Chapitre 3

Point de vue Jek :



Je n'ai pas forcément envie d'aller à une fête ce soir, je n'ai même pas envisagé d'y aller aujourd'hui, d'ailleurs. J'ai acheté la drogue pour Jelena et moi. Peut-être pour ce soir, peut-être pour demain. Mais pas pour aller dans une fête. Pourtant j'y vais, sans même traîner les pieds, pour elle, toujours pour elle. C'est même moi qui finit par les traîner plus vite sur le chemin de la forêt, c'est même moi qui en parle, qui explique à Sun combien ça va être géant. Elle nous suit de près, et je l'observe quelques temps regarder autour d'elle, les mains toujours tremblantes, comme si elle était incapable de se reprendre depuis un quart d'heure, doigts croisées et sourcils toujours un peu froncés. Comme si elle appréhendait tout ce qui l'entoure, ou qu'elle imaginait quelque chose de mal, tout le temps, alors je fronce les sourcils à mon tour.

-Tu sors pas souvent, hein ?

Elle tourne la tête vers moi, remue simplement la tête de gauche à droite pour me signifier que non, c'est pas à son habitude. Je souris un peu, ne réplique pas ; ça se voit. Je sens les yeux de Jelena fixer mon visage jusqu'à ce que je la regarde à mon tour, et la tire un plus plus contre moi, presse mes lèvres contre sa tempe, lui enlève cet air mécontent et frustré du visage. Quelle jalouse. Elle par contre, je la connais, et elle a beau me sortir son sourire le plus radieux, je sais qu'il y a quelque chose qui cloche, un truc que j'ai loupé, évidemment, sans doute ce truc qu'elle veut me montrer, mais elle en a pas décroché un mot de plus depuis tout à l'heure, mais je me dis que ça viendra, ça vient toujours, avec Jelena.

Finalement on rejoint rapidement une petite route, de là on entends le bruit de la fête, j'me dis que ça doit en être une sacrée, que Jey' voulait juste m'y emmener pour qu'on s'éclate, pour qu'on se tue la gueule et qu'on finisse la soirée comme elle en a envie, parce que Jey on la rassasie jamais. Je plonge ma main de libre dans la poche de ma veste, m'assure que l'herbe est toujours là, que j'ai pas été assez couillon pour la laisser tomber alors qu'elle m'a coûté cent balles. Je la retire une fois avoir senti le sachet frotter contre mes doigts, et me stoppe en arrivant devant le grand portail. Un portail en fer forgé, grand, environ plus de trois mètres de haut. Je tique un peu, mais laisse passer, je veux profiter de la soirée moi aussi, finalement.

Je m'engouffre dans la propriété avec les filles puis entre dans la maison. Ça sent fort, putain. Je pose mon regard sur un groupe de jeune qui est entrain de vomir à l'unisson dans un sceau minuscule, ce qui fait que la plupart du contenu coule à leurs pieds. Hm. La soirée à bel et bien commencé, visiblement, et on arrive sûrement pas les premiers. Je sens l'emprise de Jelena se resserrer sur mon bras, et pour une fois, elle n'a pas l'air complètement sereine, alors que ça, les fêtes, c'est son élément, et qu'elle voyage entre les vagues d'ados bourrés comme une sirène qui nage de manière parfaitement maîtrisée. En même temps, les yeux de Sun s'agrandissent à la vue de toutes ces personnes complètement déchirées. Je laisse échapper un rire avant d'attraper trois verres, et j'entends Jelena lâcher à l'intention de Sun :

-Bienvenue dans notre monde, ma belle.

Et même si son ton semble détaché, déjà détendu, je sens ses doigts glisser sur mon torse, attraper mon tee-shirt, le serrer entre ses doigts. Elle l'agrippe, même, aussi fort qu'elle le peux, sans doute, ce qui me fait arrêter tout mouvements.

-Quoi, chérie ?
-J'ai peur...

Elle marmonne d'une toute petite voix, la mine bien plus angoissée qu'il y a à peine trois secondes quand elle a accueillie Sun dans cette maison qui n'est même pas la notre, et surtout, la mine bien plus triste, ce qui m'interpelle.

-De quoi, peur de quoi ? C'est une fête, Jey', y'a rien qui va mal, tu sais ?

Je passe une main dans ses cheveux blonds, dans ses cheveux qui brillent tout le temps au soleil, à la lumière, tout brille, chez elle. Je lui repousse une mèche derrière l'oreille, passe mon pouce sur son lobe d'un air tendre. Son grincement de dents parvint miraculeusement jusqu'à mes oreilles, au dessus de la musique, des cris et des rires. Ses yeux scintillent, aussi, mais pas de la façon dont je leur connais. Enfin si, je leur connais cette façon là de scintiller, mais ce n'est définitivement pas celle que j'aime. J'inspire presque inconsciemment, espère qu'elle ne la pas remarqué, c'est surtout pas le moment de la brusquer. Je me dis que c'est peut-être une mauvaise passe, un mauvais délire ; elle a déjà pas mal bu après tout. Ou c'est simplement son esprit qui lui joue des mauvais tours, comme souvent, en fait. Un esprit affecté par trop de misères. Un esprit blessé, écorché, qui tape contre les fenêtres de son âme, essaye de s'échapper.

Je le vois, tout ça, dans ses yeux, je l'ai toujours vu, son reflet, son vrai reflet. Celui qui hurle à la mort quand elle, ne le fait pas en vrai. Celui qui se débat pour vivre quand elle se noie dans la drogue, celui qui se débat pour mourir, quand elle passe ses lèvres sur mon corps. Je la berce contre moi, Jelena, comme un gosse, un gosse qu'on doit réconforter, soigner, aider. Peut-être que c'est moi, mon contact, mes mots doux qui la font sourire à nouveau, mais en tout cas elle sourit encore, et tant que Jelena sourit, y'a que la vie qui s'offre à nous, sur un plateau d'argent, rien d'autre. Alors je souris aussi. Qu'on aille la bouffer à deux, cette merde de destin.

Ça fait deux heures qu'on est là, maintenant, et le stade d'alcoolémie a encore monté d'un niveau. L'odeur du vomis s'est ajouter à toutes les autres, et j'ai dû me réfugier dans un coin du salon pour y échapper. J'observe les filles en train de danser, les surveilles, surtout. J'ai déjà repoussé pas mal de mecs qui essayaient de les serrer. Je m'attarde un moment sur Sun, discrètement, ses joues rouges et son air affolée. Son air affolée mélangé à un brin d'amusement à peine perceptible, comme si elle essayait de le cacher, comme si s'amuser, c'était pas permis, c'était une honte qu'on devait cacher. Elle est drôle, cette petite. Elle a tellement l'air d'être à des années lumières de ce qu'elle a l'habitude de voir et de faire. Elle danse d'un air incertain, de façon maladroite, a déjà bousculée des gens sans faire exprès.

Elle s'excuse à chaque fois, d'un air poli et sincère, et recommence à danser, comme si elle essayait de profiter de cette soirée, qu'elle le faisait, mais pas à fond. Comme une sorte de blocage, un truc qui te revient toujours à l'esprit, un truc qui te fait tomber k.o, qui t'écrase au sol, qui te force à y rester. Je le sais, je le connais bien, moi, ça. Elle reste collée à Jelena comme pour s'assurer d'être entre de bonnes mains, mais on est jamais entre de bonnes mains, avec Jey'. Quand elle aime quelqu'un, putain elle aime, elle aime à fond, de tout son être, y'a pas à dire. Mais son coté enfantin et immature, celui à qui elle n'a jamais réussit à échapper, la force à prendre la fuite à la seconde où quelque chose d'imprévu et de compliqué arrive. Elle laisse tout derrière elle, souvent, et revient une fois que c'est calme, que le sol est désert. Mais c'est vrai qu'elle est imprévisible, surtout, et que y'a des fois où ça se passe pas comme ça, où elle se jette elle même dans la gueule du loup.

Mais c'est Jelena, elle peux pas faire autrement, et y'a des fois où je me suis demandé si moi aussi elle me laisserait, mais la réponse qui me vient à l'esprit est toujours non, c'est pas possible, parce que si elle me laissait moi, elle se laisserait elle, avec. Que nous deux, au final, on est ensemble, et que si on sombre, on le fait main dans la main, même les fois où nos doigts essayent de se décoller de la glue qu'elle a soigneusement appliqué entre nos corps depuis des années et des années. Et ce soir, je sais pas quelle option elle choisirait, celle de fuir ou de rester. Je la vois bien, elle et sa manière de s'assurer que je suis toujours là, elle est sa manière de sursauter dès que quelqu'un la frôle, la bouscule légèrement. Et à chaque fois je lui souris, je m'approche même un peu le temps d'embrasser son front, et je la laisse retourner à sa liberté.

-Jelena

Je la rejoins, la tire un peu contre moi, sens directement qu'elle a abusée de trop de vodka, de trop de bière et de trop de whisky aussi, et que le mélange va pas lui faire un bon effet.

-Je vais aux toilettes, je reviens.

Elle fait de grands yeux, passe ses bras autour de mon cou en remuant la tête. Je roule gentiment des yeux, pas étonné le moindre du monde de sa réaction, et lui répète à l'oreille que je ne vais qu'aux toilettes, que je serais là dans à peines quelques minutes, que je ne pars pas, que je ne partirais jamais, de toute façon. Mais elle ne m'écoute pas et saisit ma main avant de s'empresser de monter les escaliers avec moi. Elle trébuche plusieurs fois et je la saisis par les hanches pour m'assurer qu'elle ne s'éclate pas la mâchoire au sol en tombant.

Elle me tire et me plaque d'un coup contre le mur, de toutes ses forces, et je laisse mon dos claquer contre le marbre. Ses cheveux sont en batailles devant ses yeux, lui donne un air sauvage, contradictoire à son sourire d'enfant. Puis elle écrase sa bouche contre la mienne, avidement. Je garde les yeux ouverts mais la laisse m'embrasser. Faut vraiment que je pisse putain. Mais je passe quand même mes bras autour d'elle, un geste affectueux et protecteur que je ne peux m'empêcher d'avoir quand il s'agit d'elle. C'est aussi pour lui montrer que j'ai pas envie de plus, juste envie d'un câlin, un truc d'innocent, ce qu'elle interprète sûrement de la mauvaise façon. Sa langue se faufile entre mes lèvres, essaye de sentir la mienne, mais je la recule, presse ma bouche un peu plus fort. Je la sens se détacher, le corps tendu, et je sais ce qui va suivre. Alors je serre les dents et appuie fermement ma main derrière sa tête, la plaque contre moi, l'embrasse aussi fort que je le peux, comme je sais qu'elle aime. Ses doigts passent dans mes cheveux, les tire, recule mon bandeau, le fait tomber au sol. Le premier vêtement qu'elle veux enlever de mon corps. Je pense à rien, j'essaye de penser à rien, faut pas, dans ce genre de moments. Mais je finis quand même pas rouvrir les yeux.

-Putain Jey' attends je vais finir par me pisser dessus.

Elle lâche un rire près de ma bouche, caresse ma joue mais me libère, et je m'empresse d'aller aux chiottes. Je longe les murs, essayent de trouver ces maudites toilettes, ouvre de nombreuses portes, découvrent de nombreux corps nus, un peu trop d'ailleurs. Puis je m'arrête, presque instinctivement : un cadre attire mon attention. Un champ de coquelicot, un que je connais bien, un qui est gravé dans ma mémoire, même si ça fait une éternité que je n'y ai pas mis les pieds. Maman l'adorait, ce champ, je m'en souviens. On y allait tous les dimanches quand c'était la saison, c'était nos après-midi favorites. J'avais six ans. Je courais après ma petite sœur, ma si innocente petite sœur, à travers les fleurs, pendant que maman se posait dans un coin et peignait tranquillement sur sa petite toile, papa derrière elle, entrain de la couvrir de baisers, et je me souviens encore de la façon dont elle râlait, fort, elle parlait toujours fort après tout, maman, en disant qu'il ne cessait de la déconcentrer.

Ses cheveux blonds lui revenaient toujours en travers du visage. Ses yeux pétillaient un peu plus, à chaque nouveau trait de peinture, ses yeux, les mêmes que les miens. Malgré ça, elle a réussit à le finir, ce tableau, et mon père l'a encadré, l'a accroché fièrement dans le couloir. Il n'y a plus jamais été décroché. Ma respiration s'emballe. Oh putain de merde. J'aspire ma lèvre entre mes dents, essaye de garder le contrôle, je garde toujours le contrôle, c'est de moins en moins compliqué, avec les années. Mais là bordel, pas possible. Je me fige sans m'en rendre compte, me déplace avec l'agilité d'un tas de ferrailles jusqu'à Jelena, prie pour qu'elle m'ait attendue sagement et que je n'ai pas à la chercher. Je la retrouve finalement à la même place, et elle me tire, alors que mes bras ballent de chaque coté de mon corps.

Elle me tourne le visage vers elle, pour m'embrasser, encore. Mais cette fois je la repousse, et elle commence à pleurnicher. Elle pleurniche tout le temps, quand elle n'a pas ce qu'elle veut. Mais là putain, je peux pas, je peux définitivement pas. Je peux plus l'embrasser, pas alors que je me fais fouetter par les souvenirs, que je me fais tirer en arrière par le passé, celui sur lequel on essaye de tirer un trait depuis sept putain d'années. J'ai mal, tout à coup. Vraiment mal. Mon cœur se compresse, une bile d'acide remonte le long de ma gorge. Je la ravale. J'attrape sa main, je descends, je la tiens fermement, c'est pas le moment qu'elle s'échappe. Je pousse des gens, ceux qui me barrent le chemin jusqu'au présent, et cherche Sun du regard. Elle est toujours entrain de danser, à la même place, remue ses cheveux contre son visage. Je l'attrape elle aussi, les tires toutes les deux avec moi, j'veux plus remettre les pieds ici.

-Où on va ?

Le ton éméché de la voix de Sun bourdonne dans mes oreilles comme un essaim d'abeilles mais je l'ignore, les prives de répit. Je veux pas remonter à cette époque, c'est un truc que j'ai condamné dans la cave, j'ai fermé la porte à double tour, on devait plus jamais y remettre les pieds. Jelena ne dit plus rien, n'essaye même pas de l'ouvrir, et je me dis que j'ai peut-être choper la mauvaise fille au passage, alors je tourne la tête vers elle. Mais c'est bien Jey, elle qui me regarde, avec ses yeux de biches effarés. Son silence est louche, comme son attitude trop enfantine pour un soir de liberté, un soir où elle aurait dû profiter à fond, laisser son caractère de gosse sur la touche, le récupérer au moment venu d'être sobre. Je serre plus fort sa main. Je continue de marcher, me dit que c'est pas possible, mais surtout, je me demande pourquoi je l'ai vu lui, alors qu'il a rien à faire dans cette histoire ? Pourquoi je l'ai revu en train de nous emmener, tous les deux ? Son regard froid, sans émotions, sans états d'âmes, son ton stricte, impitoyable, qui nous dit de la fermer. Je me stoppe, entends la respiration des filles dans l'air, regarde la buée s'échapper de leurs bouches, leurs gorges asséchées par l'alcool et l'effort. Les yeux se tournent vers moi, et je reste là, à me laisser accabler, avant de reprendre le chemin, celui du non-retour.


Point de vue Sun :


Une semaine. Ça fait une semaine. Sept jours. Sept long interminable jours, que je suis revenue de la fête. Jek m'a déposé devant la porte avant de repartir : je me souviens avoir voulue rentrée après avoir quittés la soirée, eux ils voulaient continuer dans son appartement, ils me l'ont proposés, je me souviens. Mais j'ai dis, non. Je me souciais trop de ma maison, de mon lit vide, du sommeil léger de ma mère. Alors j'ai décidée de mettre fin à cette aventure maladroite, la boule au ventre, parce que j'arrivais pas à marcher droit, que j'avais la bouche pâteuse, et que des rires incontrôlables s'échappaient de ma bouche. Il a évidemment proposé de rentrer avec moi, de m'aider à me coucher, mais j'ai encore dis non, je n'étais pas encore tout à fait irraisonnable. Si je me faisais prendre revenir d'une fête, et surtout avec un garçon, je signais moi-même mon arrêt de mort.

Mais même si j'avais quitté la maison sur la pointe des pieds quelques heures plus tôt, je l'avais rejointe en claquant bruyamment les talons au sol. Et évidemment, mes parents s'en étaient rendus compte.

Je ferme les yeux en m'y replongeant, sens la culpabilité et le regret me ronger les os. J'aurai aimé ne jamais avoir fait ça. Je m'en veux, c'est évident. Cela ne me ressemble pas du tout. Jamais je n'avais bu autant, bu tout court, d'ailleurs, et étonnement je ne m'étais presque jamais aussi sentie épanouie. Je m'étais lâchée, pas totalement, parce que j'en suis incapable, mais je l'avais fait assez pour me demander un court instant si Jelena n'avait pas raison, mais non, la preuve, je suis là, redevenue sobre, et le retour à la réalité est plus dur que jamais. Je ravale mes larmes, enlève le reste de mes vêtements et évite soigneusement de croiser mon reflet dans le miroir de la salle de bain. Ce corps, mon corps, me rends nerveuse.

Je reporte mon regard sur mon ongles. Je les aies rongés à sang, cela me fait mal, si mal, mais j'ai mal partout. La porte s'ouvre, ma mère rentre dans la salle de bain, referme derrière elle. Tout se passe en silence, ce genre de moments se passe toujours en silence, lèvres pincés, visages fermés, regards réprobateurs. Je rentre dans la baignoire, l'eau m'arrive à la cheville, mais je reste debout. Elle retrousse parfaitement ses manches jusqu'à ses coudes, ne souhaite pas se salir de mon eau répugnante, sans doute. Elle allume l'eau, toujours dans un silence insoutenable, prend le pommeau de douche, et par mégarde, je croise son regard médisant et vaniteux. Ma bouche s'ouvre, je veux dire quelque chose, demander pardon, peut-être, ou bien même supplier.

Mais elle s'empresse d'apporter l'eau sur moi, et ma voix se bloque dans ma gorge. L'eau pénètre dans chaque blessures, celles de mon dos, brûle. L'eau semble alors devenir de l'acide. Je veux serrer les poings, mon corps veux réagir à la douleur, mais je ne sais plus quoi en faire, n'ai rien le droit de faire. Rester sage, et exemplaire. Voici mon devoir. Alors attendre ne devient plus que l'unique solution. Je réprime un sanglot, le laisse croupir au fond de ma gorge ; bientôt, cette étape de ma journée sera finie ; ensuite je pourrais le libérer, pas maintenant. Je la laisse me laver, chaque recoin de peau, chaque recoin intime de peau, elle y frotte le gant plein de savon. Elle est occupée à regarder ce qu'elle fait, s'applique comme si elle effectuait une tâche ménagère quotidienne. Je n'aime pas avoir l'impression d'être détestée, surtout pas ma mère, et la haine est un sentiment à réprimer, l'église nous l'apprend.

Mais de plus en plus souvent, c'est ce que je ressens : de la haine, de la colère, du mépris, et surtout, de l'humiliation, et c'est cela, qui me pousse à ressentir toutes ces choses précédentes, ces choses mal, alliées de Satan. Pourtant, c'est le but de tout ce cirque, de m'humilier, de me punir, de me prévenir : ne recommence plus jamais, Sun. Et même si je ne comprends pas, je n'ai d'autres choix que d'accepter. Une fois qu'elle a finit de me laver, elle repose sagement le gant au bord de la baignoire, sèche ses mains, réajuste la mèche de son chignon qui lui a échappée, et sort. J'arrive à peine à enjamber le bain, mon corps est douloureux, tremble, supplie un peu de repos. Je me mets à pleurer, les larmes dévalent mes joues, certaines s'écrasent contre mon nez, d'autres continuent de rouler jusqu'à ma gorge.

Mais pleurer aujourd'hui ne me fait rien, ne me soulage qu'à peine. De l'énergie usé à rien. Je souffle un bon coup, essaye même avec culot de relativiser, mais c'est impossible, comme souvent. Je coiffe mes cheveux, les repousses en arrière et m'essuie le visage. C'est le moment d'affronter ce que je suis, ce qu'ils me font être, rien de beau, rien d'extraordinaire. Peut-être eux trouvent-ils le contraire. Le correcteur fait des miracles, c'est certain. Il camoufle mes cernes, me donne un visage radieux, efface le mauvais souvenir des quelques écorchures et ecchymoses gravées dans ma peau, à cause de quelques coups mal contrôlés, qui lui a échappé. C'est rien, bientôt, ça partira, bientôt, j'aurai dix huit ans, et moi, je partirais, ou du moins, j'essayerais. Ma mère m'a préparée ma tenue, alors je l'enfile, et je descends.

-Sun, s'il te plaît, rend toi utile et vas chercher le courrier, hm.

Elle sourit, encore, sa voix n'a rien d'anormale. Comment tu fais ça, maman, dis moi ? Comment fais-tu semblant ? Comment fais-tu comme si rien n'était aussi facilement ? Mais je ne dis rien, j'attrape seulement les clefs posés sur le meuble de l'entrée.

-Sun.

Je me stoppe, comprends à son ton qu'elle veux que je sois polie, et que le silence ne l'est pas, alors je prends sur moi.

-Oui, mère.

J'ouvre la porte, m'empresse de sortir, respirer un bon coup d'air frais. Bon sang. Si seulement cet odeur de Londres, celles des feuilles mortes, pouvais remplacer la vanille de cette maison. Je descends les marches du perron, regarde autour de moi en marchant sur le petit chemin qui mène à la boite aux lettres. Il est encore tôt, la rue semble encore endormie, mais elle semble toujours l'être. J'attrape le courrier, y jette un discret coup d'œil, ils ne le sauront pas. Mais rien d'intéressant, évidemment. Des courriers de la paroisse. Puis le bruit d'une porte qui s'ouvre, des échos de voix. Curieux. Je relève la tête, regarde brièvement chez la voisine. Oh. Mon sang se glace, mon corps se tend, et je commence à maudire cette réaction de mon corps quand je le vois. Mais impossible de détourner le regard, j'observe curieusement la scène.

-On se revoit demain, de toute façon ?

Mes yeux vagues entre elle, ma voisine, et lui, le bouclé. Le sourire de cette dernière lui illumine le visage, lui donne un charme surnaturel, tandis que lui reste neutre, indifférent, un air que je lui connais parfaitement, qui ne semble pas changer, peu importe la personne avec qui il se trouve.

-Peut-être ouais, je te tiens au courant.

J'écarquille les yeux sans retenue quand elle pose ses lèvres contre son cou, et grimace quand elle y passe sa langue dans un baiser plus que vif. Je me retourne rapidement face à ma boîte aux lettres quand il monte dans sa voiture, mes doigts attrapent nerveusement le petit bout rouge, celui qu'on baisse et qu'on relève. Je joue avec et retiens ma respiration, comme si ça allait m'aider, et je sens mes joues chauffer, de peur qu'on m'ait vu, de peur d'un tas de choses. La voiture passe derrière moi, trouble le silence habituel, quitte la rue dans un ronronnement féroce. Mes yeux font plusieurs aller retour entre la maison de la voisine et la mienne. Elle est déjà rentrée, mais peut-être ai-je encore le temps.

Et sans réfléchir, mes pieds traversent la route, s'arrêtent devant sa porte, mes doigts s'écrasent légèrement contre le bois. Je toque. Sun, tu fais quoi, là, encore ? Et où moment où l'idée enfin raisonnable de faire demi-tour m'effleure l'esprit, la porte s'ouvre. Ça n'était pas une bonne idée, j'en suis sûre. Un sourire poli prend place sur mes lèvres, elle me le rend sans hésiter, et je reste là, dans un silence gênant, ne sachant même pas quoi dire.

-Bonjour Sun, as-tu besoin de quelque chose ?

Juste de savoir.

-Bonjour, Madame Robert, euh, non...

Elle fronce légèrement les sourcils, a l'air quand même un peu amusée, je me dis que je ne cours pas totalement vers la catastrophe, qu'au pire des cas elle me pensera folle et n'osera pas en parler à mes parents. J'essaye tout de même de rattraper le coup, et surtout de ne pas être venue me ridiculiser toute seule pour rien.

-En fait je reprends. J'ai vu ce garçon sortir de chez vous...

Elle garde le silence, me laisse continuer ; je lutte pour me dépatouiller comme je peux.

-Je ne savais pas que vous étiez...en couple...Je voulais simplement vous dire que je trouve ça bien...pour vous.

Je souris, mais cette fois plus par panique que par politesse. Pitié, je suis une idiote.

-Oh, elle remue un peu la tête d'un air amusé, doit en fait se dire que ça y est, je suis officiellement bonne à interner. Merci Sun, c'est très gentil à toi.

Je la regarde un long moment, encore un long moment gênant pour elle, plus que pour moi, ou peut-être pas, en fait. Je sais que c'est le moment de mettre fin à la discussion, de lui souhaiter une bonne journée et de repartir, mais au point où j'en suis, je décide de continuer, rien qu'un peu, histoire d'avoir une ou deux réponses à mes questions. Lui, en couple, avec elle ? Je resserre le courrier contre ma poitrine quand j'y réfléchis, et au bout d'une seconde, mon cerveau décide qu'il en a marre et, sans mon autorisation, fait sortir de ma bouche des mots que je ne parviens pas à retenir.

-Je... eh bien, en fait, je viens plus vous voir pour savoir si vous l'êtes réellement ? Mon amie est avec lui, depuis quelques semaines maintenant, et cela voudrait-il dire alors qu'il n'est pas fidèle ? Vous savez, je n'ai vraiment pas envie qu'elle souffre. Elle est si... fragile.

Nos yeux s'agrandissent à l'unisson, même si je tente vainement d'avoir l'air naturelle, et pas complètement paniquée du mensonge que je viens d'inventer. J'attrape ma lèvre entre mes dents, une petite grimace déforme mes lèvres en même temps, ce qui empire peut-être encore la situation, qui lui fait avaler sans problème ce que je viens de dire. Je n'en sais rien, mais Seigneur ait pitié, c'est vraiment le moment de me venir en aide. Elle finit par répliquer après un petit moment, les sourcils légèrement froncés :

-Avec Harry ?

Et soudainement, je lui accorde toute mon attention. Le bouclé, Harry ? Ça sonne bien. Je le répète plusieurs fois dans ma tête, me dit d'attendre pour faire ça, d'être dans ma chambre, quand je pourrais le faire à haute voix, le murmurer, faire rouler les lettres sur ma langue. Je frissonne d'impatience.

-Écoute Sun, je... ne sais pas quoi te dire. Peut-être peut-elle voir ça avec lui, d'accord ?
-Oh, oui, bien sûr, elle verra ça avec lui, bonne journée à vous Madame Robert.

Et sans plus attendre, je retraverse la route à toute vitesse, regagne ma propriété, ait brièvement peur que ma mère décide de sortir pour voir la raison de mon absence si longue. Je rentre dans la maison, la respiration un peu lourde, ne sais même pas vraiment la raison réelle de mon agitation.

-Tu étais longue.

La voix de ma mère s'élève presque immédiatement de la cuisine et ne laisse pas une seconde de repos à mon cœur qui s'emballe de plus bel. Mes yeux se posent précipitamment sur les Lys dans le jardin, celles que ma mère adorent. Vite, je dois trouver quelque chose.

-Je regardais les Lys dans le jardin, j'ai l'impression qu'elles sont en train de mourir, c'est dommage, je les aimais bien.

Entrain de mourir, exactement comme mon âme. Ça dévale tout seul dans mon esprit, et je comprends que je commence vraiment à être en état d'alerte. Je ferme les yeux. La liberté, elle est à bout de doigts, bientôt Sun. Que quelques jours, quelques jours et tu trouveras un moyen de t'enfuir, on va le faire. Je dépose le courrier sur la table, me dit que c'est l'une des dernières fois, non, en fait, me promet.

-Oh, non. J'irais les arroser tout à l'heure, moi aussi, je les aimes.

Et je pense qu'elle devrait aller arroser mon âme au passage, mais moi, ça fait un bout de temps qu'elle ne veux plus que je fleurisse. Je hoche la tête, essaye de sourire. Et quand je commence à monter les escaliers, elle m'interpelle encore.

-Victoire et Simon viennent manger à la maison ce soir, tu seras ainsi prié d'être présentable, s'il te plaît.

Est-ce qu'elle s'en rend compte, au juste ? De son ton acariâtre et méprisant ? Est-ce qu'elle s'en rend compte, qu'elle fait sentir sa fille comme un pauvre rien, dans toutes les pages d'un livre ? Un élément inutile, qu'on barrera dès la prochaine réécriture. Et alors, elle ne sera même plus sur la première de couverture, et les remerciements, ceux que quasiment personnes ne lisent, ceux des dernières pages, auront bientôt plus d'intérêt qu'elle. Je hoche quand même la tête, lâche un vague « Bien sûr, mère » et regagne à la hâte ma chambre.
Une heure et demi plus tard, ça recommence, les regards insistants, les reproches incessants. Victoire est arrivée avec Simon, s'est installée, et a déclarée avoir oubliée le pain, qu'elle était censé ramener. Elle me surprend : d'habitude elle ne met pas en péril son image parfaite au près de notre mère et tient parfaitement son rôle. Mais là, elle n'a pas trouvé mieux, elle a pioché dans le lot des stupidités à faire juste pour m'agacer et me mettre mal à l'aise.

-Je suis vraiment désolée maman, je ne sais pas ce qu'il m'arrive en ce moment, j'ai la tête ailleurs. Mais Sun peut y aller, elle n'a rien à faire d'important là maintenant, pas vrai Sun ?

Elle plante son regard sur moi, suivit de ma mère et je garde le silence à peine deux secondes, ce qu'elle prend pour un oui enthousiaste.

-Génial alors, à tout à l'heure !

Elle me sourit grandement d'un air victorieux, me fait bouillonner intérieurement. Tu parles d'une victoire. Je ne sais pas pourquoi, mais me met à regarder ma mère, comme si je m'attendais à ce qu'elle fasse sans son pain pour le repas de ce soir, ou encore mieux, qu'elle soit de mon coté. Mais le pain est le corps du christ, pas vrai ? C'est sûrement pour cela qu'elle continue de surveiller la cuisson de la dinde sans faire attention à moi.

-Il est seulement 19h30, nous mangerons dans trente minutes, tu as encore le temps d'y aller.

Bien sûr. Pas de oui, mère, cette fois, je prends juste ma veste et je sors, parce que j'en peux plus. Ça leur donnera au moins une bonne raison de me critiquer ouvertement à table ce soir. Je garde ma veste fermement serrée dans ma main, ne l'enfile même pas, je veux sentir le vent. Je veux sentir tout et n'importe quoi. Je fais le chemin jusqu'à la boulangerie dans le même état d'esprit, celui de la frustration. Je jure en me rendant compte que je n'ai même pas pris d'argent, que je vais devoir retourner en chercher et que je vais sûrement me faire traiter d'idiote, ce qui en soit, aujourd'hui, n'est pas faux. Mais au moment où je commence à faire demi-tour, des phares de voitures m'aveuglent et me font plisser les yeux, si ce n'est les fermer.

Je mets légèrement une main devant mes yeux pour ne pas être éblouie. Peste contre ce conducteur qui a dû oublier d'enlever ses avertisseurs lumineux. Et j'attends le moment où je serais enfin capable de regarder le monde les yeux grands ouverts, mais il ne vient pas, alors je fronce les sourcils, sans comprendre. Et je la vois, une grande voiture, noire, une Range Rover, lentement s'approcher de moi. Lentement, mais sûrement. Je recule, parce que je n'ai pas le choix ; je n'ai pas envie de mourir écrasée maintenant. Je me dis aussi que peut-être, et je l'espère, le conducteur ne m'a pas vu, cherche juste à se garer. Alors je fais des signes, je hausse la voix pour faire entendre que je suis là. Et les phares s'éteignent, je soupire de soulagement, me dit que ça y est. Pourtant j'ai l'impression que l'allure de la voiture accélère un peu brusquement et je me recule précipitamment, jusqu'à ce que mon dos heurte un mur derrière moi.

Ma respiration se coupe, je m'empresse de me décaler, grimace encore à cause de mon dos, toujours à cause de mon dos, j'ai l'impression. La voiture se stoppe enfin, moi je ne bouge plus, la portière s'ouvre, et je papillonne des yeux, essaye de chasser cette tâche blanche de ma vue. Je suis perdue, quand je le vois, quand je le sens me tirer plus loin, dans un espèce de couloir, certainement celui de la mort. Mon cœur s'emballe, je me perds, définitivement. Mais ça ne sera qu'une affirmation de toutes ces années à ne jamais savoir ce que j'étais. Il me plaque contre le mur, loin d'être tendre, et mes yeux se ferment presque automatiquement. Je sais pas quoi penser, je sais pas quoi faire. Je pourrais me débattre, c'est vrai, mais cette impression de corps masculin contre le mien, je ne l'ai jamais ressenti. Et c'est lui, c'est évident que c'est lui. Il attrape mes joues entre ses doigts, je sens la fraîcheur de ses bagues appuyer contre ma peau, pour me faire rouvrir les yeux, alors je le fais, de toute façon c'est ce que j'allais faire.

Je veux le voir, tout le temps le voir d'aussi près. Nos yeux se scrutent du regard, cherchent quelque chose d'incompréhensible chez l'autre, quelque chose que ni lui ni moi, nous trouvons. Alors son regard se fait plus dur, plus sinistre, et me donne comme une impression désagréable, celle qui me dit que c'est peut-être la dernière nuit que je passerais. Mais je me surprends à me dire que c'est pas grave, je perds rien, et je veux la passer avec lui, ma dernière nuit.

-Tu peux m'expliquer c'est quoi ton putain de délire à toi à la fin ?

Sa voix résonne, une voix rauque, mais qui ne me fait même pas bouger, je l'écoute, jusqu'à l'écho qui se promène dans la ruelle s'évanouisse.

-M-mon délire ? Qu'est-ce que tu veux dire par là.. ?
-Ce que je veux dire par là ?

Il lève un sourcil, me regarde encore comme si j'étais stupide, comme cette autre nuit dans la forêt. Il lâche un léger rire, mais ce n'est pas un son bienveillant qui sort d'entre ses lèvres, c'est un son nerveux et impatient.

-Putain mais c'est pas vrai.

Il jure pour lui même, passe sa langue entre ses lèvres, rien que le bout, juste pour les humidifier, légèrement, et je me liquéfie sur place.

Sa voix est dure, semblable à du béton qui a eu le temps de sécher depuis des années, comme quelque chose de quasiment indestructible, au fond. C'est de quoi il a l'air : indestructible. Ses yeux sont glacials, font parcourir un frisson de froid le long de ma colonne vertébrale, et il me paraît que ses pupilles ont fait plus d'un séjour dans l'antarctique et les mers de glaces. Mais moi aussi, j'y suis allée au final, dans les océans glacées. Son air est surprenant, menaçant, juste méchant. Un monstre du Loch ness, une légende, celle qui attire mais qu'on fuit sans précédent. Mais à l'instant même, la peur n'est pas la première chose que je ressens, et je serais prête à plonger la tête la première, définitivement. Non, ce que je ressens, là, c'est intense, aussi intense que la peur, sans doute, mais comme un brin de folie, un brin excitant. Et peut-être même bien que c'est la terreur, qui la rend aussi puissante. Il lâche mes joues pour plaquer violemment ses mains de chaque coté de ma tête, emprisonne mes cheveux entre la paume de ses mains et le mur. Je grimace un peu, ça tire, mais je veux pas que ça cesse de tirer.

-Ce que je veux dire, putain, c'est qu'à force de me chercher, tu vas me trouver, et le jour où ça se passera, ça se passera mal, vraiment très mal, tu le crois, ça ?

J'ai l'impression qu'il choisit soigneusement ses mots, même si ces derniers sortent spontanément de sa bouche. On dirait qu'il fait en sorte à ce que je comprenne, s'adresse à moi comme à un enfant, serait même sans doute près à m'offrir une sucette pour que je cesse ce qu'il veux que j'arrête, et je me sens rétrécir contre lui. Sa mâchoire est contractée, fait tressauter cette ligne que j'ai déjà vu lors de ces entraînements, celle qui me fait perdre la tête, et c'est toujours à ce moment là que Jelena se moque de moi, le plus souvent. Mais ses paroles n'ont sûrement pas l'effet escompté sur moi, je sens des frétillements de frisson parcourir l'arrière de mes oreilles, s'éparpiller sur l'entièreté de mon visage, descendre dans la totalité de mon corps.

L'entière totalité. Et au fond, je me demande, et si c'est ce que je voulais réellement, le regretter ? Pour une fois, ça sera justifier, de regretter. Je regretterais pour une bonne raison, et j'aurai beau faire de la punition. Je déglutis un peu, essaye de faire en sorte de contrôler ma voix, parler aussi courageusement que les filles qu'il doit fréquenter d'habitude. Mais elle a toujours ce petit air incertain que je déteste et dont je n'arrive pas à me défaire, et je n'arrive pas à aligner une phrase aussi correctement que dans ma tête.

-Je...oh...désolée...simplement, elle est...j'en sais rien...un peu plus...vieille, et j'étais curieuse de savoir...

Mes yeux se relèvent timidement, son rire bondit dans l'air, le même que tout à l'heure, mais dans lequel j'arrive miraculeusement à décerner de la surprise, légère, mais bien là.

-Plus vieille ? Mais qu'est-ce que t'en as à foutre, toi ? Ah mais ouais, je suis con, ça se fait pas, dans ta religion ? C'est ça princesse ?

Je ne réplique pas, mon sang frappe contre mes tempes à toute vitesse, me donne un désagréable mal de tête, mon estomac se tord douloureusement, mais je tiens bon ; je le regarde, de toute façon, que faire d'autre ?

-Curieuse de savoir comment je l'ai baisé, dis moi ? C'est de ça dont t'es curieuse ? Tu veux que je te le dise ? Ou que je te le montre carrément à la place ?
-N-non.. !

Je m'exclame presque, mais même à mes oreilles cela sonne étrangement faux, et je prie pour qu'il passe à autre chose, très vite. La proximité de son corps brûle le bas de mon ventre, son souffle, qui sent la menthe s'écrase contre mon visage sans retenu, s'insinue dans mes narines, frôle mes lèvres. Je ne fais plus attention à rien, plus aux paroles, mais rien qu'aux actes. Je le regarde attentivement, pour imprégner son visage dans ma mémoire, pour m'en rappeler chaque seconde, parce que je veux le revoir ce moment là, j'en suis sûre. Je descends curieusement mon regard sur ses bras sans totalement m'en rendre compte -rien qu'un peu, mais me dit que si c'est ma dernière nuit, autant en profiter, Dieu ne me refusera pas au Paradis pour ceci, n'est-ce pas?- Je scrute ses tatouages, n'en voit que très peu, mais en devine énormément sous le noir de son tee-shirt. Sa grande main saisit ma mâchoire, me relève fermement le visage, un geste fort et contrôlé : il sait ce qu'il fait. Ses sourcils se froncent sous la contrariété qu'il éprouve, je suppose.

-Ok. On va faire simple. Écoute moi bien, Thérésa. Si tu t'amuses à t'immiscer dans une vie -ici la mienne-, qui ne te regarde putain de pas, que tu te préoccupes de qui je baise,quand et pourquoi, d'oser dire que je suis en couple avec une personne qui existe même pas, je viendrais moi-même m'occuper personnellement de ton cas. Et là, tu te rendras compte que des fois, se faire baiser sous la douleur c'est pas excitant, et ça doit surtout pas l'être pour une petite fille comme toi, qui je suis certain ne s'est jamais fait défoncer comme moi j'ai l'habitude de faire, alors putain tu vas me foutre la paix, maintenant, je sais même pas ce que tu me veux, et ne veux pas le savoir. Est-ce que j'ai été bien clair ? Parce que j'aurai pas la patience de me répéter encore une fois, ça je te le promets.

Sa bouche est pratiquement collée à mon oreille, et je sens plus d'une fois sa langue passer sur mon lobe dangereusement. Je me fais violence pour ne pas laisser mes genoux trembler, claquer trop bruyamment entre eux. Je me dissous, littéralement, je deviens une marée, goutte d'eau qui tombe l'une après l'autre. Sa main n'a pas quittée ma mâchoire, la presse brusquement, mais la douleur passe rapidement quand je me rappelle que c'est sa main et son touché à lui. Je hoche lentement la tête, complètement impuissante. Je n'ouvre pas la bouche, n'essaye même pas de dire quoi que ce soit. Je suis un corps à sa merci, je crois que c'est irrémédiable, et je crois surtout que c'est dangereux.

Je me prosterne quasiment devant lui, comme je me prosterne tout le temps, que ça soit devant lui, devant mes parents ou devant ma sœur. Il se détache, lâche un simple «bien » qui signifie clairement « c'est pas trop tôt », puis me regarde scrupuleusement de haut en bas, s'attarde paresseusement sur mes formes. Je me penche prudemment, récupère ma veste que j'ai fais tomber au sol sans même m'en rendre compte, la passe autour de mes épaules, essaye de me cacher, mais ne le fais pas vraiment. Je finis par sentir son regard brûlant quitter ma peau, et il retourne calmement à sa voiture, un visage toujours fermé, un visage comme je lui aies toujours vu. Et est-ce qu'au fond, m'a t-il semblé une fois qu'il ressentait une quelconque émotion ? Je n'en ai aucun souvenir.


                                                                   « Les rêves, les désirs et les espoirs sont les étoiles de nos vies. »


Voilà pour le chapitre 3 les poulettes ! Alors qu'est-ce que vous en pensez ? L'histoire avance doucement mais sûrement :PHihihi, en tout cas on espère qu'il vous plaira, et merci encore d'être aussi présente ça nous fait vraiment plaisir et ça nous motive plus que jamais :D Gros bisous à vous xx

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