J'attends patiemment mais au bout de dix minutes je me fais une raison. Personne ne viendra me répondre.

   Tremblante de déception, je remonte dans la voiture et m'installe à côté de mon frère. J'aurais tellement voulu qu'il soit là et connaître les raisons de son silence à mon égard. Je m'apprête à attacher ma ceinture quand Jules pose la main dessus.

   - Tu fais quoi là ? m'interroge t'il.

   - Personne répond, je vais pas y passer la journée.

   - Y'a une caméra Loulou. Il t'a forcément vu s'il est là, vu qu'il ne répond pas à tes messages et tes appels, il ne viendra pas t'ouvrir comme ça.

   - Oui d'accord, et je fais quoi alors?

  - Je te fais la courte échelle, me dit il avec un grand sourire et un petit haussement de sourcils.

   - Mais tu es complètement fou. Et si je me fais surprendre, qu'est ce que je fais ? c'est une effraction! 

   - Tu l'aime ou pas ce Matt? Il a pris un air sérieux que je ne lui connaissais pas

   - Oui!! Bien-sûr que oui, je l'aime. Mais si lui ne m'aime pas en retour ? Je me pose tellement de question sur ses sentiments pour moi. 

   - Si tu ne lui demande pas, si tu reste à te morfondre sans avoir de réponse, tu ne le sauras jamais. Alors tu vas prendre ton courage à deux mains. Tu vas essayer tout ce que tu peux pour le trouver et lui poser les questions qui te rongent le cerveau depuis plusieurs jours.

   - Et s'il ne partage pas mes sentiments ? Je me sens tout à coup prise de panique rien qu'à cette idée. Je ne sais pas si je pourrais me ressentir en confiance avec un autre si tout ce qu'on a vécu ensemble depuis le début des vacances ne signifiait rien pour lui.

   - Si c'est le cas , c'est que c'est un sombre idiot. Il ne saurait ce qu'il rate.

   C'est la première fois que mon frère me parle aussi franchement. Nous n'avons jamais exprimé nos sentiments, nous ne nous sommes jamais confiés l'un à l'autre et aujourd'hui il me pousse à affronter celui que j'aime.

  - Ok et en pratique ? Je fais comment ? L'interrogé-je.

   - Bon. Il devient tout à coup encore plus sérieux comme si on s'apprêtait à faire un casse. On va devoir trouver un passage pour que tu rentre dans la propriété.

   - Mais c'est complètement fou! On est pas dans un film là ! Je suis alors surprise, excitée et amusée à la fois.

   - C'est le seul moyen que je vois pour le moment. Si tu à une autre solution dis le moi. Rétorque mon frère d'un ton décidé.

   C'est donc comme ça que je me retrouve une jambe de chaque côté du mur, mon frère essayant de me pousser avec toute sa délicatesse. J'atterris les fesses en l'air, genoux à terre sur une superbe pelouse. Maintenant, je dois puiser tout le courage que j'ai en moi pour m'introduire dans la maison et trouver Matt ou au moins l'apercevoir pour être sur qu'il va bien.

  J'arrive devant une sublime porte fenêtre en bois. Cette maison est vraiment magnifique. Je m'imaginais pas que Matt vivait dans quelque chose d'aussi immense. Je regarde discrètement à travers les carreaux. Tout est impeccable, tout est ordonné.

   Après avoir fait, le tour de la maison, je trouve une petite porte entre-ouverte. Je m'approche avec la boule au ventre qui commence à grossir. Je la pousse doucement et passe la tête au travers. Je pénètre à l'intérieur en essayant de faire le moins de bruit possible.

   J'ai fait le tour de toutes les pièces et n'ai vu personne et rien d'anormal non plus. À part le faite que la maison soit tellement calé et bien rangée qu'on croirait que personne n'y vit. Comme si il n'y avait aucunes âmes qui vivent ici. En ressortant, avec précaution pour ne pas me faire repéré par quiconque, j'aperçois une dépendance au fond du jardin. Je me déplace alors dans sa direction. Je regarde discrètement par la fenêtre et ce que j'aperçois me dépite. Il y a des canettes de bière, des cendriers remplit de mégots, des cartons de pizzas et j'en passe. Je ne comprends pas. Matt ne peut pas vivre là dedans alors qu'il a une immense maison. Ce n'est pas logique. J'inspecte l'endroit mais Matt n'est visiblement pas ici. Une chose est sur , il y vit bien en tout cas.

   De retour à la voiture, je raconte à mon frère tout ce que j'ai vu. La grande maison inhabitée et impeccable, la dépendance au fond du jardin qui est tout le contraire et le fait d'avoir aperçu personne.

   Nous décidons de rentrer chez nous car Jules pense que nous n'en saurons pas plus aujourd'hui. Mon frère fait demi-tour et alors que nous avons parcouru environ 400m j'aperçois la voiture de Matt dans le rétroviseur. J'en informe Jules qui pile net et fait une marche arrière. À peine arrivé à sa hauteur, je sort de la voiture et cours directement vers la sienne. Je plaque les paumes contre sa vitre. Il tourne la tête, j'ai un mouvement de recule quand je vois son visage fatigué, des cernes noirs ornées ses magnifiques yeux bleus et une barbe naissante, qui lui donne un air sexy, mais qui me montre qu'il ne va pas bien du tout. Je le regarde intensément et je sens ma gorge se serrer et mes yeux s'embuer. Il me fixe hésitant, coupe le contact. Je me recule un peu et il ouvre la portière de sa voiture pour en sortir. Il passe sa main dans ses cheveux, regarde ses pieds puis me fixe intensément avec un mélange de peine et de colère dans ses prunelles. Je sens une larme couler sur ma joue. Il passe alors sa main dessus pour l'essuyer et me serre contre lui, toujours sans un mot. Je respire enfin comme s'il était mon oxygène et que ma respiration avait été coupée depuis qu'il s'était absenté de ma vie. Je sens son odeur, son parfum, lui. Tout à coup de la colère monte en moi. De l'incompréhension m'envahit. Comment peut il me prendre dans ses bras ainsi et comment pourrais-je l'accepter alors qu'il m'a éviter pendant plus d'une semaine sans un mot, sans aucune explication.

   Je me recule et le repousse brusquement. Il a l'air de ne pas comprendre mon geste.

   - POURQUOI? J'hurle plus fort que ce que je n'aurais voulu.

   Il me regarde mais ne me répond rien. Les larmes s'intensifient sur mes joues. Il a l'air d'hésiter. Alors je réitère ma question, une fois, deux fois, trois fois. Toujours le même mot "pourquoi". J'ai alors l'impression qu'il se torture de l'intérieur à force de se retenir de me répondre. Il me fixe droit dans les yeux et commence à ouvrir la bouche. Il hésite puis se lance.

   - Louise... Tu ne comprendrais pas, tu me détesterais. Il attrape mes mains qu'il caresse avec ses pousses. Je les retire aussitôt.

   - Tu crois que je vais me contenter de cette réponse et recommencer comme si rien ne s'était passé.

   - Recommencer ? Je crois que tu n'as pas compris, Louise.

   Je suis perdue, ce n'est pas ce qu'il veut? Il ne veut pas continuer avec moi. J'ai tout à coup l'impression que le sol s'ouvre sous mes pieds, que mon cœur se déchire. Je recule d'un pas et le fixe. Ma respiration s'accélère. Ma tête commence à tourner et des bourdonnements emplissent mes oreilles. Puis c'est le trou noir...