Chapitre 35

Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas suivi ces ruelles.

Plusieurs années. Quatre exactement.

Cela semblait si loin mais si proche à la fois, les souvenirs gravés à tout jamais en lui.

Seokjin soupira, regretta un instant de ne pas être venu en palanquin au vu de l'état de ses sandales, puis se rappela qu'il ne voulait pas qu'on jase.

Mais tout de même... Il jeta un œil vaguement dégoûté autour de lui, observa tour à tour la boue qui recouvrait le sol, les murs des bâtiments, plus gris que blancs, les gens qui se pressaient autour de lui. Était-ce aussi sale à l'époque ? On le bousculait chaque fois, on l'apostrophait lorsque, le souvenir devenu vague, il devait s'arrêter entre deux ruelles pour réfléchir et choisir la bonne direction, et que ses pensées partaient à divaguer.

Il aurait pourtant pu y aller les yeux fermés, avant.

Avant...

Lorsque ses pas le conduisaient tous seuls vers l'objet de toutes ses attentions. Lorsque son cœur battait plus vite à la seule idée de qui il allait retrouver.

Lorsque Seokjin passait encore ses journées chez Namjoon.

La fumée d'un four à l'entrée d'une cour un peu plus loin, des gens attroupés à faire la queue, d'autres qui repartaient les bras chargés de pains. Seokjin sourit : il ne s'était pas perdu. Combien de fois étaient-ils venus ici, Namjoon et lui, prendre des mazas avant de retourner chez Namjoon pour les déguster avec un peu d'huile ? C'était ces galettes d'orge, ou parfois les gâteaux que Seokjin emportait de chez lui, dérobés au vu et au su de la cuisinière qui savait passer outre les chapardages de ce genre.

Gâteaux ou mazas trempées dans l'huile, les deux avaient la même saveur pour lui. La même saveur pour Namjoon aussi, peut-être.

Le goût de l'amitié, le goût du partage de tous les petits riens. Le goût des joies intenses comme des tristesses les plus profondes, aussi.

Seokjin se souvenait encore du désespoir de Namjoon à la mort de sa mère. Les larmes, effondré dans ses bras, les gestes qui tentaient d'apaiser, de combler l'absence. Ses larmes à lui qui coulaient, aussi, à voir la tristesse de celui qu'il aimait plus que tout.

Très vite, le père de Namjoon, désespéré de la perte de sa femme, était reparti dans sa campagne d'origine avec les enfants plus jeunes. Très vite, Namjoon s'était retrouvé seul.

Seul avec Seokjin.

Seul avec son rêve de boxe.

Seokjin hésita, regarda la position du soleil dans le ciel, interrogea son estomac et décida qu'il avait faim. Il prit sa place dans la file, attendit plus ou moins patiemment son tour.

Namjoon était alors resté seul dans la maisonnette, à l'époque, à suer à travailler en journée pour payer le loyer, pour envoyer de l'argent à son père. À boxer le reste du temps, dans l'espoir d'une victoire qui ferait tout changer.

Jamais il n'avait voulu de l'aide de Seokjin, dont la famille était bien plus riche.

Alors Seokjin avait rusé.

À l'époque, c'était plus difficile : Seokjin ne pouvait parler de cette amitié déclassée, de son lien si fort avec ce garçon du peuple, son père ne l'aurait pas accepté. Il n'aurait jamais pu lui demander d'aider Namjoon. Alors Seokjin s'était contenté du peu d'argent qu'il recevait pour ses plaisirs, mais l'avait entièrement consacré à Namjoon, sans le rendre trop évident.

C'était les babioles ramenées, les gâteaux, les nouvelles cestes - "j'en ai en double". Les fruits du jardin, les légumes "oui oui, du jardin aussi". Le manteau oublié, puis encore oublié la fois suivante, puis finalement qui restait là et que Namjoon avait commencé à porter l'hiver venu.

C'était les vêtements ou bijoux vendus à des camarades envieux des cadeaux reçus d'une mère qui le choyait trop, c'était l'argent laissé à payer les ardoises chez les commerçants du quartier, sous le sceau du secret.

— Et pour vous Monsieur ?

La commerçante le fixait, Seokjin se demanda si elle l'avait reconnu. Lui l'avait reconnue, quatre années n'effacent pas les visages liés au bonheur.

— Trois mazas. Bien cuites.

Elle esquissa un sourire, hocha la tête. Elle l'avait certainement reconnu alors. Ils ne prenaient que ça à l'époque, Namjoon aimait toujours les galettes bien cuites, presque brûlées.

Seokjin hésita, se demanda s'il restait une ardoise à payer ici. Mais Namjoon était entraîneur, maintenant, il devait gagner suffisamment pour...

Son cœur se serra un instant. Il restait la dette, bien sûr. La fichue dette à Mélésias.

La fichue dette d'entraînement de Namjoon que Seokjin n'était jamais parvenu à éponger, même parvenu à l'âge adulte, même devenu riche de l'héritage de son père.

Mélésias n'avait jamais voulu. Il ne pardonnait pas.

Il ne pardonnait pas que Namjoon ait menacé de le frapper pour défendre Yoongi.

Derrière lui, on s'impatientait. Seokjin paya, remercia puis reprit sa marche, les bras chargés d'odeurs tièdes et de croûte craquante.

Si Namjoon refusait de lui ouvrir la porte, il lui resterait au moins les galettes à déguster sur le chemin du retour.

Encore quelques pas, la ruelle faisait une courbe, et puis c'était là, sur la droite. La maisonnette au fond de la cour, identique à ses souvenirs.

Identique, à ceci près que Namjoon se tenait assis sur le pas de la porte, affairé à tordre du linge.

Seokjin se figea, bien moins sûr de lui tout à coup.

Namjoon l'avait rejeté, lorsqu'il avait tenté de le suivre après la finale. Lorsque, cédant à son instinct, Seokjin lui avait emboîté le pas et avait quitté le stade, tentant de rattraper un Namjoon rouge de honte, un Namjoon à qui la joie de la victoire venait d'être enlevée.

"J'ai toujours très bien tenu l'alcool, Namjoon" avait dit Jungkook.

Seokjin avait immédiatement compris. Lui aussi avait compris que Jungkook avait fait semblant pendant tout ce temps, qu'il savait très bien le double jeu que Namjoon menait.

C'était d'autant plus incompréhensible qu'il ait donné de lui-même le prix de la victoire à Namjoon.

Et pourtant, Namjoon avait refusé.

Le poids de la honte, certainement, le poids d'être confronté à ses plus vils mensonges.

Namjoon avait refusé cet argent qui l'aurait libéré, Namjoon avait fui.

Il avait aussi refusé la présence de Seokjin lorsqu'il avait voulu le soutenir, dans cet élan du cœur qui lui avait fait oublier son rôle.

— J'ai toujours pas besoin de toi Seokjin.

La voix avait claqué de loin, sèche.

Et maintenant...

Seokjin releva la tête. Namjoon le fixait, l'air mauvais. Il avait cessé un instant sa tâche, resta assis à l'apostropher :

— Je pensais avoir été clair l'autre jour, Seokjin ! J'ai pas besoin de tes moqueries ni de ta pitié. J'ai pas besoin de toi.

Seokjin soupira. Il le savait en venant, pourtant, que ça allait être difficile.

Il le savait et il s'était dit qu'il insisterait, qu'il gagnerait.

Il fit quelques pas en avant, brandit les galettes.

— J'amène quelque chose.

— J'ai assez à manger, ne te fous pas de moi. Dégage.

— Je les ai prises bien cuites.

Pitoyable comme argument. Pourquoi perdait-il toujours ses mots face à Namjoon ?

— Pas de bol, j'ai toujours détesté quand c'est trop cuit.

— Tu te fous de moi ?!

Seokjin était si vexé qu'il en avait crié. Il se rapprocha vivement de Namjoon qui le regardait, surpris de sa véhémence.

— Toutes ces années tu as aimé les mazas très cuites, alors ne fais pas semblant Namjoon ! Dis simplement que tu n'en veux pas aujourd'hui mais ne sois pas hypocrite.

— Je viens de le dire. Et, non, je n'ai jamais aimé les mazas bien cuites. On les prenait pour toi.

— N'importe quoi. Tu choisissais toujours les bien dorées, c'était toujours comme ça quand j'arrivais...

— Oui. Pour toi.

Seokjin ouvrit de grands yeux. Il ne comprenait plus.

Namjoon le contempla un instant puis reprit sa lessive en soupirant, plongeant une nouvelle tunique dans la bassine. Il expliqua, sans le regarder :

— Un jour, c'est toi qui es allé acheter les mazas parce que je faisais un truc, je me souviens plus quoi.

— Tu triais les noix. Celles que tu mettais en sachets pour les vendre.

— Oui voilà. Et tu es revenu avec des mazas vraiment cuites. C'est comme ça que j'ai su comment tu les aimais. Donc on a continué.

— Mais c'était tout ce qui restait ce jour-là ! Je déteste les galettes comme ça !

Seokjin ne savait plus s'il devait rire ou pleurer. Toutes ces années à...

— Putain...

Namjoon éclata de rire.

Un rire énorme, sincère, qui secoua tout son corps et que Seokjin contempla avec délice, avant de rire à son tour.

— Putain Seokjin, t'aurais pas pu me le dire ?!

— Mais moi je pensais que c'était toi qui aimais comme ça ! Alors je te laissais faire, je voulais que tu sois...

Il s'interrompit.

— Que je sois quoi ?

Namjoon avait cessé de rire, le regardait à présent.

— Que tu sois content, marmonna Seokjin. Bordel, je me suis bien trompé, je vais jeter ça alors.

Il se tourna vers le coin de la cour où on jetait les immondices, allait faire quelques pas lorsqu'il sentit qu'on le retenait par le poignet.

— On ne jette pas la nourriture, Seokjin.

Namjoon lui prit les galettes des mains, en posa deux à côté de lui sur un linge et détacha un morceau de la troisième dans laquelle il croqua avec une grimace.

— Putain, j'aime vraiment pas, c'est bien trop sec.

— Donne, je vais t'aider à les manger, dit Seokjin en tendant la main, touché malgré lui.

— Je t'ai dit que j'avais pas besoin de...

— Tu fais chier Namjoon. Donne je te dis, j'ai faim. Et c'est mes mazas.

— Je croyais que tu les avais apportées pour moi ? demanda Namjoon, presque taquin, en détachant un énorme morceau et en le lui tendant.

— Je croyais que t'en voulais pas ? Beurk, c'est vraiment mauvais comme ça, grimaça-t-il à son tour. On sent même plus le goût.

— Ouais, c'est exactement ça. Je sais pas comment on a fait toutes ces années.

— Il y avait l'huile.

Et c'était pour toi.

— Oui. Attends.

Namjoon se leva, disparut un instant à l'intérieur avant de revenir avec un bol. Il poussa la bassine, s'assit sur un côté de la marche, posa le bol d'huile au milieu.

— Voilà, ça va mieux passer.

Seokjin contemplait le côté vide de la marche. Était-ce une invitation ? Mais sa tunique au tissu précieux survivrait-elle à la poussière du sol ?

— Tu t'assois, bordel ?!

— Tu ne me fais pas entrer ?

— Non. Pas...

Namjoon s'interrompit, avant de reprendre brusquement :

— Assieds-toi ici ou tu dégages.

— Toujours tant de douceur dans tes mots Namjoon... soupira théâtralement Seokjin avant de réunir les pans de sa tunique et de s'asseoir précautionneusement sur la marche inconfortable.

Namjoon poussa le bol vers lui en réprimant un sourire.

— Tais-toi et mange.

Seokjin obéit, trempa un morceau de galette dans l'huile, le porta à sa bouche.

Les souvenirs affluèrent. Les souvenirs d'eux deux, assis sur cette même marche, à manger ces même galettes trop cuites trempées dans cette même huile au goût d'olive.

Seokjin soupira d'aise malgré lui.

Il sentait le corps de Namjoon contre le sien sur cette marche étroite, sentait ses mouvements lorsqu'il se penchait plonger un morceau dans le bol puis lorsqu'il se redressait. Il sentait les parfums, l'odeur des mazas, celle de l'huile, celle du savon pas loin. L'odeur de Namjoon. Celle de sa peau, qu'il connaissait si bien, mêlée à celle de son parfum.

Il l'entendait mastiquer, l'entendait avaler bruyamment, comme avec difficultés.

Il jeta un œil vers son visage. Namjoon gardait le regard obstinément fixé vers le sol, des mèches devant les yeux.

Mais à nouveau cette déglutition difficile, comme si...

Comme si Namjoon pleurait.

Seokjin resta interdit un instant, espérant se tromper, espérant entendre bientôt un rire, bientôt une insulte même.

Et puis finalement le geste de la main à essuyer la joue, furtif, qui ne trompait pas.

Namjoon pleurait.

— Ça va aller Namjoon... murmura Seokjin après un moment, alors que son cœur battait à tout rompre, qu'il luttait pour ne pas prendre ce corps immense dans ses bras, à le serrer fort, si fort qu'ils oublieraient tout tous les deux.

Si fort qu'ils effaceraient le passé, tous les passés, et que ne resterait que le présent.

Que cet instant de présent à partager une galette trop cuite.

Namjoon essuya plus vivement sa joue, ses deux joues maintenant, hocha la tête, se racla la gorge.

— Oui.

Ils restèrent un instant ainsi, les mazas oubliées, Seokjin à contempler la cour, le corps légèrement plus pressé contre celui de Namjoon, en une étreinte qui ne veut dire son nom. Namjoon à s'essuyer régulièrement les joues, à renifler parfois.

Et puis...

— Tu ne comptais pas lui demander l'argent, finalement, n'est-ce pas ?

Namjoon se figea, renifla à nouveau. Puis il secoua la tête.

— Non.

Un silence, puis il continua.

— Ça fait un bout de temps que j'y pensais. À déchirer le contrat.

— Pourquoi ?

— Pourquoi je lui ai fait ça ? Pourquoi je lui ai fait signer le contrat ?

— Non. Ça je sais. Je le devine, Namjoon.

Seokjin leva la tête vers lui, lui sourit. Namjoon se troubla, les larmes affluèrent à nouveau dans ses yeux.

— Plutôt, pourquoi tu ne voulais plus lui demander l'argent ?

— Je sais pas. J'avais plus envie de lui faire ça. Il mérite pas ça, lui aussi il galère. Lui aussi il a sa famille.

— Oui.

Seokjin détacha un nouveau morceau de maza, se pencha pour le plonger dans le bol.

— Tu sais que je pourrais...

Il s'interrompit, hésitant tout à coup. Après tout, ils étaient supposés se détester.

— Non.

Seokjin releva les yeux vers Namjoon, surpris. Avait-il deviné ?

— Chacun ses problèmes, Seokjin. Et tu le regretterais. On sait tous les deux que tu regrettes facilement.

Seokjin rougit fort au souvenir douloureux que ces mots ravivaient, se concentra sur la nourriture un moment. Puis il reprit :

— Alors tu vas faire quoi maintenant ?

Namjoon haussa les épaules.

— Continuer à entraîner les autres élèves.

Un silence, puis Namjoon demanda :

— Jungkook va bien ?

Il ajouta immédiatement, le ton plus amer :

— Je suppose qu'il va s'entraîner avec toi ou avec Yoongi maintenant. Tu auras deux champions, bravo !

— Non, Jungkook va s'entraîner avec Yoongi. Moi je reste comme avant, je m'occupe juste de Jimin. Et on ne sait même pas s'il va réussir à retrouver son niveau d'avant.

La voix de Seokjin s'était fait soucieuse malgré lui. Jimin continuait à l'inquiéter, même s'il semblait aller mieux. Il espérait que cette défaite ne le marquerait pas à vie, qu'il pourrait se remettre, au moins psychologiquement. Pas comme Yoongi.

— Tu penses à Yoongi ?

Seokjin fut surpris.

— Comment tu sais ?

— Parce que j'y pense, moi aussi. Souvent. À tout ce qui s'était passé à l'époque. La défaite de Jimin, ça m'a rappelé ça.

— Oui, à moi aussi. C'était dur. À l'époque, et ces derniers jours.

Seokjin frissonna malgré lui.

— Ça va aller.

Namjoon lui souriait. Seokjin ne put s'empêcher de répondre à son sourire. Les rôles s'inversaient.

— Ça va aller, continua Namjoon, parce que Jimin n'est pas Yoongi. Et il a un bon entraîneur, un entraîneur qui le comprend et qui va l'accompagner.

Seokjin haussa les sourcils de surprise.

— Je rêve ou tu me fais un compliment ?

— Tu rêves.

Seokjin rit, alors que Namjoon mastiquait soigneusement sa maza, comme si rien d'autre n'avait plus d'importance.

— Mais tu as raison, reprit-il après un instant. Je suis là, et puis il a Jungkook, il va l'aider. Ils sont devenus proches. Un peu comme...

— Un peu comme nous à l'époque, oui, ça me fait aussi penser à ça.

Seokjin hocha la tête, sourit.

— Tu crois qu'ils...

Namjoon continuait, semblait chercher ses mots.

— Tu crois qu'ils ont couché ensemble ? Eux aussi ?

Seokjin rougit et déglutit.

— Peut-être.

— Il ne faut pas.

Le ton de Namjoon était catégorique. Il le fixait, les sourcils froncés.

— Il ne faut pas, Seokjin, tu m'entends ? Je ne peux plus influencer Jungkook mais tu dois parler à Jimin. Absolument. Ça serait dramatique.

— Oui, d'accord, je le ferai. Mais...

Mais tu regrettes tant que ça ?

Le cœur de Seokjin se serra. C'était si douloureux de se souvenir de tout ça. Si douloureux d'en reparler maintenant, pour la première fois.

— Pourquoi ? souffla-t-il, sans plus oser regarder Namjoon. Pourquoi ce serait si dramatique ?

Il y eut un long silence.

Finalement, Seokjin osa relever la tête.

Namjoon le contemplait, avec tant de tristesse et de tendresse dans le regard que Seokjin crut que son cœur allait cesser de battre. Namjoon leva la main, l'approcha du visage de Seokjin, la posa doucement sur sa joue.

— Parce que l'un d'eux pourrait regretter, Seokjin, et dire des mots qui font mal. "C'était une erreur", tu te souviens ?

Sa voix tremblait. Seokjin sentit les larmes lui monter aux yeux, se mettre à couler jusqu'à atteindre la main de Namjoon.

— Et parce que, vraiment, ce serait une erreur. Parce que Jimin, et surtout Jungkook, sont doués. Bien plus que toi et moi réunis. Que, eux, peuvent vraiment participer aux Jeux d'Olympie. Et gagner. Alors il faut suivre strictement les règles de l'entraînement.

Seokjin sentit la main de Namjoon presser un peu plus sa joue, essuyer une larme, se reposer à nouveau contre sa peau.

— Parce que ce que tu n'as pas réussi avec moi...

Seokjin haussa un sourcil, confus.

— ... il faut le réussir avec eux. Toi et Yoongi, vous devez réussir. La boxe, tu te souviens ? C'est le plus important.

— Pour toi.

— Quoi ?

— La boxe c'est le plus important pour toi, Namjoon.

Seokjin n'osait plus bouger, osait à peine respirer. Mais pourtant, il les avait dit, ces mots.

Ces mots qui le livraient. Ces mots qui libéraient.

— C'était le plus important pour toi, Namjoon, tenta-t-il de continuer. Alors il fallait... Comme Melesias avait dit...

— Tu te trompes.

Seokjin regarda Namjoon d'un air interrogateur.

— Tu t'es toujours trompé à ce sujet, Seokjin, mais tu ne m'as jamais laissé m'expliquer. Tu ne me laisses jamais le temps. Tu parles trop, tu décides trop pour nous deux. Ce que j'aurais voulu pouvoir te dire, à l'époque...

Namjoon caressa à nouveau la joue de Seokjin, lui sourit tristement.

— ... c'était que la boxe n'était pas le plus important. Que toi tu étais le plus important.

Seokjin sentit l'air lui manquer, alors que Namjoon continuait ses caresses sur sa peau, se penchait vers lui, chuchotait :

— Mais tu ne m'as pas laissé le temps. Tu as décidé pour moi. Alors, oui, la boxe est devenue le plus important.

Il fit froid tout à coup, glacial, alors que Namjoon avait retiré sa main, se levait et s'éloignait de quelques pas.

— Donc tu leur diras, hein, Seokjin.

Son ton même était devenu glacial.

— Que cette fois au moins, tout ça serve à quelque chose. Qu'ils puissent aller à Olympie et gagner. La boxe avant le sexe. Avant les sentiments.

La pointe de tristesse qui réapparaissait dans sa voix, furtive.

— Tu sais Seokjin, de la même manière que je sais que tu n'as jamais vraiment aimé la boxe, que tu venais pour autre chose...

Il s'interrompit puis le regarda, les yeux doux tout à coup :

— Que je sais que tu viens toujours pour autre chose...

Seokjin rougit à nouveau.

— De la même manière que je sais tout ça depuis longtemps, je sais aussi depuis très longtemps que je ne suis pas un génie de la boxe. Que je n'aurais jamais pu être un champion. Si tu m'avais laissé le temps, j'aurais pu te le dire. J'aurais pu te dire ce que, du coup, je voulais vraiment.

Il soupira puis se redressa, sourit.

— Mais tant pis, c'est le passé. Et maintenant ce qui importe c'est que Jungkook, et peut-être Jimin, réussissent. Même si je n'ai plus ma place à les suivre et à les aider, tu le feras, n'est-ce pas ?

— Oui.

C'était tout ce que Seokjin pouvait articuler, tout ce qu'il pouvait penser en cet instant.

Oui Namjoon, je le ferai.

Namjoon hocha la tête, allait rentrer chez lui lorsqu'un cri se fit entendre, venu de l'entrée de la cour.

— Namjoon !

C'était un de ses élèves, Seokjin le reconnaissait, qui arrivait, essoufflé, rouge d'avoir couru.

— Namjoon, il s'est passé quelque chose au gymnase !

Le garçon s'interrompit, tenta de reprendre son souffle.

— Jungkook, il...

Seokjin avait envie de le secouer, de lui arracher les mots de la bouche. Mais, enfin, le garçon parla :

— Jungkook, il s'est fait virer définitivement ! Par Hoseok !

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