Chapitre 60
Attention double update ! Ce chapitre et le suivant.
Bonne lecture !
***
Le brouillard avait envahi Jimin et semblait ne plus vouloir le laisser respirer. Ne plus le laisser vivre.
Il avait assisté au combat de Jungkook contre Lion, avait suivi machinalement des yeux les coups donnés et reçus, sans en percevoir les enjeux, sans en comprendre la subtilité. Sans même savoir qui gagnait. Il applaudissait quand on applaudissait, se levait quand tous se levaient.
Il gardait les yeux sur le cercle de cordes, sur Jungkook, mais l'image de Yoongi et celle de son corps voûté qui quittait la chambre ne cessaient de s'interposer.
Jimin n'était pas vraiment là lorsque Jungkook se prit quelques coups bien placés de Lion et s'essuya la bouche en riant, apostrophant joyeusement son adversaire. Il n'était pas là lorsque Lion rit en retour avant de se concentrer pour tenter de parer les attaques de Jungkook.
Il n'était pas là lorsqu'un direct bien placé de Jungkook mit presque Lion K.O., le faisant s'empresser au chevet de son adversaire et camarade. Mais Lion allait bien, Lion était juste sonné. Déçu mais beau joueur, il avait levé le doigt de l'abandon peu de temps après, les effets du dernier coup trop gênants pour continuer sans danger.
— Faudrait pas que je finisse comme mon père, avait-il plaisanté alors que Jungkook venait l'aider à se relever et à regagner les vestiaires.
Jungkook avait souri, l'avait serré un bref instant contre lui, pour contrer la tristesse qui avait un instant voilé les yeux de Lion.
Jimin s'était alors levé, comme les autres.
Il avait suivi, s'était retrouvé autour de Jungkook, comme eux. Les bras ballants, sans même chercher à s'approcher.
Oui, Jungkook avait gagné visiblement. Oui, cela signifiait donc qu'ils s'affronteraient le lendemain en finale.
Mais nulle joie en cet instant, nulle allégresse du rêve réalisé.
Seul comptait Yoongi, dans toutes les pensées de Jimin, tous les pores de sa peau.
Yoongi, qui était resté en retrait, assis au premier rang, sans un conseil ni pour Lion ni pour Jungkook.
Yoongi, que Jimin n'avait pas osé regarder.
Pourtant il la sentait, cette silhouette à nouveau ramassée sur elle-même, cloîtrée derrière son manteau malgré la chaleur. Il la sentait de toute son âme, cette petite silhouette égarée.
Mais Yoongi s'était mis dans cette situation seul. Il avait fauté, était tombé dans la corruption seul.
Et n'avait pas même tenté de s'expliquer.
C'était donc qu'il reconnaissait ses torts.
C'était donc qu'il ne tenait plus à eux, puisqu'il ne cherchait même pas à se défendre.
C'était donc qu'il ne tenait plus à lui, Jimin, s'il ne cherchait même plus à garder son amour.
Et Yoongi semblait si loin, maintenant. Si loin de Jimin, si loin de ce bonheur à deux qu'ils avaient patiemment construit.
Ce bonheur maintenant invisible.
Une main tout à coup se tendit et attrapa Jimin à travers la foule.
Jungkook l'attirait fermement à lui, le collait à son corps, le réchauffait de sa sueur, de la chaleur du combat à peine terminé.
La main sur la nuque à serrer, à ancrer au sol, à la réalité.
Puis dans les cheveux, plus douce, comme la promesse d'un futur meilleur.
— Tu ne me félicites pas ?
Jungkook lui souriait, tentait de le faire revenir à lui et au monde.
Jimin hocha la tête.
— Félicitations Jungkook. Tu t'es bien battu.
Jungkook éclata de rire.
— Tu n'as même pas vraiment regardé le combat, comment tu peux dire ça !
Jimin tenta de protester mais Jungkook attira sa tête vers lui et l'embrassa sur le front, avant de le garder un instant dans ses bras.
— C'est pas grave. Je sais que c'est encore plus difficile pour toi, tout ça. Avec Yoongi.
Jimin frissonna sous le baiser, frissonna sous le nom.
— Mais tu vois, j'ai gagné ! Il n'a rien fait pour me faire perdre.
— Parce qu'il n'a pas pu. Parce qu'on l'a découvert avant. Ne sois pas crédule, Jungkook.
Le ton de Jimin était amer.
— Peut-être...
La voix étrangement posée de Jungkook, presque sereine, lui fit lever la tête.
Jungkook souriait. Puis il eut un geste du bras :
— Regarde l'entraîneur de Lion, là-bas. Ça vaut le spectacle, il est en rage !
Jimin suivit le geste et aperçut par-dessus ceux qui les entouraient l'entraîneur de Lion. Il se dirigeait d'un air furibond vers les gradins. Vers Yoongi.
Leur dialogue était inaudible, mais le calme de Yoongi tranchait avec la fureur de l'autre homme.
Jimin se prit à l'admirer, une fois de plus. Il s'était fait fort, à nouveau, inébranlable sous la tempête.
Et puis, la voix de Jungkook, tendue, le fit se crisper à son tour :
— Attends, regarde ! Les magistrats s'approchent d'eux avec des soldats ! Et il y a... il y a ton père avec eux, Jimin !
Jimin se sentit pris d'un grand frisson.
Alors ça y était, les manigances de Yoongi et de l'entraîneur de Lion étaient découvertes ? Peut-être Lion avait-il parlé à un organisateur des Jeux ?
Alors Yoongi allait être arrêté ?
Jimin se dégagea soudain des bras de Jungkook, bouscula sans ménagement les personnes attroupées autour d'eux, et s'élança vers la scène qui se déroulait à quelques mètres.
Yoongi.
Il devait rejoindre Yoongi.
Il devait comprendre ce qui se passait.
Lorsqu'il arriva près d'eux dans sa pleine précipitation, Yoongi lui jeta un regard. Un regard qui tentait de l'apaiser.
Ce alors même que Jimin pouvait voir ses mains trembler légèrement sur le bord de son manteau.
Jimin n'en fut que plus énervé. Comment Yoongi pouvait-il lui dire de se calmer alors que lui-même devait être terrifié ?! Il allait être arrêté ! Il allait devoir payer une énorme somme d'argent, aller en prison certainement, voir sa réputation complètement détruite...
Il ne pouvait pas rester calme !
Mais une main sur son épaule et la voix, apaisante elle aussi, de son père coupa Jimin dans son élan :
— Attends, Jimin, dit simplement Périclès.
Jimin surprit le regard que Yoongi porta alors juste derrière lui. Vers son père, vers Périclès. Un regard de doute, un regard de détresse. Presque un appel à l'aide.
Jimin sentit la main se crisper sur son épaule.
Et il se demanda tout à coup s'ils se connaissaient.
Pourtant, sans que Jimin comprenne pourquoi, Yoongi se redressa alors, les yeux toujours fixés sur Périclès. Le manteau glissa, dévoilant sa tunique et ses épaules nues. Dévoilant ses cicatrices, que Jimin ne put s'empêcher de fixer.
Était-ce la souffrance, la jalousie qui avait poussé Yoongi à agir ainsi ?
Jimin perçut Jungkook qui arrivait lui aussi, qui se postait à ses côtés, poings serrés et ongles à s'en faire mal.
Devant eux, les mots s'échangeaient.
Un magistrat s'adressait froidement à l'entraîneur de Lion :
— Vous êtes accusé de corruption envers Min Yoongi ici présent, au détriment du pugiliste Jungkook, et pour faire gagner votre élève Lion. Niez-vous les faits ?
— Bien sûr que je les nie ! Comment osez-vous proférer pareilles accusations ?!
— Pourtant, vous venez bien de menacer Min Yoongi de, je cite, "lui faire la peau" parce qu'il n'avait pas respecté son engagement ? Que vous lui aviez, je cite encore, "donné tout ce fric pour rien" et qu'il devait immédiatement vous le rendre ?
— Oui mais ce n'est pas...
— Tiens.
C'était la voix de Yoongi.
Calme, plus calme que jamais.
Il sortit deux bourses de cuir de dessous son manteau et les tendit nonchalamment à l'entraîneur. Ses mains ne tremblaient plus.
— Je te rends l'argent que tu m'avais donné ces deux fois. Tu peux compter, tout y est. Je n'y ai pas touché.
Alors, quelque chose s'allégea en Jimin.
Une part de lui se sentit incroyablement soulagée malgré la situation dramatique : ce n'était donc pas avec cet argent que Yoongi avait acheté son bracelet ? Alors leur amour, le passé entre eux pouvait rester pur ?
— Mais qu'est-ce que tu fais ? sifflait l'homme à voix basse.
— Je te rends l'argent que tu m'as donné pour que je fasse perdre Jungkook.
L'homme fut si choqué de ces mots qui signaient leur culpabilité à tous les deux qu'il resta sans voix.
— Qu'est-ce qu'il fout ? murmura Jungkook. Il avoue s'être laissé corrompre, il est con.
Jimin s'aperçut soudain que la pression sur son épaule avait disparu. Il se retourna : son père n'était plus là.
— Vous allez venir avec nous, continuait le magistrat en s'adressant à l'entraîneur de Lion. Vous serez mis en isolement le temps que votre procès ait lieu, juste après les Jeux. Puis vous serez jugé et aurez certainement à financer la construction de la prochaine statue en honneur à Zeus tout puissant. La cité d'Olympie vous en remercie ! termina-t-il.
Jungkook éclata de rire à la mine déconfite de l'entraîneur.
Tout à coup, ce dernier avisa Lion, resté silencieux à côté d'eux.
— J'ai fait tout ça pour toi, petit con ! Tout ça parce que tu n'as pas le niveau pour devenir champion par tes propres moyens !
Lion parut troublé un instant. Il se reprit pourtant, se redressa, fit rouler ses muscles et lissa sa barbe, avant de répondre de sa voix de tonnerre :
— Disparaissez ou je vous fous une raclée ! Si je n'ai pas le niveau pour battre Jungkook, c'est juste qu'il doit être le fils caché d'un Dieu ! Ou bien c'est parce que votre entraînement c'est de la merde ? Qui sait ? Au moins les prochains élèves du Lykeion n'auront pas à vous supporter !
L'entraîneur grommela quelque chose avant de se tourner vers Yoongi, resté immobile et droit, mais pâle, si pâle que Jimin sentit à nouveau cette envie de s'élancer vers lui.
— Et lui ? reprit l'entraîneur avec aigreur en s'adressant aux magistrats. Vous ne l'arrêtez pas ?! Il l'a pourtant accepté cet argent ! Il a juste été incapable de remplir sa mission.
Les soldats semblèrent se réveiller. Ils s'avancèrent vers Yoongi d'un air menaçant, avant qu'un magistrat ne les stoppe d'un signe de la main.
A la surprise de Jimin, Yoongi se mit à rire. Un petit rire, faible et hésitant, mais qui lui glaça le sang. Yoongi était-il devenu fou ?
— Tu penses vraiment que, si j'avais voulu faire échouer Jungkook, je m'y serais pris de cette manière ? Tu penses vraiment que si j'avais voulu le faire échouer je n'aurais pas réussi ?
Et tout à coup Jimin accepta enfin cette évidence, que Jungkook n'avait cessé de pointer. Oui, si Yoongi avait vraiment voulu voir échouer Jungkook, il aurait réussi, bien sûr. Il avait toutes les cartes en main pour le faire, depuis le début.
Alors pourquoi...
Ce fut le regard de Yoongi, à nouveau posé sur Périclès maintenant revenu près des magistrats, qui lui mit la puce à l'oreille. Ce regard, le même que tout à l'heure. De l'attente, du défi. Et pourtant du doute aussi, de l'inquiétude encore. Qu'est-ce qui se jouait entre eux ?
Périclès contempla Yoongi, puis posa brièvement ses yeux sur Jimin, avant de prendre la parole et d'assener :
— Min Yoongi travaille pour nous. Pour la cité d'Athènes.
Jimin sentit le temps s'arrêter, une nouvelle fois. Avait-il bien entendu ?
Mais son père continuait, expliquait à l'assistance qui s'était amassée autour d'eux :
— Il y a plusieurs mois, les magistrats en charge des sports ont eu vent d'un entraîneur pour qui la corruption était devenue un moyen habituel de fonctionnement. Cet homme, devant vous. Mais il leur manquait des preuves. Le nom de Min Yoongi a alors été proposé pour jouer le rôle d'un entraîneur à corrompre, du fait qu'il exerçait au Lykeion lui aussi, et pour la particularité de sa situation et de sa réputation, qui pouvait... laisser penser qu'il accepterait. Min Yoongi a donc été contacté, il a accepté de travailler pour nous et de faussement tomber dans la corruption. Il a parfaitement rempli sa mission.
Périclès s'approcha de Yoongi qui s'était levé, et lui tendit la main.
— Au nom d'Athènes, merci.
Au moment où Yoongi serra à son tour la main de son père après une légère hésitation, Jimin sentit une bulle éclater en lui.
Et tout, tout jaillit, mélangé.
Le soulagement. Le soulagement qui déferlait en lui, qui redonnait vie à chaque parcelle de son corps et de son esprit. Qui redonnait vie à son cœur.
La joie.
La fierté.
La honte, aussi, d'avoir cru si facilement à la culpabilité de l'homme qu'il aimait.
Il se demanda un instant si Yoongi lui en voulait. S'il lui pardonnerait d'avoir douté de lui.
Mais le soleil brillait fort autour d'eux et le ciel était si bleu.
Les doutes s'évaporèrent lorsque Jimin sentit le coup d'œil de Yoongi sur lui, qu'il surprit le petit sourire.
La vie reprenait forme, le cœur battait à nouveau, et Jimin sentait la présence de Jungkook à ses côtés, occupé à pester entre joie et colère.
— Putain il aurait pu nous le dire ! Nous mettre dans le secret ! C'est pas possible de nous faire vivre ça, j'ai cru que c'était un connard et qu'il nous avait trahi !
Un sourire se forma sur les lèvres de Jimin, grand, large, de plus en plus large, jusqu'à devenir éclat de rire, jusqu'à se changer en une pluie de larmes de joie.
Yoongi était innocent, Yoongi ne les avait pas trahis.
Yoongi était toujours son amour.
Yoongi était toujours l'amour de Jungkook, aussi.
Tout allait bien.
Tout irait bien désormais, le rêve était revenu, le rêve était redevenu réalité.
Il s'approcha doucement de Yoongi, se posta juste à ses côtés alors que les magistrats emmenaient l'entraîneur de Lion et ses vociférations, alors que Périclès les accompagnait après un sourire rassurant et une main sur ses cheveux. Son père, qui avait défendu Yoongi.
Yoongi se tourna enfin vers lui.
Jimin resta silencieux un instant.
— Pardon, murmura-t-il finalement, à nouveau submergé de honte.
Comment avait-il pu douter de lui ?
Mais Yoongi sourit, un large sourire comme avant, comme lorsqu'ils étaient seuls, tous les deux, chez lui.
— Tu ne pouvais pas savoir. Tu ne devais pas savoir.
Jimin hocha la tête. Il aurait pu savoir, peut-être, si Yoongi avait décidé de leur faire confiance, mais il comprenait. Il comprenait qu'une charge comme la sienne n'avait pas été facile à porter, il comprenait tous les risques d'échec.
Yoongi avait réussi, et c'était le plus important.
Il eut envie de l'embrasser, de le prendre dans ses bras, de lui faire mille choses immédiatement pour se raccrocher à lui et reprendre le fil de leur bonheur.
Mais il y avait la foule autour d'eux.
Il y avait les Jeux, qui continuaient.
Et il y avait la finale, le lendemain.
La finale...
La finale contre Jungkook.
Jimin sourit, heureux du cours que reprenaient les choses.
Il avisa son père, dont la silhouette réapparaissait et qui s'approchait d'eux, discutant à droite et à gauche.
— C'est pour ça que tu savais déjà qu'il était mon père, murmura-t-il à Yoongi.
— Oui.
— Il te l'a dit ? Qu'il était mon père ?
— Non. Mais...
Le rire de Yoongi était doux.
— Mais il est comme toi. Il parle sans cesse des gens qu'il aime.
Jimin ouvrit de grands yeux, paniqués.
— Il sait que...
— Je n'ai rien dit. Mais oui, il sait, j'en suis sûr.
Le cœur de Jimin se mit à battre plus vite.
Son père savait tout alors. Pour Yoongi, comme pour Jungkook. Qu'allait-il dire ? Allait-il lui interdire de les voir ? Allait-il faire pression comme il l'avait fait auparavant ?
Pourtant son père souriait en le regardant de loin. Un sourire franc, un sourire d'amour d'un père pour son fils, un sourire de fierté.
Jimin se détendit un peu.
Il ne devait pas sans cesse s'inquiéter.
Le plus important était que Yoongi était là. Yoongi était revenu à lui.
Il effleura d'un geste doux les épaules nues face à lui, leurs cicatrices, ignorant les regards, ignorant le monde autour d'eux.
Yoongi était revenu à eux.
Et puis Jimin sentit un corps se glisser près de lui, s'approcher de celui de Yoongi. Empoigner les épaules, doigts par-dessus les siens, les secouer doucement.
— Bordel, ne nous fais plus jamais ça. D'accord ?
Yoongi sourit, un peu contrit, plongea ses yeux dans ceux de Jungkook.
— D'accord.
Et ces doigts sur les siens, cette peau sous la sienne, furent ce qui dissipa les dernières nappes de brouillard autour de lui.
Le réel était revenu.
Et le réel était beau.
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