Chapitre 20
Point de vue Sun :
Un souffle perdu devant cinq mètres de haut. Un sourire tombé devant un barrage à la vérité. Un espoir trop vite lâché, échappé, qui s'écrase, au bout du compte, contre une palissade, immense palissade : cinq mètres de haut. C'est cinq mètres de haut de grillage, de fils de fer, de barbelés. Le souffle avait déjà été retenu bien avant, avant devant la première clôture. Déjà là, la bouche avait formé un « o », surprit mais pas trop ; tanière de loup toujours là-bas, loin, reculé, dans le fond, dans le sombre.
Alors la proie s'approche plus près, toujours plus près, un peu bête la proie parfois. Je le cherche du regard, tout autour de moi, je cherche et je trépigne d'impatience de le voir, de le savoir. C'est la main que je tends en premier, vers le piège qui protège la gigantesque étendu dans laquelle on semble étendre les jambes et courir, courir, courir, et je touche un pique du bout des doigts. Et le pique me fait grimacer, douce grimace sur le visage et ma main se recule. Elle a dit « Il se cache là-bas », alors je pense ; il faut que j'aille là-bas. Alors je longe le grillage, atterrie devant un portail en fer, sombre comme l'insouciance de minuit. Je voudrais l'appeler, crier Harry Harry Harry, comme je le faisais dans la forêt, un peu bourrée c'est vrai. Ici, pas comme là-bas, les barbelés ne sont qu'en hauteur, alors pas de risque qu'ils s'enfoncent dans ma chaire. Et soudain, automatisme d'une curiosité inassouvie, mes mains se mettent à frapper les grilles, les bruits qui brouillent dans le corps et font grésiller le cerveau, et je ne pense plus qu'Harry Harry Harry. Parce que Madame Robert a le droit de connaître ses secrets, et que moi il me tient loin des secrets, moi ; juste la fille du soir, qui fait passer le temps, mais pas comme on passe le temps avec Madame Robert.
Je l'appelle, ma voix passe au dessus tout, au dessus des cinq mètres de haut et de leur bruit métallique. Mais on dirait que les cinq mètres de haut sont poursuivies de mètres transparents tout au dessus, et pas une réponse. Je donne un dernier coup, bruit de frustration qui s'échappe de mes lèvres ; moi, fille du soir et seul signe de vie autour des grilles. Le corps de la fille du soir nage dans la mauvaise herbe remplie d'insectes qui a remplacé les fleurs et les arbres, soleil caché dans le fond, encore plus loin dans le fond, comme un objet qu'on cache dans le renfoncement d'un tiroir. Le renfoncement du ciel est grand, si grand que le matin résonne encore comme une nuit noire.
Pourtant le matin était bien là, quand je suis partie de la maison, bien motivée à trouver des réponses à mes questions. Et je marchais sous le ciel bleu ; il y avait des nuages, mais pas de noir. Les yeux qui se baladent tout autour de moi, je vois que les buissons épais sont encore là. Et je me dis que tout est tellement et si différent aujourd'hui, qu'il y a des choses qui ne sont plus pareil, et que c'était peut-être le passage au gris que j'ai pas vu arrivé. Et cette période c'est bien de dire que c'est le gris, parce qu'on ne sait pas encore si ça mènera vers le noir et son orage ou le bleu et son beau temps. Et les beaux temps souvent rendent heureux. Je voudrais être heureuse tout le temps. Pas seulement par brides. Pas toujours avoir besoin de vivre dans le souvenir d'un moment déjà passé pour avoir le sourire et pour dire tout vas bien aller.
Je repense à quand je me faufilais pour observer Harry, aux petits écoliers que Jelena mâchouillait à mon oreille pendant que je le regardais et à nos espérances à toutes les deux. A nous tous. On était peut-être moins proches mais c'était plus fort. Mais si Jelena et Harry étaient restées les êtres de la forêt, je serai resté Sun la fille au dos et au cœur écorché. Écorché, déchiré, fracturé, déchiqueté. Tout ça. Et rien n'aurait changé. Je ne regrette rien. Pas un seul cri, pas un seul pleur. Tant pis pour Jey. C'est une amie que je laisse sur son champ de bataille pour avancer sur le mien. Le prochain obstacle est devant moi, et derrière ; Harry. Je ne veux pas non plus contourner Harry.
Le bruit qui me fait sursauter est aussi froid que le regard que je croise après. Retournée, je me retrouve nez à nez avec un pistolet. Un homme qui le tient, les dix doigts dessus, braqué sur moi, et je lève les mains, vite, les yeux écarquillés. Mais étrangement, nos visages se retrouvent aussi démunient l'un que l'autre. Moi je tremble un peu, lui a l'air plus calme, mais plus brusque aussi et sûr. Pourtant, j'entrevois une faille dans sa sûreté, dans le mouvement que fait sa tête ; un peu penché sur le coté, à essayer de déceler quelque chose ; ma faille, à moi aussi.
Ma gorge s'assèche, le sang disparaît du corps, les joues rosés qui deviennent plus blanches, un peu comme quand la vie quitte. Aujourd'hui je veux pas mourir. Puis c'est facile à dire, je veux pas mourir, quand on y pense, mais c'est vrai, c'est la vérité, quand on se retrouve devant ça, le ça qu'on contrôle pas, qui peut nous ôter la vie, claquement de doigts et puis hop c'est fini, c'est comme ça. Dans le fond, on aurait vécu en disant je veux pas vivre, pas mourir non plus, et puis quand on se retrouve devant le fait accompli, on a le corps tremblant, les lèvres bleus qui font partis d'un corps agonisant et qui chuchote j'aurai dû mieux vivre. On est pleins de remords ou de regrets. Mais moi, je réalise vraiment, là ; aujourd'hui je veux pas mourir.
Les sourcils de l'homme se haussent, l'indexe qui était contre la détente rejoint les autres doigts. Mes paupières se ferment brièvement, le temps d'un soupir tremblant. Juste un, qui se mélange au vent qui soulève mes cheveux et la poitrine s'abaisse. De sa main, il attrape ce qui ressemble à un talkie-walkie, l'apporte près de sa bouche et des mots sortent.
-Patron ? Je crois que cette fois-ci, ce n'est pas pour les champignons.
La radio grésille un instant et je ne sais plus si c'est le début ou la fin, parce que j'entends Harry. Sa voix. L'accent. Peut-être même la langue qui claque contre le palais. Mais rien ne ressemble à la voix qui s'adresse à moi quand le ciel est recouvert de sa couverture étoilée. Pas l'ombre d'un sourire derrière, pas l'ombre d'un mot gentil, de quelque chose de bienveillant. On dirait que la proie est arrivée à la tanière du grand méchant loup, et que petit chaperon rouge aurait du courir dans le sens inverse s'il voulait vraiment vivre.
-J'ai pas le temps pour des devinettes à la con.
-Je crois qu'il y a la fille, monsieur.
Le cœur se gonfle à nouveau dans la poitrine, les ongles qui raflent contre la peau des mains ; appréhension mélangé à un brin d'incompréhension. La fille ?
C'est le silence qui envahit la forêt, impression d'un champ magnétique et de ses grésillements seulement audibles. Juste un « j'arrive » et la radio qui se coupe et les arbres se remettent à respirer, les mauvaises herbes à griffer les mollets. Sur moi on pointe encore le pistolet, alors je relève ces mains qui autrefois tenaient les pâquerettes, quand avec Jelena on faisait je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Quand ces mains là déchiraient toujours la pétale de trop, et qu'elles récupéraient seulement un peu du pas du tout. Pas du tout, devant l'arme, je comprends. Vivre pas du tout.
-Vous avez une... arme ?
C'est étrangement ma voix qui retentit la première comme un coup de canon un peu trop bruyant en plein milieu du champ de bataille, pourtant tremblante et hésitante. Les yeux sombres me scrutent, une fois de plus pas trop sûr, un peu surprit, aussi. Et dans les yeux sombres je lis quelque chose comme « c'est quoi encore ces conneries ? » mais la voix resté cloîtré derrière la barrière des lèvres serrés. Silencieux il reste là, à fixer, à me fixer moi. Un peu nerveux, il a la main de libre qui passe dans les cheveux.
-Il y a beaucoup de vent... n'est-ce pas ?
Ses sourcils se froncent soudainement, je pince les lèvres. Idiote, je me dis, tu n'avais que ça à dire ? Ses lèvres à lui sont sèches, alors il passe sa langue entre.
-C'est quoi ton nom ?
Et cette fois, ma voix reste introuvable. Je l'oublie presque, mon nom. Tu veux savoir qui ? -je pourrais dire ? Il y a Sun la catho, Sun la pute, Sun la battue, Sun la rebelle, Sun la petite fille au petit cœur. J'oublie les autres, les autres qu'on m'a collé sur le front, pas possible de s'en défaire, quand son doigt glisse à nouveau sur la détente. Je recule lentement, parce que je sais que derrière il y a le chemin où je pourrai retrouver le soleil. Oh, je pense, tu veux pas connaître Sun soleil ? Mais Sun soleil si elle était là ce matin, maintenant elle a fait place à Sun la peureuse. C'était une mauvaise idée, et j'aurai dû m'en douter.
Un petit cri surprit s'échappe d'entre mes lèvres quand je tape dans un corps, derrière moi, corps imposant. Je me retourne directement, et je reprends mon souffle, sans doute celui que j'avais perdu, en le voyant. Il est là, je savais qu'il serait là. Harry, je m'apprête à dire, mais je vois son air, son regard, puis je repense à la dernière soirée où il ressemblait un peu à ça, et le Harry se transforme en un souffle affolé. Comme si je le perdais à nouveau. J'en peux plus, je voudrais tellement respirer. La ligne de sa mâchoire bien dessiné, je comprends qu'il est énervé, aussi par ses narines légèrement gonflés. Puis je remarque ses poings fermés, ses phalanges blanches, d'anciennes blessures qui seront sans doute encore blessées.
-Qu'est-ce que tu fais là ?
Murmure dangereux que j'entends à peine mais que je lis sur ses lèvres. Il a un air meurtrier qui me rend mal à l'aise, et je me sens perdre mes moyens, me perdre tout court. Comme si je me souvenais plus de rien, pourquoi je suis ici, pourquoi j'ai pas attendu que ça soit lui qui vienne me chercher, peut-être qu'il l'aurait fait.
-Je...
C'est tout ce que j'arrive à articuler pendant que je le regarde, lui et ses cheveux bouclés, juste un peu bouclés, courts mais qui ont un peu repoussés. De la sueur sur les tempes, une goutte sur le bout du nez ; mais Harry qu'est-ce que tu faisais ?
Il inspire alors je me coupe, parce que je le sens perdre patience ; ça se voit à la manière dont il se tient devant moi.
Et un autre.
Un autre souffle perdu quand sa main agrippe ma gorge, que mes pieds ne touchent presque plus le sol, que mes yeux s'exorbitent ; effroi et horreur. En une fraction de seconde, je me retrouve contre les barbelés, les ongles qui s'enfoncent dans ses poignets. J'essaye, j'y mets toute ma force. Je veux lui faire mal, mais il ne bronche pas, et sa main se resserre juste un peu plus, la gorge prisonnière ; pas un brin d'air. Je bouge, je me débats, un peu comme je peux, comme je le sens ; instinct de survie. Je voulais juste pas l'utiliser avec Harry. On était censés vivre, pas survivre. Survivre je sais le faire ; je fais que ça ; survivre. Une grimace prend place sur mon visage, violente, incessante ; les barbelés me rentrent dans le dos, et je sens quelques cicatrices craqueler, alors que je les pensais bien refermés. Comme avec Harry je me sentais plus proche. Putain. Je le redis. C'était des conneries. Je peux le dire. Je crie, le cri étouffé ; on m'entendra jamais. Et ça brûle. Ça brûle partout, dans les poumons. Mon nouveau cœur de la veille, celui qu'il m'avait donné, il me le reprend parce que je sens mon rythme cardiaque s'accélérer.
Je suis tétanisée, dans l'incapacité de bouger. Je comprends pas et je comprendrais sans doute jamais. Je panique, j'essaye de bouger, Harry, Harry. Des fourmillements, des picotements, dans les membres, partout, j'essaye encore. La gorge trop serrée ne laisse même pas échapper de sanglots, juste des larmes qui me brouillent la vue, brûlent les yeux, roulent le long des joues, coulent jusqu'à la bouche. Je l'ouvre un peu plus, je voudrais respirer même cet air opaque. L'impression d'avoir les jambes complètement coupés, la tête complètement vide. J'essaye de bouger les bras, le taper peut-être, je sais pas. Mais rien n'y fait. Je ne sais pas s'il se fiche des coups, s'il me tient, s'il évite. Tout ce que je sais, c'est qu'une boule descend et monte le long de ma gorge. Que ma poitrine me brûle. Que la vie me brûle. Que je descends lentement aux enfers. Le cœur d'abord, les pieds après et tout le corps. Je cligne des yeux et je vois Luc, puis je les cligne et je revois Harry. Impossible.
Je panique, je bouge, non je bouge pas, je sais pas, j'ai mal et je pleure et je respire pas. Puis je respire. Et ça a jamais fait aussi mal, de respirer. Sa main tout à coup s'est défaite, il m'a lâché. J'inspire, douloureusement j'inspire, les pleurs qui me submergent, m'empêchent de pouvoir inhaler le plus d'air possible. Même les coups de ceintures n'avaient jamais fait aussi mal. Peut-être parce que j'espérais qu'Harry m'aime bien, moi aussi, rien qu'un peu, et que ça j'avais arrêté de l'espérer avec Luc depuis longtemps. Et alors que je peux respirer à nouveau, ma gorge est si serrée que rien ne passe, je suis cassée, complètement cassée, et je fonctionnerais sans doute plus jamais comme il le faudrait. J'essaye d'avaler ma salive, je la sens sur le bout de ma langue, mais je me sens partir à l'avant, le corps lourd, la tête qui tourne et le sang qui frappe et martèle contre les tempes. Je vais exploser. Exploser plus fort encore que si je me recevais une balle. J'aurai dû me prendre une balle. J'aurai dû, parce que sa main revient contre ma gorge, et je pleure plus fort, j'essaye de le repousser avec toutes mes forces – pas beaucoup de forces.
-Attends, laisse moi t'expliquer !
Je hurle, sensation de brûlure avec le goût du sang sur la langue, contre les dents. Moi, détresse et peur, lui impassible et impatient. Je voudrais crier mais qu'est-ce qui te prends ? Mais j'explique juste. Je crois hurler, mais en fait je murmure.
-Madame Robert.
C'est avec son nom que je commence. Ces mots-là. Ce nom.
-Comment ça putain ?
-Elle est venue. -je prends une grande bouffée d'air, l'impression de me noyer hors de l'eau à chaque mot- Elle est venue me voir, elle m'a dit que tu étais dangereux, que c'était à cause de toi qu'elle était droguée. Elle m'a montré les piqûres sur ses bras.
Il inspire encore, et une petite partie de moi lui en veut de prendre mon air alors que c'est moi qui n'ai plus de souffle. Lui n'a juste plus le contrôle. Sur rien, pas même sur lui. Et puis quelque chose passe. Pas sur son visage. Non, juste dans ses yeux. Là, dans le loin de ses yeux. Un peu moins noir, un peu plus vert. Son emprise sur moi se fait moins brutale ; je le sens dans ses doigts qui se desserrent, puis me lâchent complètement. Il les bouge dans le vide, moi ma main vient contre ma gorge. Plus un mot, plus un geste, juste un regard fixe. Alors je recule, il laisse faire, bizarrement il laisse faire ; je devine que c'est le moment. Qu'il faut partir, courir vite. Je recule encore, perds l'équilibre, la vue trouble, le monde trouble.
Je me retourne, lui tourne dos, pars en courant. Mais par dessus l'épaule, je lance quand même un regard derrière moi, et le voit, la tête entre les mains, à se tirer les cheveux, à les secouer et à parler, l'air en état d'alerte, comme si c'était lui qui venait de se faire étrangler. Harry n'a plus rien de la bouée de sauvetage, c'est l'ancre qui mène au fond de l'océan. En retournant sur mes pas, je trébuche plusieurs fois, le souffle court, mais ne m'arrête seulement quand je suis suffisamment loin pour pouvoir respirer à nouveau, tranquillement. Mais tout est bloqué. Tout a claqué. Tout a prit la porte, s'est cassé. Sauf le choc. Lui il est là, et il me berce pour que je me calme dans ses bras. Et c'est comme ça que je rentre chez moi, le pas rapide, le corps tendu. Sous le choc. Sans comprendre. Un état second dans lequel je fais que cligner des yeux et j'essaye de comprendre ce qui a fait que tout a glissé, dérapé, nous a fait tomber. Je me suis fracassée sur le sol beaucoup plus loin. Harry, lui, je sais pas s'il a fini de tomber, si même il est tombé, mais sa chute semble plus longue que la mienne.
Je m'arrête sur le perron. Je m'assois un peu, le corps qui se dégourdit peu à peu. Je m'essuie les yeux. Je passe la main sur mon cou, remonte un peu mon tee-shirt, referme ma veste, pense à l'écharpe que je vais devoir remettre. Puis je rentre, surtout quand je ne vois pas la voiture de fonction de mon père. Tant mieux, il est trop tôt pour qu'il soit rentré. Alors je me relève, je pousse la porte. Pourtant il est là. Juste là, en face, assit sur son fauteuil bien à lui. J'essaye de rester calme, et détendue. Mais je sens chaque muscle se tendre un à un, ma respiration qui se fait plus forte, et je respire plus fort, sans pouvoir rien y faire. Je m'appuie un peu contre le meuble à l'entrée, celui où on pose toutes les clés, celles que j'ai déjà pensé prendre et m'en aller. Mais je me souviens m'être dit bientôt 18 ans, Sun, plus qu'un peu et ça sera fini, courage. Ça fait un petit moment que j'ai 18 ans, maintenant. Il ne dit rien. Aucun bruit. On est seuls.
Je fronce légèrement les sourcils quand je remarque enfin la feuille qu'il tient dans la main. Il a les doigts serrés autour, la feuille qui forme presque déjà une boule. Puis je croise son regard de fou ; le noir de retour. Je me redresse automatiquement, les sens en alerte, parce que je voulais juste m'écrouler sur mon lit et vivre comme on meurt en silence. Je fais deux pas à l'arrière, puis trois et quatre et plus, à reculons, juste en tête de m'enfuir de cette maison. Mais il est plus rapide que moi, il l'a toujours été, et avec une force insupportable il attrape mes cheveux dans son poing, me ramène vers lui. La feuille qu'il tenait vient furieusement fouetter mon visage, m'oblige à fermer fortement les yeux, les coins qui griffent les paupières et la peau. J'essaye de me débattre, lâche un bruit, paniqué ou révolté, un peu des deux, quand la feuille s'abat avec plus de force, l'impression qu'elle coupe, et puis son poing qui cogne un peu contre mon nez en même temps.
-C'est quoi ça ?! Tu veux gâcher ton avenir c'est ça ? Tu crois pas que t'es déjà assez raté comme ça ? Tu crois que t'es tellement bien que tu peux éviter d'aller au bac ?!
Son hurlement dangereux bourdonne dans mes oreilles et je voudrais devenir sourde, aveugle et muette. Je voudrais qu'on arrête. Qu'on me laisse tranquille, seule dans mon lit. Lui, Jelena, Harry, puis encore lui et toujours lui, et les autres aussi. Est-ce qu'on pourrait pas arrêter ?
Je ne dis rien, baisse la tête pour éviter les coups de feuilles lancinant dans mon visage. Jamais il ne s'arrête. Il me redresse plus fort, la tête qui part un peu en arrière, les visages face à face. Je le regarde. Son dégoût et sa haine me donnent envie de vomir mais je reste impassible, parce qu'aujourd'hui c'est incompréhensible, c'est le néant et je ne comprends rien. Que j'ai mal à la gorge et partout et que j'ai pas le courage d'un autre affront. Un autre jour, papa, je voudrais dire. S'il te plaît, parce que je suis peut-être la seule sur qui tu peux te soulager, mais moi t'es pas le seul que je dois soulager. Je pensais c'est vrai, mais je me suis trompée. Je me sens impuissante, en danger, mais impuissante. Nulle. Sun la nulle. J'ai déjà envie de pleurer. Mais je me retiens, à en avoir mal au crâne, plus encore. Et ça martèle aux fenêtres de mon âme. Elle voudrait sortir. Tiens encore un peu, je lui dis.
-Et ma voiture ? La salle de réception ? Je le savais que c'était toi !
Et il crie. Et moi face au cri je murmure.
-Non, ce n'était pas moi.
Et la violence de sa main qui s'abat sur mon visage. Ma grimace, ma tête partie sur le coté et les larmes qui menacent. Et quand je crois que c'est tout, parce que ça s'arrête, pendant cinq secondes. Qu'il y a une infime pause, il me tire dans les escaliers, cruel, alors je reprends plus conscience et me réveille. Les escaliers ont eux aussi l'air de faire cinq mètres. Cinq mètres de haut. Et je veux pas que ça se finisse pareil. Je veux pas tomber de tout en haut. Je peux pas laisser faire, c'est trop, aujourd'hui c'est pas le jour et c'est trop. Je m'accroche à la rambarde des escaliers, crie quand il semble m'arracher une poignée de cheveux et mon crâne est tellement, tellement douloureux. Mais il ne lâche pas, il tire juste plus fort. Alors je tombe lourdement au sol, et je remplie la maison de mes hurlements, je la remplie parce qu'elle était vide de l'amour qu'ils ont pas su y apporter. Et même si c'est de hurlements de peur et de douleur, elle est pleine. Moi je me sens vide et pleine de maux à la fois.
Il me traîne, et je traîne, tape contre les marches, la tête, le dos, les jambes. Je m'accroche à nouveau, parce que je peux plus m'accrocher à Harry alors j'essaye tout, cette fois la porte de la salle de bain, de toutes mes forces je le fais, l'impression de me casser les doigts et de me les broyer, à les enrouler aussi fort autour de la poignée. Je ne veux pas aller à la chambre. Je refuse, tout sauf ça. J'en ai marre et je tiendrais pas. Et il tire et il tire, mais brusquement, la porte de la salle de bain s'ouvre, alors je m'accroche à l'embrasure à la place. Pas la salle de bain non plus. Nul part, il comprend pas ? Sauf que, ferme et tranchante, la porte se referme sur mes doigts. Je les entends craquer et je hurle de douleur. Je lâche.
-Si tu veux jouer à ça, Sun.
Et je repense à quand j'étais petite, assez petite pour être encore sur ses genoux, et qu'on jouait aux jeux de sociétés, et qu'il disait « n'oublies pas que je suis le plus fort. Je gagne tout le temps, Sun. Tu veux jouer quand même ? » et moi je disais oui avec la tête en tenant ma poupée. Aujourd'hui j'ai les doigts trop abîmés pour tenir quoi que ce soit, et je fais non avec la tête. D'accord je te laisse gagner, je voudrais dire, mais ça serait se résigner aux coups de fouets. Le jeu a changé au long de toutes ces années.
Sa main se défait de mes cheveux, son pied me pousse et je tombe au sol, la joue bouillante de larmes qui s'écrase contre le carrelage froid. Le regard vide. Encore entre les deux mondes. Encore entrain de devoir lutter pour survivre. La dernière fois, ici, je disais Harry du bout des lèvres, maintenant j'ai plus rien à dire, parce que je suis même plus sûre qu'il viendrait me sauver. J'aurai trop peur qu'à la place, il dise à Luc t'en fais pas, je prends la relève, ou je t'aide.
Et merde, je vis toujours, je me dis. J'aurai dû mourir ce matin. Avec la balle ou des doigts d'Harry. Mais j'aurai vraiment dû.
-Maintenant déshabille toi. Et dépêche toi, ou je le fais de moi-même.
Mon corps se contracte, mes doigts se recroquevillent et je ferme fortement les yeux. J'ai trop mal. Je voudrais les taper contre le sol, taper ma tête aussi. Mais ça marche pas. La dernière fois ça n'a rien fait. Je me redresse, difficilement, et les sanglots que j'avais réussi à retenir jusqu'ici remplissent le froid glacial de la salle de bain, ou de l'église, ou de l'Antarctique. Je ne sais plus où on est, mais j'ai froid. Je m'exécute presque, quand je repense au tatouage et son pansement encore dessus. Alors je remue frénétiquement la tête ; je peux pas, je fais comment ? Son visage se fait encore plus froid, et en fait je me rends compte qu'on est juste chez papa. Il est à la limite du débordement et j'ai l'impression de n'avoir encore rien vu de ses facettes sombres. Que la plus grosse il la gardait pour aujourd'hui. Il fait froid et noir. Je déteste le noir.
Il s'approche, lent d'abord, parce qu'il aime la peur qu'il lit dans mes yeux, qu'il jouit de mon état second, de mon âme en lambeaux. Et puis plus vite et brusque, sans que je m'y attende, stupidement, il enlève mon tee-shirt, oblige mes bras à se lever, et je me tords dans tous les sens pour l'en empêcher. Je suis faible, incapable, c'est comme ça que je me sens face à lui. Et je sais que cette fois, alors que je suis faible et incapable, je n'y échapperais pas. Je sais qu'il le verra. Et il le voit. Ses sourcils se froncent, les yeux qui se posent sur le pansement sur le coté de mon sein, celui qu'Harry a déposé, ses beaux doigts contre ma peau tatouée. Il l'arrache sans aucune pitié. On m'arrache Harry de la peau. Parce que oui, je l'avais dans la peau. Accroupit, Luc Hopkins reste figé quelques secondes devant le tatouage. Ses yeux ne se relèvent pas une seule fois vers mon visage, mais il se redresse, attrape la trousse à pharmacie, y cramponne ses doigts. Et lui aussi, est dans son état second. Je me redresse difficilement, les mains au sol, les dents serrées.
-Tu vas regretter d'être née et d'avoir fait ça.
Il le répète, en boucle, et j'en peux plus d'entendre ça tourner dans ma tête. Les mots à la suite des autres, il finit et il recommence ; une prière insoutenable. J'arrête tous mouvements quand je vois ce qu'il attrape. Un scalpel. Et je recule, au fond, les yeux ronds, dans la peur et l'horreur. J'essaye de me faire toute petite, de me cacher, d'y échapper, mais je n'échappe jamais à rien. Les parties de cache cache aussi, il les gagnait.
-Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ?
Je demande en un murmure, boule au ventre ; peur de la réponse. En même temps, je me rapproche de la porte. Et je tremble et je pense plus que s'enfuir, s'enfuir, s'enfuir. Mais cette fois, même survivre semble plus difficile. Il était censé enlever sa ceinture, pas prendre un scalpel. La ceinture je la connais, je me suis habituée, plus si impressionnante que ça elle est. Le scalpel il est encore inconnu, et je veux pas saigner ailleurs que dans le dos. J'en ai marre d'être abîmée et de traîner mes blessures avec moi. Je n'arrive même pas au milieu de la pièce que sa main presse douloureusement ma nuque, et il frappe ma tête contre la poignée de porte. Je me sens toute lourde, et je retombe au sol ; ça semble faire un fracas. J'entends à peine moi-même le bruit de douleur qui s'échappe de mes lèvres.
Il fait froid.
J'aurai voulu être assommée. Mais je sens tout. Je le sens se jeter sur moi en même temps que je sens un liquide chaud couler le long de ma tempe, se faufiler dans mes cheveux, alors que je cligne plusieurs fois des yeux. Je vois des points noirs. Des points lumineux. Ils sont rouges et verts et bleus. Ça me fait penser au feu d'artifice qu'on regardait chez Jelena. Mais elle est pas là. Je suis toute seule. Moi, la mort et le scalpel.
Et j'ai peur.
J'ai les poignets plaqués au sol, au dessus de ma tête, et il écrase un genoux contre pour les bloquer, et je grimace, parce qu'il y met tout son poids et me les broie. Je crois que je crie, et que je pleure aussi. En revanche, je sais pas si j'ai la force de me débattre. Pourquoi me débattre ? Vivre pour quoi, pour qui ? Ils sont tous partis. Jelena, Harry. Il y a plus que Jek. Je sais pas quoi faire.
Et puis il fait encore plus froid, tout à coup.
Ça me fait sursauter, au début. Puis après hurler. En même temps je sens son souffle sur ma peau qui s'ouvre. Je suis plaquée au sol. Je regarde le plafond, le mur, pas lui. L'acier du scalpel s'éloigne, puis m'effleure à nouveau, la pointe s'enfonce dans ma peau et je lâche un cri. Un cri désespéré. Un cri déchirant. Un cri suppliant. Le scalpel lacère ; ça déchire, ça coupe, ça tire, la chaire à vif, la chaire en sang. Le sol est froid. Puis le sol est rouge. Je panique parce que c'est mon sang. J'ai plus de voix, j'ai plus de force, j'ai plus rien. Je suis vide, on vient de me vider sur ce carrelage, sous ce scalpel. Je me tords de douleur ; il me remet en place, il continue et je sais qu'il rêve de jamais s'arrêter et moi je supplie pour qu'il arrête du bout des lèvres.
Le tatouage. Ironiquement j'y pense. Au tatouage. A quoi il ressemble. C'est Harry qui l'a fait. J'essaye de baisser la tête, mais tout ce que je vois c'est un bout de peau qui pend, et je relève les yeux, envie de vomir, envie de mourir. Mais j'ai vu encore un peu de noir. Il est plus lisible, il y a des coups de couteaux, mais il y a encore le noir à quelques endroits. Un peu rien qu'un peu, le reste caché par la chaire enflée. Peut-être qu'on pourra repasser au dessus et réparer les dégâts. On pourra ?
Après ce qu'il me semble une éternité, et pourtant je pourrais parier que ça n'était qu'une minute ; il se redresse. Il a la main pleine de sang, et je ramène automatiquement mes mains devant, l'intérieur du bras qui se presse contre le coté de mon sein. Je suis secouée par les sanglots, par le choc, l'effroi et la douleur. Insoutenable douleur. A travers mes larmes, je le vois me regarder de haut, parce qu'il adore regarder de haut. L'écœurement que je lis dans ses yeux doit refléter dans le mien. Écœurée de lui et écœurée de moi. Il me balance le scalpel dessus, sur le ventre, m'enjambe.
-Nettoie moi ça.
Et sans un regard sur ce qu'il a fait de moi, il sort de la salle de bain, me laisse, gisant dans mon propre sang. Je prends un moment à revenir à moi-même. Peut-être une minute. Peut-être dix ou peut-être trente. Je tourne un peu la tête, les cheveux un peu rouge, et si c'était pas mon sang, je me dirais peut-être que ça fait jolie, un peu de rouge dans les cheveux. Je me redresse avec le peu de forces qu'il me reste. Je le fais, parce que j'ai peur qu'il revienne et qu'il m'achève. Avec une grimace, un bruit de douleur et des pleurs, je me penche pour attraper une serviette éponge. Je la presse en boule contre le coté de mon sein, jusqu'à la descente de mes côtes. Je m'accroche au chauffage accroché au mur pour me lever complètement, arrêter de glisser dans mon sang. Je ferme fortement les yeux, la respiration qui tremble et puis qui manque en sentant la texture contre ma plaie ouverte et profonde. Quand je les rouvre, je croise mon reflet dans le miroir. J'ai le visage bouillant de larmes, bouillant de rage, de peur, de sang et de blessure. Sun la pitoyable.
Et je retourne dans ma chambre, le pas traînant, sans un regard derrière moi. Je nettoie rien. Je quitte le champ de bataille, mon champ de bataille, sans récupérer les cadavres au sol. Tant pis pour les morts. Tant pis pour eux et pour moi. Je regarde les murs. Jelena n'est jamais venu peindre. C'est resté sans vie et macabre. Je suis la charogne de la chambre, maintenant. Mais moi au moins j'ai de la couleur. J'ai du rouge. Je m'approche de la fenêtre. Les feuilles volent, un peu plus lourdes à cause de la pluie. La pluie s'abat férocement sur le sol, les fenêtres, balaye les feuilles tombées au sol et au combat, elles aussi. Je laisse la serviette tomber. Putain. Je le dis. J'ai encore le droit de le dire. J'aurai toujours le droit maintenant. T'es vraiment trop conne, Sun.
Je prends un tee-shirt, je l'enfile, j'essaye d'ignorer la douleur persistante mais je la sens, trop forte. J'attrape quand même mon sac de cours. La souffrance fait la sirène qui résonne dans ma tête. Partir, partir, partir. Je le secoue fortement ; mes anciens livres de cours tombent sur mon lit et je remplie mon sac de vêtements. Je fais une pause, un instant, déglutis, la tête qui tourne. Je vais tomber. Un souffle perdu. Le souffle de trop. Je glisse ma main sous l'oreiller, attrape mon téléphone et le plonge dans mon sac avant de le fermer et de le mettre sur mon dos. J'enjambe ma fenêtre, en vacillant c'est vrai, en ayant peur de me fracasser au sol c'est vrai. L'impression d'être à cinq mètres de haut. Puis je pose les pieds par terre, et sans plus me poser de questions, j'avance, met un pied devant l'autre.
Je cours faiblement, le corps penché à l'avant, le bras contre la poitrine, prête à tomber n'importe quand, n'importe où, mais loin d'ici. La pluie frappe mon corps meurtris et je m'enfonce dans la boue comme si on y creusait déjà ma tombe mais je suis pas encore morte, j'ai envie de crier au monde. Je suis blanche, j'ai perdu trop de sang, j'ai trop mal aussi. Mais je continue ; instinct de survie. C'était vrai, dans le fond, aujourd'hui je veux pas mourir.
Je pénètre dans un petite ruelle sombre, à l'abri des regards, à l'abri du danger. J'attrape mon téléphone, m'appuie contre un mur, et je me remets à pleurer. Les mains tremblantes, j'appelle Jek. Je pense qu'à lui. Il y a plus que lui. Je sais qu'il répondra et qu'il viendra, peut-être même qu'il me soignera. J'apporte le téléphone à mon oreille. Mais il n'y a que des bips, pas de sonnerie, pas de bruit qui montre qu'il décroche. Puis une voix, qui dit que le forfait est arrêté. Et c'est fini. Elle dit que personne viendra m'aider aujourd'hui, ni demain. Et quand j'essaye de partir, partir sans savoir où aller, je me sens tomber. Partir là, sans doute. J'ai plus de force. Plus aucune. Plus d'espoir, non plus. Je suis toute seule. Comme je l'ai toujours été. Seule. Juste Sun.
Point de vue Hunter :
Je tire le frein à main, descend de ma voiture. Le soleil est déjà entrain de se coucher, la rue fade et déserte, c'est le moment que je préfère dans la journée. Je contrôle mieux quand il fait noir. Le petit garçon déteste le noir.
Je monte les marches du perron, le regard droit devant, pas ailleurs, ou il pourrait se ramener, et ça changerait les plans. Ces plans là, je veux les garder. J'ouvre la porte sans toquer, fait comme chez moi – après tout, pourquoi pas ? Je vérifie à la cuisine, mais je la trouve au salon, sur le canapé, la tête déjà tournée vers moi. Elle m'a entendu entrer. Elle sourit, se lève et s'approche, comme elle le ferait normalement. Je la regarde faire sans broncher. Son expression change quand elle voit la mienne, pourtant elle ne s'arrête qu'à quelques centimètres.
-Qu'est-ce que tu fais là, chéri ?
Elle a la voix mielleuse et faussement innocente. Ça me fait grincer des dents.
-Oh putain -J'inspire un bon coup, ça sent la clope à plein nez- tu le sais pas ?
J'avance, dominant, dangereux, la fait reculer et j'aime la peur dans ses yeux. J'attrape sa gorge dans ma main, je vois le visage de la fille, dégage je lui dis. Je force l'autre à se mettre à genoux devant moi. Elle écarquille les yeux, mais elle passe vite les doigts contre ma ceinture, et je fronce les sourcils. Sans déconner ? Que des putes. Sèchement, j'attrape son poignet et lui repousse en lui tordant.
-T'es sûre de pas savoir pourquoi je suis là ?
Silence. Légèrement elle déglutit. Je la fixe. Elle aime pas ça, quand je suis mauvais et froid. Moi je préfère. En fait je suis que comme ça, y'a que le gosse qui l'est pas.
-Tu te crois en capacité d'ouvrir ta gueule sur moi ? Tu me connais pas assez bien toi, on dirait. Tu crois que je serais pas capable d'arrêter de te fournir tes merdes, Caro ?
Son corps s'écrase presque sous le mien, et je la sens presser ses nichons contre mes jambes. Je grogne et je gronde, redoutable. C'est moi qui chassait les démons du gosse. Nerveusement, elle se met à triturer sa lèvre du bas, à remuer la tête de gauche à droite, à agiter les mains. Je penche la tête sur le coté et je m'amuse à la regarder. Je la trouve drôle, à s'inquiéter de savoir si elle aura sa prochaine dose et sa prochaine queue. Avec mon pied, je la pousse, mais elle accroche ses doigts à mon tee-shirt et se met à me supplier à voix haute. J'ai les yeux rieurs, noirs rieurs.
-Je t'en prie ne fait pas ça. Je te promets que je ne dirais plus rien. Promis.
-Demande moi pardon.
Je lui demande alors elle s'exécute, joint ses mains entre elles, les approche de son visage. Elle retrouve le beau rôle de petite catho qu'elle joue dehors sous la lumière des projecteurs.
-Harry, je t'en supplie.
Elle répète et je hausse les sourcils, serre les dents, le visage à la limite d'une grimace. Elle a pas bien saisi, pourtant je la lis dans ses yeux, l'incompréhension qui dit t'as l'air si différent, qu'est-ce qui t'arrive ? Je la vois dans les yeux de tout le monde aujourd'hui, souvent, tout le temps. D'un geste assuré, j'attrape l'arme coincé entre ma peau et la ceinture de mon jean. Elle se décompose en voyant le flingue, a un mouvement de recul, les mains qui tombent sur ses genoux. Je penche malicieusement mon corps vers le sien, un petit sourire en coin. Je sens qu'elle va chialer, je le vois à ses yeux, ça me fait lever les miens au ciel.
-J'ai épargné beaucoup trop de monde aujourd'hui.
Elle tire mon tee-shirt, dernier geste de supplication. J'ai plus de patience ; terminé. J'attrape fortement ses deux poignets, la cogne contre le rebord de la table basse, la remet comme il faut par les cheveux.
-Ouvre la bouche.
Elle ne le fait pas, remue la tête, pleure. Je passe ma langue entre mes lèvres, prends sur moi pour ne pas directement lui foutre une balle entre les deux yeux. La mise en scène serait moins belle.
-Pourtant tu sais bien le faire quand t'en as envie pas vrai ?
Pas de réponse. Pas de mouvements. Ma main gantée appuie sur ses joues, l'oblige à ouvrir la bouche. Je glisse le flingue entre ses lèvres, repense à sa langue qui savait même pas me faire jouir. C'est pas une grosse perte. Je lui souris.
-Dommage pour toi, moi c'est Hunter au fait, et les pardon n'ont jamais sauvé personne.
Ses paupières oscillent. Elle allait rouvrir les yeux. Mais j'appuie l'indexe sur la détente. Un simple bruit. Une simple vie. Cette fois, c'est silencieux. Juste le bruit de son corps qui tombe à l'arrière quand je la lâche, les yeux entre-ouverts. J'attrape un mouchoir dans ma poche arrière, le passe contre le canon de mon arme pour nettoyer le sang qui a giclé contre. Je le range, attrape une pomme en passant à la cuisine pour repartir. Je sors de la maison en croquant à pleines dents comme la petite Sun aimerait croquer dans la vie.
« La solitude c'est de la souffrance multipliée par l'infini. »
Coucou les filles ! Bon... Je pense qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur notre énorme retard, les circonstances ont fait que malheureusement nous n'avons pas pu écrire ni poster ce chapitre. Mais nous sommes de retour et nous allons désormais tout faire pour essayer de reprendre un rythme régulier avec au moins un chapitre toutes les deux semaines (j'ai l'impression de dire ça à chaque fois hihi oupsie) mais cette fois nous comptons bien nous y tenir. On espère comme toujours que ce chapitre va vous plaire, il dévoile une partie importante de l'histoire :POn attend avec impatience vos commentaires qui nous ont tellemeeeent manqués Gros bisouuus xx ♥
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