Raphael 3


Janvier.


Et voilà le premier janvier arrivé. Le premier jour d'une année que j'allais passer à tes côtés.

D'un côté je refuse de me dire que j'aurai dû savoir, et d'un autre... j'aurai dû savoir.

Nous étions tous les deux épuisés, lui de sa soirée de la veille, moi de mes journées de travail. Alors nous nous étions installés dans un silence. Soudain il a rit. Je lui ai demandé pourquoi. Et, me montrant son téléphone, il m'explique qu'il trouve ça grotesque que les personnes obèses demandent qu'on les prenne plus en considération. Que si ces personnes ne peuvent pas s'asseoir dans un restaurant c'est de leur faute et ce n'est pas aux établissements de changer pour elles. Qu'elles sont dans cet état de leur plein gré et qu'elles n'ont qu'à assumer et maigrir.

Moi cette vidéo ne me fait pas rire. Je suis d'accord avec la femme qui s'exprimait. Alors, pensant être capable d'avoir une discussion avec lui sur un sujet qui ne nous touche pas personnellement, je lui ai exposé mon point de vue. Ces personnes existent et ont tout autant le droit de sortir au restaurant, d'aller dans des avions et autre que n'importe qui. Et même, puisqu'il restait obnubilé à l'idée qu'elles devaient mincir, permettre l'inclusion de ces personnes au sein de la société pouvait leur permettre de les faire maigrir car elles sortiraient plus de chez elles et donc mettraient leur corps en mouvement. Que par la même occasion il pourrait y avoir une augmentation de leur estime d'elles mêmes et donc peut-être conduire à un déclic pour une remise en forme. Que les inclure dans notre société ne pouvait être que bénéfique pour elles. De plus, nous n'avons pas notre avis à donner sur leur corpulence, cela avait à voir avec leur vie et c'était donc parfaitement personnel.

Sa réaction fut particulièrement étonnante. Il est rentré dans une rage que je ne lui avais jamais connue. D'un coup j'étais qu'une conne, idéaliste qui le dégoûtait. Il était furieux. Et j'étais perdue. Il m'a dit qu'il ne pouvait plus supporter ma présence, qu'il allait sortir faire un tour pour oublier mon existence. Et je me prenais toute cette fureur soudaine dans la tête comme une gifle. J'étais bouche bée. Alors comme déconnectée d'un coup de la vie je lui ai simplement demandé: "toi et moi on est quoi?". Et je le revois, dans ce coin de chambre, comme acculé, prêt à s'enfuir, me fixer. Sans qu'un seul mot ne puisse sortir de sa bouche. J'ai pensé que le pire moment était le meilleur moment pour lui poser cette question qui me paraissait évidente. Alors après un instant qui me paraît durer une éternité il m'a simplement demandé "comment ça?". Il avait évidemment très bien compris, mais il espérait que je ne réitère pas ma question. "Qu'est ce qu'on est? De toute évidence pas amis, on couche ensemble. Pas plan cul, avec tous ces moments de douceur. Alors on est quoi?". Il était tétanisé, adossé à son angle, son seul refuge à cet instant. Alors j'ai repris, "je ne me sens pas vraiment en couple, mais par élimination c'est le statut qui se rapproche le plus de ce qu'on est.". Il avait retrouvé la voix, "Non on est pas en couple, je ne veux pas de couple.". Puis après un long moment, une longue discussion qu'on a eu par le regard, il a concédé: "Mais tu as raison, on est pas en couple mais on est tout comme un couple.". Et voilà, on était en couple. Ce premier janvier signait mon arrêt de vie. Et j'étais approximativement heureuse.

Puis tu es parti marcher, je t'avais agacé. Je devais me faire discrète, disparaître de ta vie. J'étais forte à ça. Une faille, encore une faille. Alors je suis restée seule en tête à tête avec mon silence. Et d'un coup, une fois la nuit bien avancée tu m'as appelé. "Tu peux venir m'ouvrir s'il te plait?". J'étais si heureuse que tu reviennes, décidée à être encore meilleure. A me taire, même lorsque j'étais en désaccord avec toi, parce que ça t'énervait et que je ne voulais surtout pas t'énerver. Foutu failles.

Première étape réussie: la rendre silencieuse.

Janvier a suivi son cours, métro boulot dodo, encore. Puis les boîtes ont ré-ouvertes. Et je t'ai perdu. Je ne le savais pas encore. Tout ce que j'avais en tête c'est que tu n'étais pas comme moi alors que je ne devais pas t'imposer ma façon de vivre. Tu as commencé à sortir. En prenant soin de me demander longuement si ça ne me dérangeait pas. Bien sûr que ça me dérangeait. Mais mon toît n'est pas une prison, tu es libre d'en sortir pour t'amuser. 

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