Un petit bout de tout
"On est jamais totalement habillé tant qu'on a pas le sourire aux lèvres."
Samedi
Les yeux de Saylor s'ouvrent doucement et l'odeur du parfum de Béatrice vient chatouiller ses narines.
Une odeur de parfum d'homme, dont elle connaît la saveur.
Cette odeur souligne la stupeur de Saylor quand elle se rend compte qu'elle n'est pas là.
Elle ne comprend pas.
La brise matinale s'écrase sur le visage décontenancé de Saylor.
Mais elle finit par hausser les épaules et baisser les yeux sur le livre.
Elle caresse doucement les pages et des millions de frissons lui parcourent l'échine.
Puis elle entend des bruits de pas familiers, des talons sur le bitume qui perd de sa beauté.
Aujourd'hui, Béatrice est plus merveilleuse que jamais.
Elle n'est pourtant pas mieux habillée que d'habitude, mais ses yeux se présentent comme une tapisserie de mystère, la faisant rayonner et attirant la petite Saylor.
-Bonjour Ohana, a lâché la jeune fille aux jolies couleurs dans un sourire.
Ohana ... Béatrice est elle-même étonnée de ce petit mot qui est sorti si naturellement de sa bouche, comme si elle l'appelait de cette façon depuis toujours.
Saylor articule en silence le surnom qu'elle lui a donné avec une moue interrogative.
Celle-ci se contente de murmurer quelques petits mots qu'elle peine à rassembler tant son coeur s'emballe à ses propos.
- Famille ... ça signifie que tu es de ma famille. Bien plus que celle du sang, rougit timidement Béatrice.
Les yeux de Saylor s'écarquillent de surprise mais elle n'ajoute rien, voyant bien le soleil refléter la gêne dans les yeux de sa "Ohana".
Ce n'est que lorsque les pensées de la sans-abris commencent à divaguer que Béatrice se rappelle enfin la mission qu'elle s'est posée.
- Tiens.
Elle lui tend un paquet. Le doux nom de la boulangerie de sa ville fait stresser Béatrice. Et si ça ne lui plaît pas ?
Lorsque sa Saylor découvre le muffin à la myrtille que protège le sachet, elle sursaute d'étonnement.
Quelques minutes de silence s'écoulent durant lesquelles quelques hoquets s'échappent de la gorge de Saylor.
C'est comme si elle se déplaçait à vive allure dans un hélicoptère et que celui-ci perdait sa trajectoire avant de s'envoler plus haut que les oiseaux.
Quelques secondes de flottement parviennent à la détenir.
Puis, soudainement, elle éclate en sanglots.
Et elle rit. Elle rit enfin depuis de nombreuses années.
Elle rit pour toutes les choses pour lesquelles elle aurait du rire. Et elle pleure pour toutes ces choses qui n'ont, à ses yeux, aucun sens.
Béatrice en est si émoustillée qu'elle ne bouge pas le petit doigt, de peur de la brusquer.
Les émotions se bousculent dans la tête de Saylor et rire lui parait être la chose dont elle a toujours eu besoin.
C'est parfait à ses yeux. Tout est parfait. Elle est parfaite.
Saylor aurait sauté dans ses bras si elle avait été habituée à ce genre d'attention mais, ne l'étant pas, elle se contente de mordre dans le muffin, les yeux brillants de satisfaction, de plaisir et de joie.
Elle semble enfin vivre même si la mort court toujours sous la plante de ses pieds.
Béatrice décide de laisser sa Ohana savourer pleinement ce moment et s'envole, fière d'elle, le rire de l'âme de Saylor plein la tête.
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