Chapitre 12



Point de vue Sun :


Je m'en suis remise. Si, je le jure. De la ceinture, de la marque, de la douleur.
J'ai cru que je m'en étais remise, ce matin là. A regarder de plus près, même l'habitude n'avait pas chassé les dernières miettes du cœur qui miraculeusement me restait. Elles étaient là, encore sur le carrelage de la salle de bain, là où je m'étais endormie la veille. Là où ils m'avaient laissés. Là où je m'étais réveillée le lendemain, sur le sol dur et froid, là où j'avais eu peur de perdre cette petite chose en moi qui faisait que j'étais celle-là. Sun Hopkins. C'était l'étincelle, peut-être. Celle dont Victoire était jalouse, je crois.

Puis quand enfin j'avais osé descendre après m'être préparé, ou plutôt caché pour aller au lycée, parce que bien évidemment que j'allais aller au lycée ; il y avait les pancakes en place, le journal posé au coin de la table, le tablier sur les hanches de maman et son éternel sourire en place.

Comme d'habitude, c'était. Il n'y avait rien de différent, non, pas une seule différence, pas quelque chose qui aurait vrillé pendant la nuit. Mon cœur s'est soulevé quand Lucie m'a proposé un verre de lait pour « bien commencer la journée ». J'ai refusé, poliment ; je n'avais pas soif, et surtout, je ne voulais plus rien de sa part. Après cela, je me suis dépêchée. J'ai attrapée mon sac de classe et je suis partie. Ce matin là, je n'ai pas pris le bus. J'ai marché. Longtemps. Si longtemps que j'ai échappée de justesse au retard punissable de l'établissement. Ce matin là, j'ai inspiré un bon coup, ignoré la brûlure qui s'est répandue dans ma poitrine. Ce matin là, je me suis dis « Je m'en suis remise. »

J'ai passée ma journée au lycée, me suis rendue à chaque cours, souris au professeurs et mangé seule mon sandwich dans un coin de la cafétéria ; ça n'avait pas changé ; je ne voulais pas me mélanger aux gens d'ici, les gens différents, ou trop normaux, en tout cas. Les gens qui ne se doutent de rien. Mon âme a chavirée quelques fois quand la souffrance est venue la bousculer. J'ai essayé de les calmer, toutes les deux. Même ma respiration saccadée à chaque frôlement de mon chemisier contre ma peau à vif.

Au chemin du retour, tout était un peu plus lourd. Tout faisait un peu plus mal ; surtout le sac à dos. Mes pas résonnaient, je croyais être dans un mauvais rêve, voulais, être dans un mauvais rêve. Mais on étaient tous réveillés, et les démons m'accompagnaient. Quand je suis rentrée, j'ai tout de suite été à la salle de bain, fermé derrière moi, encore à double tour. J'ai alors seulement prit le temps d'allumer la lumière, d'ouvrir le robinet, d'attraper une éponge dans un des tiroirs et de la poser au fond du lavabo. C'était simplement une précaution ; l'eau qui s'écrasait contre le marbre froid du lavabo m'insupportai, cela me faisait penser au bruit du coup qui s'était abattu sur le mur quand j'étais tombée, hier. Ce n'était pas admissible.

J'ai relevé les yeux vers mon reflet, me suis regardée un bon moment, jusqu'à ce que sur mon visage je reconnaisse une moue qui appartenait à Jelena. Cela m'a fait bizarre. Mais pas dérangée. Jelena je voulais être comme elle. Jelena n'avait pas à subir tout cela. J'ai même souris. J'ai pensée qu'on se verrait bientôt. Elle me manquait. On avait pas parlés depuis quelques jours. Je ne lui avais même pas dit pour Harry et moi. Enfin. Aucun « Harry et moi » n'existait. Mais je ne lui avait pas raconté, en tout cas. Je me suis déshabillée. Erreur. Le coup avait causé un creux dans ma peau, cela faisait mal, tout autant que le bleu qui s'était éparpillée de mon sein à ma mâchoire.

J'ai attrapé à contre cœur le fond de teint que ma mère s'était mise à m'acheter il y a longtemps. Un jour, il avait miraculeusement apparu sur l'étagère, un message silencieux qui disait « cache ces horreurs sur ton corps ». A chaque flacon vide, un nouveau apparaissait. Je devais masquer la petite fille au cœur souillé et abîmé.

Les traits de mon visage se sont obscurcit contre ma volonté au moment où mon doigt a touché, plutôt ; frôlé, le coté de ma blessure. J'ai un peu reculé, comme si j'essayais de me défaire de mes propres actes, de mon propre touché, des larmes qui se retrouvaient de nouveau au bord de cette falaise sans fin qu'on appelait les yeux – mes yeux. Quand je m'en suis rendue compte, je me suis trouvée ridicule, alors j'ai encore avancé. J'ai tout de même renoncé au fond de teint, ce n'était pas adapté à... cela, de toute évidence. D'un geste rapide, j'ai désinfecté, mis un gros pansement, enfilé un col roulé puis une écharpe. Je me suis dis que cela ferait l'affaire.

J'ai encore et une dernière fois regardé à quoi je ressemblais. J'ai aussi pensé à Harry, lui qui n'allait pas tarder à venir. Pour la deuxième étape. La deuxième. Plus que sept. Je ne sais pas si cela m'a vraiment réconforté. Mais ce soir là, quand j'ai réalisé que je ne m'en étais pas plus remise que les autres fois et qu'au contraire, cette fois là était pire, parce qu'elle avait touchée plus, et que quelque chose s'était fêlé, je me suis souvenue ; j'allais, à la tombée de la nuit, continuer à apprendre à vivre. Je n'allais pas le faire seule. Alors ce soir-là, je ne me suis pas menti à moi-même. Je n'ai pas dit « je m'en suis remise. » Non, j'ai dis, en regardant mon propre reflet droit dans les yeux : je vais m'en remettre. C'est une promesse. Oui, s'en était une.

**

Harry porte un tee-shirt blanc. C'est la première chose que je remarque en montant dans sa voiture. Blanc et troué à quelques endroits. Je peux voir sa peau. Sa peau nue.

Il est 00h ; il affiche un sourire en coin.

Je peux aussi voir ses tatouages : un papillon au centre du torse, des fougères un peu plus bas, là où je ne pose que brièvement mon regard.

Harry n'a jamais porté autre chose que du noir, surtout avec moi, quand je peux le voir. Je me dis que peut-être, cette journée-là, ça a aussi été sa journée. Le sombre lui va à merveille ; une deuxième peau. Mais le blanc, le blanc c'est bien différent. Une vague allée de pureté et de légèreté planante.

On roule juste une demi-heure, cette fois ; il dit que là où on va, on sera seuls. L'idée de me retrouver seule avec lui me rappelle que je lui dois quelque chose, que j'aimerais bien lui donner bientôt. J'ai envie de nouveau.

Mais quand on arrive à destination, je comprends assez vite que lui a des idées bien plus morbides en tête. Il arrête le contact, se détache.

-On fait une pierre de coup, ce soir.

Je fronce les sourcils. Mais cela m'arrange. Un soir de moins à attendre. Mais un soir de moins avec lui. Je voudrais lui demander ce qu'on fera, quand cela sera finit. Mais je connais déjà la réponse. Je vais vivre ma vie avec ce qu'il m'a apprit. Lui va faire la sienne de son coté, dos tourné, liberté retrouvée.

-Les étapes deux et trois. On les réunis. Tu vas goûter au deux.

Il sourit, moi je pâlis. Je me souviens très bien de ce que j'ai noté sur cette feuille.

2 – L'enfermement.
3 – La mort.

L'enfermement, c'était la peur la plus simple à trouver. Ça allait de soi. Le tic et le tac de l'horloge contrôlée il résonne tout le temps dans mes oreilles. Il chuchote « la fin approche », et n'a pas tord. Ongle posée sur la montre, on chronomètre tout et tout le temps. On contrôle. C'est important, de contrôler, dit Lucie. Et quand on contrôle autant, on étouffe, et quand on étouffe, on arrive plus à sortir. Alors on se retrouve enfermée. C'est le pire de tout, d'être enfermé. N'importe qui en deviendrait fou.

Puis la mort. Je n'ai pas peur de mourir. Mais la mort est imprévisible, s'abat comme la foudre, puissante et irréversible. Un orage qu'on ne voit pas venir. Elle touche tout le monde. Elle dit il est temps de redevenir poussière, effleure du bout des doigts et pouf, nous emmène avec elle. Elle a emmenée ma grand mère. C'était encore la seule qui pouvait me donner assez d'amour pour que je ne me demande ce qui n'allait pas. Pourquoi Victoire et moi on était pas sur la même échelle. Pourquoi la mienne, d'échelle, on la poussait des pieds et on la faisait tomber. Grand-mère m'aimait, moi. Mais grand-mère est morte, une nuit. On a jamais voulu me dire comment. Mais elle dormait, elle n'a pas eu mal, c'est ce que tous ils disaient. On a dû l'enterrer.

Je ne voulais pas y aller, mais ils parlaient d'un au revoir. Moi je voulais la revoir, surtout pas lui dire au revoir. Ils ne m'écoutaient pas. On a avancé dans l'allée de l'église, tous habillés de noirs. Mes ballerines me faisaient mal aux pieds ; je voulais partir. Maman s'est penchée ; je ne voyais pas ce qu'il y avait à l'intérieur du cercueil, j'étais trop petite, bien trop petite. Elle souriait, encore, un mouchoir dans la main pour le geste, elle en a toujours aux enterrements. Mais ils restent tous toujours secs. Victoire a fait comme elle. Mon tour est venu. Papa m'a soulevé dans ses bras. Et je l'ai vu. Plus de joues roses. Plus de sourire aux lèvres. Plus de paroles. Plus de yeux ouverts. Ce n'était pas ma grand-mère.

J'ai refusé de l'embrasser. Je savais que quelque chose clochait. Je le sentais. Luc m'a prit par la nuque, m'a avancé le visage vers celui de la mère de maman. Mes lèvres ont du se poser sur sa joue. Sa peau était froide, gelée, dure. J'avais l'impression qu'elle se décomposait sous moi. J'ai eu un mouvement de recul mais il m'a tenu. Mes yeux de petite fille brillaient. Je n'avais pas ma place ici. Il m'a prévenu de ne pas faire de scandale. J'ai sangloté. Tout le monde a cru que j'étais simplement triste. Oui je l'étais, je l'étais forcément. Mais on venait de me prendre le dernier bon souvenir de ma grand-mère. C'était un deuil supplémentaire.

Je renonce même à protester sous son regard. J'essaye de me rassurer. Il y a Harry. Si Harry est là, je me sens bien, je me sens mieux. J'aurai bien aimé qu'Harry se salisse les mains pour moi, même en faisant n'importe quoi.

Il fait un signe de tête vers l'extérieur ; on descend de la voiture en même temps. J'agrandis les yeux, ne lâche pas la portière, mais sa main frôle la mienne, se pose à coté, referme. Un grand portail en fer forgé nous domine de haut, de très haut, si bien que je dois en lever la tête, ne perçois même plus son sommet dans le ciel. Une croix en marbre est positionnée au centre juste après le « Highgate Cemetery » gravé. Je me fige. Pas question que j'entre dans un cimetière de nuit. Des démons, j'en ai assez. Bien assez. C'est recouverte d'arbres, de buissons et de fleurs, si bien qu'en journée cela semble être un endroit calme et paisible. Mais là tout de suite, c'est -

-Flippant, hein ?

Je tourne la tête vers Harry qui sourit largement. Je lui rends son sourire, mais plus parce qu'il vient de compléter mes pensées que par le fait qu'il m'ait emmené ici. Je hoche la tête.

C'est si grand qu'on pourrait s'y perdre, et le cadenas qui rejoint les grilles entre elles montre qu'il n'est certainement pas accessible la nuit. Je me détends, soulagée, me rappelle au passage que je suis déjà venue. Que mes parents nous ont forcés à intégrer le groupe de touristes qui venaient visiter. Eux ils faisaient la visite guidée. C'était l'été précédent. Il y avait eu des remontrances. Pas trop étonnant. Je m'étais vite désintéressé, j'étais fatiguée ; on m'avait levé à six heures du matin un samedi. J'avais passé la demi-heure suivante à parler à un petit garçon ; Sam, trois ans et demi, petit blond mignon, plutôt que d'écouter.

Le reste du samedi avait ressemblé aux autres. A des voix qui se haussent, au quotidien. Parce que je ne donnais pas le bon exemple -mais le bon exemple à qui?- même écouter était quelque chose en laquelle j'échouais. « D'un pathétique » avait lâché ma mère, puis elle avait roulée des yeux.

Le brun agite les clés dans sa main, le tintement me ramène à lui.

-Comment tu as fait pour obtenir ces clés ?
-Prend pas ta voix de Mère Thérésa, tu pourras pas me réprimander à moi.

Mais il ne répond pas. Harry répond quand il en a envie, c'est tout. Je souris intérieurement, l'imagine entrain de les voler pour venir ici, ici et avec moi. Il défait le cadenas ; le bruit de la chaîne qui glisse le long du portail avant de se retrouver au sol me fait frissonner ; un peu d'effroi, un peu d'appréhension. Cela grince quand il ouvre. Je me déplace derrière lui, carrure imposante qui me protège du reste du monde. Il me cache complètement : je ne dépasse ni en haut, ni sur les cotés ; on pourrait presque avoir l'air emboîtés. Sa grande main attrape mon poignet, les doigts qui appuient sur ma peau, aussi froids que les miens, me pousse à l'intérieure la première.

-On va baiser sur des tombes. Excitant pas vrai ? Je suis sûr que tu rêvais pas mieux pour ta première fois.

Mon ventre se noue. Je relève les yeux vers lui, lui les baisses vers moi. Il plaisante je le sais. Mais l'idée m'effleure qu'on devrait, un jour, essayer. Ses dents se révèlent ; il va rire.

-Je crois vraiment que t'es la pire de toutes, Sun.
-J'imagine effectivement mieux pour ma première fois, hm.
-Je m'en doutais. C'est dommage, vu que tout les deux on était partants.
-Je n'ai jamais dit être partante pour... cela !
-Bon, bah on a plus qu'à rentrer alors. Ça tombe à l'eau.

Il repart de l'autre coté de la grille. Je fronce les sourcils, attends quand même un peu, avant qu'il ne me jette un « bon magne toi ».

-On ne va pas faire l'étape ? Idiot ! Tu savais très bien que je ne ferais rien de cela !

Main dans les cheveux, il me regarde, moi je reste là, déçue, près du vide. Son pouce passe au bout de son nez, le fait un peu remonter, et je trouverais cela mignon, si l'idée de devoir rentrer ne me hantait.

-Tu me prends pour qui, hein ? Il a l'air exaspéré. Je m'amuse pas à perdre mon temps comme ça. T'es tendue bordel de merde, c'est dingue.

Il me rejoint, je me retrouve perdue. C'est l'inconvénient du Harry joueur ; il joue vraiment. Il attrape mon bras au passage, m'entraîne avec lui après que j'ai refusé d'avancer toute seule et un « dégonflée putain je rêve ». Il ricane quand même, je plisse les yeux, un peu curieuse.

Et là, dans ce cimetière, là, dans le froid, là, dans le noir, là, le ventre retourné, là, en danger, je donnerai tout pour l'éternité. Parce que malgré les là, il y a les ici, ici avec sa main qui tient mon bras, ici avec mes doigts qui s'agrippent à sa manche, ici avec sa respiration qui frôle mon oreille, fait trembler mes cheveux, ici avec Harry.

On avance, les corps collés, tellement que quelques fois je le fais trébucher. Et des « ta race Sun » il lance, et des « Fait chier merde ! » il relance. Moi je ne fais pas vraiment attention, tourne plus la tête à chaque bruit que j'entends, chaque branche qui frappe les feuilles, chaque grincement curieux. Je frissonne, encore, grimace.

-Aller, monte là-dedans.

Harry nous fait nous arrêter. Je regarde, appuie mes doigts contre mes lèvres, effrayée.

-Quoi ? Non ! Il y a des gens là-dessous ?!

Il roule des yeux, se fait craquer le cou ; j'admire en silence.

-Sherlock Holmes 2.0 : le retour. Bien sûr que y'a des gens bordel, enfin ce qu'il en reste.

Il me fait signe d'approcher avec ses doigts, et je voudrais le prendre avec moi et m'en aller.

Finalement on aurait mieux fait de repartir, de pas rester, c'était une mauvaise idée.

Le caveaux dans lequel il veut me faire monter me donne froid dans le dos, est composé de quatre compartiments sur deux colonnes. Tous sont occupés, sauf un.

-C'est le tien. Je t'ai réservé une place, me remercie pas.

Il me fait un clin d'œil, j'articule un putain qui le fait hausser les sourcils.

-Qu'est-ce que t'as dit là ? Putain ? T'apprends vite, Sun. J'aime bien.

Ses yeux rayonnent, amusés, je voudrais rayonner dans son regard, j'y aurai ma place. Mais son amusement ne remplace pas ma panique, loin de là. Elle grandit, seconde après seconde, elle prend plus de place, s'élargit.

Je faufile mes mains dans mes cheveux bruns ; geste affolé, incontrôlé. La boule qui était dans mon estomac remonte dangereusement le long de mon thorax. Je secoue la tête.

-Pas question, je murmure, pas question.
-T'es là pour combattre tes peurs, Sun, oublie pas ; il lâche.

Et la seconde d'après, il m'a soulevé du sol ; je me retrouve face à face avec le dernier caveaux, celui tout en haut. Près du ciel mais aussi du sol, terreux et poussiéreux. La panique contrôle, je suis enfermée avant même d'être enfermée. Cela m'empêche même de ressentir ses mains posés sur moi, sa peau sous mes doigts ; aucun moyen, aucune issus, aucune échappatoire. Impossible d'être submergée par Harry. Je voudrais.

-C'est bon, je rentre avec toi alors abuse pas.

D'un geste rapide que j'aimerais doux, il me fait glisser à l'intérieur, tête la première, sur le dos, frottée contre le goudron ; pas de pitié. Ce n'est pas cela, le pire, de cela, j'ai l'habitude, du manque de pitié. Je ferme fortement les yeux, essaye de m'imaginer ailleurs, mais je suis bloquée ici, alors je les rouvres. Pourtant je ne vois rien. Il fait noir, plus noir que dehors.

-Harry.

Pour toute réponse, ses mains se posent sur mes cuisses, me poussent plus à l'intérieur.

-Les morts ça fait pas de caprices tu sais ?
-Je ne suis pas morte !
-Mais tu vis pas non plus, pourtant.

Il n'a pas tord. Mais la toile d'araignée qui se coince dans mes cheveux me fait l'oublier, hurler, me redresser. Mais pas de haut plafond. Juste une boîte ; je suis dans une petite boîte. Sans oxygène. Plus de respiration. Je me cogne, grimace, larmes aux coins des yeux qu'on ne peut empêcher. Elles dévalent mes joues facilement, glissent sur la peau lisse et tombent sur les vêtements qui retiennent la dernière once de chaleur. Je passe ma manche sur mon nez, renifle.

-Harry ? Harry !

Je me brise dans un cri. Plutôt ma voix, mais moi aussi, je crois. Je ne sens plus ses mains sur mes cuisses, je ne sens plus ses mains du tout, et mon cœur est trop fragile aujourd'hui, et je n'en peux plus de l'entendre et de le sentir, là, battre dans mes tempes. Cela fait mal, cela me fait voir trouble. J'appuie mes mains contre les parois du caveau, les enlèves à chaque contact trop visqueux. Je veux glisser vers l'extérieur, mais mon corps a l'air de peser plus d'une tonne.

Je me retrouve figée, coincée avec le froid, contre le froid, sur le froid, dans le froid. Les yeux grands ouverts, brillants des gouttes d'eau coincées sur les cils. Je suis terrorisée. La terreur, c'est le mot. Je la sens piquer dans mes veines comme une douloureuse piqûre de rappel. Je trouve encore la force de hurler. Harry ! Plus de joues rouges ; des joues pâles, comme grand-mère.

Puis à nouveau ses mains. Je les reconnais. Grandes, fines. Ses bagues ; je les sens. C'est lui. Un sanglot se coince dans ma gorge, je tape rageusement sa main; il n'aurait pas dû partir.

-T'avais dit que tu venais avec moi ! Je veux sortir d'ici !

Mais mes mots se retrouvent dans le désordre, bousculés, incompréhensibles. Ma voix ne ressemble pas à ma voix.

-Ça va putain détend toi.

Son rire me perturbe, me retourne l'estomac, l'envie de vomir qui revient pour la troisième fois.

-Je veux sortir Harry !

À la place, son corps se retrouve à glisser sur moi, remplie le peu d'air que j'arrivais encore à inhaler. Ma poitrine bloquée contre la sienne, je ne peux plus respirer. J'étouffe. C'est trop petit ici, trop humide. Je voudrais bouger, me redresser, quitte à m'exploser le front contre ce stupide plafond. Sauf que le poids de son corps me tient fermement couchée, et « la ferme Thérésa, ça va aller » je le sens souffler. Mais les « ça va aller », ces mensonges là, on les connaît tous.

Cela fait longtemps que je n'ai plus besoin de les entendre. Et là j'asphyxie, alors là cela ne me sert pas. J'ouvre la bouche, sens ma gorge se resserrer. Putain. Je vais mourir. Salope. Mon visage semble changer de couleur et au dessus de moi, Harry positionne ses coudes de chaque coté de ma tête. On est proches mais c'est comme si moi, j'étais à des années lumières. J'en ai marre d'être aussi loin, toujours loin. Je pleure, je ne m'arrête plus ; je pleure. Alors sa respiration se fait plus lourde, et je me demande s'il s'énerve ou si lui non plus n'arrive pas à respirer correctement.

-Tu t'étouffes toute seule, alors arrête de pleurer et calme toi. L'air passe, sinon j'arriverais pas à respirer je te signale. Alors putain, tais toi.

Je ne peux pas parler, c'est coincée, alors je tente de pousser son torse de mes mains.

-Alors t'es comme ça toi ? T'es faible ? Tu viens me demander de t'apprendre à vivre mais t'es même pas capable de faire la deuxième étape ? Si t'abandonnes, ou que t'échoues, c'est fini Sun, je t'aiderais plus.

Voix dur, ton stricte, souffle chaud contre mon visage. Il n'est pas doux, pas rassurant. C'est sans doute ce dont j'ai besoin. De Harry, pas que de son physique, du Harry là-dedans aussi. Même si lui je n'en ai rien vu, pas même une infime partie. C'est un mystère entier. Un mystère comme on en trouve dans les romans policiers. Nul part ailleurs. Comme si Harry était trop complexe pour être réel. Je souhaite qu'il le soit, réel. Ou alors, mon once de réalité je m'en débarrasserais.
Alors non, je voulais pas qu'on me berce. Je ne voulais pas des mots gentils et susurrés. J'avais besoin des menaces, du ton rauque, voix sèche. Il le sait, il a comprit, pas difficilement, mais il me l'a permit.

Mes pleurs diminuent, mais notre proximité m'étouffe toujours autant. Pourtant j'en ai rêvé, tellement, tellement de fois, de ce rapprochement. Je voulais tout contre moi, lui, son torse contre ma poitrine, son ventre contre le mien, son bassin aussi. Et là je le sens, mais tout ce qui clignote dans ma tête en rouge comme sur un panneau publicitaire, ce n'est pas « désir, désir, désir », c'est plutôt « détresse, détresse, détresse ».

Je brûle sous son regard, aperçois à peine ses prunelles vertes. Foutue pénombre. Foutu cimetière. Foutu Harry.

Puis tout d'un coup le « je vais m'en remettre » me revient, en même temps que son bras frôle ma plaie. La douleur, je l'avais presque oubliée ; sûrement le bon coté du caveaux risqué. Je pose une main sur sa nuque, peut-être bien pour m'y accrocher. Je me dis qu'il faut prendre sur moi, et pour ça quoi de mieux que de sentir ses boucles enroulées autour de mes doigts ? Mes joues sont trempées ; je lutte ; torture. Au bout d'un moment, à force des caresses dans ses cheveux, je me calme, pas tout à fait, mais je me calme.

-Tu vois, c'était pas aussi compliqué que ça.

Il se redresse du mieux qu'il peut, ses mains qui l'aident à se soulever de mon corps, à se coller au plafond, à glisser vers l'extérieur. Je vois à sa mâchoire et aux muscles de ses bras qu'il force, mais il ne bouge pas. La panique revient.

-Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Euh, y'a un truc de gênant là, j'crois qu'on peut plus sortir.
-Force espèce d'idiot !
-Idiot de quoi ? T'es marrante toi, je te dis que j'y arrive pas !

Je recommence à crier, ça résonne autour de nous. L'air repart, et c'est la fin. Puis c'est à lui de recommencer. Son éclat de rire, fort, perceptible, lui aussi résonne, un baume au cœur après une blessure en profondeur. Je vais cicatriser. Il se retire finalement d'ici, facilement, et j'attrape sa main, ferme, un geste pour dire tu ne partiras pas sans moi. Je le pense vraiment.

-Si tu tiens ma main, ça risque d'être compliqué.

Il défait lui même sa main de la mienne, moi mes ongles s'enfoncent dans ma paume. J'ai mal à la gorge, mal d'avoir autant crié, autant pleuré. Je crois le voir rouler des yeux, après quoi il me tire à l'extérieur à mon tour. Les jambes molles, tremblantes, je tiens à peine debout. Je retrouve la faible lumière des lampadaires plus loin, et surtout, surtout j'aspire une grande bouffée d'air. Puis je rouvre les yeux. J'ai réussi. On y arrive.

-Oh !

Je viens de lui donner un coup dans le ventre, qui lui fait froncer les sourcils.

-T'es vraiment un con ! Un gros gros con !

Il se remet à sourire, sourire idiot qui lui créait des fossettes. Plus de sourcils froncés ; j'aurai préféré.

-J'en peux plus de ce sourire argh ! Tu réfléchis jamais à ce que tu fais ?!
-Et toi ?

Oui je réfléchis, parce que tout de suite, j'ai envie de lui envoyer ma main dans la figure, lui claquer la joue, lui dire tu vois ça, c'est rien en comparé à ce que tu viens de me faire vivre. Mais je ne le fais pas, parce qu'il y aurait les représailles, et je n'en suis pas encore au stade de Jelena. J'avance doucement. Pas après pas. Elle, elle court. J'ai les jambes trop faibles pour cela.

Comme je ne réponds pas à voix haute, j'entends à nouveau son rire moqueur. Je le fusille du regard ; il lève les mains.

-Eh ! C'est pas toi qui m'a dit que t'aimerais que je sois plus souvent d'humeur ?

Je lui tourne le dos, fait demi tour, le déteste.

-Aller calme toi Rocky, parce qu'on y va.

Je l'ignore, marche plus vite, sors du cimetière, repère la voiture, mais avance en sens inverse. Ce n'est pas le bon chemin, sûrement pas, mais je veux m'éloigner. Ses pas se rapprochent des miens, derrière, et lui aussi contourne sa Range Rover. Il n'est pas question que je rentre avec lui.

-Oh, tu fous quoi là encore ?
-Je rentre à pieds, et toute seule !

J'élève la voix, le calme et la douceur bel et bien oubliées, lui jette un regard en coin.
Ça ne me ressemble pas, de parler comme cela. Mes parents ne me le permettent pas. Jamais. J'ai juste le droit de crier pour manifester la souffrance, mais pas la colère. La colère il n'y a qu'eux qui en aient le droit. Alors je serre les lèvres, je préfère me taire, me réfugie dans ma chambre sinistre, je laisse passer la tornade même quand elle me décoiffe. Mais là c'est Harry, avec Harry je me découvre une autre partie. Et là c'était méchant, un coup foireux. Et je ne voulais pas étouffer comme ça à petit feu.

-Tu vas bouger ton cul et revenir ici Sun, avant que je m'énerve.

Une autre fois sûrement, j'aurai obéi. Mais j'en ai ras le bol d'obéir ! Je veux que ça soit à moi tour de faire des coups merdiques, je voudrais pour une fois qu'on échange les rôles, que tous ils comprennent, que tous ils sentent et qu'ils sachent ce que ça fait, d'être impuissante et enfermée dans une identité forcée.

-Tu es allé trop loin !

J'accélère le pas quand je sens qu'il se rapproche vite, dangereusement. Je suis sérieuse, il faut qu'il le sache et je ne veux plus le voir, ce soir.

-Je suis allé trop loin ? Ça Sun, ça ?

Il attrape mon coude, d'un coup sec me retourne vers lui, pointe le cimetière de l'indexe, visage fermé, le sourire seulement en guise de souvenir.

-C'était absolument rien. T'es une trouillarde. Et tu sais quoi ? La vie aussi elle va beaucoup trop loin, mais à elle tu peux rien lui dire, alors fait pas ta gamine.

Et quand je veux me défaire, il me balance sur son épaule. Je lâche un cri de surprise, tête en bas et fesses en l'air. Il a peut-être raison, dans le fond. Je veux pas être une trouillarde, surtout pas. Il faudrait que j'en parle à Jelena.

-Lâche moi !

Je persiste pour la forme, mais ma gorge elle est nouée à nouveau, ne produit pas le même son.

-Tu me fais vraiment chier toi.

Le temps que j'avais mis à faire environ une cinquantaine de mètres se raccourcit soudainement, et je me retrouve dans la voiture, prête à repartir. Je croise les bras sur ma poitrine, plus chamboulée qu'à l'arrivée. Le regard fixe, je contemple consciencieusement la vue sombre qui s'offre à moi. Je devine le circuit du cimetière, et je l'affronte, j'ose, unique centre d'attention. Oui, Harry il a raison. Mais pas question de lui dire. Et je ne sais pas vraiment. J'ai juste besoin de dormir. Je me sens épuisée, l'adrénaline tout à coup retombée.

Je passe mes mains sur mes joues encore humides, sûrement rouges d'avoir trop pleuré, trop frotté, trop eu froid. Mais la chaleur, la vie dans mes joues, je l'aime bien, quand avant je me suis trop laissé sentir partir dans les abîmes. Je pose ma tête contre la vitre, mal au crâne, mal partout. Je ferme les yeux, accueille le calme à bras ouverts, encore plus le chauffage. Puis je sens ma poitrine s'abaisser, libérée d'un souffle trop retenue, libérée des deux peurs, soulagée. Ça y est. J'ai réussis.

-Tu vois, on a réussit.

Je rouvre les yeux, les poses sur Harry. Il a démarré, conduit, fixe la route, comme toujours. Je souris, dis « Oui, on a réussit, merci », et je m'endors, le cœur chaud, gros, presque à deux doigts de dire « Je m'en suis remise, alors oui, encore merci ».

Quand je rentre, il est un peu plus de deux heures du matin. Je dors peu. On me réveille à six heures le lendemain ; les révisions. On oublie pas les révisions. Harry m'a réveillé une fois arrivés et garés. Ça allait déjà un peu mieux. J'ai souris, un sourire léger, j'ai encore dis merci ; il a roulé des yeux ; il avait l'air fatigué, lui aussi, tout à coup. Vite il m'a dit bonne nuit, à toi aussi j'ai répondu puis je suis partie. Je me suis couchée en me disant que la prochaine fois, je ferais semblant, semblant de dormir. Je pourrais regarder ce qu'il cache, comment il est quand il ne voit plus aucun regard. Après je me suis dis Harry c'est Harry, c'est tout. Et s'il veut pas que je sache, je saurai pas, je lui dois au moins bien cela. Je ne me suis pas convaincue entièrement, mais assez pour dormir, dormir vraiment.

Donc oui, quatre heures après, j'étais déjà debout. Trois heures encore après, je le suis toujours. Je révise pour la foire aux questions de Victoire. Elle a proposée à maman de m'aider, a rappelée avec un grand sourire sa mention très bien qui l'a convaincue. Elle aime bien cela, Victoire. Pouvoir aller se plaindre que je ne suis qu'une bonne à rien, elle ne l'apprend à personne, que je suis incapable de retenir plus d'une vingtaine de noms d'auteurs. Mais moi j'ai les paupières lourdes, tout le corps lourd. Je baille sans cesse, retourne me perdre. On me parle mais je n'entends pas, tout ce que j'entends, c'est la voix d'Harry qui me dit qu'on a réussit. Tout les deux. Cela me fait espérer le « nous » que je voulais tant.

-On reprend. Quel est l'auteur de La foire aux vanités ?

Je la regarde, elle et son petit sourire fier. J'inspire un peu, discret ; elle ne le remarque pas. À mon manque de réponse, l'hypocrite fait son apparition. Mes parents disent que c'est de l'encouragement, moi je sais que c'est de la provocation, parce que Victoire, elle est juste mauvaise. Rien que ça ; mauvaise.

Je me mets à mordiller mes ongles, ronge la peau autour, tire, regarde aussi le salon, comme si la réponse se trouvait sous un coussin troué du canapé, ou bien dans un des vieux tiroirs du meuble télé. Je ne la cherche même pas là-dedans, dans ma tête. Je sais qu'elle n'y est pas. Dans ma tête ça fait Harry, Harry, Harry, Jelena, Harry, Harry à n'en plus finir.

-Dickens ?

Ce n'est pas la bonne réponse, j'en ai conscience, mais je veux juste arrêter cette séance, retourner dans ma chambre, dormir, me réveiller assez tôt pour faire semblant.

Elle plisse les yeux, commence à rire. Le regard des parents se tournent brièvement vers nous. Je pense au fait que Jelena les appelles « mes vieux ». Je me dis que le « mes » est en trop. Les vieux cela suffirait. Moi je fixe toujours ma sœur, juste cela. Elle secoue la tête, dédain qui remonte à la surface ; elle se cache de moins en moins, elle sent peut-être que je commence à m'échapper. Personne s'en choque. À croire qu'ils sont tous pareils. Que l'humanité est une vraie peste. Qu'on est que quatre différents. Harry, Jelena, Jek, et moi. Quatre, seulement.

Victoire se redresse un peu sur sa chaise, moi je reste debout face à elle, un peu le dos courbé, fatiguée de ce poids à porter – mon corps, à deux doigts de m'endormir, de glisser au sol, de plonger dans un profond coma qui sera jamais aussi obscur que le réveil.

-Non. C'est de William Makepeace Thackeray. N'as tu donc rien dans la tête ? Regarde toi, tu n'es même pas capable de donner le nom d'un auteur que tu as étudié toute une année. C'est dans le programme scolaire, tu sais ? Tout le monde le connaît.

Ricanement ; plutôt un grincement. Elle reprend :

-Je suis fatiguée, d'accord ?

Et j'en ai ras le bol du bac, du bac, du bac.

-Et moi je ne l'étais pas ? Tu ne fais rien de tes journées, absolument rien, tu restes assise à réviser ! Tu n'aides même pas à la maison alors cesse de dire que tu es fatiguée !
-Et toi, tu fais quelque chose ?!

Regard sombre, pensées noir, envie meurtrière. Cela aurait dû être elle, la fille dans la rue, celle de la première étape. J'aurai pu la pousser, injurier, et sans m'excuser. Je n'aurai eu aucun remords, pas une seconde, parce qu'elle n'en a jamais eu. J'aurai réussit une étape haut la main, Harry aurait été impressionné. Ses sourcils se haussent, un brin étonnés, un brin haineux. Ma tête bascule un peu à l'avant quand un coup s'abat contre l'arrière de mon crâne ; mon père. Je retiens une grimace, la redresse, ne bronche pas, essaye de cligner des yeux pour faire disparaître le reflet de mon âme.

La nuit, Harry m'apprend. Il m'aide à être quelqu'un d'autre, sans doute moi-même, quelqu'un de plus fort, de plus résistant. Il donne une impression de pouvoir, mais ici, à la maison, le pouvoir c'est à mon père, et il se battrait avec acharnement si on lui arrachait aussi facilement.

-Tu as intérêt à faire des efforts sur ton comportement, Sun. Autrement tu sais ce qu'il va t'arriver.
-Même si je ne fais rien, cela m'arrive.

Il baisse les yeux vers moi, lui qui est beaucoup plus grand, sa main bouge, ses doigts gigotent ; cela lui manque. Par la fenêtre, on voit les voisins dans leur jardin ; c'est une belle journée aujourd'hui, alors tout le monde sort, tout le monde s'occupe des fleurs, de la pelouse. Mon père déteste les belles journées. Il a de la chance ; elles sont rares. Alors à la place du coup, il lâche, mots déformés par sa mâchoire serrée : «Méfie toi ». Oui, je me méfie, Papa. Parce qu'après la claque, après la menace, arrive toujours la noyade. Je ne dis plus rien, maman repart à sa lecture, elle qui nous observait. J'appuie mes mains contre le dos de la chaise en face de moi, Victoire attend un peu, puis elle se remet à la lire ma fiche de révision. Et puis moi j'y retourne, dans mes pensées, l'œil qui pique et le cœur qui tambourine.


Point de vue Hunter :


De retour au bar ; de service, crevé. Les putains de spots lumineux qui me flinguent les yeux, les putains de passages des culs à l'air, des yeux charbonneux, des jambes élancées, des seins rebondis, ça aussi ça me flingue les yeux. Je finirais peut-être quand même la soirée à me faire sucer dans les chiottes, juste pour le plaisir de voir des lèvres gonflées et rouges par ma faute, de les sentir chaudes. J'ai envie que ça m'obsède comme d'habitude, plus fort, sans cette autre merde dans la tête. Ça arrête pas de partir et de revenir à cause des conneries d'Harry.

J'sais pas à quoi il joue, mais il fait chier, à toujours chercher. Et encore heureux qu'il m'écoute encore quand je lui dis de la fermer. J'lui ai dis ; Harry arrête putain, tu me fais chier, ça sert à rien, tu joues à quoi là bordel ? Il a dit t'inquiète, je passe juste le temps, j'pense juste à autre chose. Et j'ai laissé passer parce que ouais, c'est mieux quand il pense à autre chose, quand il a pas envie de chialer. Mais je continue d'croire que c'est pas une bonne idée. Juste que moi j'préferais qu'il me laisse venir quand il y est, que je puisse gérer, faire dégager la personne de trop plus loin, dire de pas revenir, surtout pas revenir.

On aime pas les gens qui reviennent. Je passe une main dans mes cheveux ; y'a Jek qui aide, Jelena plus loin. Je glisse un regard vers elle, clin d'oeil, elle répond par un fuck. Jek serait fou de savoir que c'est moi qui l'ai baisé dans ces chiottes. J'sais qu'elle lui a pas dit qu'c'était moi, j'aurai du cogner sinon, parce qu'il aurait forcément eu l'idée de le faire.

-Elles sont là depuis le début de l'après-midi, et il est 22 heures. Jelena va finir par péter un plomb.

Je roule des yeux.

-Elle pète toujours des plombs ta meuf, Jek.
-C'est pas faux.

Il sourit, amusé, de bon poil il paraît.

-Puis tu sais bien que les chiennes faut les nourrir de temps en temps. Ça met trop les dents après, sinon.
-Ouais, j'suis étonné que tu sois encore derrière le comptoir d'ailleurs, bizarre.

Je hausse les épaules, apporte le verre à mes lèvres, boit une gorgée. Y'a l'alcool qui me brûle la gorge mais j'avale tranquillement ; ça fait longtemps que ça fait plus rien ; moi j'sens rien.

-J'ai pas encore trouvé celle qui me ferait dressé la queue c'est tout.
-Si tu le dis.

Je le regarde, répond pas, il sait qu'y'aura rien de plus qui sortira de ma bouche pour ce soir. Je parle pas beaucoup, ça dépend des fois, là j'ai pas envie, aujourd'hui j'trouve ça futile, puis ils me font tous chier.

Après je passe une bonne heure à surveiller et à m'occuper du bar – de mon bar. Y'a une blonde qui vient près de moi. Elle est grande, fine, pas de seins apparents, des dents blanches et une bouche interpellante. J'me dis tiens j'pourrais essayer quelque chose de différent. Pendant qu'elle s'occupe de moi dans les toilettes, je me rends compte que ça change rien du tout, seins ou pas, mais que j'préfère quand même les bons nichons ; on fait plus de choses. Je la regarde, elle s'acharne presque, je grogne et je viens, la main qui glisse dans la poche de veste, qui touche le bout de papier.

Alors ouais quand je regarde ses yeux recouverts de noir, la jupe que je lui ai remonté sur les hanches, le soutient-gorge ouvert mais toujours en place et la robe qui traîne quelque part, je trouve une autre idée. Ça me satisfait. Je me rhabille en vitesse, ça me saoule d'avoir trouvé l'idée le premier, en revanche ; j'voudrais vraiment pas y prendre part à cette merde ambulante.

Je vais vers la sortie du bar, lance un dernier coup d'oeil derrière moi : la porte des toilettes grande ouverte, la fille qui se rhabille à la hâte, les joues rouges. Je monte dans ma voiture en me disant qu'elle avait qu'à être assez bonne pour me vider la tête en même temps que les couilles. C'est de sa faute. Je démarre et je roule, souffle un bon coup. Je passe le prendre, lui dis j'ai trouvé mais une fois que ça sera terminé, ça sera terminé. Il promet. Il me rappelle que c'est juste pour passer le temps ; on s'emmerde en ce moment, alors on se remet à penser.

J'évite à Harry de penser, en général. Là il se débat. C'est peut-être parce que c'est bientôt l'anniversaire. À moi ça m'apporte rien, en soit. A lui si. Il aime bien le siège en cuir occupé ; je le préfère vide. Mais c'est vrai qu'on y passe des moments à en rigoler. Fait chier. J'aurai pas dû accepté. J'aurai même pas du le laisser avoir l'idée. J'aurai du l'écraser. J'lui ai redonné trop de liberté.


«Si vous traversez l'enfer, continuez d'avancer. La seule façon de se débarrasser de ses peurs, c'est de les affronter »


Et voilà pour le chapitre 12 !

Encore une fois désolée pour le retard, la rentrée, les cours, les devoirs, c'est un peu galère on avoue !

On a pas pour habitude de balancer un chapitre qui ne nous plaît pas, et c'est toujours un peu la raison du retard, encore désolée :( On essaie d'arranger ça promis :D

On a hâte de savoir ce que vous pensez de ce chapitre, hâte de lire vos commentaires, n'oubliez pas que vous pouvez réagir sur Twitter avec le Hashtag de la fiction, vous pouvez également poser des questions aux personnages ou à nous même sur Ask !

En espérant que ce chapitre vous plaises, gros bisous ;P

On vous adores ! 

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