Chapitre 20
[TW: scène à caractère sexuel (léger) entre les étoiles ***]
Il sentait le regard de Jimin sur lui, tout le temps.
Chaque fois qu'ils s'entraînaient, chaque fois qu'ils se dénudaient, Jungkook sentait son regard détailler chaque partie de son corps, s'attarder longuement sur son dos, ses muscles, ses fesses.
C'était troublant.
Il avait été vaguement flatté, au début, puis vite ennuyé. Ne s'était pas gêné pour faire remarquer à Jimin ses yeux baladeurs.
Ce dernier avait rougi, avait vite donné une explication, tirée par les cheveux : il admirait sa musculature, cherchait à obtenir la même. Jungkook avait ri devant l'absurdité de la réponse, aussi devant l'aveu : Jimin, avouer admirer quoi que ce soit chez lui ?!
Et pourtant... Pourtant Jungkook avait commencé à douter, quelques jours plus tard, lorsqu'il avait surpris Jimin écouter, cette fois, les écouter attentivement Yoongi et lui. C'était quand ils discutaient des nouveaux exercices de musculation, leur point hebdomadaire.
Jimin avait écouté, l'air de rien, puis Jungkook s'était rendu compte que le fait se reproduisait chaque semaine, à chaque nouveau programme.
Et en même temps, Jimin semblait de plus en plus puissant, de plus en plus musclé. Mais aussi de plus en plus épuisé, de plus en plus décalé.
Ils s'entendaient mieux, pourtant, s'étaient habitués l'un à l'autre au cours de ces derniers mois d'entraînement en commun. Jungkook n'avait plus sans cesse envie de l'insulter, s'efforçait d'oublier leurs mères, le lien enfermant qui planait au-dessus d'eux.
Et Jimin avait tenu promesse, lui avait pardonné, lui parlait à nouveau. Lui parlait presque normalement. Avec les élèves de Namjoon, Jungkook se sentait sans cesse "autre", sans cesse rappelé à sa différence de statut, de richesse. Avec Jimin aussi mais... c'était différent. Le regard était moins dédaigneux, plus compétitif, simplement.
Bien sûr, ils s'engueulaient, pour tout, pour rien. Chaque jour, chaque heure voyait une nouvelle provocation, une nouvelle moquerie qui manquait souvent d'en venir aux mains. Namjoon et Seokjin en perdaient la tête, s'engueulaient eux aussi de plus belle. Seul Yoongi restait calme, impassible même, proposant chaque fois un combat entre eux en réponse.
La proposition avait le mérite de tous les calmer instantanément : par un accord tacite, ni Jimin, ni lui ne cherchaient plus à se mesurer au combat. Jungkook ne savait pas pourquoi Jimin le faisait. Lui, il attendait les Jeux, espérait affronter Jimin à ce moment-là. Il prendrait alors sa revanche devant tout Athènes.
Car, cette fois, Jungkook aurait le niveau. Il l'avait même déjà et se sentait plus fort que jamais.
Namjoon le lui avait dit : il croyait à peine les progrès qu'il constatait lors de leurs affrontements de fin d'après-midi, s'était même déjà retrouvé en difficulté. Jungkook commençait à bien connaître son entraîneur, il savait ses forces mais aussi ses faiblesses, en usait sans vergogne.
Il passait aussi du temps à observer les autres combattre : il ne voulait pas reproduire la même erreur qu'avec Jimin.
En six mois, la boxe était bien devenue son obsession : les journées entières de Jungkook tournaient maintenant autour de ça.
Après le travail au port, nécessaire, sa journée se passait au gymnase, avec Jimin et Yoongi d'abord, puis avec les autres élèves de Namjoon. Ensuite seul avec Namjoon, dans un moment qu'il semblait apprécier autant que lui. Et enfin, vraiment seul, le soir, à finir les séries imposées par Yoongi. Hoseok devait souvent le chasser, après un dîner bien souvent partagé. Jungkook appréciait de plus en plus le propriétaire du Soleil d'Or, sa simplicité et sa bienveillance, ses encouragements.
Il ne rentrait pas avant tard chez lui, se couchait ensuite immédiatement. Plus de sorties, plus de nuits blanches. Sauf quand le désir était trop pressant, trop entêtant. Sauf quand ses pensées dérivaient trop.
L'observation attentive des autres, couplée aux combats avec Namjoon - Yoongi n'avait jamais, malgré toutes ses suppliques, accepté de reprendre un combat avec lui - lui apportait l'expérience dont il manquait si cruellement. Et son obéissance quasi religieuse aux principes de Yoongi, musculation, viande, et la mal-aimée sobriété, portait ses fruits: il avait tant épaissi, tant forci qu'il s'impressionnait lui-même.
Yoongi l'avait félicité. Jungkook en avait souri comme un gamin, avant de vite se reprendre : Jimin observait.
En à peine quelques mois de plus, depuis la discussion avec Yoongi, depuis le combat entre eux et l'engagement de Jungkook à "s'y mettre sérieusement", la réalité était là : Jungkook était devenu vrai boxeur. Il trépignait maintenant d'impatience de combattre.
Heureusement les Jeux approchaient, quelques semaines et ce serait l'inscription, puis les premiers combats.
Restait Jimin.
Jimin assidu, comme toujours, mais sans cesse absent, perdu dans ses pensées. Sauf quand ils s'engueulaient.
Jimin, dont le corps avait changé, lui aussi, bien que moins spectaculairement que celui de Jungkook. Jungkook sentait ses coups plus puissants contre le sac, voyait les muscles mieux dessinés, plus saillants. Jimin n'était plus maigre, avait forci, lui aussi. Tant mieux, pensait Jungkook, le prochain combat n'en serait que plus intéressant.
Jimin, qui le regardait sans cesse.
Comme maintenant.
Bien que dos à lui, Jungkook savait reconnaître la sensation, le poids du regard sur ses muscles, sur son corps.
Il savait que, s'il se retournait brusquement, Jimin aurait ce mouvement vif de la tête, s'abîmerait à contempler le sol ou ses mains, puis s'éloignerait de quelques pas sous un prétexte quelconque, pour cacher le rose qui aurait envahi ses joues.
C'était déjà arrivé tant de fois.
Jungkook s'en amusait désormais, prenait un malin plaisir à créer la contemplation, à faire rouler ses muscles, puis à se retourner d'un coup. Le visage perdu qu'affichait alors Jimin valait tous les spectacles.
Jungkook ne savait plus si l'excuse était vraie, si c'était bien sa musculature que Jimin enviait ainsi, ou autre chose. Mais cela ne l'ennuyait plus, au contraire.
Peut-être recherchait-il un peu ce regard, peut-être pas seulement pour le surprendre. Jungkook aimait la sensation, aimait ces yeux sur lui. Bien loin du dégoût que lui inspiraient certains regards libidineux, il aimait celui de Jimin.
— Jimin, Jungkook. Je dois partir plus tôt aujourd'hui. Vous terminez vos séries et c'est bon.
La voix était sèche, comme à l'habitude.
Lorsque Jungkook tourna la tête, délaissant le sac qu'il frappait, Yoongi n'était déjà plus là. Décidément, la journée serait courte. Namjoon et Seokjin étaient absents eux aussi.
Il jeta un coup d'œil au milieu de la palestre.
Jimin y boxait contre son ombre, en un enchaînement de mouvements vifs que Jungkook ne put s'empêcher d'admirer. Il serait toujours plus rapide que lui, il le savait. C'était sa morphologie ou son passé de coureur, peu importe. Mais Jungkook, lui, était et resterait toujours plus puissant.
Et, maintenant qu'il avait comblé le manque d'expérience...
Il sourit à l'idée d'envoyer Jimin au sol, de le frapper d'un tel coup qu'il vacillerait, chercherait à s'accrocher à lui, les yeux écarquillés. Jungkook le laisserait tomber, perdre, puis le relèverait, peut-être. Après tout, ils étaient "compagnons d'entraînement", disait Jimin.
Il s'affaira à terminer sa série contre le sac, frappant fort, bruyamment. Il voulait qu'il l'entende. Il voulait le gêner, le déconcentrer. Le perturber. Que ses yeux dérivent jusqu'à lui, encore.
— J'ai fini.
La voix de Jimin passa derrière lui, s'éloigna sous les colonnes. Jungkook ne put s'empêcher de se retourner, de le suivre des yeux.
Jimin se penchait, attrapait un linge pour s'essuyer le visage. Puis se penchait à nouveau, saisissait le strigile, attaquait son épaule droite. Descendait lentement le racloir le long de son bras, puis levait le bras, passait dessous, là où la peau était si douce certainement. Ses yeux le cueillirent, fugaces derrière le bras.
Jungkook s'agita, se retourna, retrouva le sac et les coups.
Quelques minutes encore puis le bruit du strigile contre le sol. Jungkook risqua un œil. Jimin s'éloignait, toujours nu, entrait dans l'ombre du corridor.
Jungkook se força à se concentrer, à reprendre la série qu'il avait délaissée. L'image ne s'effaçait pas, se superposait au brun du sac. Ses courbes, plus pleines maintenant, les ombres sur sa peau, les cheveux devenus plus longs.
Il secoua la tête, enchaîna une nouvelle série de frappes, plus rageuses.
Pas lui, jamais lui.
La série s'acheva, Jungkook vaincu, épuisé. Il se traîna jusqu'aux affaires, passa près du strigile de Jimin, sur le sol, s'effondra sur un banc. La fraîcheur de la pierre sous sa peau le réveilla un peu.
Il resta là quelques minutes, puis se leva impulsivement, se dirigea vers le strigile de Jimin et s'en saisit. Il était délicatement gravé de motifs géométriques. Jungkook le posa sur son poignet, le fit courir sur sa peau. Allait attaquer l'autre bras mais :
— Ça va ? Je ne te dérange pas ?
Jungkook se retourna sur Jimin, habillé, coiffé, parfumé. Cette fichue fleur d'oranger. Le sourire était moqueur, le regard, lui, plus incertain.
Jungkook vit les yeux dériver sur son torse, s'attarder.
Il allait sourire moqueusement à son tour, mais faillit frissonner sous le regard si proche. Il inspira profondément. Se calmer.
Jimin était tout près maintenant, avait fait un pas pour récupérer son strigile.
La fleur d'oranger était si entêtante, le diadème si brillant qu'il l'éblouissait presque. Putain, qu'il détestait ça !
Il attrapa brusquement le poignet de Jimin, lui mit le racloir dans la main et, lentement, sans le quitter des yeux, l'amena jusqu'à sa propre épaule.
Le strigile était frais. Jungkook appuya un peu plus, sentit le métal s'enfoncer. Il amorça le glissement puis, très doucement, relâcha le poignet.
La main de Jimin se figea, effleurant sa peau par-dessus le racloir. Ses yeux sondèrent les siens quelques secondes, puis Jimin baissa la tête, posa son regard sur le strigile, sur l'épaule, le torse.
Le glissement fut lent, doux. Doux mais assuré. Jungkook voyait Jimin, les cheveux devant les yeux, le diadème qui scintillait toujours. Les yeux fixés sur le racloir, sur la peau à parcourir, à découvrir.
Il sentait le souffle de Jimin contre sa peau, ténu, retenu. La sensation, liée à celle plus ample du racloir, le fit frissonner.
Jimin s'en aperçut, leva les yeux vers lui. Le contempla à nouveau, comme étonné, ou curieux de ce qu'il lisait en lui, sans cesser le mouvement. Le glissement descendit, bas, jusqu'à la naissance de l'aine. S'interrompit un instant alors que Jimin écarquillait les yeux, rougissait un peu.
Le racloir remonta, juste à la lisière du cou, entama une nouvelle chute divinement lente. Jimin avait dérobé son regard, posé les yeux sur la peau parcourue, à nouveau.
Jungkook se retint de passer sa main dans les cheveux, dans le diadème, d'amener la bouche à sa peau. Il ferma les yeux, s'oublia dans les sensations.
Ce silence, simplement rompu par le léger glissement, délicieusement lent du strigile, comme si tous s'étaient tus. Cette odeur détestée de fleur d'oranger, la sensation des cheveux de Jimin, si doux sous ses doigts...
Jungkook rouvrit les yeux : sa main était bien là, contre la nuque de Jimin, perdue dans ses cheveux. Quand avait-il...?
Mais Jimin ne bougeait pas, ne réagissait pas au geste, continuait son travail consciencieux. Juste un peu plus rose, un peu plus haletant. Les yeux s'étaient faits vagues, bientôt Jungkook vit l'autre main de Jimin, hésitante, venir s'appuyer contre son torse, alors que le glissement ne s'interrompait jamais, que sa peau était propre, déjà, lavée de l'huile.
Les gestes ne cessaient pas, repassaient toujours aux mêmes endroits, juste plus légers, pour ne pas blesser la peau moins glissante.
[***]
Devait-il se retourner ? Présenter son dos, au risque de perdre le spectacle ? Devait-il amener la main plus bas, là où tous deux savaient qu'il ne manquait que peu pour durcir ?
Devait-il arrêter cette folie ? Jungkook avait eu ce qu'il voulait, un Jimin à sa merci, un Jimin obéissant, troublé, haletant presque maintenant. Bientôt ce serait lui qui poserait de lui-même ses lèvres contre son torse, Jungkook imaginait déjà la langue hésiter contre sa peau, atteindre ses tétons et...
Il gémit presque, se tendit sous le désir.
Le racloir s'immobilisa un instant, Jimin si désirable lorsque Jungkook rouvrit les yeux.
Son regard perdu en lui, ses joues brûlantes, son corps qui se pliait sous sa poigne, sa poigne contre sa nuque, contre ses hanches, qui collait son corps au sien sans résistance aucune, le racloir, les mains, oubliés au milieu d'eux, de leurs corps pressés l'un contre l'autre. Et ces lèvres qui venaient d'elles-mêmes contre sa peau, s'y posaient, perdues, avides pourtant, comme dans son désir, comme dans leur désir à tous les deux, mais pourquoi ce désir, et puis non, merde, plus de pourquoi, juste du désir, juste du plaisir, même avec lui, justement avec lui peut-être. Et Jungkook pressait leurs corps, et Jimin baisait sa peau, et...
[***]
— JIMIN ?!
L'autre avait presque hurlé, le choc dans la voix, le ton accusateur.
Et, d'un coup, Jungkook avait perdu Jimin, s'était fait brutalement repousser, le strigile qui claquait sur le sol marbré, les mains de Jimin qui tremblaient.
— Tae ? avait-il murmuré, incrédule, presque du désespoir dans les yeux, la voix.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Il t'a forcé ?!
L'autre était furibond, c'était risible. Jungkook se fit pourtant attentif. L'ordure n'allait quand même pas mentir ?
Et Jungkook s'accrochait à ce ordure ressorti d'on ne sait où, comme un rempart, une précaution contre...
— Non.
Le murmure, les yeux qui le fuyaient pourtant, hagards, papillonnant désespérément autour de lui.
Jungkook eut honte du ordure, voulut se pencher vers Jimin et lui chuchoter le secret de la nervure dans la pierre, qu'il pouvait la suivre pour oublier l'autour.
Mais Jimin partait déjà, fuyait vers l'ombre du couloir, le laissant là, le corps à moitié huilé encore, chaud, bouillonnant de désir interrompu.
L'autre s'empressa de suivre Jimin, après un regard de profond dédain qui donna l'envie à Jungkook de frapper, à nouveau. Il l'oubliait parfois, ici, mais des regards comme celui-ci se chargeaient toujours de le lui rappeler. Sa condition de pauvre. La raison du "Jimin?!" outré de tout à l'heure certainement.
Il fallait retourner au sac, reprendre quelques frappes, se calmer. Chasser ce putain de regard de riche de son esprit. Chasser ce corps aussi, ce corps de riche étincelant, presque frêle contre lui. Si pliant contre le sien, prêt à le suivre, à l'accompagner de ses mains, de sa bouche.
Jungkook étouffait, de rage, de désir encore. Il fit quelques pas. Le sac, le sac, et frapper.
Mais cet éclair, sur le sol, ce gris sur le marbre. Le foutu strigile, oublié encore.
Jungkook se baissa, l'attrapa. La chaleur était toujours là, sur le métal, dans son corps, brûlure inassouvie.
Il hésita, serra la poignée.
Puis, finalement, quitta la palestre, racloir en main, se pressa vers le vestiaire, désert à cette heure. Vers l'eau du bain qu'il imaginait déjà l'envelopper, remplacer la douceur déjà perdue, à peine découverte.
Remplacer le corps de Jimin, le strigile contre sa peau.
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