Chapitre 48



— Jungkook.

Perdu dans ses pensées, assis dans le vestiaire maintenant déserté à machinalement se passer le racloir le long du corps, Jungkook ne réagit pas.

C'était la fin de l'entraînement, il était épuisé. Épuisé physiquement, épuisé moralement. Un peu absent, un peu vide, aussi.

Lion l'avait déjà salué, s'était éclipsé pour rentrer chez lui. Les autres aussi avaient peu à peu déserté.

Aristias avait tenté de l'entraîner avec lui pour une heure ou deux de plaisir, avait renoncé face à son mutisme. Jungkook n'avait pas la tête à ça, aujourd'hui.

Jungkook avait peu à la tête à ça, maintenant.

Jungkook avait peu la tête à quoi que ce soit, depuis quelques jours.

Des jours qui se prolongeaient. Des jours devenus habitude.

L'habitude de ce vide, l'habitude d'agir machinalement.

L'habitude de ne plus avoir goût à rien.

Sauf à la boxe.

Encore.

Pour combien de temps ?

Et sa mère lui manqua, tout à coup. Sa cuisine, le goût de ces plats d'enfance, le goût de ses sourires, celui du regard de son père posé sur lui, de la main de sa sœur dans la sienne.

Jungkook se secoua.

Comment pourrait-il retourner chez lui ainsi, après toutes ces semaines d'absence ? Comment pourrait-il affronter le reproche dans les yeux de son père, se rappeler sa déception à leur dernière dispute, à ces derniers mots jetés au visage de ceux qui, toujours, malgré tout, comptaient le plus pour lui ?

"Vous ne comprenez rien au vrai monde ! Évoluez ! Changez !"

Il avait maintenant tellement honte des yeux blessés de son père.

"Chacun a son rythme et sa direction pour évoluer, fils. Et tous les changements ne sont pas bons."

Jungkook avait quitté la maison en fureur, s'était juré de ne plus se laisser ralentir par eux, de continuer à grimper, seul.

— Jungkook ?

La voix à ses côtés s'était faite insistante mais Jungkook n'entendait plus rien, s'était perdu en lui-même.

Il s'était juré de prendre sa place parmi eux, les autres, les riches. Avait cru, un temps, y être arrivé, facilement. On le saluait toujours avec admiration, on l'invitait aux fêtes, on aimait passer du temps dans son nouveau logement, à discuter des derniers ragots.

Mais Jungkook s'était aperçu qu'on faisait tout ça sans lui.

Qu'il n'était qu'un trophée pour le Lykeion, à exposer.

Qu'un trophée pour les autres, à exhiber. Aux fêtes ou dans la rue.

Il était là, on le montrait.

On ne lui parlait pas. Pas vraiment.

Les gens discutaient autour de lui. Ils lui adressaient un ou deux mots, écoutaient lorsqu'il intervenait. Mais personne ne conversait avec lui.

Personne ne s'intéressait à lui, à part pour lui demander de raconter sa vie dans les faubourgs, pour s'extasier faussement sur les différences, pour se moquer, aussi, de ceux restés en bas.

— Mais toi tu n'es plus comme ça, Jungkook, ajoutaient-ils lorsqu'ils sentaient le regard de Jungkook se durcir, sa bouche se tordre au mal-être qui le prenait en entendant ces mots.

Les yeux disaient le contraire.

Les chuchotis disaient le contraire.

Hypocrisie.

Et peu à peu, l'évidence avait émergé.

Pour eux, pour tous ceux du Lykeion, pour tous ceux de ces fêtes, des grandes places, Jungkook serait toujours une curiosité. L'exception qu'on côtoyait parce qu'elle amenait de l'animation.

Il les voyait rire à ses énervements rapides, à sa voix souvent trop forte, à ses manières parfois incertaines encore.

Il les voyait rire à ce qu'il était, d'habitudes ou de cœur.

Jungkook en avait ragé, d'abord.

Il avait fait encore plus d'efforts, tenté de leur ressembler, tenté de gommer qui il était, de faire oublier son quartier.

D'oublier sa famille.

Mais rien n'y avait fait.

La distance avec eux, avec tous ceux du Lykeion, restait là.

Parce que eux la mettaient, toujours. Là où Jungkook faisait un pas vers eux, eux en faisaient deux en arrière pour bien marquer la différence.

C'était vain. C'était idiot peut-être aussi, commençait-il à se dire.

Seuls Lion et Aristias avaient trouvé grâce à ses yeux, parce qu'il semblait avoir trouvé grâce aux leurs. Malgré tous ses défauts, malgré tout le passé qui les séparait, Lion semblait sincère dans ses transports envers lui. Il semblait réellement apprécier sa présence et s'intéresser à qui Jungkook était vraiment. Jungkook se sentait bien avec lui.

Et Aristias. Aristias qui, lui, semblait follement amoureux.

Jungkook se sentit mal à cette pensée. Il aimait bien Aristias. Il aimait bien coucher avec lui, il aimait bien voir ces yeux l'admirer, l'écouter bavasser de choses et d'autres après le sexe.

Mais c'était tout.

C'était tout, comme ça avait toujours été tout avec toutes celles et ceux avec qui il couchait.

Tous sauf un.

Et la moindre pensée de ce un le faisait sombrer un peu plus dans le vide.


— Bordel Jungkook, tu m'écoutes ?

Une main se saisit du racloir, le lui ôta des mains.

Jungkook regarda sa main désormais vide, un peu hébété. Sentit la peau de son bras gauche qui le brûlait, s'aperçut qu'il avait tant et tant passé le strigile que sa peau en était irritée, blessée par endroits.

Il n'avait rien senti.

— Il faut qu'on discute, Jungkook.

Jungkook leva la tête comme en rêve, posa les yeux sur Yoongi qui le surplombait, sourcils froncés.

Yoongi...

Pourquoi Yoongi le regardait-il ainsi ? Pourquoi Yoongi le regardait-il toujours avec ce regard soucieux depuis quelques semaines ?

Jungkook était pourtant toujours présent à l'entraînement, toujours sobre, et toujours concentré au maximum pendant les quelques heures qu'il passait sur la palestre. Ce n'était qu'après, et avant, qu'il se laissait aller. La boxe restait sacrée. Et il continuait à s'attirer les louanges.

Alors pourquoi ?

Pourquoi Yoongi agissait-il ainsi ? Pourquoi interrompait-il sans cesse le cours de ses pensées, à lui envoyer des "ça va ?" réguliers, là où il ne s'était avant jamais préoccupé que de ses performances à l'entraînement ? Pourquoi agissait-il comme s'il s'importait de lui ?

Était-ce le regard du vainqueur envers le vaincu ?

Jungkook ferma instinctivement les poings, rejeta le regard de Yoongi.

Car Yoongi avait gagné, là où Jungkook avait perdu.

Jungkook avait perdu Jimin.

Et Yoongi pouvait maintenant l'avoir pour lui seul.

— De quoi vous voulez qu'on discute ?

Il avait repris ce ton agressif toujours si prompt à revenir.

— De toi.

Yoongi s'était assis à côté de lui sur le banc de marbre, il fixait le sol des vestiaires.

Jungkook se sentit fragile tout à coup.

— Vous n'êtes pas content de la manière dont je boxe en ce moment ? J'avais pourtant l'impression que...

Il s'était toujours demandé pourquoi il vouvoyait Yoongi, là où le tutoiement était venu instantanément avec Namjoon.

— C'est pas le pugilat. Le pugilat, ça va. Ça va même très bien. Tu seras prêt pour les Jeux d'Olympie.

Yoongi lui souriait.

Jungkook se sentit rassuré. Il se détendit un peu, s'appuya contre le marbre du mur.

— Je voudrais parler du reste.

Surpris, Jungkook le contempla sans répondre.

Il y avait ces mèches brunes, longues, qui cachaient toujours le visage pâle de Yoongi. Il y avait ces yeux noirs en amande qui le fixaient, qui savaient être durs et froids mais semblaient si doux maintenant, si attentifs. Il y avait ces mains blanches, ces longs doigts qui replaçaient machinalement une mèche, dévoilant une autre cicatrice, longue, jusqu'à la forme usée de l'oreille. Il y avait ces traces roses sur ses bras redevenus musclés. Il y avait ce torse solide, cette tunique longue qui donnait envie d'explorer, il y avait... Il y avait tant et tant de choses que Jungkook avait l'impression de voir pour la première fois.

Comme ce sourire léger, ces yeux qui se faisaient interrogateurs sous le regard cru de l'observation.

Jungkook se troubla légèrement, se décida à répondre.

— Je comprends pas.

— Comment tu te sens en ce moment Jungkook ?

— Bien.

Que pouvait-il répondre d'autre ?

— Tu n'en as pas l'air.

— Et j'ai l'air de quoi ?!

Les mots étaient sortis vifs, soudain, aigres.

Le marbre parut soudain brûlant sous sa peau. Jungkook se redressa.

Il n'aimait pas cet interrogatoire, il n'aimait pas cette fausse sollicitude de Yoongi.

— Tu as l'air de quelqu'un qui ne va pas bien. Depuis quelques semaines déjà.

Jungkook soupira ostensiblement.

— Vous vous trompez.

Il se leva, se dirigea vers la pièce où se trouvait le bain pour clôre la conversation.

Mais Yoongi se leva à son tour et entra à la suite.

— Vous allez me suivre jusqu'ici ?!

— Oui.

Jungkook hésita. Il se plongea néanmoins dans l'eau tiède.

— Je vous ai dit que j'allais très bien. Je vois pas ce qui vous fait dire le contraire.

— Tout.

Yoongi s'était assis sur le rebord du bassin. Jungkook s'y immergea totalement, ne laissant que ses yeux dépasser de l'eau chaude.

— Tu regardes toujours dans le vide. Tu ne parles plus à personne. Je t'ai appelé dix fois avant que tu m'entendes...

— Et qu'est-ce que ça peut vous faire ?!

Jungkook le fusillait du regard à présent, s'était rapproché de lui, menaçant.

— Je n'aime pas ça. Tu m'inquiètes.

— Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter ! Vous dites vous-même que je continue à bien boxer, alors foutez-moi la paix.

Jungkook s'immergea à nouveau dans l'eau, tourna ostensiblement le dos à Yoongi.

— Je t'ai dit qu'on ne parlait pas de boxe. Tu m'inquiètes parce que je veux que tu te sentes bien et que ça a l'air d'être complètement le contraire en ce moment.

— Vous venez vous moquer, c'est ça ? Me montrer de la pitié parce que vous avez gagné ?

— Gagné quoi ?

— Vous le savez bien. Vous pouvez l'avoir pour vous seul maintenant, vous devez être content !

Jungkook n'avait pu empêcher les mots de sortir, mais il se sentait idiot à présent, ridicule. Il s'enfonça encore un peu plus dans l'eau.

Derrière lui, Yoongi soupira.

— On a déjà eu cette discussion, Jungkook. Jimin n'est pas...

— Un objet, je sais. Mais quand même ! Osez dire que ça ne vous arrange pas qu'on ne se voie plus, lui et moi !

Jungkook s'était à nouveau retourné vers Yoongi, s'était relevé dans l'eau pour le défier du regard. Un reste d'honneur, un reste de bravoure, là où il n'avait plus qu'une envie, se rouler en boule pour oublier.

— Je te le dis.

Jungkook sentit son sang bouillir. Il choisit pourtant d'éclater de rire :

— Vous êtes ridicule ! Je ne sais pas à quoi vous jouez, mais c'est ridicule.

— Continue.

— Non Yoongi. Ne faites pas comme la dernière fois. Ne me cherchez pas.

— Pourquoi ?

Jungkook eut soudain envie de le tuer. De l'étrangler. Sentir son cou frêle sous ses doigts, son souffle se raréfier entre ses mains.

Il s'approcha à grandes enjambées, comme dans un cauchemar, l'eau jaillissant en éclaboussures autour de lui. Il voulait... Il voulait...

Arrivé à Yoongi, Jungkook claqua ses mains sur le rebord du bassin, de part et d'autre de la tunique blanche, sans se soucier de l'eau qui dégoulinait sur le tissu. Il s'approcha au plus près du visage de son entraîneur et souffla, le front presque collé contre le sien :

— J'ai dit : ne faites pas ça.

Yoongi ne cilla pas, ne recula pas. Il continua à le dévisager sans un mot, le regard ancré au sien. Puis, finalement, il prononça doucement :

— Tu es si triste, Jungkook... En rage maintenant, bien sûr, comme souvent, mais tu es toujours si triste en ce moment. Et je n'aime pas ça. Ça...

Yoongi sembla hésiter.

— Ça me rend étrangement mal, moi aussi.

Les mains de Jungkook se crispèrent sur le rebord du bassin, serrèrent plus fort autour du corps drapé de blanc.

Yoongi continuait :

— Je ne sais pas à quoi est due cette tristesse. Je suppose que Jimin n'y est pas étranger mais je sens qu'il n'y a pas que ça.

Jungkook lâcha ce regard qui brûlait, laissa retomber sa tête, à regarder la lisière des dalles du pourtour du bassin, à regarder la tunique trempée de Yoongi.

— Et alors ? murmura-t-il comme pour lui-même. Qu'est-ce que ça change ?

— Ça change ce que toi tu veux y changer.

Jungkook ricanna, s'immergea à nouveau, juste aux pieds de Yoongi. Il faisait froid soudain.

— Plus rien ne peut changer. J'ai merdé. Avec lui. Avec eux...

Il attendit un "qui ?" qui ne vint pas. A la place, il fut surpris de voir Yoongi pivoter sur lui-même, remonter les pans de sa tunique et immerger ses jambes dans l'eau.

— J'ai merdé et en plus je suis ici, continua-t-il, tentant d'ignorer la blancheur de la peau à travers l'eau.

— C'est merder que d'être au Lykeion ? J'aurais dû te laisser devant le stade, ce matin-là.

La taquinerie dans la voix.

— Non mais...

— Ceux du Soleil d'Or te manquent ?

Jungkook leva des yeux surpris vers Yoongi.

— Quoi ?

— Ceux du Soleil d'Or. Hoseok, Jimin... Namjoon... Ils te manquent ? Ou tu te sentais simplement mieux là-bas ?

Il resta un instant à dévisager Yoongi. À tenter de mettre en ordre son esprit.

— Je me sentais mieux là-bas, oui.

Sa voix avait force de certitude.

— Je sais pas pourquoi. Mais c'était mieux, avant.

Cela faisait étrangement du bien de l'avouer.

— Je comprends. Moi non plus je n'aime pas trop le Lykeion.

— Vous ? Mais ici vous êtes tellement plus...

— Tellement quoi ? Reconnu ? Ça ne fait pas tout. Mes amis sont au Soleil d'Or. Seokjin et Namjoon. Hoseok. Ici je n'ai que des connaissances. Il faut... jouer un rôle.

— Ici les gens sont faux.

— Oui.

— Tous.

— Oui.

— Vous aussi ?

— Peut-être.

Jungkook se rapprocha du bord, à frôler la jambe de Yoongi, resta immergé mais appuya sa tempe contre les dalles. La tunique était là, tout près, couvrant à peine la peau. Jungkook se saisit machinalement d'un bout du tissu, joua à le faire tourner entre ses doigts.

— Comment va Jimin ?

Il avait lâché les mots avant de pouvoir les rattraper.

— Pourquoi tu ne vas pas lui demander ?

La voix de Yoongi était étonnamment douce, si loin de la moquerie à laquelle il s'attendait.

Jungkook leva les yeux, tenta de lire dans son regard.

— Parce qu'il va m'envoyer chier.

Yoongi eut un petit rire, il secoua la tête.

— Je ne pense pas, non. Ses yeux sont tristes parfois, à lui aussi. Surtout quand je mentionne ton nom.

Jungkook haussa les sourcils.

— Pourquoi vous parlez de moi quand vous êtes avec lui ? Vous êtes idiot.

Yoongi sourit, se pencha un peu.

— Parce que tu es souvent dans mes pensées ces jours-ci.

Sa voix n'était qu'un souffle, un souffle chaud contre le front de Jungkook.

— Pourquoi ? Je vous ai dit que vous n'aviez pas besoin de vous inquiéter.

Yoongi rit à nouveau, se pencha plus encore.

Jungkook ferma les yeux, le corps tendu dans l'attente.

— Il faut croire que j'aime m'inquiéter de toi.

Ce fut furtif, sur son front. Furtif comme un effleurement, le chatouillement d'un papillon.

Jungkook tendit le bras, attrapa la nuque encore penchée sur lui.

Il ouvrit les yeux et les plongea dans ceux de Yoongi.

— Vous aimez quoi d'autre ?

Le souffle de Yoongi était court, Jungkook sentit ses doigts se poser sur sa peau, délicatement, juste sur ses bras.

— Beaucoup de choses, je m'aperçois.

Jungkook déglutit.

Il faisait chaud, si chaud tout à coup dans cette salle.

Il se redressa, torse et bassin hors de l'eau, serra plus fort la nuque de Yoongi qui ne le quittait pas des yeux.

Les doigts sur ses côtes serrèrent à leur tour, le firent approcher d'un geste ferme alors que les cuisses s'ouvraient puis se refermaient derrière lui, le plaquant contre le bord du bassin, si proche de Yoongi qu'ils devaient pencher la tête en arrière pour ne pas se lâcher du regard.

Jungkook sentait ses pensées se brouiller, son coeur battre à tout rompre alors qu'il était irrésistiblement attiré par le corps de l'homme en face de lui, qu'il ne pensait qu'à une chose, se perdre sur cette peau diaphane, se perdre dans cette bouche, voir toujours plus ces yeux posés sur lui, ce sourire l'envelopper et ces mots chuchoter à son oreille.

Que se passait-il putain, c'était Yoongi, Yoongi !

Pourtant ce fut Jungkook qui éclata le premier ce temps suspendu entre eux.

Il agrippa soudain les cheveux de Yoongi à l'en faire grogner de douleur, se pencha plus encore vers lui, tuant ses pensées d'un coup alors que leurs corps entraient finalement en contact, qu'il sentait l'étoffe devenir humide contre sa peau mouillée.

Le baiser fut avide, à en perdre le souffle bien trop vite, à en oublier le lieu, les autres, à en oublier Jimin.

Jungkook grogna de plaisir à cette sensation électrique sur sa peau, à entendre le souffle de Yoongi toujours plus erratique, à sentir ses mains qui se promenaient librement sur son corps maintenant, caressant son dos, ses côtes, effleurant ses fesses puis les empoignant alors que Jungkook se penchait plus, toujours plus, à allonger Yoongi contre les dalles, à descendre dans le cou, ses doigts cherchant à défaire la tunique déjà, remontant sur les cuisses, avide de sentir le sang pulser dans ce sexe qu'il devinait déjà tendu, égal au sien, tendu d'un désir incompréhensible, d'un désir pourtant si délicieux, si jouissif que Jungkook n'envisageait jamais d'arrêter, qu'il voulait vivre Yoongi et que Yoongi le vive, ces yeux face à lui, puits de désir et d'assurance qui faisaient tant de bien que Jungkook sentit les larmes perler aux paupières.

Il ferma les yeux, tenta d'ignorer l'émotion qui déferlait, les larmes qu'il ne pouvait retenir et qu'il sentait couler le long de ses joues, mêlant le sel à leurs baisers, mêlant ce grand vide en lui à la chaleur de leur étreinte.

Jungkook sentit tout à coup Yoongi détacher doucement ses lèvres et se reculer légèrement. Il tenta de le retenir, de le serrer plus fort contre lui. Yoongi se laissa faire, accentua la pression de ses bras autour de lui, à tant serrer Jungkook qu'il lui faisait un peu mal, qu'il le faisait reprendre pied malgré lui.

Puis, lentement, Yoongi se redressa, le corps toujours collé au sien, les jambes toujours à le serrer contre lui. Il s'assit, appuya sa main contre la tête de Jungkook et la fit reposer là, sur son épaule, le nez collé au cou et à la légère odeur de sueur mêlée aux parfums des bains. L'odeur de Yoongi.

Jungkook laissa sa tête reposer, se gorgea de cette odeur, de ces odeurs, de cette sensation de ce corps maintenant doux et enveloppant autour du sien.

De la sensation des caresses de Yoongi sur ses cheveux, de son souffle redevenu régulier contre sa peau.

Les larmes coulaient toujours, silencieuses.

Lorsque le temps reprit, lorsque d'autres athlètes arrivèrent dans le vestiaire, sonores, bruyants, Jungkook se détacha lentement de Yoongi.

Il accrocha ses yeux, doux, posés sur lui, il accrocha le sourire réconfortant.

La tête lui tournait un peu.

— Je vais... aller essayer de changer des choses, murmura-t-il.

Yoongi hocha simplement la tête.

Jungkook se hissa hors du bassin, attrapa un linge pour se sécher, et rejoignit vestiaire et bruit.

Derrière, Yoongi gardait les yeux fixés sur l'eau. 



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