Après ma virée dans la forêt, j'étais parti en ville, prétextant quelques achats à faire pour ma nouvelle maison. Mon loup, quant à lui, sommeillait doucement en moi, apaisé, même si je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il ne dormait que d'un œil. Il était à l'affut du moindre bruit suspect.
Et il faisait bien. Car trois loups de David Jones me surveillaient. Loin d'être discrets, je les avais repérés dès que j'avais mis un pied dehors. Depuis, ils me collaient aux basques.
Et si au départ j'avais été plus qu'agacé, j'étais désormais ravi. Je ne m'étais pas entraîné depuis une petite semaine. Depuis ma dernière mission en soit. Aussi, ils représentaient un excellent divertissement pour moi. Et j'allais voir de suite si j'étais rouillé ou non.
Je ricanai en jetant un œil par-dessus mon épaule. Les trois petits loups se disputaient pour savoir qui devrait contourner par la droite pour continuer la filature. Vraiment... Je ne savais pas si je devais être effaré ou amusé par la bêtise de ces trois-là. A quoi jouait donc David Jones pour me faire suivre par trois garous inexpérimentés ? Me sous-estimait-il ou cela faisait-il partit d'un test ? Etrangement, j'avais du mal à croire cet alpha stupide. Mais qu'attendait-il dans ce cas ?
Je secouai soudainement la tête pour me remettre les idées en place. J'aurai tout le temps de penser à cela plus tard. Pour le moment, je devais m'occuper de me débarrasser des trois idiots derrière moi. Et pour ça il n'y avait rien de plus simple que de les rendre impatients.
Ma petite idée en tête, je commençai par m'intéresser à une petite boutique sur ma droite. La façade semblait défraichie depuis longtemps et la pancarte « Le bazar de Salem » tenait par on ne sait quel miracle. Je finis néanmoins par rentrer et un son de cloche prévint mon arrivée. J'eus juste le temps de voir mes trois poursuivants s'arrêter devant le magasin avec un air dépité avant que la porte ne se referme. J'esquissai un rictus avant de me retourner pour observer l'intérieur.
Et le moins que je puisse dire est que c'était étriqué. Étriqué et poussiéreux. Cet endroit sentait le renfermé, la poussière et un petit quelque chose que je ne saurai nommer. C'était étrange. Je n'en tins pas compte et commençais à avancer, faisant bien attention à ce qu'il y avait sur mon chemin. C'était... bordélique aussi. Les objets s'entassaient les uns sur les autres, si bien que j'avais du mal à distinguer quoi que ce soit. Comment un homme pouvait-il vivre dans un tel bazar ? Le nom de la boutique n'avait rien de figuré.
-Je peux vous aider ?
Je sursautais et me retournais rapidement. Je ne l'avais pas entendu arriver. Peu de personne pouvait s'en vanter. Et pourtant... Et pourtant ce vieil homme se tenait devant moi, sans sourciller. Seul un léger sourire en coin trahissait son amusement. Ça et ses yeux. Pétillants. Plein de vie malgré son âge. Cet homme... Il y avait quelque chose d'indéfinissable chez lui. Il était intriguant. Ce n'était pas le charisme qu'il dégageait. Non... c'était autre chose. D'intouchable, d'insaisissable. De si fugace que je doutais un instant. Je clignais rapidement des yeux. Mais qu'est-ce que...
-Venez, j'ai quelque chose à vous montrer.
Je suivis ce vieil homme sans hésitation. Ma curiosité me tiraillait. J'avais envie d'en savoir plus sur lui. Sur ce qu'il était. Parce qu'il n'était pas humain. C'était d'ailleurs la seule chose que je pouvais affirmer sans me tromper. Pour le reste... Il était un véritable mystère.
Je le détaillais, essayant d'apprendre quelque chose de plus sur lui. N'importe quoi. Mais il n'avait aucun signe distinctif. Ses vêtements étaient banals, il n'avait ni bague ni tatouage, ni aucune autre chose que pourrait le différencier d'un autre. En cet instant il pouvait choisir d'être n'importe qui que je n'y verrai que du feu. Et je n'aimais pas ça. Savoir qu'une personne pouvait m'échapper sans que je m'en apercevoir me frustrait au plus haut point. J'étais un chasseur. Et comme n'importe quelle personne appartenant à cette communauté, je ne supportais pas la possibilité qu'une proie puisse m'échapper. Parce que c'est ce qu'il était devenu en me surprenant de la sorte. Un danger potentiel, une cible, une proie.
-Nous y voilà.
Je me détournai un instant de sa silhouette pour apercevoir le lieu où nous étions. Un bureau, quelques chaises et une armoire. Nous devions être dans sa pièce de travail qui étrangement était bien rangée. La suspicion m'envahit aussitôt. Je ne savais pas qui était cet homme mais j'allais devoir m'en méfier. La différence entre les deux pièces était trop flagrante. Je passais d'un bordel sans nom à une pièce où tout semblait être rangé au millimètre près. Ce n'était pas normal. Pour autant je n'en montrais rien et me tournais vers cet homme qui m'observait déjà.
-Pourquoi m'avoir emmené ici ?
L'homme me sourit, de façon énigmatique et alla se poster devant l'armoire. Il fouilla dedans quelques secondes avant de me donner un vieux, très vieux parchemin. Je pouvais à peine déchiffrer les lettres.
-Je ne comprends pas.
-Vous ne posez pas les bonnes questions, Hauge.
Je ne cherchais pas à comprendre et bougeai. Rapidement. Avant qu'il n'ait le temps de faire quoi que ce soit, l'homme se retrouva collé au mur, placardé par quatre poignards, chacun touchant légèrement un point vital. Le cinquième était sous sa gorge, tranchant la peau fine de son cou.
-Qui êtes-vous ?
Ma voix me semblait caverneuse, même à mes propres oreilles. Pour autant, l'homme n'en tint pas compte et soutint mon regard dans un mélange de sérieux et d'euphorie.
-Je ne suis pas votre ennemi, Damian.
-Prouvez-le.
J'eus à peine le temps de finir ma phrase qu'il disparut. Je me retournais frénétiquement, cherchant la moindre trace de sa présence. Dans l'armoire, sous le bureau, tout y passa. Mais rien à faire. Cet enfoiré avait disparu. Seul son rire se répercutait inlassablement sur tous les murs de la pièce, cherchant à me rendre fou.
Il me narguait, voulait me pousser à bout. Et pour la première fois depuis longtemps, il réussissait là où tout le monde avait échoué. Je n'étais plus ce petit garçon impulsif, incapable de se maîtriser. J'avais suivi un entraînement, j'étais sensé être un homme qui garde son sang-froid en toute éventualité. Et pourtant... Il lui avait suffi d'un simple mot.
Hauge... C'était un nom que je n'avais plus entendu depuis bien longtemps.
Je ne voulais plus l'entendre.
Jamais.
-Merde !
Je me passai la main dans les cheveux, impuissant, énervé comme je l'avais rarement été. Comment... Comment avait-il pu savoir ? Mais surtout comment avait-il pu disparaître comme ça ? Il n'avait rien laissé. Il n'y avait aucun indice. Je ne comprenais pas.
Je soupirai et focalisais mon attention sur le pan de mur où les quatre poignards étaient encore fichés. Il n'y avait aucune goutte de sang. Ça non plus, je ne me l'expliquai pas.
-Trop fougueux.
Mon dernier poignard partit aussitôt. Je me retournais et vis le vieillard, face à moi, le couteau dans la gorge. Pourtant il souriait, d'un rictus plein de malice. Je n'eus le temps de faire quoi que ce soit qu'il se dématérialisa sous mes yeux. Son image s'affaissa, tomba en un million de morceaux au sol sous mon regard surpris.
-C'est bon tu es calmé ?
Je serais mon poing mais il n'y avait que du vide. Mes couteaux avaient tous été jetés. Tant pis, je ferai sans. Je m'élançai rapidement vers lui mais avant d'avoir pu comprendre quoique ce soit, je me retrouvais cloué au mur, incapable de bouger.
Je rugis, impuissant. Sa main vint effleurer ma joue, la caressant légèrement et je me figeai instantanément. Aucun de mes membres ne me répondait, seuls mes yeux pouvaient encore bouger librement. Cet enfoiré...
-Regarde ce que tu m'obliges à faire.
Je le foudroyais du regard, furieux. L'homme soupira théâtralement avant de ricaner comme un dément. Il était fou. Fou à lier. Il y avait en lui une noirceur presque palpable. Qui menaçait de l'engloutir à tout instant. Et pourtant son expression changea en une fraction de seconde et il devint aussi lumineux qu'il était possible de l'être. Il me sourit tendrement et sa main se perdit dans mes cheveux. Je restai un instant décontenancé avant de comprendre qui j'avais en face de moi.
Je me demandais comment je n'avais pas pu faire le lien avant. Cette façon de me surprendre, la dématérialisation, les deux facettes de sa personnalité... Il n'y avait qu'une espèce pour correspondre à ces critères.
Les sorciers. Et celui que j'avais en face de moi devait être vieux, très vieux pour avoir un niveau aussi élevé. Je n'étais pour lui en cet instant qu'une marionnette avec laquelle il s'amusait.
-Tu es disposé à m'écouter petit loup ?
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