Chapitre 14
Note :
Pour rappel, je ne veux rien savoir des futurs épisodes (pas de titres d'épisodes, de noms de persos, d'éléments de grande ou moindre importance, RIEN). Merci de me pas me spoiler dans les commentaires.
S'il y a des épisodes récemment diffusés, il est également possible que je ne sois pas à jour. Alors au besoin demandez-moi où j'en suis avant d'en parler dans les commentaires de mes fics.
Merci.
***
Marinette reste un instant immobile, incapable d'esquisser ne serait-ce qu'un geste en direction de son père tant la peur de ce qu'elle va découvrir la paralyse. Son cœur bat lourdement dans ses tempes, étouffant à ce point les bruits extérieurs que cette terrible scène lui semble étrangement suspendue hors de la réalité.
Comme si le reste du monde avait soudain disparu.
Comme si elle se retrouvait désormais piégée dans le plus ignoble des cauchemars.
Oh, si seulement ce pouvait n'être qu'un cauchemar...
Mais ces épouvantables événements sont hélas on ne peut plus réels, et la peur qui glace Marinette jusqu'au plus profond de ses os est telle que la jeune femme n'est désormais plus rien d'autre que de la pure terreur.
Jamais, jamais elle n'a eu aussi peur de sa vie.
Elle a besoin de savoir comment va son père, tout en étant terrorisée à l'idée de découvrir ce qu'il est réellement advenu de lui.
Elle veut avancer.
Elle veut s'enfuir.
Elle a peur, peur, tellement peur...
Soudain, un gémissement sourd arrache Marinette à sa transe horrifiée.
« Papa ! », s'exclame-t-elle d'une voix brisée.
Comme mue par un ressort, elle se précipite vers lui et s'agenouille à ses côtés.
« Papa », répète-t-elle dans un sanglot, tout en prenant instinctivement sa main dans la sienne.
Peinant manifestement à garder conscience, son père pose sur elle un regard vitreux. Sa respiration est lourde, hachée, comme s'il devait mobiliser toute ses forces pour réussir ne serait-ce qu'à respirer.
« M-Marinette... », murmure-t-il dans un souffle.
La vision de Marinette se brouille alors que des larmes lui montent aux yeux.
Son père est vivant, bel et bien vivant, mais grièvement blessé. Son corps est couvert d'innombrables coupures, sa tête saigne abondamment et son bras forme un angle étrange, là où une plaie béante laisse apparaître le blanc de l'os.
Un bruit sourd résonne depuis la rue, signe évident que la victime du Papillon continue de semer le chaos au dehors. Mais pour la première fois depuis qu'elle a reçu ses boucles d'oreilles, Marinette ne prête strictement aucune attention à ce nouveau vilain.
Des années passées à lutter contre le mal ne l'ont pas préparée à affronter une pareille situation.
En cet instant précis, elle n'est plus une héroïne. Elle n'est rien d'autre qu'une petite fille, terrifiée à l'idée de peut-être perdre son père.
D'étouffantes bouffées d'angoisse engorgent les poumons de Marinette, qui prend de profondes inspirations pour tenter de maîtriser son souffle. Luttant contre une violente envie de vomir qui lui retourne l'estomac, elle se force à observer les blessures de cet homme qui compte tant pour elle. Son regard court sur ses bras, son torse, sa tête, alors qu'elle tente désespérément de réfléchir à la façon dont elle pourrait l'aider.
Que faire ?
Que faire ?
Elle connaît les gestes de premiers secours, pourtant.
Elle devrait pouvoir agir d'une façon ou d'une autre.
Mais la terreur glacée qui coule dans ses veines engourdit son cerveau. Toute pensée cohérente a déserté son esprit, le laissant impitoyablement vide.
Marinette essaye de puiser dans son courage pour trouver la force de faire enfin quelque chose d'utile quand, soudain, elle sent un liquide chaud sous ses doigts. Elle baisse instinctivement les yeux et se fige aussitôt.
En tant que Ladybug, elle est habituée à se voir habillée d'une vive couleur écarlate.
Mais là, elle n'est que Marinette, et ses mains sont rouges du sang de son père.
Elle l'a serré contre lui sans même le réaliser, laissant le liquide cramoisi qui s'échappe de ses plaies couvrir ses mains, ses bras, jusqu'à maculer même son T-shirt.
(L'un de ceux que lui à offert Adrien et qui – certainement pas par coïncidence - représente un adorable chaton gris roulé en boule.
L'un de ses t-shirts préférés, aussi – et certainement pas par coïncidence non plus.)
Marinette ignore combien de temps elle fixe avec une horreur incrédule la tache sombre qui grossit sur le tissu - des secondes, des minutes, des heures ? -, quand soudain, une main se pose doucement sur son épaule.
La jeune femme sursaute aussi brusquement que si elle avait été traversée par une décharge électrique.
« Marinette », s'exclame Chat Noir en écartant vivement ses doigts d'elle. « C'est moi. »
Le héros pose ensuite son regard sur Tom et pâlit sensiblement.
« Oh non », laisse-t-il échapper dans un souffle.
Puis, sans ajouter un mot de plus, il sort son bâton et en presse rapidement quelques touches. Le téléphone de Marinette sonne presque aussitôt, faisant tressaillir une seconde fois sa propriétaire.
Chat Noir raccroche alors que Marinette lui jette un regard effaré.
« Désolé », s'excuse-t-il d'une voix sombre. « Il fallait que je vérifie. »
Il faut une seconde à la jeune femme pour se rendre compte que son coéquipier vient tout juste d'appliquer l'un des nombreux protocoles d'urgence qu'ils ont tous deux mis en place pour s'assurer qu'ils n'ont pas affaire à Volpina.
Et au même instant, elle réalise avec une horreur glaçante que dans sa précipitation à venir en aide à sa famille, elle n'a pas songé un instant à s'inquiéter de la présence de son ennemie.
Elle a baissé sa garde.
Non, pire que ça.
Elle l'a complètement, totalement, stupidement oubliée.
Si elle avait eu le malheur de croiser le chemin de Volpina durant ces quelques minutes, cette dernière n'aurait eu aucun mal à se jouer d'elle et à l'attirer dans un piège pour s'emparer de son miraculous.
Plus livide que jamais, Marinette porte machinalement ses doigts à l'une de ses boucles d'oreille.
À quel point une héroïne peut-elle compter sur sa propre chance pour s'en sortir ?
« J'ai croisé des secouristes un peu plus haut dans la rue », reprend Chat Noir, inconscient de la terrible prise de conscience que ses paroles ont provoquées chez sa partenaire. « Je leur ai dit de venir par ici au cas où, ils ne devraient pas tarder. »
Hochant mécaniquement la tête, Marinette reporte son attention sur son père.
Ce Chat Noir est bien Chat Noir, et sa propre inquiétude est trop grande pour qu'elle trouve la force de s'attarder plus longtemps sur son manque de lucidité. Seuls comptent son père et ces secours, qui, elle l'espère du plus profond de son âme, ne tarderont guère à arriver.
Marinette baisse le regard sur l'homme allongé devant elle et sent son cœur se serrer un peu plus.
La respiration de Tom est laborieuse et des gouttes de sueur roulent à présent sur son visage d'une pâleur de craie, se mêlant aux trop nombreux filets de sang qui coulent de ses blessures. Terrassée par un profond sentiment de désespoir et d'impuissance, Marinette serre un peu plus la main de son père entre ses doigts tremblant.
Elle voudrait pouvoir lui dire quelque chose.
Le rassurer. Lui affirmer que tout ira bien. Lui répéter à quel point elle l'aime et combien elle fera tout ce qui y est – littéralement – en son pouvoir pour l'aider.
Mais ses émotions se sont logées en une boule inextricable au fond de sa gorge, l'empêchant d'articuler le moindre son. Privée de sa voix, Marinette ne peut que prier de toute ses forces, de toute son âme, pour que son père s'en sorte.
Pitié, se répète-t-elle avec ferveur. Pitié.
Faites qu'il vive.
Soudain, conformément aux prédictions de Chat Noir, un groupe de secouristes fait irruption dans l'arrière-boutique. Il ne leur faut qu'un instant pour saisir toute la gravité de la situation et pour se déployer autour de Tom avec une coordination née d'une longue pratique.
Alors que l'un des sauveteurs réclame plus d'espace aux deux témoins de la scène, Chat Noir saisit doucement Marinette par le coude pour l'aider à se relever.
Encore sous le choc, la jeune femme s'exécute sans mot dire.
Elle recule de quelques pas, mains serrées autour de son corps en geste de protection. Ses immenses yeux écarquillés d'horreurs restent rivés sur les secouristes, observant leurs déplacements avec une sorte de fascination cauchemardesque.
C'est comme si toute conscience avait quitté son corps, la laissant spectatrice impuissante de ce ballet surréaliste qui se déroule devant elle.
Peu importe combien elle souhaiterait ardemment que ces terrible images ne s'impriment jamais dans sa mémoire, elle n'arrive pas à détourner le regard. Elle enregistre tout. Les mouvements experts des sauveteurs. Les trousses de secours grandes ouvertes aux côtés de son père. La civière, que l'on prépare non loin de lui. Les blessures, les compresses, le sang.
Tellement, tellement de sang.
Sans même que Marinette le réalise, Chat Noir passe doucement un bras autour de ses épaules, comme si elle était une fragile chose en verre prête à s'effondrer s'il ne l'aidait pas à tenir en un seul morceau.
Ce qui est certainement le cas, quelque part.
Durant des secondes qui lui paraissent des heures, elle reste ainsi immobile, puisant dans la présence de son coéquipier la force de se tenir debout.
Soudain, alors que la plupart des secouristes s'affairent à présent autour de la civière, l'un d'eux s'écarte et se dirige droit vers Chat Noir et Marinette.
« Vous devriez partir », leur annonce-t-il d'un ton sans réplique.
Livide, Marinette chancelle. Ses genoux se dérobent sous elle et ce n'est que grâce à la poigne ferme de Chat Noir qu'elle évite de s'écrouler au sol.
Milles hypothèses affolées déferlent dans son esprit, noyant dans le chaos le plus total le peu de sang-froid qu'elle avait péniblement réussi à rassembler.
Partir ?
« Je... P-Pourquoi ? », balbutie-t-elle d'une voix blanche, incapable de lutter contre la brusque bouffée d'angoisse qui l'engloutit tout à coup. « Est-ce que... ? »
Ses paroles s'étranglent dans sa gorge alors que ses lèvres refusent de formuler l'indicible.
Qu'arrive-t-il à son père, pour que les secours les congédient si brutalement ?
Est-il... ?
Non.
Elle refuse d'y songer.
Tremblant de tous ses membres, Marinette se raccroche de plus belle à Chat Noir. La panique qui s'insinue en elle l'étouffe, l'étrangle, l'empêchant de reprendre son souffle.
Elle ne sait plus comment respirer.
Elle ouvre la bouche, cherchant désespérément à aspirer cette goulée d'oxygène salvatrice qui lui fait tant défaut, mais c'est comme si ses poumons refusaient de fonctionner.
Elle se noie.
Dans l'air, le désespoir, la peur.
Alors qu'elle porte machinalement sa main à sa gorge, elle sent soudain Chat Noir la serrer un peu plus fort contre elle. Ses doigts exercent une pression significative sur son épaule, le côté de son corps épouse le sien, juste avant que sa main ne vienne finalement se placer dans son dos pour tracer de grands cercles en geste de soutien et de réconfort.
Tandis que Marinette tente de reprendre le contrôle de respiration, Chat Noir jette un coup d'œil perçant au secouriste qui leur fait face. Il déglutit péniblement, cherchant ses mots pour formuler cette question qui, il le devine, brûle les lèvres de sa coéquipière sans que cette dernière n'ose la poser.
« C'est son père », explique-t-il d'une voix bien moins assurée qu'il ne l'aurait voulu, tout en désignant Marinette d'un geste du menton. « Est-ce que... Est-ce que ça va aller ? »
Le regard du sauveteur s'adoucit sensiblement, puis se pose sur la jeune femme.
« Je vais être franc avec vous », lui annonce-t-il sans ciller. « Les blessures de votre père sont graves, même s'il y a des chances pour qu'elles soient en réalité beaucoup plus impressionnantes qu'il n'y paraît. Mais on ne peut pas rester ici, c'est trop dangereux. Le bâtiment risque de s'écrouler à tout instant », précise-t-il en désignant les décombres d'un large geste de la main. « Nous devons partir. Et vous aussi », conclut-il en jetant un regard appuyé à Chat Noir.
Le jeune homme approuve d'un bref signe de la tête, saisissant pleinement l'avertissement sans équivoque que leur adresse le secouriste.
Il commence à s'éloigner de la scène et, voyant que sa partenaire n'esquisse pas le moindre geste pour le suivre, passe de nouveau son bras autour d'elle et l'entraîne doucement vers la rue.
« Mon père... », commence Marinette en jetant un coup d'œil inquiet derrière elle.
« ... est entre de bonnes mains », complète Chat Noir d'un ton qu'il espère rassurant. « Les médecins s'occupent de lui. »
Le regard perdu dans vague, la jeune femme hoche distraitement la tête. Ses yeux sont brillants de larmes, son visage d'une pâleur de cire, et Chat Noir sent sa poitrine se serrer devant la terrible détresse qui marque ses traits.
Voir Marinette ainsi lui brise le cœur.
Il voudrait pouvoir faire plus.
Il voudrait tellement pouvoir faire plus.
Si ça ne tenait qu'à lui, il effacerait sa peine, sa peur et cet horrible désastre qui vient de frapper sa famille de plein fouet.
Mais il n'est pas le héros dont Tom Dupain a besoin.
Ses propres pouvoirs n'apportent que misère et destruction, bien loin de l'extraordinaire magie salvatrice de Ladybug. Pour l'heure, il ne peut rien faire d'autre que laisser les sauveurs agir et, il l'espère, apporter un semblant de réconfort à sa précieuse coéquipière.
Serrant un peu plus Marinette contre lui, Chat Noir relève fièrement le menton, une lueur résolue dans le regard.
Il ne peut soigner les blessures, pas plus qu'il ne peut restaurer les dégâts causés par ce nouveau super vilain.
Mais il peut se battre. Protéger sa Lady et tous les parisiens qui ont encore besoin de son aide.
Et il le fera.
De toutes ses forces.
Procédant avec mille précautions, les deux jeunes gens poursuivent leur progression vers la sortie de la boulangerie.
Des explosions qui retentissent au loin rythment leur avancée, comme un impitoyable rappel du rôle qu'il leur reste encore à tenir.
Marinette peut sentir Chat Noir crisper légèrement les doigts sur son épaule à chaque nouveau bruit. Ses yeux d'un vert électrique reflètent une concentration intense et ses mâchoires serrées trahissent une tension de plus en plus vive.
Dès l'instant où ils posent les pieds dehors, Chat Noir se tourne vers sa coéquipière. Il s'efforce d'arborer une expression rassurante, mais la rigidité de ses épaules et la fébrilité de ses gestes réduisent ses efforts à néant.
La situation est désastreuse.
Impossible de prétendre le contraire.
Le jeune homme laisse échapper une légère quinte de toux pour s'éclaircir la gorge et plonge son regard dans celui de Marinette.
« Je peux gérer le vilain tout seul », lui annonce-t-il d'une voix tendue. « Reste avec ta mère. Je te préviendrai quand j'aurai fini. »
La proposition de Chat Noir fait à Marinette l'effet d'une gifle en pleine figure.
« Non ! », s'exclame-t-elle instinctivement.
Ce n'est qu'en voyant Chat Noir la dévisager avec effarement que Marinette prend conscience de ce qu'implique sa réponse.
Elle pourrait profiter de cette porte de sortie que lui offre gracieusement son partenaire et, pour une fois, s'abstenir de combattre. Elle pourrait soutenir sa mère dans cette difficile épreuve, accompagner son père à l'hôpital.
Mais si Marinette a réagi par pur automatisme, chaque seconde qui s'écoule ne fait que lui donner un peu plus l'impression que sa décision est juste.
Ses instincts d'héroïne lui sont chevillés au corps. Gravés au plus profond de ses os, coulant jusqu'aux confins de ses veines.
Elle pourrait donner la priorité à la fille sous le masque et laisser Paris sans sa protectrice toute de rouge et noir vêtue.
Mais rester en retrait et laisser Chat Noir se battre seul ?
Hors de question.
« Non », répète-t-elle en secouant obstinément la tête, coupant court à toutes les protestations que son coéquipier s'apprête à émettre. « On est une équipe. On doit combattre ensemble. Surtout en ce moment », conclut-elle d'un ton lugubre.
Ravalant ses paroles, Chat Noir approuve d'un bref geste du menton. Marinette n'a même pas besoin de développer son propos pour qu'il saisisse son allusion. Le nom de Volpina plane entre eux, telle une ombre sinistre et menaçante.
Les épaules basses, Marinette pousse un profond soupir et jette un regard lourd de tristesse à sa mère.
« Je te rejoins dans cinq minutes. »
Les retrouvailles de Marinette avec sa mère sont poignantes.
En larmes, Sabine se rue vers sa fille dès qu'elle l'aperçoit pour la serrer de toutes ses forces contre son cœur.
Marinette lui rend son étreinte, sans réussir à retrouver ce sentiment de profond soulagement qu'elle avait éprouvé en l'apercevant la première fois. Sa conversation avec Chat Noir a ravivé cette sensation de malaise, de suspicion, de tension quasi-omniprésente qui est la sienne depuis qu'elle a découvert les véritables capacités de son ennemie.
Volpina rôde.
Elle doit rester vigilante.
Debout aux côtés de celle qui affirme être sa mère, Marinette tente de rassembler ses esprits. Mais en dépit de ses efforts, elle a toutes les peines du monde à se concentrer.
Elle a la sensation de n'être plus qu'une boule de nerfs et d'angoisse. Un nœud d'émotions oppressantes et de tension fébrile, dans laquelle s'entremêlent inextricablement la crainte que sa mère ne soit pas celle qu'elle prétend, ses peurs concernant la santé de son père et la terreur que quoi que ce soit puisse arriver à Chat Noir en son absence.
Ses pensées ne cessent de naviguer de l'un à l'autre, sans qu'elle ne réussisse à garder la même direction plus de quelques secondes.
Au milieu de cette tempête qui fait rage dans son esprit, Marinette essaye malgré tout de garder le cap.
Elle ne doit pas se laisser distraire.
Elle doit rester attentive. Prudente. Factuelle.
Ce n'est qu'ainsi qu'elle parviendra à déjouer les pièges de Volpina.
Ses yeux d'un bleu perçant scrutent la scène qui s'étale devant elle, guettant la moindre anomalie, analysant le moindre mouvement. Elle remarque la présence de passants affolés descendant la rue en courant. Aperçoit quelques feuilles de papier qui volettent encore dans les airs, planant sur les lieux du sinistre tels de minuscules fantômes. Note l'arrivée d'une ambulance qui se gare devant la boulangerie et voit l'un des secouristes en ouvrir la porte – certainement pour préparer l'évacuation de son père, réalise-t-elle avec un pincement de cœur.
Refusant de prendre le risque de se laisser distraire par une nouvelle bouffée d'angoisse, Marinette détourne rapidement les yeux.
Mais soudain, un nouveau mouvement ramène son attention vers l'ambulance.
Elle voit un sauveteur discuter brièvement avec l'un de ses collègues, puis s'approcher d'elle à grandes enjambées. Une brusque décharge d'adrénaline déferle aussitôt dans ses veines, propulsant son rythme cardiaque vers des sommets encore inconnus.
« Mademoiselle, vous saignez », lui lance l'homme en arrivant à son niveau. « Laissez-moi vous exami- »
« Merci, ça ira », le coupe Marinette d'une voix tranchante.
Son regard reste rivé sur la main que le sauveteur a levé dans sa direction, à l'affût du moindre geste suspect.
Derrière ce secouriste soi-disant bien intentionné se cache peut-être Volpina.
Elle ne doit pas se laisser distraire.
« Marinette... », commence Sabine d'une voix inquiète.
« Je vais bien », lui affirme Marinette avec un sourire tendu. « Ce... ce n'est pas mon sang », conclut-elle dans un souffle, ignorant vaillamment les nouvelles larmes qui lui montent aux yeux à ce terrible rappel.
« Ecoutez, je ne fais que mon métier », soupire le sauveteur avec agacement.
Mais Marinette ne l'écoute plus.
Elle le jauge avec une franche hostilité, comme pour le mettre au défi de tenter quoi que ce soit qui sorte de l'ordinaire. Alors qu'elle plie machinalement les genoux, prête à répondre au moindre geste agressif, un agent de police arrive à son tour.
L'agent Roger, réalise-t-elle soudainement.
« Allez, circulez », ordonne-t-il au secouriste. « Vous devez évacuer la zone et si cette jeune femme refuse de se faire examiner, alors ça ne sert à rien d'insister. »
Le secouriste ouvre la bouche pour protester, puis, se ravisant finalement, tourne les talons et retourne vers l'ambulance en secouant la tête d'un geste désabusé. Marinette le suit des yeux, braquant sur lui un regard si intense qu'elle ne doute pas un instant qu'il – ou elle ? - doit en ressentir physiquement le poids.
L'homme poursuit malgré tout sa route comme si de rien n'était, jusqu'à finalement passer derrière l'ambulance – et hors de vue de Marinette.
« C'est valable pour vous aussi », reprend soudain l'agent Roger en se tournant vers Sabine et Marinette. « Vous devez vous écarter d'ici. »
Détachant aussitôt ses yeux du véhicule derrière lequel a disparu le sauveteur, la jeune femme fixe l'agent Roger avec une expression scandalisée.
« C'est mon mari ! », proteste énergiquement Sabine en désignant machinalement les lieux du drame.
« Et c'est mon père », renchérit aussitôt Marinette, une étincelle de défit brillant dans ses yeux d'un bleu limpide.
« Et c'est aussi une zone de combat », rétorque impitoyablement l'agent Roger. « Ecoutez », reprend-il d'une voix conciliante, « je tiens juste à ce qu'il n'y ait pas plus de blessés et à ce que personne ne gêne les sauveteurs. Je vous demande juste de vous éloigner un peu. »
Voyant que ni Marinette ni Sabine n'amorcent le moindre geste pour lui obéir, l'agent Roger se place entre elles, les saisit chacune par le coude et les entraîne doucement à l'écart.
« Je suis désolé, il s'agit du protocole », s'excuse-t-il en continuant d'avancer. « Mais ne vous inquiétez pas, les secouristes connaissent bien leur travail. Et vous pourrez aller où vous voulez dès que l'attaque sera terminée. »
Marinette ne l'écoute qu'à moitié, le regard de nouveau rivé sur l'ambulance garée devant chez elle. De nouveaux sauveteurs s'affairent autour du véhicule, signe de l'évacuation imminente de son père, et elle a l'impression qu'on écartèle son cœur en deux.
Son intuition concernant le secouriste est-elle juste ou n'est-ce que sa paranoïa qui lui empoisonne l'esprit ?
Et si elle venait tout juste de laisser s'échapper Volpina ?
Et si cette dernière profitait de ses pouvoirs pour s'en prendre de nouveau à son père ?
Et si... ?
L'esprit en pleine confusion, Marinette en oublie un bref instant de se concentrer sur ses gestes.
Ce n'est que trop tard qu'elle réalise que l'agent Roger a lâché sa mère depuis déjà plusieurs mètres, et qu'il l'entraîne à présent en direction d'une ruelle déserte.
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