Chapitre 2
« Tout va bien Iwa chan, tout va bien, je t'assure. »
Son ami lui ébouriffa les cheveux et le laissa là, dans les vestiaires, les larmes coulant le long de ses joues.
Il ne savait pas combien de temps il était resté ici, dans les vestiaires, les épaules voûtées, la tête baissée, les larmes perlant aux coins des yeux sans vouloir s'arrêter et les poings obstinément serrés.
Non, tout n'allait pas bien, et ces paroles, Iwaizumi les avait bien trop entendues jusqu'à présent. Il connaissait Oikawa depuis qu'ils étaient enfants. Son masque souriant, il le connaissait par cœur et il le détestait par dessus tout. Sourire quand on ne veut pas faire de peine, sourire quand on trouve une situation gênante et qu'on ne sait pas comment affronter les choses, sourire pour se voiler la face et rester dans un cercle vicieux infernal dont il semblait impossible de se sortir. Oikawa souriait pour tout et pour rien. Rares étaient ceux qui avaient eu la chance de connaître un sourire sincère, si tendre qu'il vous ferait fondre en quelques secondes. Iwaizumi oui. C'était la raison pour laquelle, à ce moment précis, il exécrait sa manière de se comporter avec lui alors que tous deux avaient été si proches auparavant.
Ce fut les vibrations de son téléphone qui le ramenèrent à la réalité. Le jeune homme vit qu'il s'agissait de ses parents : ils devaient sans doute se demander ce qu'il faisait. Il répondit qu'il partait du gymnase et sortit en courant après avoir essuyé les dernières larmes qui coulaient sur ses joues. Le vent frais du soir apaisa en partie sa tristesse mais, malgré lui, sur le chemin du retour, il ne put s'empêcher de passer devant le bar où Makoto travaillait. Comment ce type pouvait-il faire autant de mal à quelqu'un comme Oikawa ? D'accord, il était parfois lourd et immature, pour autant, rien ne justifiait de faire autant souffrir quelqu'un.
Plus les minutes passaient, plus ses pas le rapprochaient de chez lui et plus Iwaizumi se rendait compte que le secret dont il était, malgré lui, le dépositaire était difficile à porter. Que devait-il faire ? Il ne pouvait pas laisser son meilleur ami dans cette mauvaise passe. Mais en même temps, que faire ? En parler aux parents du capitaine alors qu'ils le croyaient sans doute avec une jeune fille ? En parler à ses propres parents pour qu'ils aillent voir ceux de son meilleur ami ? L'homosexualité était encore taboue au Japon et les seules personnes qui l'affirmaient haut et fort à la télévision étaient des sortes de caricatures tout droit sorties du film français « La cage aux folles ».
A peine passé le pas de la porte, sa mère vint à sa rencontre et lui prit son sac de sport des mains afin de laver les vêtements sales. Tout le monde était à table et semblait l'attendre avec impatience. Ses parents avaient l'habitude maintenant, Iwaizumi s'entraînait toujours jusqu'à pas d'heure, il n'était pas rare de le voir rentrer vers vingt heures voire vingt-et-une heures lorsque les championnats approchaient.
« Allez assied-toi, nous t'avons attendu pour manger ! »
Sa mère était toujours adorable avec lui, souriante et à l'écoute de son fils. Iwaizumi était sûr qu'elle avait déjà remarqué que ses yeux étaient rougis par les larmes et il craignait plus que tout qu'on ne l'interroge à ce propos. Il ne pouvait pas dire la vérité ; c'était trop compliqué. Le jeune homme demeura donc silencieux et prit son repas sans participer à la conversation, espérant qu'on l'oublierait ainsi un petit peu. Une fois la table débarrassée, il monta dans sa chambre et s'allongea dans son lit. Mais alors qu'il ouvrait un livre de cours pour réviser, il entendit que l'on toquait à la porte.
« Mon ange ? Je peux entrer ? »
Elle n'avait pas l'intention de lâcher le morceau. En même temps, c'était une qualité qu'il appréciait le reste du temps.
« Oui, entre maman. »
Le vice capitaine s'assit dans son lit et attendit que sa mère entre et fasse de même. Il n'était pas rare qu'ils aient tous deux des conversations, le soir, avant de dormir. C'était bien souvent là qu'il lui parlait de ses problèmes. Autant les parents d'Oikawa le croyaient sincèrement avec une jeune fille autant ceux d'Iwaizumi n'avaient jamais été dupes et avaient bien vite compris que leur fils était attiré par les hommes. Cela avait réglé bien des problèmes, un soir, où, assis sur le lit, sa mère lui avait demandé si Oikawa était son petit ami. Ce fut à ce moment-là qu'Iwaizumi comprit quelle chance il avait de faire partie de cette famille merveilleuse.
« Quelque chose ne va pas n'est-ce pas ? Tu veux m'en parler ? »
Il aurait aimé oui, lui en parler, tout déballer et faire fi des conséquences. Mais voilà, c'était d'Oikawa dont il était question et il ne pouvait pas prendre la décision à sa place.
« Maman ? Je... Je connais quelqu'un qui sort avec une personne et...cette personne, je crois qu'elle lui fait du mal. Je crois qu'elle le frappe. Tu ferais quoi toi ? »
Qu'il était difficile de ne pas tout raconter, de ne pas tout dire alors que son cœur se brisait rien qu'à la pensée que son meilleur ami se faisait frapper par une personne sans scrupule.
« Si tu es sûr de ce que tu affirmes, tu peux aller le dire à un adulte mais je suppose que si tu ne me donnes pas de nom, c'est parce qu'il s'agit de deux garçons, n'est-ce pas ? A ta place, j'essayerais d'accompagner mon ami afin qu'il finisse par prendre la bonne décision et qu'il ne voit plus cette personne. Promets-moi que ce n'est pas toi, s'il te plait. »
La voix de sa mère qui, au début, semblait soucieuse, s'était faite plus suppliante sur la dernière phrase. Il se doutait bien qu'il allait l'inquiéter avec cette histoire et c'était la raison pour laquelle il avait hésité à lui en parler. Un doux sourire étira ses lèvres et il serra sa mère contre lui avant de l'embrasser sur la joue :
« Je te promets que ce n'est pas moi Maman. Bonne nuit. »
« Bonne nuit, mon ange. »
Elle quitta alors la pièce et le laissa seul dans le noir. Comment pouvait-il inciter Oikawa à quitter ce type ? Il avait bien essayé tout à l'heure, la seule réponse obtenue était qu'il l'aimait. Que faire quand l'amour rend aveugle ? C'est le cœur lourd qu'Iwaizumi finit par aller se coucher, se demandant comment aider son meilleur ami à faire le bon choix.
- Oikawa -
Immédiatement après l'altercation avec Iwaizumi, le passeur avait quitté les vestiaires et était parti en courant. Il n'était jamais rentré aussi vite chez lui, tout cela pour éviter cette conversation qui l'effrayait tant. Le jeune homme s'allongea alors dans son lit, où, pour la première fois depuis des semaines, il avait fondu en larmes. Il était capable de tout encaisser, il en avait pris l'habitude, mais ce regard, cette inquiétude dans les yeux de son meilleur ami et se retrouver à moitié nu, dans cette position de faiblesse, le torse couvert d'hématomes, face à lui : c'était au-dessus de ses forces. Et maintenant qu'il était au courant, une crainte supplémentaire s'ajoutait aux précédentes : et si il décidait de tout révéler ?
Jusqu'à présent, Oikawa avait gardé ses problèmes de couple pour lui. Il n'en avait touché mot à personne et même quand Makoto était devenu plus violent, il avait tout fait pour que son comportement n'en soit quasiment pas affecté. Mais Iwaizumi voyait tout. Mais Iwaizumi avait l'habitude de ses faux sourires et savait différencier la vérité du mensonge. Il avait vu dès le début qu'Oikawa mentait.
« Un jour, il finira par te tuer... »
Ses paroles avaient été comme un électrochoc. Elles tournaient sans cesse dans sa tête sans parvenir à s'en défaire. Et quand bien même, qu'est-ce que cela changeait ? Un soupir passa doucement ses lèvres. Comment tout avait-il pu déraper à ce point ?
Quelques mois auparavant, au milieu de l'hiver
Il faisait froid ce soir-là. Oikawa avait eu un entraînement particulièrement éreintant puisqu'il avait décidé de rester deux heures de plus afin de parfaire son service qui ne lui convenait toujours pas. Il avait donc très faim et, ne voulant pas déranger ses parents, il avait préféré s'acheter quelque chose à la supérette du coin. Alors qu'il allait passer en caisse avec son maigre repas, il fit tomber son portefeuille. Un jeune homme aux cheveux blonds décolorés le récupéra et le lui tendit en lui adressant un sourire charmeur. C'était comme ça qu'il fit la rencontre de Makoto. Oikawa n'avait jamais été attiré par les mauvais garçons, mais celui-là, sans trop se l'expliquer, l'avait séduit en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Et déjà, au bout de quelques jours, tous deux sortaient ensemble.
Lui qui avait tant souffert de sa séparation avec Iwaizumi s'était senti revivre. Au contact de ce beau jeune homme contre lequel il se sentait en sécurité, Oikawa avait la sensation d'être à nouveau lui-même et de ne plus avoir besoin de mentir au monde entier. Mais voilà, derrière chaque idylle se cache un secret...
Makoto travaillait dans un bar. Bien souvent, il terminait très tard et Oikawa restait assis au comptoir à le regarder travailler, un léger sourire aux lèvres, tachant d'attirer son attention. Mais il n'était pas désirable que pour son petit ami. Bien des fois, des jeunes hommes ou des jeunes femmes étaient venus lui adresser la parole pour le draguer. Les premières fois, Makoto lui avait fait comprendre qu'il était jaloux mais cela s'était limité à des paroles échangées.
Un soir toutefois, Oikawa passa presque deux heures en compagnie d'un jeune homme qui avait autrefois fait du volley. Passionné par sa conversation, le passeur avait l'espace d'un instant oublié son petit ami. C'est ce soir-là que la première vraie dispute éclata. C'est ce soir-là qu'Oikawa comprit pourquoi il avait l'habitude d'éviter les mauvais garçons.
Ce qui au début ressemblait à une banale scène de ménage se transforma bientôt en un affrontement dans lequel Oikawa encaissa tous les coups que son compagnon lui infligeait sans dire un mot. Oui, il aurait pu s'enfuir, il aurait pu lui dire qu'il n'acceptait pas ce qu'il lui avait fait. Mais comment le dire quand on est amoureux ? Comment partir quand au fond de soi, on se sent coupable car on nous a fait croire que le fait de parler avec un autre homme c'était être infidèle ?
La descente aux enfers commença à partir de là. A chaque fois qu'Oikawa se disait qu'il allait tout arrêter, qu'il ne retournerait pas le voir, ses pas le menaient inexorablement au bar et il retournait dans les bras de son petit ami. Après chaque dispute, Makoto s'excusait et se montrait encore plus tendre qu'à l'accoutumée. Et à chaque fois, oui à chaque fois, Oikawa se disait que c'était sans doute la dernière fois, qu'il ne recommencerait pas, qu'il avait compris. Mais plus le temps passait, plus Oikawa s'enfermait dans un cercle vicieux dans lequel il avait l'impression qu'il méritait les coups qu'il recevait car il n'était pas assez parfait, car il ne pouvait s'empêcher de draguer tout ce qui bougeait. Réalité et fantasme s'étaient unis dans une sorte de cauchemar dont il ne parvenait pas à se sortir.
Epuisé, le passeur finit par s'endormir, se disant que demain serait un autre jour et qu'il faudrait sourire bien plus que d'habitude afin que personne ne s'inquiète pour lui.
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Merci d'avoir lu !
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