Chapitre 21
Point de vue Jek :
-Qu'est-ce que tu peins ?
-Moi.
-Et tu fais quoi ?
-Je vis.
-Où ?
-Dans la nuit.
Elle avait les cheveux au vent parce que toutes les fenêtres étaient ouvertes, et qu'elle avait besoin de sentir l'air. Je m'étais assis à coté d'elle, et j'avais demandé pourquoi autant de couleurs s'il était censé faire noir. Elle avait sourit - elle souriait souvent avant – et elle avait dit que c'est parce qu'elle, elle voyait mieux les couleurs la nuit. Que la sienne, de nuit, elle était colorée et qu'elle bougeait. C'était à cause de l'ecstasy, et elle l'adorait. Des fois plus que moi, je pensais. Parce que moi j'amenais pas les couleurs. Moi j'étais juste là pour le jour, le jour où elle attendait la nuit.
-C'est toi ?
-Oui.
-Tu fais quoi ?
Haussement d'épaules.
-Dans le jour ou la nuit ?
Je demande parce que y'a du sombre, que du sombre ; noir, gris ou rouge. Disparu le bleu des océans, l'azur du ciel, disparu le rosé du matin et l'orange du couché du soleil.
-Le jour.
Je me penche en avant, pose la bière sur la table basse, la regarde -encore, parce que y'a un truc qui cloche. Je vois pas les couleurs et je cherche autre chose que l'obscurité de son esprit livré. Je sais pas à qui, je sais pas à quoi, mais en tout cas elle est pas là. Même pas là à travers ses coups de pinceaux instable. Pourtant elle a toujours aimé peindre, et elle a toujours peint. Elle a peint une première fois et des milliers d'autres fois. Elle a commencé à le faire sur les toiles dès qu'elle a pu en avoir. Elle a toujours été douée ; ça m'avait même étonné. Où t'as appris ça ? Je lui avais dit, elle avait répondu ; dans ma tête. J'ai toujours peins dans ma tête. Beaucoup de fois ? -j'avais questionné juste après. Elle m'avait mit du rouge sur le nez en regardant ce qu'elle faisait. Oui, beaucoup. Je te peignais toi. Je donnais même des noms ; Jek sur le matelas. Le sol coton et le garçon. Des trucs comme ça. Je me souviens plus de tout.
On aurait pas dit, c'est vrai, mais Jelena, quand elle peignait, c'était quelqu'un d'ordonné. Elle faisait ça bien, c'était clair et c'était beau. Coloré. Mais c'est plus le cas. C'est devenu trouble, flou, du n'importe quoi. Y'a le noir qui passe sur le gris et le rouge et qui gâche tout. Et bientôt on voit plus rien. Trou noir.
-Alors pourquoi y'a pas de couleur ? Pourquoi tu fais tout en noir ?
-Y'a pas que du noir. Y'en a forcément un peu, mais pas que.
Je fronce un peu les sourcils. Avant, le noir pendant la journée il existait pas. Y'en avait quasiment jamais. Maintenant c'est juste ça ; moi. J'ai fait l'erreur, une fois, de penser que l'ecstasy elle l'aimait plus. C'était pas le cas. J'avais juste pas encore trop saisi Jelena.
-Jey.
Je l'appelle, plusieurs fois, jusqu'à ce qu'elle tourne un peu la tête vers moi.
-Tu t'es fait mal aux yeux ?
Elle passe le dos de sa main tâchée contre son nez puis elle renifle. Elle en a jusque dans les ongles.
-Si je me suis fait mal aux yeux ? Non j'pense pas.
-Mais tu vois bien ?
Elle secoue la tête, et avec ses mains toutes noires elle rassemble ses cheveux blonds en queue de cheval.
-Oui, je vois. Juste des tâches.
-Des tâches ?
Elle penche la tête et je la penche en même temps. Ça la fait un peu sourire et moi je me retiens parce que je voudrais mais je voudrais pas que ça soit comme avant.
-Je te vois, Jek.
Alors je hoche la tête. Ça cloche toujours mais je hoche la tête et je reprends ma bière.
Plus tard je quitte la maison, un peu vite mais avec l'impression d'aller à reculons. Jelena peinture d'avant et Jelena peinture d'aujourd'hui tournent en rond. Jey' c'est un être de couleur. C'était - un être de couleur. Je retourne à l'entrepôt ; de nuit, je travaille ; beaucoup de nuits ces temps-ci. J'arpente les couloirs, marche jusqu'au bureau ; des papiers encore à la main, un en particulier, pas signé. Toujours ils oublient qu'on doit faire signer. Les bons de commandes, les bons d'arrivés ; ça se perd et ça fait chier. Je jette à la poubelle l'emballage du sandwich que je viens de manger, pousse les dernières portes ; derrière, le bureau d'Harry. Quand j'y arrive, c'est entre-ouvert dans un trait de lumière.
J'approche, pour voir, pour être sûr, penche un peu la tête. Il parle, je l'entends, mais il le fait entre ses dents. Sauf que rien. Y'a rien. Juste lui, là, à son bureau, tête penchée en avant. Il écrit. Il écrit des deux mains. Chacune qui tient un stylo, l'un noir, l'autre bleu. Les deux écrivent, au début en même temps, jusqu'à ce qu'il secoue la tête d'énervement. Alors plus qu'une, puis quand elle a fini, l'autre. Comme si elles se répondaient, mais je me dis pas possible, à quoi ça servirait ? Je reste sur le pas de la porte, bras ballants, le papier qui se perd presque sous mes doigts jusqu'à ce qu'il se craque la nuque, et je sais que c'est le moment où il va relever les yeux. Je toque à la porte et la pousse pour l'ouvrir entièrement cette fois. La main lâche le stylo.
-Salut. Il manque encore une signature pour la confirmation de la commande de ce matin.
J'avance, lui, pose les coudes sur les accoudoirs de son fauteuil, gonfle les joues et passe la main dans les cheveux déjà décoiffés -comme si dessus on avait tiré, tiré de toutes ses forces. Quand il frotte ses mains ensemble, j'ai presque l'impression que ça en tombent. Léger mais y'en a, qui volent dans l'air avant de disparaître sous le bureau.
-Ouais je sais, je me suis dit la même chose.
-Des fois j'ai l'impression d'avoir que des bras cassés.
Je lui tends le papier et il le prend ; et je sais pas pourquoi nos peaux sont si moites. Il signe avec le stylo noir, l'autre abandonné au bois brun et pivote son fauteuil, fouille derrière lui pour prendre le tampon qui doit marquer le bon. Alors comme ça, sans doute malgré moi, mes yeux se posent sur la feuille raturé et gribouillé de bleu et de noir : « Arrête. Faut tout arrêter. Ça va trop loin, on devait pas étrangler, ni tuer, pas toucher. La vieille : pas la peine. La fille ; pas elle. » « Laisse moi gérer mes affaires, le mioche, et retourne chialer dans la robe de ta mère. » sont tout ce que j'arrive à lire sur la fiche à l'envers jusqu'à ce qu'il se retourne, tamponne et me rende ce que j'avais demandé. Je récupère, la langue un peu coincée entre les lèvres.
-Euh. -J'appuie le coin du bon contre la paume de ma main- Merci.
Je dis juste et il dit Jek ?
-Ouais ?
-J'aurai besoin que tu -
Mais au début ça vibre et puis après ça sonne dans ma poche alors il se coupe. Désolé, je lâche en prenant le téléphone parce que je sais déjà que y'a que Jelena qui m'appelle à ces heures là. Mais c'est un numéro inconnu qui s'affiche et je relève les yeux vers Harry.
-Je décroche, deux secondes.
Il ne dit rien mais quand il retourne à ses occupations, je prends ça pour une autorisation. Je le vois déchirer ce que j'ai à peine pu lire quand je décroche.
-Jek ? Jek, il faut que tu viennes me chercher, pitié.
Tout de suite je reconnais sa voix et je me tourne face au mur, comme si ça allait cacher le plie entre mes sourcils - bizarre sentiment que Sun soit en sursit.
-Sun ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Où est-ce que t'es ?
Tac au tac, aussi vite que les tic tac. Je fixe les aiguilles de l'horloge murale.
-Je suis dans la rue.
Silence, voix coupée et je la sens au bout du fil, son envie de pleurer.
-Près de Tesco. Pitié Jek, viens me chercher.
C'est tout ce qu'elle dit, encore ; pitié viens me chercher. Puis j'entends ses sanglots, alors j'inspire ; urgence critique.
-Calme toi. Respire un bon coup, pleure pas. J'arrive, bouge pas.
Je raccroche quand je sais que c'est oui ; forcément oui, et quand je retourne la tête, Harry me fixe. Je le sens perplexe, ça se voit d'ici. Il a les yeux qui ont l'air de dire quoi, qu'est-ce qu'elle a ? mais la bouche reste pincée, tremblotante mais coincée. J'allais lui dire tu sais quelque chose ? Faut aller chercher Sun, viens, mais j'en dis rien.
-Il faudrait que je parte.
Il a l'air d'avoir du mal à décoller les lèvres pour dire quoi que ce soit, les doigts qui jouent avec les stylos comme une démangeaison. Puis finalement, il hoche la tête vers la porte, comme un casse toi, alors je me bouge et je me casse. Je referme derrière moi et je quitte le boulot pour aller chercher Sun, Sun près de Tesco.
Point de vue Sun :
Je me sens encore trembler, de froid, de peur et de douleur.
Quand je me suis réveillée, j'étais toujours sur le trottoir, j'avais mal, la tête qui avait glissée de la bordure, qui pendait un peu, les cheveux dans les ordures. J'ai eu envie qu'on m'achève, là, même au scalpel mais qu'on y mette un terme. Au froid, à la peur et à la douleur. A l'humiliation, à l'incompréhension, à la non-acceptation. J'ai ouvert les yeux, et j'ai vu le ciel au dessus de moi. Pas sa couleur. Je me fichais de savoir sa couleur. Il était là. J'étais pas dans le ciel, j'étais sous le ciel. J'étais vivante, au milieu du bruit : des moteurs des voitures et des pas des passants. Et j'étais dehors. J'étais partie. Et être partie rendait la douleur qui entourait ma poitrine moins horrible.
La première chose que j'ai remarqué ç'a été mon sac. Il n'était plus là, volatilisé, et j'ai pas pris longtemps à comprendre qu'on me l'avait volé. Pourtant j'ai quand même cherché mon téléphone, avant de renoncer parce que de toute manière il était inutile et futile, et que les vêtements c'étaient les vêtements de là-bas et qu'après réflexion j'en voulais pas.
La deuxième chose a été un petit garçon qui a attiré mon attention, pas loin, à l'angle de la rue, le corps caché derrière un mur, juste la tête penché et le regard qui me surveillait. Je l'ai regardé – en réalité c'est ce qu'on a fait un moment ; se regarder, jusqu'à ce qu'il ose approcher. Il avait les vêtements poussiéreux et troués, mais le regard d'un enfant comblé. Il m'a fait pensé à celui qui avait coupé la route mais je ne m'y suis pas attardé. Il est venu, en face de moi s'est assit, sur les fesses et les genoux remontaient contre sa poitrine. Il a posé le menton dessus, passé un bras autour de ses jambes et m'a tendu une peluche plate. Ça m'a mit les larmes aux yeux, juste comme ça. Une peluche et des larmes. « Tiens, c'est mon doudou. Il est tout doux mon doudou, tu sens ? En plus il fait plein de câlins, et ça fait vraiment du bien les câlins. » J'ai prit ce qu'il me tendait, passé les doigts contre les faux poils de la fausse petite tête d'ours.
« Oui il est doux. Tu as de la chance d'avoir un doudou. » J'ai dit et j'ai pensé à mon doudou à moi. Un canard, jaune. Je lui parlais, et je faisais comme s'il me répondait en disant coin coin. Victoire soufflait, et a fini par le mettre dans la cheminée. La tête du canard a fondu et on m'a accusé. Je suis revenue à la réalité avec le petit garçon et son petit ours quand il a sourit et qu'il a hoché la tête. Ça m'a fait sourire moi aussi. «Est-ce que tu saignes beaucoup ? » et la douleur a lancé d'un coup comme rappel du réel. J'ai dit non je vais bien, j'ai dit aussi que c'était pas grand chose. « Comment tu t'es fait ça ? » et je me suis dit tu es si curieux toi.
Mais j'ai contourné la question, parce que je ne savais pas quoi répondre. On pouvait pas dire à un enfant d'à peine sept ou huit ans qu'il y a des papa qui sont comme ça ; des méchants papa. Alors : je suis tombée, j'ai dit bêtement et comme un enfant il l'a cru et a dit viens avec moi. Je me suis levée péniblement et sans protester je l'ai suivi parce que j'avais nul part où aller, et qu'étrangement l'innocence et la gentillesse d'un enfant faisaient le baume au cœur qu'on attend. On a traversé les ruelles, on a tourné là où il avait tourné en courant et on est arrivés dans un coin où il y avait rien que deux sacs de couchages et un grand baril plein de cendres. Il a dit c'est pour se réchauffer quand il fait froid, mais je n'ai pas répondu parce que j'ai remarqué ma robe jaune étalée sur le sol. Je crois qu'en voyant ce que je regardais, il a rougit et s'est tripoté les doigts. Mais j'ai rien dit de ce qu'on dit à un enfant qui fait une bêtise.
Cette robe je la déteste ; autant qu'il la prenne. Il a fait le tour et s'est penché derrière le baril. Il y avait un mont de choses qu'on trouve par-ci par-là. Et de ce mont de choses comme ça il en a sorti des compresses et du désinfectant. J'ai froncé les sourcils, la mine étonnée parce que je me demandais comment il avait eu ça alors qu'il était si sale et si maigre.
« C'est à ma grande sœur. Mais elle s'en sert pas...
-Elle est blessée aussi, ta sœur ?
-Oui, mais elle s'en fiche. »
Je les ai pris sans insister plus même si c'était injuste, parce que j'avais peur, peur que ça s'infecte, de devenir vide, encore plus vide que maintenant. Merci, j'ai lâché du bout des lèvres et j'ai imbibé la compresse avant de la passer sous mon tee-shirt. Ça a fait mal avant même que l'alcool ne touche ma plaie. J'ai serré les dents quand cette fois ça s'est déposé contre ma peau à vif qui tenait par le sang séché. J'ai crié avec une grimace qui devait déformer mon visage, mais le petit n'a pas bronché. Il est resté là, comme s'il avait l'habitude qu'on cri et qu'on saigne. Je me suis appuyée contre le mur parce que je pensais que j'allais tomber et quand j'ai senti les picotements diminuer j'ai tout retiré. Le doudou, il a dit quand j'ai vu que c'était plein de sang et j'ai lâché puis serré le petit ours. « Tu devrais t'asseoir » ; je me suis assise près de lui et il a commencé à me parler de sa sœur Alexie.
« -Et toi, c'est comment ?
-Nolan. Mais Alexie m'appelle No'.
-Très bien Nolan, moi c'est Sun. Tu m'as dit que ta sœur était blessé tout à l'heure, est-ce que c'est grave ? Tu es blessé, aussi? »
Un petit froncement de sourcil, une tête qui se secoue et il dit non.
« -Non je suis pas blessé. Puis t'inquiètes pas, ça arrive beaucoup de fois. Moi je voudrais que ça soit moins de fois mais...
-Oh... »
J'ai rien pu répondre d'autre, pourtant lui a continué de parler quasiment toute l'après-midi. J'ai écouté ce petit garçon qui avait l'air plus heureux que moi sans rater un de ses mots qui donnaient l'impression d'effacer toute la souffrance et la misère du monde. Je me suis sentie mieux, l'espace de quelques instants et je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire :
«Je te trouve très courageux. »
Sourire, tout à coup devenu timide.
« C'est grâce à ma sœur Alexie. J'ai hâte que tu la vois. Tu verras, elle est très belle. Elle a les yeux clairs, et la nuit quand elle est couchée, toutes les étoiles du ciel lui tombent dans les yeux. Ça les fait briller. J'adore regarder l'Univers dans les yeux d'Alex' »
Timidité envolée.
Il a parlé des heures d'elle, et j'ai souri en pensant qu'elle méritait plus le titre du soleil que moi-même. Il a aussi parlé de banane, de paille et de Noël parce que c'était la période à laquelle ils étaient nés, et que les vitrines il avait pu les voir huit fois et elle dix-sept. En début de soirée j'ai remarqué une Mercedes. Elle était grise, garée à l'entrée de la rue-maison d'Alexie et Nolan. Je me suis demandé pourquoi le luxe était là et Nolan a dit c'est toujours comme ça. Ça m'a fait pensé à Harry, un peu à son travail et j'ai eu des miettes d'espoir. Mais j'ai senti ma gorge se serrer et je me suis rappelée que c'était fini et que je le détestais. Avec Nolan, on a tourné la tête l'espace d'une seconde, et celle d'après il y a eu une silhouette, qui s'est rapproché et je me suis glacée. Ça n'était pas qu'une silhouette. C'était surtout un visage, un visage plein d'entailles. C'était sur la joue, des lacérations profondes de la tempe au menton. Le sang noir entre ses plaies m'a fait pensé aux miennes et j'ai frissonné. L'éclat de Nolan a doublé et il s'est levé, couru en disant Alexie t'es revenu ! Elle l'a prit dans ses bras et je me suis levé en prenant sur moi.
« -Qui c'est ? Pourquoi elle est là ?
-Elle est blessée, alors j'ai voulu l'aider... »
Elle l'a regardé, passé les doigts dans les cheveux bruns de son petit frère et ses yeux montraient qu'elle savait pourquoi.
« -Et maintenant ? Elle est soignée ?
-Oui.
-Alors elle peut s'en aller. »
Elle a remontée ses cheveux blonds platines en queue de cheval et la vue dégagée sur sa joue m'a fait détourner les yeux. Je me suis demandé c'était quoi ce froid ? Elle était sévère, pas comme ce que Nolan racontait d'elle.
« -J'aimerai bien, mais je n'ai pas de quoi joindre quelqu'un. »
Elle m'a scruté, sorti une pièce de sa poche, me l'a tendu et la dernière chose qu'elle a dite en ma présence a été : « Il y a une cabine téléphonique à quelques pas d'ici. » J'ai prit en remerciant sans comprendre son comportement. Alexie était une porte en fer blindé et seul Nolan semblait avoir la clé. Mais je m'en fichais parce que finalement j'avais ma propre clé ; elle me l'avait donné. Je me suis un peu penchée vers Nolan et il a dit fait attention à ta blessure Sun. J'ai sourit pour lui dire ça va et doucement, ai appuyé son doudou contre sa poitrine, lui ai rendu.
« -Merci pour ce que tu as fait pour moi, je n'oublierai pas.
-A bientôt »
Je me suis redressée pendant que la grande sœur passait son bras protecteur autour du cou de son petit frère et je me suis éloignée, devenue silhouette aussi. J'ai marché avec l'illusion de ne jamais y arriver et quand j'ai enfin pu rentrer à l'intérieur, j'ai introduit la pièce et je me suis abandonné au désespoir. Jek. J'ai appelé Jek.
*
La salle de bain de l'appartement de Jek et Jelena a l'air minuscule. Il y a une flaque, sur le carrelage.
-Désolé, c'est encore Jelena qui a du renverser mon parfum.
Il nettoie et reporte son attention sur moi. Il est expressif, alors je lis facilement l'incompréhension et l'inquiétude sur son visage.
-Enlève ton tee-shirt s'il te plaît, il faut que je te soigne.
Je ne réagis pas. Assise sur le rebord de la baignoire, je ne pense qu'aux cicatrices, à tout ce qui va avec et à tout ce que ça englobe. Aux questions, aux explications. Je suis fatiguée d'en donner, et Jek en veut, je le vois au plie inhabituel entre ses sourcils. Puis je n'ai pas de soutif, impossible de toucher le coté de la poitrine.
-Est-ce que tu peux te retourner ?
Son rire léger me fait un peu baisser les yeux mais les relever aussitôt. Je voudrais aussi avoir une raison de rire.
-Je peux. Sauf que je vais pas pouvoir te recoudre les yeux fermés, ça risque d'être compliqué, mais si tu y tiens.
Je ne ris pas mais je sens un sourire. Et je le laisse là, mon sourire. Geste rapide ; je fais passer le tee-shirt au dessus de ma tête. Ça craque, le tissu qui se décolle de ma plaie collante et ça fait mal. Je ferme les yeux, sans doute le temps de chasser la sensation, et quand je les rouvre, Jek m'observe. Mes joues se mettent à brûler, et je crois qu'il se retrouve tout aussi gêné. Je choisi de regarder le lavabo, le bras qui vient contre ma poitrine, lui de se racler de la gorge et de rapidement dire :
-Bon. -légère et subtile inspiration- je vais te recoudre.
Et cette fois il se concentre sur ce qu'il est entrain de faire. Ses doigts déchirent le papier de la compresse et à son tour l'imbibe de désinfectant. Je redoute le moment.
-J'essuie juste le contour pour pouvoir anesthésier la plaie.
Je dis un d'accord comme si je m'en fichais et il s'y remet, mais sa mine devient vite désorientée. Je comprends ce qu'il regarde ; un peu plus haut au dessus des seins. J'ouvre la bouche pour parler, mais c'est lui le premier.
-C'est Harry qui t'as fait tout ça ?
Ça me fait froncer les sourcils et réponse automatique :
-Non, bien sûr que non. C'est mon père.
Je le dis parce que je ne vois plus à quoi ça sert de mentir, que j'en ai marre de mentir ; tant pis.
-Merde, désolé.
-Pas autant que moi.
-Je savais pas que t'étais tatouée.
Il change de sujet.
-C'était juste une erreur.
Je lui souris légèrement parce que c'est devenu pesant, qu'il ne dit rien et qu'étrangement quand la compresse passe contre ma peau, il n'y a aucun picotement. Puis c'est le bruit d'un plastique que j'entends. Il en ressort une aiguille, et à partir de ce moment, je me concentre sur elle uniquement. Je panique un peu, me dis c'est ridicule, c'est qu'une aiguille, après t'être faite tatouée, le scalpel, la ceinture. Mais c'est justement parce qu'il y a eu le tatouage, le scalpel, la ceinture, que je panique.
-Est-ce que je vais avoir mal ?
-Ça fera sans doute beaucoup moins mal que ça.
Et d'un coup de tête il désigne la cicatrice, la chaire meurtrie et les traces de doigts. Sa main s'enroule autour de mon poignet, me fait légèrement lever le bras. Ma peau tire, je tourne la tête, pince les lèvres et puis quand c'est fini je revis.
-Et toi alors, ton père ?
Ses yeux se relèvent brièvement vers les miens avant qu'il ne continue de me recoudre. Je voudrais lui tendre mon cœur et lui dire tu peux quelque chose pour lui, parce qu'il est à nouveau démoli.
-Il est en prison.
Mes yeux s'agrandissent légèrement et je regrette d'avoir rompu le silence aussi idiotement.
-Oh... je suis désolée.
Il rit et je fronce les sourcils.
-Putain, la joie. Tu crois qu'on arrivera à avoir un sujet de conversation joyeux un jour ?
Mon rire rejoint le sien et ça fait du bien.
-Il faudrait vraiment qu'on prévoie ça un jour, oui.
Il se redresse, les lèvres retroussées et l'instant présent me revient subitement en plein nez. Je réalise que je suis là à rire alors qu'on me fait une nouvelle cicatrice, qu'aussi je suis seins nus devant lui. Je me cache à nouveau pendant qu'il me regarde après avoir rangé tout ce qu'il fallait pour me soigner. Ça lui fait regarder un peu partout ailleurs, secouer la tête et se racler la gorge encore et bafouiller.
-Euh ouais, désolé.
Et comme ça, il sort de la salle de bain et je me retrouve seule. Et seule, je prends le temps de me retourner, envie de voir à quoi ressemble la Sun aux écorchures brisés. Je m'attends à une grimace mais un gros pansement m'empêche de voir. Je me relève quand Jek s'arrête sur le pas de la porte, un vêtement qui lui pend au doigt par la bretelle. Je reconnais un haut à Jelena, par sa couleur rose et par sa taille. Il me dévisage, brièvement détaille mon corps du regard.
-Attends, je reviens.
Et il repart. Et j'ai le rire franc et amusé quand il réapparaît, un grand tee-shirt à lui entre les mains. Une petite grimace prend place sur son visage devant mon regard ; yeux rieurs à nouveau, oublié, le temps de ces secondes, le regard blafard à l'amertume profonde.
-Je pense que tu seras mieux là-dedans.
Je hausse un peu les sourcils, de surprise, aussi pour me moquer et faire comme si j'étais offusquée. Alors sa main se lève comme si vite il voulait se justifier.
-Non, non. Ça veut pas dire que t'es grosse hein, c'est Jelena qui est un peu mince. Mais ça veut pas dire qu'elle est trop mince non plus, elle est bien.
Je ris encore parce que Jek est gentil, attentionné et qu'il me fait rire. Je finis par remuer la tête.
-Bon, est-ce que tu vas me le prêter ce tee-shirt ?
-Bref.
Grognement sourd et il donne le vêtement. Merci et j'enfile à la hâte le vêtement. Ça m'arrive presque en dessous des genoux et je me dis pas étonnant. Je repousse mes cheveux derrière mes oreilles, et passe les mains sur mes joues collantes des larmes bouillantes versées des heures durant.
-Jelena n'est pas là ?
-Apparemment pas.
-Ça ne s'est pas arrangé ?
-Faut dire qu'elle est pas resté sobre très longtemps, alors on a pas vraiment pu parler.
Je me gratte la joue en lâchant un petit soupir.
-Tu as mangée ?
-Non.
Il me fait un petit signe de tête et on sort de la salle de bain. J'enjambe à nouveau des tableaux, une tonne de tableaux laissés au sol, des tâches noires, des traits sombres, des paysages, des visages. C'est sinistre et fouillis. Ça me frappe, quand je baisse brièvement la tête pour faire attention où je mets les pieds. La première fois que je suis venue, les couleurs m'avaient frappés. Maintenant que je suis de retour, c'est le manque de couleur qui me frappe. Je me force à passer à autre chose ; pas envie de parler de sujets sensibles avec Jek, surtout pas Jelena.
Plus tard dans la soirée, je termine entièrement mon plat de pâtes au saumon. On s'est installés dans le canapé après qu'il ait cuisiné et c'est vrai que pour une fois on a un peu rigolé. Il se redresse quand le film se termine, que nos verres de coca sont terminés. Je reste là à attendre sans savoir si je dois bouger. Il revient avec une couverture, la pose au bord du canapé et je lui souris un peu.
-Tu peux rester ici le temps que tu veux.
Je hoche doucement la tête, me lève, passe mes bras autour de lui et le serre. Je le serre comme ça fait longtemps que je n'ai serré personne. Son étreinte à lui aussi se fait ressentir et je voudrais lui dire que je suis reconnaissante de l'avoir, lui, et que c'est une personne plus que fantastique. Mais je ne dis rien, pour nous deux, pour ce moment, et pour Harry et Jelena qui se baladent toujours dans un coin de ma tête que je voudrais mettre à la poubelle. Je me détache quand je sens à nouveau mon cœur se presser.
-Merci Jek.
Il me fait un petit clin d'œil l'air de dire ça va aller. Puis il s'éloigne et disparaît derrière une porte au fond du couloir. J'enlève mon pantalon, je me couche sur le canapé, ramène la couverture sur moi. Et je me dis j'espère que ça ira.
« Quand l'esprit dit : abandonne, l'espoir chuchote : essaie encore une fois. »
Hellooo ! Voilà pour ce chapitre 21 qu'on est trop fières de poster aujourd'hui, ça fait longtemps qu'on avait pas repris un petit rythme assez régulier et ça fait du bien hihi On espère comme d'habitude que ce chapitre va vous plaire, il est assez calme comparé au précédent mais réserve bien de surprises pour la suite de l'histoire, on espère que vous l'aimerez.On vous adores et on attends vos petits commentaires avec impatieeence :P Gros bisouus xx ♥
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