Chapitre 50
Après s'être éloignée de quelques dizaines de mètres, Ladybug se perche au sommet d'une cheminée et ouvre son yo-yo d'un geste sec.
Au vu du temps écoulé depuis qu'il a utilisé son Cataclysme, Chat Noir s'est forcément déjà détransformé. Malgré tout, l'instinct de Ladybug lui souffle qu'il est peu probable qu'il soit resté très longtemps sous l'apparence d'Adrien. Elle connaît suffisamment bien son coéquipier pour savoir qu'il a toujours préféré se réfugier derrière son masque et sur les hauteurs de Paris lorsqu'il éprouve le besoin d'être en tête à tête avec ses pensées.
Un point vert sur son radar lui donne raison à peine une fraction de seconde plus tard.
Chat Noir se trouve quelque part sur sa gauche, tout juste deux pâtés de maison plus loin.
Ladybug referme rapidement son yo-yo et s'élance en direction de son partenaire. Arrivée sur place, il lui faut encore quelques instants avant de réussir à le repérer. Ses yeux ne se posent au départ que sur des toits aux pentes abruptes, de larges cheminées, des antennes paraboliques.
Puis, enfin, enfin, son regard attentif découvre une silhouette à demi-dissimulée par deux vastes murs.
Chat Noir se tient assis sur un bloc métallique, jambes regroupées contre son torse et bras passés autour de ses genoux. Ses traits sont tirés, son visage anormalement pâle, et il se recroqueville sur lui-même comme s'il voulait disparaître de la surface de la Terre.
Il semble si vulnérable que Ladybug sent son cœur se serrer dans sa poitrine.
Jamais elle ne l'a vu si perdu.
Si triste.
Déglutissant péniblement pour ravaler la boule qui se forme au fond de sa gorge, Ladybug s'approche lentement de Chat Noir. Lorsqu'elle arrive auprès de lui, le regard qu'il lève sur elle est un peu trop brillant.
« Ma Lady... », laisse-t-il échapper dans un souffle à peine audible.
Une vague d'émotions phénoménale s'écrase sur Chat Noir dès l'instant où sa coéquipière entre dans son champ de vision.
Une vague de plus, parmi tant d'autres.
Impossible pour le jeune homme de résister à ce raz-de-marée dévastateur qui l'accable encore et encore, et qui écorche ses nerfs au point que ces derniers lui semblent n'être plus qu'une plaie passée au papier de verre.
Il a gagné, pourtant.
Avec l'aide de ses coéquipiers, il a enfin réussi à arrêter le monstre qui terrorisait Paris. L'épée de Damoclès qui dansait au-dessus de la tête de Marinette. Le meurtrier de sa mère.
Il devrait se sentir heureux.
Soulagé.
Fier.
Mais malgré ça, jamais il n'a éprouvé un tel mélange de de rage impuissante, de colère, de tristesse, de peur et de regrets.
Ce combat a ravivé en lui la douleur poignante d'avoir perdu sa mère, tout en le laissant abasourdi d'horreur à l'idée d'avoir manqué de voir disparaître définitivement sa Lady.
C'est trop.
Beaucoup, beaucoup trop pour lui.
Chat Noir n'arrive plus à gérer ses sentiments. Un maelström d'émotions gronde, bouillonne, se déchaîne au fond de lui, le laissant comme cocotte-minute dangereusement prête à exploser.
« Chat... », murmure Ladybug en posant une paume inquiète sur son épaule.
Ce tendre contact et le son de cette voix tant aimée fait perdre à Chat Noir les dernières réserves de maîtrise de lui-même qui lui restaient encore. Il tend ses mains vers sa coéquipière et, d'un geste vif, la saisit par les poignets pour l'attirer contre lui.
Les genoux de Ladybug buttent contre le bloc sur lequel il est assis et elle l'écrase à moitié en tombant entre ses jambes, mais Chat Noir n'en a cure.
Ladybug est là.
Vivante.
En bonne santé.
Rien d'autre au monde n'a d'importance.
Chat Noir passe ses bras tremblants autour de la taille de sa compagne et enfouit son visage dans le creux épaule, un sanglot aux lèvres.
Son cœur est brisé de tristesse.
Son corps frissonne de terreur.
Il s'étouffe, suffoque, se noie dans un océan d'angoisse si abyssal qu'il lui semble qu'il n'en touchera jamais le fond.
Comment réussir à respirer alors que son esprit ne cesse de lui rappeler cruellement ce qui aurait pu se passer ?
Alors que sa coéquipière passe ses mains autour de ses épaules pour le serrer à son tour contre elle, la réponse apparaît à Chat Noir. Claire, lumineuse, limpide.
Ladybug.
Elle est l'oxygène que réclament désespérément ses poumons paralysés d'horreur, le souffle qui lui manque pour réussir à peut-être sortir de cet état de choc dans lequel il reste encore pétrifié.
Elle est tout ce dont il a besoin pour vivre.
Tout simplement.
Et cette évidence ne rend l'idée d'avoir failli la perdre que plus atroce encore.
Luttant contre la soudaine nausée qui lui tord l'estomac, Chat Noir resserre un peu plus sa prise autour de la taille de sa compagne.
« J'ai cru que... », articule-t-il d'une voix étranglée. « J'ai eu tellement peur que tu... »
Incapable de formuler l'indicible, le jeune homme s'interrompt brusquement.
Ladybug n'est plus blessée, il le sait. Jamais il ne l'aurait quitté sans s'être assuré que son extraordinaire pouvoir avait bien fait son œuvre. Malgré sa rage contre le Papillon, à la fin du combat, un seul coup d'œil vers elle lui a suffi.
Il a aussitôt remarqué sa posture, différente de celle qu'elle avait lorsque sa blessure l'handicapait encore.
Son costume, vierge de sang et de toute déchirure.
Son épaule, merveilleusement, miraculeusement intacte.
Jamais Chat Noir n'a été aussi reconnaissant au miraculous de la Coccinelle d'offrir un pareil pouvoir.
Mais la terreur le glace toujours.
Jusqu'au sang.
Jusqu'aux os.
Son cœur bat avec la lourdeur entêtante d'un marteau qui cognerait dans sa poitrine. Il frappe, encore et encore, s'écrasant contre ses côtes avec autant d'insistance que s'il voulait le briser de l'intérieur.
Alors que de violents frissons secouent le corps du jeune homme, Ladybug accentue la pression de ses bras autour de lui pour le serrer encore plus fort contre elle.
« Je suis là », lui murmure-t-elle sans discontinuer. « Je suis là. Je vais bien. »
Elle fait courir ses mains le long de son dos, de ses épaules, traçant des cercles réconfortants contre le matériau de son costume. Quand elle se penche encore un peu vers lui, la joue qu'elle presse contre la sienne est humide de larmes.
Ses larmes à lui.
Ses larmes à elle.
Ce sont trop d'émotions qui enflent, s'accumulent, débordent et poussent des gouttes cristallines au coin de leurs yeux.
Trop de sentiments qui les submergent à présent que la tension se relâche enfin.
Incapable de parler, Chat Noir enfonce ses doigts dans la chevelure de Ladybug, semant l'anarchie dans ses mèches sombres. Il incline son visage vers le sien et le couvre d'une pluie de baisers. Sa peau est humide et salée sous ses lèvres, mais merveilleusement douce et chaude aussi.
Il ne faut que peu de temps à Chat Noir pour que sa bouche trouve celle de Ladybug et qu'il l'embrasse sans la moindre retenue.
Il la sent répondre aussitôt. Ses doigts se resserrent autour de ses épaules, sa tête s'incline sur le côté et ses lèvres se mettent à bouger doucement, épousant langoureusement le mouvement des siennes.
Le cœur battant à tout rompre, Chat Noir plaque ses mains de part et d'autre du visage de Ladybug alors qu'il se noie dans un océan de baisers brûlants. Il peut sentir le souffle chaud de sa Lady sur sa peau lorsqu'elle s'écarte de lui le temps de reprendre sa respiration et son pouls qui s'affole de plus en plus sous ses doigts.
Vivante. Vivante. Vivante.
Elle est vivante.
Chat Noir étouffe un gémissement alors qu'il passe un bras autour de la taille de Ladybug et presse de plus belle son corps contre le sien.
Il a besoin d'elle.
Besoin de sa présence.
Besoin qu'elle lui rappelle, à chaque minute, à chaque seconde, qu'il ne l'a pas perdue.
L'esprit complètement embrumé par ces émotions qu'il ne contrôle plus, Chat Noir se perd dans la proximité de sa coéquipière. Rien d'autre au monde ne compte à part elle. Elle et son cœur qu'il sent résonner dans sa propre poitrine, elle et ses soupirs essoufflés, elle et sa langue qui danse autour de la sienne.
Elle, elle, elle.
Juste elle.
Mais rapidement, le jeune homme devine que cela ne lui suffira pas.
Il lui faut plus de baisers incandescents sous ses lèvres, plus de peau brûlante sur laquelle faire courir ses doigts, plus, plus, encore plus de cette chaleur dont son cœur gelé d'angoisse a si désespérément besoin.
Les mains de Chat Noir courent fébrilement le long des côtes de Ladybug alors que leur étreinte atteint une intensité qui, au vu de leur position géographique, flirte allègrement avec l'indécence.
(Non pas qu'il y ait de grandes chances pour que quiconque puisse les surprendre sur ce recoin particulièrement discret des toits de Paris, mais tout de même. Impossible pour les deux héros d'occulter totalement le fait qu'ils se trouvent actuellement dans un lieu public et que la situation commence à heurter sérieusement leur besoin d'intimité.)
Le cœur battant à tout rompre, Ladybug s'écarte légèrement de Chat Noir.
Le rouge des quelques centimètres de peau que dévoile son masque n'a rien à envier à celui de son costume, ses lèvres encore entrouvertes laissent échapper un souffle court et ses yeux azur brillent avec autant d'éclat que si une flamme s'était logée au creux de ses prunelles.
« Chat... », réussit-elle à articuler dans un murmure haletant. « Pas ici... »
Alors que le jeune homme se force à détendre ses doigts pour desserrer sa prise autour de sa compagne, Ladybug se penche vers lui et dépose un délicat baiser au coin de sa bouche.
« Rentrons », lui suggère-t-elle doucement.
Le regard fiévreux, Chat Noir hoche brièvement la tête et achève de relâcher son étreinte.
Les deux héros s'écartent l'un de l'autre et, sans un mot de plus, prennent la direction de leur appartement.
Ladybug et Chat Noir abandonnent leur transformation dès l'instant où ils pénètrent dans leur salon. Plagg et Tikki ont tout juste le temps de s'éclipser de la pièce que déjà, Adrien se tourne vers Marinette.
C'est tout juste si le jeune homme réalise qu'il a bougé tant son geste est machinal. Son corps agit de lui-même, comme un aimant inexorablement attiré par un autre. Comme un marin en perdition se dirigeant instinctivement vers la lumière salvatrice d'un phare.
Et en perdition, Adrien l'est, c'est une évidence.
Il lui semble qu'un étau invisible emprisonne son torse et le serre, serre, serre encore, comprimant impitoyablement sa cage thoracique. Écrasés sous la pression, son cœur et ses poumons l'abandonnent.
Son souffle est bien trop court, son pouls bien trop rapide.
Adrien n'arrive plus à respirer.
N'arrive plus à réfléchir.
C'est trop, trop, juste trop.
Même sa brève balade sur les toits de Paris n'aura pas suffi à lui redonner un semblant de maîtrise de lui-même.
Adrien n'est désormais plus gouverné que par une pulsion primitive qui se glisse sous sa peau, se coule dans ses veines, et qui l'implore, lui hurle, lui ordonne de se raccrocher à la seule présence capable de lui éviter de s'effondrer sur lui-même.
Et Marinette (merveilleuse, extraordinaire, irremplaçable Marinette), qui l'aime et le connaît mieux que personne, ne comprend que trop bien ce dont a besoin son cœur blessé. Elle ouvre les bras, paumes tournées vers lui, l'invitant sans mot dire à la rejoindre.
Adrien n'hésite pas une seconde.
Il ne lui faut qu'un pas et un battement de cœur pour effacer la distance qui les sépare.
Il la serre contre lui et, d'un même geste, la plaque machinalement contre le mur près duquel elle se tient.
Une main sur ses hanches, l'autre enfoncée dans sa chevelure sombre, et les lèvres verrouillées aux siennes alors qu'il l'embrasse encore et encore.
Coincée entre la surface plane de la paroi et le torse non moins ferme d'Adrien, Marinette répond avec ardeur aux attentions du jeune homme. Elle appuie l'une de ses paumes contre sa nuque et incline sa propre tête sur le côté pour mieux intensifier leurs baisers.
Encore, encore, encore.
Elle en a besoin, elle aussi.
Car ce n'est que maintenant qu'elle se trouve dans les bras de son grand amour, la gorge nouée et la poitrine serrée, que Marinette réalise combien elle ne pourra elle non plus tenir très longtemps sans réconfort.
Elle est à bout de forces.
Physiquement.
Moralement.
Le combat éprouvant qu'elle vient de mener contre ses ennemis l'a marquée dans sa chair et a meurtri son cœur, et avec cette victoire presque inespérée, c'est désormais sa maîtrise d'elle-même qui s'étiole à son tour.
Elle n'a plus assez de ressources mentales pour tenir.
Trop de pensées anxiogènes enflent dans son esprit, trop d'images terrifiantes s'imposent à elle. Ce sont littéralement des années d'angoisses, de tension, de terreurs inhumaines qui bouillonnent en elle comme des eaux noires et tourmentées et qui, maintenant que la pression retombe, menacent de la submerger.
Ses frayeurs concernant ses proches.
Ses inquiétudes quant à sa propre sécurité.
La hantise de faillir à sa mission.
Le souvenir de ses innombrables sacrifices.
La pensée de tout ce qui aurait pu mal tourner.
La peur viscérale, obsédante, de perdre un jour celui qu'elle aime plus que tout au monde.
Ces émotions d'une violence inouïe ne cessent de s'écraser sur Marinette, couche après couche, vagues après vagues.
Il faut à la jeune femme toute son énergie pour réussir à rester à flot.
Instinctivement, Marinette raccroche de toutes ses forces à Adrien.
Pour ne pas se laisser déborder.
Pour survivre.
Elle bloque ses pensées, verrouille son esprit alors qu'elle embrasse son compagnon avec une ardeur désespérée. Une inquiétante sensation de vertige lui fait tourner la tête et ses poumons la brûlent, lui réclamant cet air dont ils ne peuvent se passer et que ses baisers ininterrompus leurs refusent.
Mais peu importe.
S'arrêter, c'est réfléchir.
Et réfléchir, c'est courir le risque que ses émotions la rattrapent et la noient sous un déluge de larmes.
Alors, Marinette continue de se perdre dans l'étreinte fiévreuse de son compagnon, chassant au loin aussi bien les protestations de son corps que ces sentiments qu'elle échoue encore à contrôler.
La mort les a frôlés de bien trop près pour qu'elle ait envie de sentir quoi que ce soit d'autre que la vie qui pulse dans ses veines et Adrien qui l'embrasse comme si demain n'existait pas.
Elle aura tout le temps de laisser le monde extérieur la rattraper plus tard.
Si Marinette fait de son mieux pour tenter de garder encore un semblant de maîtrise d'elle-même, Adrien, au contraire, lâche complètement prise.
Chaque baiser de sa compagne l'entraîne plus vite, plus loin, plus fort.
Il ne contrôle rien. Ni son esprit, noyé sous des déferlantes d'émotions d'une puissance inouïe, ni son corps, mû par un pur instinct plutôt que par sa volonté.
Peu importe.
Adrien veut bien laisser sa conscience se dissoudre dans les bras de Marinette si cela peut lui permettre de rester auprès d'elle.
Impossible pour lui de se passer de cette femme extraordinaire qui est tout ce qui le retient de sombrer. Son cœur ne bat plus que pour répondre au sien, ses poumons ne fonctionnent plus que pour se nourrir des quelques goulées d'oxygène qui s'invitent quand elles peuvent entre leurs lèvres.
Son être tout entier ne pulse, ne vibre, ne vit que pour elle.
Seul un mot ou un geste de la part de Marinette pourrait le faire s'écarter d'elle. Hormis ça, rien ne saurait l'éloigner d'elle tant qu'elle voudra bien de lui.
Rien.
Les secondes défilent alors qu'Adrien continue d'embrasser Marinette avec une ardeur féroce. L'esprit du jeune homme n'est désormais plus qu'un champ de bataille réduit à l'état de cendres brûlantes, où seuls les plus primitifs instincts luttent encore.
Le désespoir.
La peur.
Le désir.
L'amour.
Tout autant d'émotions dont la violence le plonge dans le chaos le plus total.
Tout autant d'émotions qui ne font que rendre la présence de sa coéquipière encore plus indispensable. Son besoin d'être auprès d'elle est tel qu'il tient presque de l'envoûtement.
Marinette est à la fois tout ce qui lui fait perdre la tête et garder la raison.
Elle est chaleureuse.
Lumineuse.
Elle est comme une flamme qui l'attire irrésistiblement et par laquelle il ne peut que se laisser consumer, encore, encore, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de lui.
Ivre de baisers, transi d'amour, Adrien garde sa bouche rivée à celle de Marinette. Il ne s'écarte d'elle que le temps de laisser leurs souffles chauds s'entremêler entre leurs lèvres, avant de se pencher de nouveau vers elle pour l'embrasser encore et encore.
La température de la pièce augmente sensiblement alors que, toujours pressés l'un contre l'autre - et contre le mur du salon -, les deux jeunes gens laissent leurs mains vagabonder sur leurs corps.
Adrien fait courir ses paumes le long des côtes de sa compagne, par-dessus son T-shirt d'abord, par-dessous ensuite, cherchant instinctivement la douceur de sa peau au lieu de celle de l'étoffe.
La réponse de Marinette est tout aussi machinale. Suivant l'impulsion de son compagnon, elle lève ses bras vers le plafond et fait passer son haut par-dessus sa tête.
Adrien se fige un bref instant, hypnotisé par cette peau laiteuse qui s'offre à présent à lui.
Une peau merveilleusement, miraculeusement intacte.
Il le savait et pourtant, il peine encore à y croire.
Dans un état second, Adrien incline la tête vers Marinette. Il pose sur son épaule nue un regard fiévreux, puis des doigts tremblants, puis, enfin, des lèvres fébriles, couvrant de mille baisers la chair auparavant entaillée par l'attaque du vilain et désormais vierge de toute blessure.
Ses mains viennent se crisper sur les hanches de la jeune femme alors qu'il se raccroche à elle comme un naufragé à une bouée en pleine tempête.
Hors de question de la lâcher, ne serait-ce qu'une minute, ne serait-ce qu'une seconde.
L'esprit embrumé de peur et de désir, Adrien trace une nouvelle ligne de baisers brûlants le long de la clavicule de Marinette.
Il peut sentir son pouls, fort et régulier sous ses lèvres.
Cette pulsation miraculeuse n'est qu'un détail de plus parmi tant d'autre, mais c'est un détail de plus auquel il se raccroche désespérément pour faire accepter la réalité à son cerveau paralysé d'effroi.
Vivante.
Marinette est vivante.
Rien d'autre au monde n'importe.
Un sanglot de soulagement aux lèvres, Adrien relève de nouveau la tête vers Marinette et plaque ses mains de part et d'autre de son visage de pour l'embrasser à pleine bouche. Il presse son corps contre le sien, refusant de laisser le moindre centimètre d'air le séparer d'elle.
Le sentiment est par ailleurs largement partagé par Marinette. Les doigts de la jeune femme se cramponnent impatiemment au col de la chemise d'Adrien alors qu'elle le tire vers lui, l'exhortant à continuer de la couvrir de baisers, encore, encore, encore.
Étourdis par un déferlement de sensations brûlantes, les deux amants se perdent dans cette étreinte qui les dévore aussi férocement qu'un brasier. Leurs mains avides se glissent sous leurs vêtements, leurs lèvres affamées se pressent fiévreusement contre leurs peaux.
C'est une spirale incandescente dans laquelle ils s'entraînent l'un et l'autre, toujours plus vite, toujours plus fort, sans le moindre espoir ni la moindre envie de retour.
Marinette ondule langoureusement son bassin contre celui d'Adrien, lui arrachant un hoquet étouffé à chaque geste. Elle peut sentir une rigidité ô combien familière presser contre ses hanches et les doigts de son compagnon qui s'enfoncent dans sa chair pour mieux l'accompagner dans cette dance sensuelle.
Une exclamation lui échappe à son tour alors que la bouche d'Adrien se détache de la sienne pour venir explorer sa poitrine. Sa langue court le long de ses courbes, la faisant frissonner depuis la pointe de ses orteils jusqu'à la racine de ses cheveux.
Alors que la température du salon continue d'augmenter de plusieurs degrés, un grognement de frustration s'échappe rapidement des lèvres des deux jeunes gens. Il ne subsiste plus un espace libre entre eux, mais ce n'est toujours pas assez.
Ils veulent se fondre l'un dans l'autre.
Deux corps, deux âmes qui s'entremêlent jusqu'à n'être plus qu'un.
Les gestes de Marinette et d'Adrien gagnent en fébrilité alors qu'ils se débarrassent hâtivement des quelques pièces de tissus qui les séparent encore.
Les doigts d'Adrien tirent sans ménagement sur le pantalon de sa coéquipière, le faisant glisser le long de ses hanches, de ses cuisses, de ses chevilles, avant de l'écarter ensuite d'un coup de pied impatient. À peine le jeune homme s'est-il redressé que les mains de Marinette trouvent à leur tour la boucle de sa ceinture et la dégrafent d'un mouvement sec.
Un soupir de soulagement s'échappe machinalement des lèvres d'Adrien alors que l'ouverture de la fermeture éclair de son jean le libère d'une pression de plus en plus difficilement supportable. Il se débarrasse en toute hâte de ce pantalon devenu trop étroit pour lui et reporte son attention sur Marinette.
Les quelques vêtements qui les gênent encore volent au sol dans l'anarchie la plus totale.
Adrien ne s'écarte que temps de passer protection en toute hâte avant de regagner les bras de sa compagne.
La peau de Marinette a la douceur de la soie et la chaleur d'une flamme.
Les mains d'Adrien viennent épouser sa mâchoire alors qu'il l'embrasse férocement, puis amorcent rapidement leur descente. Elles descendent, descendent, descendent encore, suivant le galbe hypnotisant de la poitrine de la jeune femme et la courbure délicate de sa taille. Elles se glissent derrière son dos, courent le long de ses fesses pour finalement venir s'ancrer fermement derrière ses cuisses.
Une légère flexion de genoux est le seul avertissement qu'Adrien donne à Marinette.
D'un geste fluide, il la soulève du sol et la plaque de nouveau contre le mur.
Et comme à chaque bataille, comme à chaque étreinte, comme toujours, sa Lady le rejoint sans la moindre hésitation. Elle noue ses chevilles autour de ses hanches et enfonce ses talons dans le creux de ses reins pour mieux se raccrocher à lui.
Un ultime mouvement de bassin est tout ce qu'il faut ensuite aux deux amants pour unir enfin leurs corps.
En temps normal, Adrien se serait figé un instant afin de savourer cet instant de communion à nul autre semblable.
Mais « normal » est tout ce que ce jour n'est pas, et jamais le jeune homme n'a été aussi proche du point de rupture. La peur et le désir qui couvent en son cœur s'entredévorent comme des bêtes en furie et le poussent dans une quête frénétique de délivrance.
La patience et le contrôle ne sont plus des options depuis déjà bien longtemps.
Paupières closes, Adrien enfouit son visage dans le creux du cou de Marinette et enfonce ses doigts dans la chair tendres de ses cuisses. Ses hanches se précipitent à la rencontre des siennes, vite, vite, toujours plus vite, rivalisant presque avec le rythme effréné de ses battements de cœur.
Le pouls du jeune homme s'affole de plus belle lorsque les ongles de sa compagne viennent tracer délicatement – mais résolument – le dessin de sa colonne vertébrale.
Il se perd dans les balbutiements incohérents qui cascadent des lèvres de Marinette, dans son parfum envoûtant, dans ses courbes qui épousent son corps à chacun de leurs gestes. Leurs cœurs qui battent désormais à l'unisson résonnent dans leurs cages thoraciques comme le plus beau des chants d'amour, comme la plus éclatante preuve de vie.
Vivants.
Ils sont tous les deux vivants.
Transcendé par cette merveilleuse – miraculeuse - certitude, Adrien accélère instinctivement le rythme.
Jamais il ne s'est senti aussi proche de la combustion spontanée. Ses veines charrient des torrents de lave, une piscine de feu liquide couve au creux de son abdomen, le souffle haché de Marinette lui fait l'effet d'une caresse incandescente sur sa peau.
Mais ce n'est toujours pas assez.
Adrien veut plus de chaleur.
Plus de cette tornade incendiaire qui consume tout sur son passage, plus de ces baisers torrides qui lui font perdre la raison.
Il veut brûler, encore, encore, encore, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui.
Alors qu'une pression familière croît dans son bas-ventre, Adrien relève la tête vers Marinette. Ses pupilles dilatées de plaisir qui assombrissent ses yeux aux couleurs de ciel d'été donnent à son regard une intensité qui le fait frissonner jusqu'au plus profond de ses os.
« A-Adrien... », laisse-t-elle échapper dans un gémissement haletant.
Sa voix essoufflée descend l'épine dorsale d'Adrien avec la même intensité qu'une décharge électrique.
Le jeune homme a l'impression que son cœur implose et explose au même moment. Une onde de plaisir traverse son corps en un éclair, accompagnée d'une décharge de chaleur incandescente qui annihile tout sur son passage.
Il ne reste plus rien.
Plus de pensées.
Plus d'émotions.
Juste un bref et fragile instant de grâce, où rien d'autre n'existe que l'extase la plus absolue.
Marinette et Adrien restent un instant immobiles, figés dans les bras l'un de l'autre.
La réalité s'écrase sur eux à peine une fraction de seconde plus tard alors qu'ils regagnent brutalement leurs corps.
Jamais ils n'ont retrouvé leurs sens avec une pareille violence.
Une brusque sensation de vertige leur fait tourner la tête alors que leurs jambes se dérobent tout à coup sous eux.
Incapables de rester debout plus longtemps, Marinette et Adrien se laissent glisser contre le mur.
Les genoux du jeune homme heurtent le sol dans un bruit sourd lorsqu'ils touchent finalement terre. Tremblant de tous ses membres, il serre Marinette de toutes ses forces contre lui. Les larmes coulent sans discontinuer alors que ses nerfs le lâchent.
Jamais Adrien ne s'est senti aussi perdu.
Il a chaud. Froid.
Ses dents claquent.
Ses poumons brûlent.
Il est vidé de toute énergie. Empli de trop d'émotions. Écartelé entre un sentiment d'immense soulagement et un de profonde détresse.
Il n'arrive plus à penser, n'arrive plus à réfléchir, à parler, à respirer...
Le corps secoué de lourds sanglots, Adrien prend une profonde inspiration pour tenter de reprendre la maîtrise de son souffle.
Et alors qu'il se sent à deux doigts de s'effondrer sur lui-même, une paire de mains, douces et délicates, se glisse autour de ses épaules pour l'aider à tenir bon.
Marinette.
L'amour de sa vie. L'autre moitié de son âme.
Celle qui illumine son existence et qui sait, mieux que quiconque, comment guérir les plaies de son cœur.
Les joues elles aussi humides de larmes, Marinette presse son corps contre le sien. Adrien la sent trembler entre ses bras alors qu'elle l'étreint de toutes ses forces, fort, fort, plus fort encore, dans une promesse muette de ne jamais l'abandonner.
Et, dans le silence de la pièce, elle articule d'une voix étranglée ces mots qu'ils désespéraient de pouvoir prononcer un jour.
« On a gagné, Adrien. On a gagné. »
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