Chapitre 11.2
Il était 23h20. Tous les clients étaient partis et nous venions de nettoyer rapidement la salle. Pourtant la fille de David Jones passait et repassait le balai au même endroit. Elle essayait de gagner du temps, de retarder la confrontation. Les louveteaux l'attendaient certainement dehors et pour une raison que je ne comprenais pas, elle ne voulait pas y aller. Elle était fille d'alphas. Elle était puissante et personne ne pouvait le contester. Ce n'est certainement pas quatre gamins qui allaient lui faire peur. Alors quoi ? Qu'est-ce qui l'empêchait d'aller leur mettre la raclée de leur vie ?
-Tu viens Elie ?
-Non, j'ai encore quelques petites choses à faire. Mais vas-y-toi.
Non seulement elle n'avait pas relevé le surnom, mais elle était également hésitante. Ce n'était pas normal. Pourtant je fis comme si de rien était et pris mes affaires.
-Très bien. A demain alors.
Mon sac sur le dos, je partis vers la porte de derrière sans me retourner. Je n'en avais pas besoin. Je savais exactement quelle expression Elisabeth devait avoir. Le regard lointain, les mains blanches à force de trop serrer le balai et ses lèvres malmenées par ses dents. Je ne reconnaissais pas cette femme. La fille de David Jones était tout sauf faible. Elle avait du caractère et savait distribuer des branlées. Elle regardait droit devant elle et n'hésitait pas à vous défier. Là... Là elle avait peur. Mais de quoi ? Des répercussions ? Encore une fois, je ne comprenais pas. Tous ceux présents ce soir avaient vu ce qu'il s'était passé. Elle n'aurait pas de punition, d'autant plus qu'elle était fille d'alphas. Elle était protégée de par son statut.
Je soupirai avant de mettre la main sur la poignée. Il fallait que j'arrête de penser à ça. J'avais autre chose à faire ce soir. Une chose qui requérait toute mon attention.
Je pris le temps de faire le vide de mon esprit. De ne penser à rien d'autre qu'à ce qui m'attendait derrière cette porte. J'affutais mes sens et commençais à libérer mon loup qui trépignait d'impatience derrière ses barreaux. Sa soif de sang ne s'était pas tarie au cours de la soirée, loin de là. Et j'allais lui donner exactement ce qu'il voulait.
J'ouvris finalement la porte et le froid s'engouffra dans chacun de mes membres. Je respirai profondément l'air frais avant de tourner la tête vers la gauche, là où trois personnes attendaient.
Bingo.
Trois des quatre louveteaux se trouvaient devant moi. Il y avait Jonas et les deux qui s'étaient disputés la bouteille. Le quatrième, pas si con que ça finalement, avait dû rentrer chez lui ou refuser de participer à ce que le fils du bêta voulait faire. J'avais vu ses yeux la déshabiller, observer la moindre des courbes d'Elisabeth sans vergogne. Ces loups ne lui rendaient pas une visite de courtoisie. Ils lui réservaient quelque chose de plus... musclé. Rien que d'imaginer ce qu'ils pourraient faire...
Mes poings se serrèrent convulsivement alors que les muscles de ma mâchoire tressautèrent dangereusement.
Reste calme. Et rappelle-toi.
-Vous voyez la cible Mr. Stevens ?
-Oui monsieur.
-Quelles sont les trois choses à faire ?
-La verrouiller, la suivre, la tuer.
L'inspecteur se mit à rire. Ce n'était pas quelque chose de mélodieux. Non, c'était le genre de rire froid, sans émotions, sans... âme. Le rire que tout le monde avait ici. Il n'y avait rien de joyeux. Nous étions élevés dans le but de tuer. Les sentiments n'avaient aucune place dans ce genre de monde.
-Avant ça Mr. Stevens.
Je me mis à réfléchir. Trop longuement, les cinq secondes venaient de s'écouler. Son poing percuta ma joue et je reculai sous l'impact. Avant que je n'aie le temps de faire quoique ce soit, ses bras se resserrent autour de mon torse et de ma gorge. Dos à lui je ne pouvais rien faire. Je sentis sa tête s'approcher, jusqu'à ce que sa joue touche la mienne.
-Vois-tu Damian, lorsque l'on rencontre une cible à abattre, il faut d'abord évaluer les dangers potentiels. Quels sont-ils ?
-Vérifier que la cible est seule, qu'elle ne pourra recevoir aucune aide extérieure, quelle qu'elle soit. Aucun objet qu'elle pourrait utiliser ne doit se trouver dans les parages.
-Bien. Que fais-tu après ?
Ma gorge fut comprimée davantage, de sorte que seul un filet d'air pouvait passer. Je n'en montrais rien.
-Il faut ensuite évaluer la cible elle-même. La sous-estimer entraîne l'échec de la mission. Puis on la verrouille.
-Excellent. Et que dois-tu faire en cas de doute ?
-Me rappeler mes motivations.
J'avais toutes les informations nécessaires. Personne à l'horizon et je connaissais le niveau de ces trois-là. Celui qui me donnerait du fil à retordre serait Jonas. Je devrais donc m'en occuper en premier. Mais il fallait que je dégage de là. Elisabeth Jones ne tarderait pas à sortir.
-Vous attendez quelqu'un ?
-Passe ton chemin loup, ça ne te regarde pas, me répondit hargneusement Jonas.
-Je crois que si au contraire.
Les deux du fond se regardèrent alors que le fils de Nicolas Jonhanson s'approchait de moi à grandes enjambées, poings serrés.
Ça tombe bien, moi aussi j'ai envie de le frapper.
-Arrête Joe, c'est un employé.
-Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre ? Il ne travaille plus là. Je ne serais pas puni si jamais je l'abîme un peu, répondit-il en ricanant et en me dévisageant des yeux.
-Parce que tu penses pouvoir me toucher ?
A mon tour je me mis à le dévisager, un sourire narquois sur les lèvres. Et sa réaction fut exactement celle que j'espérais.
Rapide, il s'approcha pour me frapper. J'esquivais habilement et le bousculais fortement. Il mangea le sol et je m'accroupis aussitôt à sa hauteur.
-C'est tout ce que tu es capable de faire, louveteaux ?
Son aura explosa dans la ruelle alors qu'il se relevait difficilement en me fusillant du regard. Mais j'étais déjà sur pied et au bout de la petite rue. Je tournais aussitôt à droite à la recherche d'un lieu un peu plus adapté alors que Jonas peinait à se relever, aidé des deux autres.
Je me mis à ricaner, à savourer le fait que mon corps brûlait de frissons contenus causés par l'anticipation.
Celle que j'avais pendant une traque. Cette sensation qui me prenait aux tripes. L'ultime moment d'entre-deux. Celui d'avant la mort. Avant que l'adrénaline ne se déverse dans mes veines à la puissance d'un raz-de-marée. Cette douce exaltation presque malsaine, capable de toutes les folies quand une vie était en jeu.
Je frémis d'impatience alors que mon corps me réclamait du sang.
Beaucoup de sang.
Et je savais que si je ne cédais pas rapidement à la tentation, il y aurait des cadavres.
Tellement de cadavres...
J'essayai de réfréner mes instincts les plus bestiaux alors que cette folie meurtrière continuait à grignoter progressivement le peu de raison qu'il me restait encore. Elle s'infiltrait comme du poison dans mes veines, envahissait tout mon être et s'accrochait à moi à la manière d'une sangsue.
-Il s'isole les gars !
Un sourire que je savais sombre s'étala sur mon visage alors que je me dirigeai vers une autre ruelle mal éclairée. Les bâtiments étaient si proches les uns des autres qu'on avait l'impression qu'ils enfermaient même la nuit.
Parfait.
Serein, je me mis à siffloter un air de musique si délicat à mes oreilles... Celui qui m'accompagnait chaque fois que j'étais sur le point de conclure une traque. Que j'étais sur le point de tuer.
Tapis dans l'ombre, j'entendis leurs lourds pas marteler le sol. Leur respiration erratique. Leurs voix étouffées par l'appréhension.
Et leurs battements de cœurs. Saccadés, désordonnés par la peur.
Je me léchai les lèvres en me délectant de cette symphonie désarticulée. Mais si douce. Tellement douce...
-Merde ! Il est passé où ?
Pars, enfuis-toi.
-On se sépare ! Aleksander, tu prends la porte de gauche. Andreas, tu prends celle de droite. Je continue tout droit.
Loin, loin de moi
-T'es sûr que c'est une bonne idée ? On devrait rester ensemble les gars ! Dit-il nerveusement.
Cache-toi
-De quoi t'as peur ? On est des loups Andreas alors bouge-toi ! Cracha-t-il.
Fais en sorte que je ne te retrouve pas
-J'espère que tu sais ce que tu fais, Jonas.
Les deux portes se refermèrent en un bruit sourd, laissant le blondinet à ma merci la plus totale.
Ou ton cadavre on découvrira.
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