveil sonner et à me demander ce que sera cette journée.
-Donc, Sun. Tu as désormais 18, l'âge d'être enfin adulte, tu le sais, et d'appartenir à un mari, avoir des enfants. Fonder ta famille aussi bien que nous avons su le faire. C'est pour cela que nous te présentons Gabriel, celui qui aura ce rôle.
Il parle d'une traite, ne me laisse pas placer un mot, je peux juste ouvrir de grands yeux, entendre la voix de Jelena murmurer dans un coin de ma tête « Putain je suis sur le cul ma vieille ». Moi aussi, Jey, moi aussi. Je les regardes tous à tour de rôle, me dit que c'est peut-être une blague, mais me rappelle que ce n'est pas le genre de la maison. Je m'attendais à un tas de choses, mais certainement pas à cela. Je me sens perdre pieds, me décomposer sur place. Comment on fait, pour remonter le temps ?
Le sois-disant Gabriel s'approche de moi, brun, yeux bleus, visage carré, barbe sombre, un homme qui impose ; pas de doute. Mais il me fait penser à Simon, la ressemblance me frappe, qu'à moi, apparemment, me fait me méfier, irrémédiablement. Pourtant son attitude semble être le parfait opposé : d'un geste doux et tendre, il m'attire près de lui, pas trop quand même, passe son bras gentiment autour de ma taille, me considère peut-être déjà comme acquise. Il dépose un chaste baiser sur mon front, me sourit, a l'air bienveillant, mais je me crispe, ne peux pas faire autrement. Je ne le connais pas ; de plus, il a été choisit par mes parents ; il y a forcément quelque chose qui cloche là-dedans.
Je plante mes yeux dans les siens, avec lui m'autorise discrètement à lui faire passer toute mon incompréhension et mon désaccord, mais son sourire lui reste cramponné au visage. Du coin de l'œil, je les vois, sens leur enthousiasme répugnant à plein nez, celui de mes parents, contents d'avoir trouver un nouveau moyen de me faire complètement remettre les pieds sur la bonne route, celle dont je ne cesse de m'éloigner, comme un lointain souvenir que je ne souhaite qu'oublier. Sûrement un peu brusquement, je me dégage des bras de cet homme, cela commence à faire beaucoup, s'accumule trop, j'ai besoin d'une pause dans ce jeu incessant qu'est ma vie. Tous se regardent, prennent une mine étonnée.
-Sun ? Est-ce que tu te sens bien ?
Je les scrutes, l'air ahurit, sérieusement ?
-Comment... Pourquoi devrai-je être avec cet homme ? Victoire n'a...
Mon père me coupe, la voix haute.
-Victoire n'a jamais eu ce genre de comportement déplacé, elle a toujours eu le respect de soi, toujours su respecter tout le monde, toujours eu conscience de la chance qu'elle avait.
Je veux protester, mais son indexe se lève dans les airs, m'indique précisément que je ferais mieux de ne pas répliquer, sinon je sais quels risques je prends, ceux si je venais à lui désobéir, devant tout le monde, et devant un invité, par dessus le marché.
-Voyons !
La voix enjouée de ma mère surgit presque de nul part, essaye de détendre l'atmosphère, de passer outre ce malaise. Elle tapote dans ses mains, nous congédie vers les escaliers, sourit, lance : Montez donc dans la chambre, faites connaissance, sagement mon garçon.
-Évidemment, il en convient madame.
Gabriel pose une main dans le bas de mon dos, sort de la cuisine, m'entraîne avec lui, et j'entends ma mère s'exclamer joyeusement « Cet enfant est parfaitement celui qu'il lui faut, j'ai une confiance aveugle en lui ».
Je marche, les pieds comme cloués au sol ; m'empêchant d'avancer. Mais je force, me dit qu'une fois dans ma chambre, je pourrais lui dire de se taire, m'allonger dans mon lit et l'ignorer. J'entre, m'assois directement sur mon matelas, épuisée, reporte mon regard sur Gabriel et ses cheveux noirs comme du charbon, ses yeux bleus comme l'océan. Front droit, joues scintillantes. Traits fin, raffiné. Il est beau. Mais il est d'une beauté sage. Une beauté qu'on respecte. Une beauté que je n'ai pas choisis, qu'on veut me forcer à aimer.
M'a-t-il choisit, de son coté ? Comment cela s'est passé, pour lui ? Je pense qu'il a eu le choix, que la décision vient de lui, qu'il a du dire oui à mon père, ne se doute pas de ce qu'il se passe derrière. Ici c'est comme cela que les choses se passent : les hommes décident, les femmes suivent, écoutent et hochent la tête en allant. Elles ne perdent jamais le sourire non plus. Je déteste cela. J'ai toujours détestée cela. Et je le ferais encore. J'aimerai que ma vie soit mienne, que je puisse en faire ce que bon me semble, quitte à la gâcher, la noyer sous des litres d'alcool ; cela semble bien réussir à Jelena. Je veux partir, qu'on me laisse crier, me laisser ne pas avoir envie, seule. Je veux boire. Je veux danser. Je veux faire l'amour et je veux injurier. Je veux l'impossible et contrôler la brutalité.
-Comment est-ce que tu vas ?
Je ne réponds pas tout de suite. Comment je vais ? Je ne sais pas, comment je vais ; mal, sans doute.
-Je vais bien, et toi ?
Je demande, mais ne souhaite pas particulièrement de réponse.
-Bien. C'est bien aussi, ce qui nous arrive, non ?
-C'est bien aussi, ce qui nous arrive ?
Je répète après lui, mots lents et sans sens. Je leur en cherche, pourtant. Mais rien. Il parle mais ne dit rien.
-Non. Ce n'est pas bien. Me marier à 18 ans, ce n'est sûrement pas bien.
Son sourire diminue, le mien n'a jamais existé. Je remue un peu la tête, regarde ailleurs, me dit que ma vie est d'une stupidité sans nom. Ses doigts passent dans mes cheveux ; je recule un peu la tête, surprise. Mais il les repousses simplement de mon visage, passe son pouce sur ma joue. Une sensation de douceur bizarre, que je n'ai pas souvent ressenti, comme s'il, inconsciemment, voulait me rappeler que les hommes peuvent être doux, aussi, ou bien seulement lui. C'est quelque chose de tendre, que j'aurai envie de sentir encore au moins une fois. Je craque peut-être déjà, mais sait qu'il n'est pas le même que Simon; quand Simon essaye d'être gentil, sa peau est rugueuse, caleuse, n'a rien d'agréable.
Là, c'est spontané, sincère, et la sincérité, cela fait longtemps que je l'ai perdue de vue. Et si j'ai l'impression que Gabriel changera quelque chose à mon état, je sais que cela ne sera plus le cas dans à peine cinq minutes. Que c'est sur le coup, que cela va passer ; cela passe toujours. Les sentiments vont et viennent, puérils, vides et pleins. Il y a forcément quelque chose de louche, me méfie plus de mes parents que de lui, en réalité. Alors je repousse sa main, tourne la tête sur le coté. Je veux être seule. Seule avec Harry. Pas avec Gabriel.
-Sun s'il te plaît, tu ne pourras rien changer à cela, tu le sais.
-Ah oui ? Et pourquoi pas, à la fin ? Pourquoi cela ne serait pas moi qui déciderai ?
Il fronce un peu les sourcils, retrouve son sourire, et même si cela est de manière gentille, j'ai l'impression qu'il se moque de moi ; je me dis que j'ai pris la bonne décision. Il est peut-être un homme bien, mais il est comme les autres, et moi je veux être différente des autres. Terriblement différente.
-Parce que c'est ta destinée, et que tu ne peux la changer, alors ne la renie pas, assume la avec fierté.
Je laisse presque échapper un rire nerveux d'entre mes lèvres, souhaite lui crier que lui n'est pas destiné et que rien ici ne l'est. Avec fierté ? De quoi pourrai-je être fière ? Alors j'inspire, garde le contrôle; il ne m'échappe que rarement, le contrôle c'est comme le respect, cela se travaille et s'apprend. Je le maîtrise. Mieux que tout le monde dans cette fichue maison, sans doute. Et j'ai envie de lui dire cela, à lui, assit sur mon lit, plus dans son milieu que dans le mien. Mais je sais que les choses enfouies en moi, les sentiments, les pensées, sembleraient moins importante si elles étaient dites à voix haute. Et il me dirait d'aller prier, de me laisser guider par la volonté du Seigneur. Mais ma volonté à moi, elle est où, là dedans ?
Tous les deux, on finit par rejoindre mes parents ; Gabriel prétexte que cela c'est très bien passé, que nous nous entendons à merveilles. Alors ils me laissent, sont satisfaits ; je dois quand même rester en leur compagnie. Quand tout ce cirque sera-t-il finit ? Je suis comme un pantin, on tire sur les ficelles, on me fait bouger, et je bouge, je suis prisonnière.
Ensuite, Victoire et Simon reviennent manger, comme toujours, mais pour cette fois venir faire la connaissance de mon « futur mari ». C'est maman qui l'appelle comme cela. Avant le repas je décide de lâcher mes cheveux, ma mère préfère qu'ils soient tirés en arrière, me fassent mal au crâne, moi je les veux libre, eux au moins, jouer avec. Je me surprends moi-même quand je me rends compte que je fais cela dans l'unique but de contrecarré les stupides valeurs de celle qui m'a élevé. J'applique une fine couche de mascara sur mes cils, m'examine longuement dans le miroir : en rajoute plus que d'habitude. Et quand j'ai tapoté mes joues assez fort pour qu'elles virent légèrement au rouge et qu'elles me donnent l'impression d'être vivante, je descends rejoindre leurs voix fortes : les rires hypocrites, le quotidien. Ils rient seulement en mon absence, ou rient de moi.
-Bonsoir.
Je m'assois à ma place après les avoir salué, ne souhaite pas m'y attarder. C'est dangereux, de s'attarder dans les bras de Victoire, elle peut serrer jusqu'à m'étouffer, c'est dangereux, de s'attarder dans les bras de Simon, il peut toucher jusqu'à violer. Ni limites ni frontières pour les deux. Moi je ne semble être faite que de cela, mais me dit que pour le coup, ce n'est pas plus mal. Tous me rejoignent ; Gabriel prend place à coté de moi, je le laisse faire, croire discrètement les jambes sous la table, pose mes mains dessus.
-Tu es très jolie comme cela.
-Merci, c'est gentil.
Jek dit de Jelena qu'elle est sexy, elle, il le lui dit toujours, cheveux attachés ou relâches, habillée ou dénudée, sourires ou larmes. Elle se vexerait s'il lui disait qu'elle est jolie, dirait qu'elle est bien plus que cela, l'enverrait sûrement balader et il reviendrait vers elle tout en riant, lui avouerait alors. Oui il la trouve sexy, séduisante, bandante et baisable. Parce que c'est tout ce qu'est Jelena. C'est ce qu'elle me raconte tout le temps, et elle se sent toujours bien, quand elle le raconte. Parce qu'elle sait qu'il le pense. Elle le voit, elle aime cela.
J'y pense parce que Jey, ses mots, ses actes, ses pensées, sont encrées dans ma tête, profondément, plus que la croix de bois autour de mon cou qui s'enfonce dans ma chair quand les coups sont plus durs, plus violents, qu'on approche de l'épuisement alors qu'on est obligés de tout libérer plus vite. Oui, Jelena elle est importante, parce qu'elle est là, elle, toujours là, quand ça va, quand ça va pas. Jey elle rassure pas beaucoup, elle sait pas le faire, mais elle rappelle la fraîcheur, la liberté, la magie des moments passées sans pleurer. Elle change les idées, tout le temps, m'emmène avec elle, loin, près de Jek et d'Harry. Et je voudrais qu'on y soit encore plus longtemps, à des années lumières de ma famille et de toutes ces choses en lesquels je suis épuiser de m'efforcer à croire.
-Alors vous avez fait connaissance ?
-Oh oui, pas encore énormément, mais nous avons bien discutés et nous sommes sur la bonne voie.
C'était à mourir d'ennui, d'ailleurs, mais je ne dis rien, ce n'est pas Gabriel que je veux blesser, au fond. Et c'est stupide, parce que cela ne blesserait même pas mes parents, à coup sûrs cela les réjouirait peut-être encore plus.
-La discussion n'est pas vraiment un domaine maîtrisé chez Sun oui, elle dit rarement des choses intelligentes, ou drôle.
Ma sœur sourit, fait paraître sa méchanceté comme de la taquinerie, et tous lâchent un petit rire. Pas moi.
-Oh. Eh bien ce n'est pas un problème, les gens changent.
Il me regarde, je me dis qu'il n'est vraiment pas méchant, simplement naïf. Puis le repas est posé sur la table, et tous nous joignons nos mains les unes dans les autres ; moi coincée entre Gabriel et mon père. Je déteste le simple contact de sa peau contre la mienne, préfère de loin serrer les doigts de Gabriel plutôt que les siens, crasseux de sang. Pourtant rien ici n'est agressif, mais les souvenirs le sang, réveillent la douleur qui avait disparue. Mais je ferme simplement les yeux comme tous, murmure les dents un peu plus serrées que normalement :
''Je vous rend grâce Seigneur pour les bienfaits que vous nous donner chaque jours à moi et à ma famille, merci de bénir ce repas et tout ceux qui le mangent, merci de donner du pain à ceux qui ont faim... Seigneur Dieu, protégez nous. Amen.''
Nous nous redressons, nous souhaitons tous un bon appétit, ma sœur et moi quant à nous plus de nous étouffer qu'autre chose. J'attrape ma fourchette, commence à manger, me nourrit sans grande envie. Et je repars avec mes pensées, bagages à la main, pars creuser une tombe, un endroit où je pourrais me reposer tranquillement. Les bavardages incessants tentent de me ramener sur Terre, mais je me défais et m'échappe, c'est le seul moment où j'y parviens.
Dès que la soirée est terminée, et que je peux m'en aller, je m'empresse d'appeler Jelena, lui explique les moindres détails, parle le visage dans mon oreiller pour ne pas me faire entendre, prie pour qu'elle comprenne quand même ce que je dis. Je lui dis tout, les choses bizarres, gênantes, ce qui se passe généralement dans ma tête, les choses farfelues : j'ai besoin de faire, de voir les choses différemment de ce à quoi on m'a habitué. Jey a cette différence là.
-Et alors il est bon ?
-Bon ? Euh il est normal, qu'est-ce que tu entends par bon ?
-Baisable ? Il est baisable ? Bah merde Sun, c'est ton futur mari, bouffe le dès maintenant, perd par de temps, saute lui dessus.
-Mais je peux pas faire cela. S'il dit tout à mes parents ? Je ne suis pas une fille facile.
-Eh ma belle, prendre du plaisir c'est pas être une fille facile. Ou alors j'ai toujours été une putain de fille facile.
Elle lâche un rire à travers le téléphone. Et comme je me tais, elle poursuit :
-Bon ok, mais je préfère que tu deviennes une fille facile que tu gardes ce balais dans le cul, ça doit faire un mal de chien à la fin. Alors laisse le te baiser, t'auras un peu d'expérience pour le mec de la forêt avec un peu de chance.
Je rougis, me frotte le visage. Bien évidemment qu'il faut que j'ai de l'expérience pour plaire à Harry. Il doit avoir perdu sa virginité depuis un bon moment, lui. Mais c'est une mauvaise idée. Surtout que cela voudrait dire que je me sers de Gabriel. Pourtant le sexe n'est pas censé être une chose du quotidien quand on est en couple ? Je grogne, finis par raccrocher après avoir encore parlé un peu. Je ne suis pas censée vouloir coucher avec un homme que je ne connais pas. Mais je le fais déjà, c'est vrai.
Harry.
Harry.
Harry.
L'envie de nouveauté, l'envie de changement, elle est de plus en plus là, picote mes veines, ma peau, tout. Cela brûle et dévore de l'intérieur. Toujours plus. Et je vais finir par craquer. Comme un instinct animal, peut-être celui dont Jelena faisait allusion le jour de mon anniversaire. Elle dit que c'est de notre âge, qu'elle de toute façon, même si elle a encore 17 ans, cela fait 3 ans que c'est de son âge. Elle dit que c'est trop bon pour passer à coté. Que j'ai déjà perdue assez de temps. Elle dit aussi que c'est l'une des 7 merveilles du monde, que s'en est de loin la meilleure. Et je lui fais confiance. Parce qu'elle ressent tout puissance mille Jey, et qu'elle me donne envie de faire pareil. Je veux son charisme pour attirer les hommes vers moi, jouer avec eux, m'amuser. Je veux les détails, les mots, les gestes et les sensations. Elle a tout. Moi aussi je veux tout. Je veux vraiment tout.
Alors si Gabriel est vraiment mon fiancé, serait-il contre ? Il est jeune lui aussi, doit forcément avoir fait quelque chose : c'est un homme, Jelena dit que les hommes sont encore plus impatients. Qu'ils sont jamais rassasiés, toujours la dalle, comme elle dit, avides et pervers, et elle plaisante en disant qu'elle est peut-être un mec, après tout. Mais je crois que moi non plus, j'en suis pas si loin, même si je n'ai pas encore eu la chance d'y goûter. Je suis avide avant même de l'avoir fait.
Pourtant il y a la peur de cela aussi. Les étiquettes. Celles qu'on attribuent sans y penser. Par les regards et les jugements. Pour l'instant je suis la petite catho. Mais je suis une petite catho parmi tant d'autres. Sauf que je peux pas m'en défaire, cela colle à la peau, faudrait l'arracher, peut-être. Jelena dit qu'elle l'a arraché. Je l'ai pas pris au sens propre, évidemment. Je veux pas non plus avoir l'étiquette de la salope, être catalogué comme cela. Je voudrais juste ne pas en avoir, la créer moi-même, et peut-être que plus tard, je me mettrais dans la catégorie des « vivantes ».
Je veux pouvoir faire tout ce que je veux, et la première chose serait de découvrir ce sujet si pudique et tabou aux yeux de ma famille. Comme si à chaque caresses et chaque baiser, la culpabilité devait amener se confesser à l'église, demander pardon pour ne pas avoir su résister à la tentation. Moi j'y résiste sans cesse à la tentation, je fais pas forcément exprès, j'en suis prisonnière, c'est tout. Elle me suit, veut pas me lâcher, alors je la laisse, c'est pas la plus lourde à porter.
C'est presque si je me choque moi-même, me dit que je change trop, qu'il va falloir remédier à cela. Que surtout, peut-être que si je le fais une fois, rien qu'une, l'idée de recommencer m'abandonnera, et je serais tranquille. Je pourrais attendre sagement la fin de ma vie. Il n'y a que cela à attendre, ici.
Puis j'entends des pas dans les escaliers. C'est lui, forcément lui, j'aurai reconnu la démarche lourde de mon père, autrement, les petits pas de ma mère, l'allure de peste de Victoire. Mais là, ce sont juste des pas normaux, qui le mènent jusqu'à moi. Gabriel prenait le thé avec mes parents et les deux autres. Je n'ai aucune idée si mes parents l'autorise à dormir ici, peut-être dans la chambre d'ami, mais dans tout les cas, je n'en ai aucune envie : qu'il reparte chez lui. Qu'il me laisse, moi, les cauchemars, les démons et les idées noires. Puis il y a aura la souffrance, la douleur, les coups, cela recommencera, comme une boucle infernale.
Il toque, entre seulement quand je lui ai dis qu'il pouvait le faire. Il affiche automatiquement un sourire sympathique ; je me redresse un peu dans mon lit. Allez Sun, ne fais pas quelque chose de stupide. Pas avec lui. Pas ici. Certainement pas.
-Je ne dérange pas ?
-Non.
Si, il dérange. Tout le monde me dérange. Foutez moi la paix.
Il s'assoit près de moi, et je m'approche, le fait automatiquement, ne sait même pas d'où cet automatisme me vient. Il affiche une mine curieuse quand je m'assois sur lui, place mes jambes de chaque coté de son bassin. Jelena m'a dit que c'est comme cela qu'elle s'asseyait sur Jek le plus souvent. Alors j'approche mon visage du sien. Mince, mais Sun qu'est-ce qu'il te prend à la fin ? Ses yeux scrutent les miens, puis mes lèvres, et mon cœur bondit d'appréhension quand je me dis qu'il en a peut-être lui aussi envie, qu'il ne me repoussera pas. Je n'ai jamais embrassé personne.
Seulement Simon. Ce n'était pas vraiment volontaire, c'était immonde, et dégoûtant. Je veux voir si avec lui, cela sera différent. Cela sûrement un vrai baiser. Alors doucement, timidement et maladroitement sûrement, je pose mes lèvres sur les siennes. Ses mains viennent se poser sur mes hanches, et j'entends mon prénom sortir de sa bouche avant qu'il ne m'embrasse, lui aussi. Je souris intérieurement ; je le savais, et Jelena avait raison. Je presse ma bouche contre la sienne un peu plus fort, me colle contre lui, et constate avec déception que ce n'est pas si terrible. Ses lèvres sont pincées, je n'arrive pas à y glisser ma langue, pourtant il ne me repousse pas. Peut-être est-ce simplement sa manière de procéder.
Sauf que rien ne se met à brûler dans mon bas ventre, j'ai l'impression de tout, sauf d'embrasser, alors je veux essayer plus. Jelena n'avait pas l'air de mentir. C'est peut-être moi ? Je ne bouge peut-être pas mes lèvres comme il le faut ? Mais je n'ose pas lui demander. Est-ce que je ressentirais la même chose si c'était Harry, à la place ? Je me retrouve frustrée, quand je passe mes mains sous sa chemise boutonné jusqu'en haut après avoir tiré dessus pour qu'elle sorte de son pantalon. Et j'ai à peine de glisser mes doigts sur sa peau qu'il attrape mes poignets, les sourcils froncés.
-Sun, qu'est-ce que tu fais ?
Je rouvre les yeux, doit affronter son regard perdu. D'accord. Ce n'est pas ce que je pensais. Mes joues s'empourprent tandis qu'il remet bien son vêtement dans son pantalon.
-Quoi ? Je n'en sais rien, j'avais envie, pas toi ?
-Si, si c'était agréable, mais il va falloir que je rentre chez moi. Ce n'était que le premier soir.
-Oui... oui c'est le premier soir, je suis d'accord.
Je me frotte le sourcil, me souviens brusquement que c'est ce qu'Harry fait souvent, quand je l'observe. Que cela soit à la forêt, quand il attrape son tee-shirt, essuie son visage avec, retrace la courbe de son sourcils grâce à son indexe. Ou quand je l'énerve, alors il se met à regarder autour, répète le même geste. Il le fait d'autres fois, sans y penser, sûrement, et moi, comme une idiote, je le copie, car il ne veut me donner plus de lui. Je reporte mon attention sur Gabriel quand il se lève, attrape ma main pour en embrasser le dos.
-Tu connais la règle, pas d'écart avant le mariage.
Je hoche la tête. C'est clair et net, ce n'est pas le même que Simon, peu importe la ressemblance physique. Ils sont opposés.
Alors qu'il ouvre la porte de ma chambre pour en sortir, je l'arrête.
-Dis ?
-Oui ?
Il se retourne, a retrouvé son sourire, et je souris presque, moi aussi.
-Tu ne le dis pas à mes parents, s'il te plaît ?
Il secoue la tête de gauche à droite.
-Je ne comptais pas leur dire.
Et il referme la porte. Alors je me retrouve enfin seule, exactement comme je le voulais, et pourtant le vide revient m'accompagner, comme si lui et lui seul avait ce devoir de rester accrocher à moi, sans me libérer une seule fois. Le vide. Le vide. Le vide. Il n'y a que cela. Le vide à en mourir.
« On vit avec un cœur trop plein dans un monde trop vide. Et sans avoir usé de rien, on est désabusés de tout. »
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