Chapitre 27
Les genoux de Marinette se dérobent sous elle, et ce n'est que grâce à la poigne ferme d'Adrien que la jeune femme évite de s'écrouler au sol. Elle tangue dangereusement, au bord du malaise, et jette un regard éperdu à Gabriel.
Le sang de l'héroïne bat lourdement dans ses tempes alors que la terrible révélation que vient de lui faire son visiteur s'imprime lentement dans son esprit.
Il sait pour son identité secrète ?
Pour celle d'Adrien ?
Et histoire d'ajouter encore un peu plus d'horreur à ces effroyables révélations, il a trouvé ses parents ?
« Tout d'abord, je dois reconnaître que c'était une bonne idée de votre part d'éloigner votre famille de chez vous », reprend Gabriel en braquant sur Marinette un regard aussi perçant que celui d'un oiseau de proie. « Mais les cacher dans un hôtel, sous leur vrai nom ? Je me serais attendu à mieux de votre part », assène-t-il avec un rictus réprobateur.
Visiblement peu perturbé par la détresse de son interlocutrice, le célèbre styliste toise la jeune femme avec sévérité.
« Je tenais à vous prévenir personnellement que je n'ai eu aucun mal à retrouver leur trace », poursuit-il impitoyablement, « et que j'ai envoyé quelqu'un les chercher. »
Le sang de Marinette se glace dans ses veines.
Elle n'est plus qu'un bloc d'horreur et de terreur pure, pétrifiée par une frayeur si abjecte qu'elle en a la nausée. Son corps et son esprit lui semblent soudain à des lieux d'elle-même, et c'est à peine si elle sent les doigts d'Adrien, qui serre avec angoisse sa main dans la sienne.
Seules restent la peur et ces quelques paroles qui lui semblent atrocement lourdes de menace.
Comment Gabriel Agreste a-t-il retrouvé ses parents ?
Et surtout, pourquoi ?
Serait-il... ?
Non.
Non, non, non.
Marinette refuse catégoriquement de croire à cette terrifiante hypothèse qui se forme dans son esprit. Elle ouvre la bouche pour tenter de dire quelque chose, n'importe quoi qui pourrait l'aider à dissiper cette étreinte gelée qui s'est emparée d'elle.
Mais ses mots se coincent dans sa gorge, basculent en arrière et chutent vers l'immense vide où se trouvait auparavant son cœur.
À ses côtés, le teint d'une pâleur cadavérique, Adrien fixe son père avec des yeux exorbités d'horreur. Le choc qu'il éprouve est tel qu'un seul mot le hante, transperçant son esprit comme autant de coups de poignards.
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Il n'est pas sûr de vouloir le savoir.
Est-ce que...
« Pour votre information, j'ai également demandé à Nathalie d'aller chercher Maître Fu », ajoute Gabriel d'un ton sec. « Je pense qu'il est urgent que nous ayons tous une petite discussion et je tiens à ce que ce vieux cachottier soit là lui aussi. »
... Quoi ?
L'horreur et la frayeur s'évanouissent d'un coup, annihilés par un sentiment d'intense stupéfaction. Adrien et Marinette n'auraient pas regardés Gabriel avec un air plus effaré s'il s'était mit à danser la polka devant eux.
Qu'il ait découvert leurs identités secrètes, soit.
Qu'il ait trouvé la cachette des parents de Marinette, admettons.
Qu'il connaisse Maître Fu ?
Clairement, quelque chose leur échappe.
« Que... Maître Fu ? », bredouille Adrien, abasourdi.
« Mais que... Comment ? », bafouille Marinette, peinant tout autant que son coéquipier à retrouver l'usage de ses cordes vocales.
« Plus tard », réplique Gabriel avec un petit geste d'impatience. « Suivez-moi », poursuit-il de ce ton autoritaire qu'Adrien ne lui connaît que trop bien. « Nous poursuivrons cette conversation chez moi. »
Joignant le geste à la parole, Gabriel amorce un mouvement en direction de l'entrée de l'appartement.
Mais pour Marinette, il est des questions qui ne peuvent attendre plus longtemps de réponses et des angoisses qu'elle ne supportera pas de ne pas voir apaisées. Gabriel Agreste peut lui donner tous les ordres qu'il veut, elle ne le suivra pas tant qu'elle ne saura pas exactement ce qu'il est advenu de sa famille.
« Et mes parents ? », lui demande-t-elle d'une voix blanche, sans esquisser ne serait-ce qu'un geste pour obéir à son visiteur. « Est-ce qu'ils vont bien ? »
Gabriel s'arrête et lui jette un bref coup d'œil, visiblement irrité par cette nouvelle interruption. Mais alors que Marinette le défie du regard, poings serrés et lèvres tremblantes, il laisse échapper un léger soupir en signe de reddition.
« Ils sont en sécurité », la rassure-t-il brièvement. « J'ai demandé à l'ancien garde du corps d'Adrien de s'occuper d'eux, il les emmène chez moi à l'instant même où nous parlons. »
Alors que Gabriel tourne de nouveau les talons, Adrien ne peut s'empêcher, à son tour, de tenter d'obtenir un embryon de réponse.
Il sait pourtant que rien ne peut forcer son père à parler lorsque ce dernier a décidé de se murer dans le mutisme, mais c'est plus fort que lui. Trop de questions se bousculent dans sa gorge, poussant ses mots hors de ses lèvres avant que son cerveau ne puisse les retenir.
« Mais comment est-ce... » commence-t-il, avant que Gabriel ne l'interrompe d'un geste de la main.
« Nous avons assez perdu de temps », le coupe-t-il sèchement. « Vous pourrez m'interroger autant que vous souhaitez en temps voulu. Mais pour l'instant, en route », conclut-il d'un ton sans réplique.
Mille interrogations dans les yeux, Adrien et Marinette échangent un bref regard. Ni l'un ni l'autre n'apprécient de se trouver propulsés au milieu d'une partie dont les règles leurs échappent.
Mais leurs réponses se trouvent entre les mains de Gabriel Agreste, ils le savent.
Alors, celant leur accord d'un bref hochement de tête, ils se mettent en route à la suite du célèbre styliste.
Le trajet en voiture se déroule dans un silence pesant alors que ni Marinette ni Adrien n'osent troubler le mutisme stoïque de Gabriel Agreste, assit aux côtés de son chauffeur personnel.
Les nerfs à fleur de peau, la jeune femme serre compulsivement les doigts de son compagnon entre les siens.
Jamais elle ne s'est sentie aussi perdue de toute sa vie.
Son monde a volé en éclats sous le choc des révélations successives de Gabriel Agreste, la laissant dans un tel état de stupeur qu'elle ignore si elle réussira un jour à en recoller les morceaux. Ses certitudes s'effondrent et ses émotions s'écroulent et s'entremêlent dans le chaos le plus total.
L'estomac noué par un profond sentiment de malaise, Marinette regarde sans réellement les voir ces rues familières qui défilent devant ses yeux. Il y a tellement, tellement de questions qui tournent et tournent sous son crâne qu'elle en a le vertige.
Comment Gabriel a-t-il découvert son secret et celui d'Adrien ?
Que leur veut-il ? Dans quel but ?
Quel lien a-t-il avec Maître Fu ?
Pourquoi a-t-il décidé d'impliquer ses parents ?
Elle l'ignore.
Ce qu'elle sait, en revanche, c'est que la liste des personnes au courant de son identité secrète s'allonge beaucoup trop pour son propre confort. Le fait que la double vie d'Adrien ait elle aussi été compromise n'aide en rien Marinette à lutter contre cette peur immonde qui s'est glissée sous sa peau, et c'est avec une angoisse renouvelée qu'elle serre un peu plus la main de son coéquipier dans la sienne.
Pourvu que tout aille bien, se répète-t-elle comme une prière.
Pourvu que tout aille bien.
Une fois arrivés à destination, les deux jeunes gens suivent Gabriel à l'intérieur de son domicile.
Adrien traverse le hall avec la dérangeante impression d'être un étranger dans sa propre demeure.
Certes, il n'habite plus ici depuis déjà plusieurs mois, mais cet endroit reste malgré tout sa maison d'enfance. Ce bâtiment est empli d'années et d'années de souvenirs et ces dalles sur lesquelles il avance à présent ont vu passer des milliers de ses pas.
Pourtant, il lui semble à présent que c'est la première fois qu'il découvre cet escalier de marbre blanc. Ces pièces gigantesques, plus dignes des locaux d'une entreprise que d'une maison familiale.
Et cet homme, qui porte le visage de son père mais qui lui semble désormais être un parfait inconnu.
Visiblement peu perturbé par le regard intense que son fils braque sur lui, Gabriel guide ses visiteurs vers son salon – salon qu'Adrien pourrait redessiner les yeux fermés mais qui, comme le reste de la maison, lui semble appartenir aujourd'hui à une sorte d'étrange dimension parallèle.
Rien n'a changé, et pourtant, tout est différent.
De plus en plus mal à l'aise, Adrien et Marinette prennent place sur un large canapé qui trône dans un coin de la pièce. L'atmosphère leur semble aussi tendue qu'un élastique prêt à rompre d'un coup sec et l'air leur paraît si épais qu'ils ne respirent que difficilement.
Alors que l'ambiance s'appesantit de plus en plus, alourdie par le silence obstiné de Gabriel, la porte du salon s'ouvre soudain pour laisser entrer plusieurs silhouettes familières.
Celle du Gorille, d'abord.
Puis celles de Tom et Sabine, ensuite.
« Papa ! Maman ! », s'exclame Marinette d'une voix étranglée.
Faisant fi des convenances, la jeune femme bondit du canapé et se précipite à toutes jambes vers ses parents pour se jeter dans leurs bras. Alors qu'elle les serre de toutes ses forces contre elle, elle sent déferler sur elle une vague de soulagement si intense qu'elle pousse des larmes de joie hors de ses yeux.
Ses parents sont là.
En vie.
En bonne santé.
C'est la première fois que Marinette les retrouve depuis ces terribles évènements qui l'ont poussée à leur dévoiler sa double identité, et c'est seulement maintenant qu'elle réalise à quel point elle avait besoin de les revoir. Les messages et les téléphones ne sont que peu de choses en comparaison du fait de pouvoir constater de ses propres yeux que oui, en dépit des récents drames qui ont bouleversé son existence, ses parents adorés vont bien.
Marinette sent la chaleur de leurs bras autour de ses épaules et de leurs sourires au creux de son cœur, l'enveloppant dans ce cocon d'amour familial qui lui avait tant manqué.
Dans un vaillant effort pour ne pas fondre en sanglots, Marinette déglutit péniblement pour tenter de déloger la boule qui s'est installée au fond de sa gorge, serre une dernière fois ses parents dans ses bras et s'écarte légèrement d'eux.
Ses yeux sont brillants de larmes, les leurs aussi, mais peu importe.
Ils vont bien.
C'est tout ce qui compte.
Alors que Marinette tente de se remettre comme elle peut de cette soudaine déferlante d'émotions, Tom et Sabine se tournent vers Gabriel et le saluent aimablement. Un immense sourire éclaire ensuite leurs visages lorsqu'ils aperçoivent Adrien, toujours assis sur le canapé où se trouvait auparavant leur fille.
« Adrien, mon garçon ! », s'exclame joyeusement Tom. « Ça faisait longtemps ! C'est un plaisir de te revoir. »
Joignant le geste à la parole, il s'approche du mannequin d'un pas vif et le comprime dans une étreinte digne de celle d'un ours. À peine le relâche-t-il que Sabine s'approche à son tour. Elle pose ses mains sur ses épaules, se dresse sur la pointe des pieds et le gratifie d'une bise affectueuse sur chaque joue.
« Oulà, tu as encore grandi depuis la dernière fois que je t'ai vu », lui fait elle remarquer avec un sourire chaleureux. « Entre toi et Nino, j'ai l'impression que vous vous transformez tous en géants. »
« Je ne suis pas si grand que ça », réplique doucement Adrien en souriant à son tour.
Un léger toussotement attire soudain leur attention.
Visiblement peu enclin à laisser ces retrouvailles s'éterniser éternellement, Gabriel s'avance vers le centre de la pièce. Mains derrière le dos, il promène son regard acéré sur ses invités.
« Bien », commence-t-il d'une voix posée. « En attendant l'arrivée de mon assistante, je vous propose de mettre tout de suite un point au clair. »
L'atmosphère qui s'était allégée avec l'arrivée des parents de Marinette se tend de nouveau, et la jeune héroïne sent un frisson d'appréhension traverser sa colonne vertébrale lorsque les yeux de Gabriel se posent brièvement sur elle avant de s'arrêter sur ses parents.
« Toutes les personnes ici présentes savent que votre fille est Ladybug », leur annonce-t-il sans autre forme de préambule.
Adrien jette un regard surpris au Gorille, qui hoche silencieusement la tête en signe d'assentiment.
Debout aux côtés de son partenaire, Marinette se fige. Elle a beau ne rien découvrir de nouveau, la soudaine annonce de Gabriel lui laisse un goût désagréable sur la langue et le voir discuter avec autant de flegme de son plus précieux secret lui hérisse autant les nerfs que si ces derniers avaient été passés au papier de verre.
Ce n'est pas normal. Rien de tout ceci n'est normal.
L'expression aimable qui peignait jusque-là les traits de Tom et Sabine s'efface devant les quelques mots de Gabriel, remplacée par un profond mélange d'inquiétude et de défiance. Alors que les parents de Marinette s'avancent machinalement d'un pas pour s'interposer entre leur hôte et leur fille, le styliste lève la main en signe d'apaisement.
« Je ne suis pas là pour lui faire du mal, pas plus qu'à vous », leur affirme-t-il aussitôt. « Nous sommes tous dans le même camp », poursuit-il alors que Marinette et Adrien lui jettent un regard où là surprise se dispute à l'incrédulité.
Mais que se passe-t-il ?
« Si vous ne nous voulez pas de mal, alors, qu'est-ce que vous voulez ? », l'interroge Sabine d'une voix suspicieuse.
« J'ai... un intérêt personnel dans cette affaire », élude Gabriel avec un haussement d'épaules presque imperceptible. « Vous êtes tous les deux une faiblesse pour Ladybug. Un moyen de pression », continue-t-il avec sévérité, tout en plongeant tour à tour son regard dans celui des parents de la jeune femme. « C'est un risque que je ne veux pas courir. Et donc, je vous offre ma protection », conclut-il à la surprise générale.
Stupéfaits, Adrien et Marinette fixent Gabriel avec des yeux ronds comme des soucoupes.
Jamais ils n'auraient imaginé que la situation prenne une pareille tournure.
« Votre... protection ? », répète Tom, tout aussi sidéré que les deux jeunes gens.
« Un intérêt personnel », relève quant à elle Sabine. « Quel intérêt personnel ? »
« Cela ne vous regarde pas », rétorque Gabriel d'un ton sec.
Les lèvres pincées en signe de désapprobation, le célèbre styliste relève légèrement le menton, comme pour défier quiconque de chercher à lui arracher plus d'informations. Que ce soit la tension rigide de ses épaules ou son air fermé, rien en lui n'offre prise à la moindre tentative de discussion.
Mais à défaut de pouvoir affirmer qu'il connaît réellement son père (ce qui est manifestement très, très loin d'être le cas à la lueur des récents évènements), Adrien n'en est pas moins passé maître dans l'art de chercher à lire l'ombre d'une émotion sur ses traits sévères.
Le coup d'œil que Gabriel lui jette est furtif, presque indiscernable.
Mais Adrien le surprend malgré tout.
Et soudain, la lumière se fait dans son esprit.
« Je suis Chat Noir », lâche-t-il machinalement.
Ignorant aussi bien l'expression de stupeur réprobatrice qui se peint aussitôt sur le visage de son père que le hoquet étonné qui échappe à Tom et Sabine, Adrien braque un regard intense sur son illustre géniteur.
« C'est bien ça, Père ? », insiste-t-il d'une voix tendue. « Je suis Chat Noir », poursuit-il en posant machinalement sa main à plat contre son torse, « et Marinette connaît mon identité. Vous avez peur que le Papillon trouve ses parents et qu'il la face chanter ? Qu'il lui ordonne de lui dévoiler mon secret en échange de leurs vies ? »
Le cœur d'Adrien bat lourdement dans ses tempes, marquant la mesure de cette gigantesque bouffée d'émotion qui s'empare de lui pour comprimer sa poitrine et lui serrer la gorge.
Il ose à peine y croire.
Après tant d'années de doutes et de déceptions, tant de nuits sans sommeil à se demander si cet amour paternel ne serait pas condamné à lui glisser éternellement entre les doigts, il se découvre un père n'hésitant pas à intervenir dans une guerre opposant héros et vilains... pour lui ?
Face à lui, Gabriel reste muré dans un silence sévère. Mais peu importe. Le rictus fugace qui échappe à son contrôle de fer pour venir tordre légèrement ses lèvres et le tressautement involontaire de sa paupière sont des réponses suffisantes pour Adrien.
Son père s'inquiète pour lui.
Rien de plus simple.
Et, au vu de la personnalité tourmentée de cet homme, rien de plus complexe aussi.
« Chat Noir ? », intervient soudain une voix abasourdie.
Celle de Tom, qui fixe le jeune mannequin comme s'il le découvrait pour toute la première fois.
Adrien a tout juste le temps de se tourner vers Tom qu'il se trouve de nouveau emprisonné dans une étreinte d'une force colossale, qui chasse tout l'air de ses poumons. Pendant une brève et terrifiante seconde, le glorieux héros de Paris se demande s'il ne va pas mourir étouffé.
Ou écrasé.
Ou les deux à la fois.
Ses pieds décollent du sol alors que le père de Marinette le serre encore un peu plus fort contre lui, avant que ce dernier ne desserre finalement légèrement son étreinte. Les semelles d'Adrien retrouvent enfin la terre ferme, à l'instant même où Sabine s'invite pour l'entourer à son tour de ses bras.
« Marinette ne s'en serait jamais sortie sans toi », lui glisse-t-elle à l'oreille d'une voix émue, tandis que Tom lui murmure des remerciements éperdus. « Merci pour tout ce que tu fais pour elle, et merci pour tout ce que tu fais pour nous. Merci. Et bravo. Nous sommes fiers de toi. »
Profondément touché par la réaction des parents de Marinette, Adrien les serre à son tour dans ses bras. Il reste ainsi quelques secondes, les yeux embués d'émotion, avant de se dégager doucement de leur étreinte.
À peine Marinette et lui se sont-ils rassis sur leur canapé que le son d'un coup sec frappé à l'entrée du salon s'élève soudain dans la pièce.
« Monsieur ? », lance Nathalie en passant la tête par l'encadrement de la porte. « Le Grand Gardien est arrivé. »
« Bien, bien », approuve Gabriel avec un bref signe de la main. « Faites-le entrer. »
Suivant les instructions de son employeur, Nathalie ouvre la porte en grand et, d'un geste, invite Maître Fu à pénétrer dans le salon.
Le vieil homme s'exécute sans hésiter. Il s'avance, l'air complètement à l'aise, sous le regard abasourdi d'Adrien et Marinette. Certes, Gabriel leur avait bel et bien annoncé avoir convié Maître Fu à cette étrange réunion, mais jusque-là, ils peinaient encore à y croire.
Voir le Grand Gardien déambuler tranquillement dans le salon de Gabriel Agreste leur paraît ridiculement incongru. Démentiellement absurde.
Mais pourtant leurs yeux ne leur mentent pas, ils le savent.
Et bien que leurs esprits se cabrent à l'idée d'être encore plus surpris, ils ne doutent pas un instant qu'ils ne contemplent là que la partie émergée d'un insondable iceberg.
« Marinette, Adrien ! », s'exclame joyeusement le Grand Gardien en apercevant ses deux protégés. « Je suis ravi de vous voir. Et vous devez être les parents de Marinette ? », poursuit-il en s'approchant de Tom et Sabine pour leur serrer la main. « Je suis Maître Fu. C'est un plaisir de vous rencontrer. »
Le couple balbutie des salutations perplexes tandis que, visiblement exaspéré par l'attitude nonchalante de son visiteur, Gabriel fusille ce dernier du regard.
« Inutile de s'attarder plus longtemps sur les présentations », le coupe-t-il sèchement. « Nous avons assez perdu de temps en bavardages inutiles. »
« Ah, Gabriel... », sourit Maître Fu, visiblement nullement froissé par cette interruption. « Tu es toujours aussi strict. »
« Et vous, toujours aussi doué pour détourner les conversations des sujets que vous voulez éviter », rétorque le styliste d'un ton acide.
« Je ne suis pas certain que tu puisses me faire de reproche en la matière », souligne le vieil homme avec une lueur malicieuse dans le regard.
Alors que Gabriel se retient manifestement de répondre vertement au Grand Gardien, Marinette et Adrien suivent l'échange sans réussir à y croire.
Cette fois, c'est sûr.
Ils ont été catapultés à leur insu dans une dimension parallèle.
C'est la seule raison possible qui expliquerait qu'ils soient en train de voir Gabriel Agreste en train de se chamailler avec Maître Fu.
Ça ou une subite crise de démence, mais ils ne sont pas certains de vouloir considérer sérieusement cette option.
« Donc vous... Vous vous connaissez ? », lâche machinalement Adrien, incapable de rester plus longtemps silencieux quand tant de questions hurlent si fort sous son crâne. « Mais comment ? Pourquoi ? »
« Et pourquoi est-ce que vous nous avez tous faits venir ici ? », renchérit Marinette, échouant à son tour à contenir le flot de paroles qui bouillonnait jusque-là derrière ses lèvres. « Est-ce que... »
« Du calme ! », leur intime Gabriel en levant la main d'un geste autoritaire.
Alors que le silence se fait dans la pièce, le père d'Adrien pose brièvement le regard sur Tom et Sabine.
« Je ne pensais pas que nous serions aussi nombreux à assister à cette entrevue, mais... soit », lâche-t-il avec une certaine amertume. « Au point où en sont les choses, je vais tout vous raconter. »
Le silence qui s'installe tout à coup dans la pièce est tel qu'Adrien et Marinette ont le sentiment de pouvoir entendre leur propre sang pulser dans leurs veines. Tous deux fixent Gabriel avec avidité, comme s'il s'apprêtait à leur révéler soudainement tous les secrets de l'univers.
Ce qui est le cas, quelque part.
Visiblement peu perturbé par le poids de leurs regards, le célèbre styliste tourne la tête vers eux pour plonger ses yeux bleu gris dans les leurs.
« Reprenons depuis le début », commence-t-il avec un flegme déconcertant. « Vous n'êtes pas les premiers héros que Maître Fu recrute pour protéger Paris. Il y en a eu d'autres avant vous, il y a des années de ça, agissant dans l'ombre pour le bien des innocents », lance-t-il aux deux jeunes gens. « Et j'en faisais partie », précise-t-il à la plus grande stupéfaction d'une partie de son auditoire. « C'est ainsi que j'ai été amené à faire la connaissance du Grand Gardien. »
Alors qu'Adrien et Marinette le dévisagent sans réussir à en croire leurs oreilles, yeux exorbités d'étonnement et bouches légèrement entrouvertes, Gabriel continue de dérouler calmement son récit.
« Nous étions deux, au départ », poursuit-il sans ciller. « J'étais le porteur du miraculous du Paon et je faisais équipe avec celui du Renard. »
Le regard d'Adrien court sur les traits de Gabriel, tentant désespérément de concilier l'image de cet homme rigide et sévère avec celui d'un héros possesseur d'un fabuleux bijou magique.
Mais en vain.
Le choc est trop grand, la découverte trop absurde pour que son esprit au bord de l'explosion ne réussisse à assimiler l'information.
Son propre père, porteur d'un miraculous ?
Il ne peut y croire.
« Nous étions deux », reprend Gabriel, « jusqu'à ce que le Grand Gardien ne décide de compléter notre équipe en confiant le miraculous du Papillon à une personne qu'il jugeait digne de cette tâche. »
« Le Papillon ? », s'exclament Marinette et Adrien en sursautant aussi vivement que si elle avait été traversée par une décharge électrique.
Bouleversés par cette soudaine révélation, les deux coéquipiers échangent un regard effaré.
Le Papillon aurait récupéré son miraculous directement des mains de Maître Fu ?
« Le Papillon ? », répète Adrien d'une voix blanche. « Mais que... Qui... ? »
Pour la première fois depuis le début de son récit, la carapace d'impassibilité de Gabriel se fissure.
Regrets, chagrin, douleur se faufilent à travers les failles de cette impossible muraille derrière laquelle il dissimule d'ordinaire la moindre émotion, laissant transparaître sur son visage des ombres qu'Adrien n'a que rarement vues. Il pousse un profond soupir, regard rivé au sol, puis relève les yeux pour les plonger dans ceux d'Adrien.
« Ta mère. »
_____
Note :
Donc vous l'aurez certainement compris, ici, mon Papillon n'est pas Gabriel ^^ . Comme je l'ai dit dans le chapitre 1, j'ai imaginé cette histoire quand il n'y avait que la saison 1 de sortie. L'une des hypothèses les plus populaires concernant l'identité du Papillon était qu'il soit Gabriel Agreste (à juste titre :D ), du coup j'avais envie d'imaginer d'autres possibilités :)
Je profite également de cette note pour préciser qu'il est possible que mon rythme de publication ralentisse un peu dans les temps qui viennent, j'ai moins de temps pour écrire ces temps-ci et j'aurai peut-être du mal à maintenir un rythme d'un chapitre par semaine. Du coup, il est possible qu'il y ait parfois des week-end sans chapitres, même si j'essayerai quand même de ne pas laisser passer plus de 2 semaines sans rien poster.
J'espère que ce chapitre vous aura plu, c'est un petit moment de stress pour moi parce qu'on touche quand même à un de mes principaux rebondissements scénaristiques :') . Je ne vous en dit pas plus parce que vous aurez plus d'infos dans le prochain chapitre, mais j'ai hâte d'avoir vos retours sur cette partie de l'histoire !!
A bientôt !
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