Chapitre 20.3

Nous étions retournés dans la salle adjacente avec Elie, afin de retrouver tout le monde. Lorsque nous entrâmes, nous vîmes directement Eirik et Amalie, assis sur le canapé l'un contre l'autre, en train de se parler dans le creux de l'oreille. Leurs mains étaient jointes sur les jambes de l'oméga et on sentait à quel point ce dernier était présent pour sa compagne. Il la dévorait des yeux, écoutait chacune de ses paroles avec dévotion. Même son aura, chaude et chaleureuse, s'entourait autour d'elle à la manière d'un cocon. Amalie quant à elle... Même si elle était réservée, elle le lui rendait bien. Elle captait chacun de ses soupirs, chacun de ses rires et ne pouvait se retenir de le toucher. Ses cheveux, ses épaules, son torse, ses cuisses... Il avait également toute son attention.

Cette scène était intime. Elle démontrait l'ampleur du lien qu'ils avaient. Et à les voir agir comme si le monde autour d'eux n'existait pas était aussi beau qu'effrayant.

Je détournai le regard, un peu mal à l'aise et tombai sur Elisabeth Jones. Mes yeux la captèrent peut être quelques secondes de trop avant de se poser sur Elyas Donovan, le sorcier. Tout comme Eirik et Amalie, il avait l'air d'être ailleurs. Ses doigts, légèrement bleutés, traçaient des figures complexes dans les airs alors qu'il murmurait dans un dialecte que je ne connaissais pas mais dont les consonances lui donnaient un timbre tantôt chantant, tantôt rocailleux. Peut-être mêlait-il 2 langues ?

Quoiqu'il en soit, depuis la première fois depuis que je connaissais le sorcier, son visage était empreint de gravité. Son expression était profonde. On sentait à quel point ce qu'il faisait était minutieux, et à quel point cela demandait de la concentration. Il ne releva même pas la tête à notre entrée, tout comme le couple assis sur le canapé. Il semblait comme en transe, impossible à réveiller.

Puisque tout le monde semblait occupé, je me dirigeai vers un fauteuil du salon, frôlant la main d'Eli au passage. Je m'affalai dessus, soudain fatigué. Mes émotions jouaient au yo-yo depuis que j'étais ici. Et ça m'épuisait. J'avais envie de rentrer, de retrouver Billy et Jihad. J'avais envie que nous nous retrouvions tous ensemble lors d'une soirée. Que Billy se plaigne à Jihad, que celui-ci rouspète, qu'il finisse par nous foutre dehors avec Peterson parce que nous aurions trop fait les abrutis...

J'avais envie de les revoir. Maintenant. C'était presque viscéral. Mais si cela pouvait s'arranger pour Billy, pour Jihad, c'était une autre affaire.

3 ans. Cela ferait 3 longues années dans 1 mois. Il me manquait. Nous avions grandis ensemble, fais toutes nos missions ensembles. Nous avions habités tous les trois, dormis dans le même lit quelques fois, allions en soirées ensemble, faisions les courses ensemble et Dieu sait à quel point cela avait été compliqué, nous avions également été unis lors de nos missions, nous soutenant les uns les autres... Nous avions tout fait ensemble. Tout.

Et sa disparition avait été aussi rapide que soudaine, laissant un vide immense, impossible à combler. Evidemment que nous savions, avec Billy, où il était. Nous lui rendions visite quelques fois également mais... Il n'était plus là. Ce corps faible dans cet hôpital... Ce n'était pas lui. Ne le serait jamais.


     -C'est tout bon les enfants ! Cria soudainement le sorcier en claquant dans ses mains.


Si soudainement que je sursautai légèrement. Je m'étais tellement perdu dans mes pensées que je m'étais légèrement déconnecté. Le regard soucieux d'Elisabeth m'examina, et je lui souris brièvement pour la rassurer avant de me relever.


     -Qu'est-ce qui est bon ? Demandai-je à Elyas Donovan.

     -On nous cherchait, répondit-il. Je refaisais chacun des sorts de camouflage, et tout est bon.


Son expression se modifia rapidement en quelque chose de plus malicieux. Les yeux pétillants, il continua :


       -Mais évidemment, si vous ne faisiez pas ce que vous faisiez avec Elisabeth à côté, vous l'auriez su, termina-t-il d'un air goguenard.


Je continuai de regarder le sorcier, un peu blasé. Elie, quant à elle, avait légèrement rougi mais... J'en avais vu bien d'autres, et les remarques d'Elyas me passaient par-dessus la tête.

Le sorcier fit la moue, un peu déçu de ne pas avoir fait mouche avant de se reprendre et d'afficher un air neutre lorsqu'Elisabeth s'avança vers nous, prête à parler.


     -Bon, commença-t-elle. Damian va officiellement nous aider à partir d'aujourd'hui.


Je n'avais pas vraiment donné mon accord mais c'était tout comme. Elle avait compris, sans que je n'aie besoin de dire quoique ce soit, la situation dans laquelle j'étais. Dans laquelle nous étions. La rage allait nous consumer, et il nous fallait un coupable. Rapidement.

Elie ne s'en rendait pas compte mais... La Folie la guettait. Tout comme elle m'attendait. Le contrôle sur nos loups commençait à s'effriter, rendant cette situation d'autant plus dangereuse. Si on laissait les choses s'écouler sans même essayer de les contrôler, l'équilibre serait brisé. Et il ne resterait rien de nous.

C'était là. Tenu, léger mais... Je commençais à sentir à quel point nous commencions à devenir vulnérables. À quel point l'aura d'Eli commençait à être fade, presque malade. Et j'étais certain que la mienne devait être dans un état similaire.

Ce sentiment de malaise, d'oppression, de doute, de colère dans lequel nous baignions... Il ne ferait que s'accentuer, nous poussant doucement vers la frénésie. Il fallait agir. Maintenant.


     -Nous savons que la personne derrière tout cela agit pour le moment à Mørk Dal, reprit Elisabeth. Hylende et Urskog sont sous contrôle. Mais, continua-t-elle, nous avons eu d'autres contacts, d'autres villages, qui déplorent a disparition de sorciers. C'est le cas de Fjell et de Hellig. Visiblement, la personne derrière tout cela attaque d'abord des petites villes voire des villages, suffisamment éloignés pour que des disparitions n'inquiètent pas grand monde. De cette façon, les gardiens de l'Equilibre s'affaiblissent. Le travail a donc déjà commencé, termina-t-elle.


Je fronçais les sourcils, assez inquiet. La personne derrière tout cela était loin d'être stupide. Très loin même. Commencer un premier travail sur les petits villages était ingénieux. De cette façon, les loups commençaient à être pervertit, les sorciers à être éliminés. Ce sont des opérations qui prennent du temps. Les commencer dans des villages ou des petites villes, loin de tout, permettait justement de pouvoir mener cette opération à bien sans être trop embêté par des fouineurs, d'affaiblir l'ennemi, et de l'attaquer soudainement, quand tous les loups des petits villages arriveraient dans des villes plus grandes.

Deux pairs de sorciers était déjà mortes. Et tout cela ne concernait que les alentours de Mørk Dal. Combien de sorciers avaient déjà été tués ? En Norvège ? Cette personne n'agissait-elle qu'en Norvège, ou bien plus loin encore ?

Je dû pensé tout haut car le sorcier me répondit :


     -Il n'y a pas que la Norvège.


Je haussai un sourcil à son encontre, désirant en savoir plus. N'était-ce que ce qu'il avait à nous dire ?

Le sorcier soupira avant de reprendre.


     -Presque la totalité des pays d'Europe est touchée. Mais cette tuerie n'a pour le moment pas atteint d'autres zones.


Je déglutis. C'était énorme. Comment avons-nous pu passer à côté bon sang ?


     -Que des villages ? Demandai-je.

     -Que des villages, acquiesça-t-il.

Nous n'en étions donc qu'au début. Mais la transition allait être rapide. Meurtrière. Il nous fallait agir vite.


     -Ne t'en fais pas petit loup, il y a plusieurs clés.


Je me retournai vers le sorcier, conscient cette fois-ci que je n'avais pas parlé. Était-il capable de lire les esprits ? Il était si vieux que ça ne m'étonnerait pas. Pour toute réponse, il me fit un clin d'œil, un air mutin sur le visage. Visiblement, il tenait à ses secrets.


     -Plusieurs clés ? Demanda Amalie.


Elyas Donovan ne répondit pas. Il changea simplement de position, repliant son pied gauche contre sa cuisse tout en laissant tomber sa jambe droite dans le vide. Son regard noir se fit soudain abyssal. La magie éclata dans l'air, sombre et inquiétante avant que son visage ne redevienne neutre.

Amalie, soudain blême, se tourna vers son compagnon et glissa son visage dans son cou, visiblement secouée. Je grimaçai. Je ne savais pas ce que le sorcier venait de lui faire. Ne voulais pas le savoir.

Elyas Donovan était un vieux sorcier. Mais il ne fallait pas oublié qu'il était duel. Qu'il contenait autant de bienveillance que de cruauté. Sa part de noirceur était morte et l'équilibre l'avait forcé à l'intégrer, de sorte qu'ils ne fassent plus qu'un. Et si le sorcier blanc voulait visiblement nous aider, le noir n'était jamais bien loin, rôdant et punissant dès qu'il le souhaitait.

Il ne fallait pas oublier cet état de fait. Jamais.

Le rappel que nous avions eu devait servir de leçon.


     -Bien, soupirai-je. Nous avons des suspects ?


Elie grimaça, ce qui en disait long. Je soufflai avant de basculer la tête en arrière. Pas de suspects donc. Même si Mørk Dal n'était pas bien grand, enquêter sur pas loin de 1000 personnes, sans se faire repérer, et en étant seulement quatre, cinq sur le sorcier voulait bien s'amuser, était pratiquement impossible.

N'avions-nous vraiment aucun indice ?


     -Il s'agit d'une femme, déclara Elyas Donovan.

     -Comment le sais-tu ? Lui demandai-je.

     -J'ai mes petits secrets, mon petit Hauge, roucoula-t-il.


Je ne répondis pas, ne tenant pas à le titiller.

Il s'agissait donc d'une femme. D'après ce que j'avais pu voir, il y avait légèrement plus d'hommes que de femmes. Cela réduisait la liste des suspects à environ quatre cents. Ça restait énorme, mais ça me paraissait bien plus faisable.

Je me levai soudainement, conscient que rester ici ne nous amènerait rien de plus. Nous n'avions aucune piste. Alors à nous de la trouver. À nous de la débusquer.

Et pour cela, Billy serait mon meilleur allié.

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